24 décembre 2015

Les Conspirateurs (1944) de Jean Negulesco

Titre original : « The Conspirators »

Les conspirateursPendant la seconde guerre mondiale, un résistant hollandais recherché par les allemands arrive à Lisbonne, ville neutre, en vue d’embarquer pour l’Angleterre. Là, il fait fortuitement la rencontre d’une jeune femme impliquée dans un réseau qui combat les nazis… Sorti fin 1944 aux Etats-Unis (1948 en France), Les Conspirateurs reprend le schéma de Casablanca (1942) sur de nombreux points : un résistant arrivant dans une ville neutre, une femme qui n’aime pas son mari mais qui reste avec lui par devoir moral, un amour impossible entre les deux sur fond de traque par les nazis. Si l’on ajoute la présence de Paul Henreid, Peter Lorre et Sydney Greenstreet, sans parler du directeur de la photographie Arthur Edeson et de la musique de Max Steiner, il paraît indéniable que la Warner a tenté de dupliquer le succès du film de Michael Curtiz. Malgré le talent de Jean Neguslesco, le résultat est hélas loin d’être comparable, sans cette atmosphère si particulière ou cette alchimie entre les acteurs qui auraient porté le film. Aucune tension ne s’installe, y compris dans la scène finale du casino, particulièrement fade. Hedy Lamarr est heureusement là pour nous sauver de l’ennui, très belle comme toujours, mais elle n’exprime pas cette pointe de fragilité dont son personnage aurait eu besoin.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Hedy Lamarr, Paul Henreid, Sydney Greenstreet, Peter Lorre, Victor Francen, Joseph Calleia
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The Conspirators
Hedy Lamarr dans Les Conspirateurs de Jean Negulesco.

22 octobre 2015

Ordre de tuer (1958) de Anthony Asquith

Titre original : « Orders to Kill »
Autre titre français : « Ordres d’exécution »

Ordre de tuerPendant la Seconde Guerre mondiale, un jeune pilote de bombardier américain est affecté à une mission spéciale : il doit aller à Paris, alors occupé par les allemands, tuer un agent de transmission soupçonné d’être un agent double. Enthousiaste, le jeune homme est d’abord envoyé en Angleterre pour un court entrainement avant d’être parachuté en France… Basé sur un livre de Donald Downes dans lequel il racontait sa propre histoire, Orders to Kill ne fait pas partie des films les plus connus du réalisateur anglais Anthony Asquith (bien qu’il ait été nominé à Cannes en 1958). Sur le fond, il met en évidence le dilemme ressenti par un jeune militaire dans une situation à laquelle il n’est pas préparé. Il interroge à la fois sur la différence entre infliger la mort en voyant sa victime ou pas et sur la notion qu’une guerre tue à la fois coupables et innocents, deux questions qui sont toujours très actuelles aujourd’hui (1). L’interprétation est parfaite, en particulier celle de Paul Massie, acteur canadien dont c’est le premier film mais qui n’a que peu tourné ensuite, et de Leslie French, acteur anglais (le nom est trompeur !) qui a surtout tourné pour la télévision. L’ensemble est de très bonne facture.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eddie Albert, Paul Massie, Lillian Gish, Irene Worth, Leslie French
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Orders to kill
Leslie French et Paul Massie dans Orders to Kill d’Anthony Asquith

Remarque :
* Bien qu’en bonne place sur l’affiche, Lillian Gish n’a vraiment qu’un très petit rôle, n’apparaissant que dans les trois premières minutes comme la mère du héros.

(1) Ces question sont d’autant plus actuelles depuis l’utilisation de drones où le pilote assiste au résultat de ses frappes.

16 août 2015

Les évadés de la nuit (1960) de Roberto Rossellini

Titre original : « Era notte a Roma »

Les évadés de la nuit
Italie, 1943. Trois officiers alliés, un britannique, un américain et un russe, sont recueillis par une jeune femme qui les cache dans son grenier à Rome, alors occupée par les allemands… Quinze ans après Rome ville ouverte, Rossellini revient sur cette époque des derniers mois de la guerre, transition entre le fascisme et la libération de l’Italie. En dehors du sujet, tout semble séparer les deux films et on ne croit guère, du moins pas assez, à cette histoire quelque peu alourdie par des éléments mélodramatiques. Il reste toutefois de nombreuses belles scènes, parfois même assez marquantes, avec un rapprochement intéressant entre les convictions humanistes des ecclésiastiques et celles du mécanicien communiste engagé dans la Résistance.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Leo Genn, Giovanna Ralli, Sergey Bondarchuk, Peter Baldwin, Renato Salvatori
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Les évadés de la nuit
George Petrarca et Giovanna Ralli dans Les évadés de la nuit de Roberto Rossellini

Les évadés de la nuit
Leo Genn, Sergey Bondarchuk et Peter Baldwin dans Les évadés de la nuit de Roberto Rossellini

8 mars 2015

Le Labyrinthe de Pan (2006) de Guillermo del Toro

Titre original : « El laberinto del fauno »

Le labyrinthe de PanDans l’Espagne de 1944, Carmen, récemment remariée, s’installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, un brutal capitaine de l’armée franquiste qui traque les Résistants. La fillette découvre près de la maison un labyrinthe gardé par une étrange créature magique qui lui révèle qu’elle est une princesse disparue et qu’elle doit affronter trois épreuves pour rejoindre son royaume… Le labyrinthe de Pan est un film assez étonnant car il réussit à combiner dans un même film deux histoires totalement différentes, deux mondes parallèles : le monde réel, celui d’un capitaine fasciste brutal, dénué d’humanité, et le monde fantastique, celui que s’invente la fillette pour échapper au premier, peuplé de fées et de faunes malicieux. Tout pourrait opposer ces deux mondes antinomiques mais Guillermo del Toro réussit l’impossible de créer un ensemble cohérent. Le monde réel déteint sur le monde imaginaire qui prend souvent des allures inquiétantes. A noter que ce n’est pas un film pour enfants, certaines scènes (du monde réel) sont franchement insoutenables. La mise en scène de Guillermo del Toro est superbe, très fluide. La photographie est très belle et les décors fantastiques font preuve d’une très grande inventivité, les effets spéciaux sont parfaitement utilisés. Avant Le labyrinthe de Pan, le réalisateur espagnol avait surtout réalisé des films d’action. Il a donc surpris tout le monde avec ce film qui est une belle allégorie de la lutte contre la barbarie, pour la liberté.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ivana Baquero, Sergi López, Maribel Verdú, Doug Jones, Ariadna Gil
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Ivana Baquero dans Le labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro
Ivana Baquero dans Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro

3 mars 2015

Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Titre original : « Paisà »

PaïsaSix sketches dans l’Italie en guerre entre l’été 1943 et le printemps 1945. 1) En Sicile, lors du débarquement de juillet 1943, une petite troupe de soldats américains se fait guider par une jeune fille qui sera accusée à tort. 2) A Naples, un gamin vole les chaussures d’un soldat américain. Lorsqu’il retrouve l’enfant, il entreprend de le ramener à ses parents mais découvre qu’il est orphelin et vit dans une misère la plus totale. 3) A Rome, une jeune fille devenue prostituée ramasse un soldat américain saoul et reconnait celui qu’elle avait accueilli six plus tôt et qui avait promis de venir la chercher. 4) A Florence, en pleine bataille pour la libération de la ville, une infirmière anglaise cherche à rejoindre le chef des partisans avec qui elle avait eu une aventure avant la guerre. 5) Dans l’Apennin du Nord, trois aumôniers militaires américains sont accueillis pour la nuit dans un couvent franciscain. Lorsque les moines réalisent que l’un est protestant et l’autre juif, ils décident de jeuner pour obtenir leur conversion. 6) Dans le delta du Pô, des partisans en petit nombre et quelques parachutistes alliés se battent désespérément contre les Allemands dans les marais… En suivant la progression des Alliés, du sud au nord, les six sketches de Païsa nous dressent un portrait de l’Italie se libérant du joug allemand, un portrait d’un réalisme presque documentaire et présentant la situation du peuple italien sous de nombreuses facettes. Tourné peu de temps après les évènements qu’il relate, au milieu du grouillement des rues encore emplies de soldats alliés et des décombres, Païsa est plus qu’un témoignage, c’est une réflexion sur l’avenir de son pays et des hommes qui le composent. Le plus étonnant, c’est le recul dont fait preuve Rossellini alors que ces évènements n’ont que quelques mois, que l’avenir est totalement incertain. La vision qu’il nous propose semble être à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. Rome, ville ouverte était une vision à l’échelle d’une ville, Paisa est à l’échelle d’un pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maria Michi, Harriet Medin, William Tubbs
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Païsa (1946) de Roberto Rossellini

Remarques :
* Coscénariste et assistant sur le tournage de Païsa, Federico Fellini raconte : « Je crois avoir appris de Rossellini ­ un apprentissage jamais traduit en paroles, jamais exprimé, jamais transformé en programme ­ la possibilité de marcher en équilibre au milieu des conditions les plus hostiles, les plus opposées, et en même temps la capacité naturelle de tourner à son propre avantage ces adversités, de les transformer en un sentiment, en des valeurs émotionnelles, en un point de vue. »

* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste de Rossellini ».

Païsa (1946) de Roberto Rossellini
Gar Moore et Maria Michi dans la troisième séquence de Païsa de Roberto Rossellini

24 février 2015

Rome, ville ouverte (1945) de Roberto Rossellini

Titre original : « Roma città aperta »

Rome, ville ouverteDans Rome occupée par les Allemands pendant l’hiver 1943-1944, la veuve Pina va se remarier avec Francesco, un jeune typographe qui travaille dans la clandestinité pour la Résistance. Il est en contact avec un de leurs chefs, communiste, et avec le curé du quartier qui leur fournit des faux papiers… Rome, ville ouverte est un film charnière dans l’histoire du cinéma : s’il n’est pas, à proprement parler, le premier film italien à s’inscrire dans le courant néoréaliste (1), il est celui qui a eu le plus grand impact sur son essor. En totale opposition aux films surfaits créés sous Mussolini, période dite des «Téléphones blancs» (2), le néoréalisme est plus proche de la réalité des spectateurs et emploie des acteurs non-professionnels (des « non-acteurs » comme le dira Rossellini, c’est-à-dire faire jouer un boulanger par un boulanger). Tourné peu après les évènements qu’il décrit, Rome, ville ouverte en exprime toute la réalité et le ressenti mais sa force profonde est certainement plus sur le plan de l’humanisme, par ces questionnements qu’il suscite sur la (re)définition d’un être humain.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Aldo Fabrizi, Anna Magnani, Marcello Pagliero
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Rome, ville ouverte
Anna Magnani dans Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini

Remarques :
* Basé en grande partie sur des faits réels, le scénario a été écrit principalement par Sergio Amidei et Roberto Rossellini, avec l’aide additionnelle de Federico Fellini et Alberto Consiglio.
* Rome a été déclarée « ville ouverte » en août 1943 après la destitution et l’arrestation de Mussolini. D’alliés, les allemands se sont alors transformés en occupants.
* Rossellini a tourné avec des moyens de fortune ce qui explique le manque de contraste de l’image.
* Rome, ville ouverte (1945), Paisa (1946) et Allemagne année zéro (1947) forment ce que l’on appelle « la trilogie néoréaliste sur la guerre de Rossellini ».

(1) Chronologiquement parlant, le premier film néoréaliste serait plutôt Les Amants diaboliques (Ossessione) de Luchino Visconti (1943).
(2) La période dite des « Téléphones blancs » (Telefoni bianchi) correspond à la brève période d’euphorie ambiante en Italie qui précédé la Seconde Guerre mondiale. Les films de cette époque mettaient souvent en scène des femmes riches dont les intrigues romantiques se déroulaient en partie au téléphone… Il y avait toujours au moins une scène où l’héroïne était au téléphone, toujours blanc, cette nouvelle couleur pour les téléphones étant alors synonyme de grand luxe.

6 août 2012

Les bourreaux meurent aussi (1943) de Fritz Lang

Titre original : « Hangmen also die! »

Les bourreaux meurent aussiEn 1942, le chef nazi Heyrich, « le boucher de Prague », est mortellement blessé par un résistant tchèque. Police et Gestapo recherchent activement l’auteur de l’attentat… C’est l’actualité qui a fourni à Fritz Lang et Bertolt Brecht un point de départ pour écrire le scénario de Les bourreaux meurent aussi. La collaboration ne déroulera pas sans heurt, les deux auteurs s’opposant sur de très nombreux points. Sous la forme d’un film policier, le film met en alerte et exhorte à faire front contre la barbarie. Si le déroulement du scénario peut paraître manquer parfois de rigueur, la tension et l’intensité montent progressivement dans une atmosphère oppressante bien rendue. On retrouve le thème du mensonge cher à Fritz Lang. Le film n’eut hélas que peu de succès. En France, il sortit (après la Libération bien entendu) dans une version écourtée (117mn au lieu de 134).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Brian Donlevy, Walter Brennan, Anna Lee, Dennis O’Keefe, Gene Lockhart
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Remarques :
* Le dénouement du film est (hélas) très différent de la réalité.
* Deux mois après Les bourreaux meurent aussi, un autre film sur l’assassinat de Heydrich est sorti sur les écrans : Hitler’s Madman (1943) de Douglas Sirk (son premier film aux Etats-Unis) avec John Carradine.