20 janvier 2017

Le diable par la queue (1969) de Philippe de Broca

Le Diable par la queuePour garder leur château délabré, une famille de nobles désargentés l’a transformé en hôtel. Mais comme les clients se font rares, ils s’arrangent avec le petit garagiste local pour que les voyageurs y fassent une halte forcée. Cela va amener au château des personnes très différentes  dont un cambrioleur de banques… Ecrit par Daniel Boulanger et découpé par Claude Sautet, Le diable par la queue est souvent décrit comme « marqué par l’esprit de Mai 68 » (en réalité, ce qualificatif s’appliquerait beaucoup plus justement au film précédent de Philippe de Broca, Le Roi de cœur tourné en… 1966). Il est certainement plus exact de dire qu’il s’agit d’une comédie légère et loufoque, gentiment amorale. Rien n’est sérieux ici, on séduit, on joue avec l’amour, sous toutes ses formes. Le film est empreint d’un plaisir communicatif. Yves Montand s’est visiblement bien amusé à composer ce méridional exubérant et charmeur et Marthe Keller en jeune nymphe aux longues jambes apporte une belle touche de fraîcheur mutine. Il y a de bonnes trouvailles de scénario, l’ensemble est fluide ; on s’amuse beaucoup.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yves Montand, Madeleine Renaud, Maria Schell, Marthe Keller, Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Claude Piéplu, Xavier Gélin
Voir la fiche du film et la filmographie de Philippe de Broca sur le site IMDB.

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Caméo :
Philippe de Broca interprète l’un des campeurs suédois.

Le diable par la queue
Madeleine Renaud et Yves Montand dans Le Diable par la queue de Philippe de Broca.

Le Diable par la queue
Clotilde Joano, Madeleine Renaud, Maria Schell et Marthe Keller dans Le Diable par la queue de Philippe de Broca (photo publicitaire).

Le Diable par la queue
Marthe Keller dans Le Diable par la queue de Philippe de Broca (photo publicitaire).

3 janvier 2017

Drôle de couple (1968) de Gene Saks

Titre original : « The Odd Couple »

Drôle de coupleFelix est totalement dévasté par la demande de divorce de sa femme. Ses amis craigne qu’il envisage le suicide. Oscar, journaliste sportif divorcé, lui propose d’emménager chez lui le temps qu’il se remette. Mais leurs tempéraments sont très différents. Oscar aime le désordre de sa vie de célibataire alors que Felix a la manie de tout ranger… Drôle de couple est basé sur une pièce de Neil Simon qui en a écrit l’adaptation. C’est une comédie assez amusante avec des dialogues assez enlevés mais qui a du mal à faire oublier ses origines théâtrales. Tout le film repose sur le grand talent de ses deux interprètes principaux : Jack Lemmon et Walter Matthau, ce dernier ayant joué la pièce à Broadway. Il est certainement dommage qu’elle n’ait été réalisée par un réalisateur plus créatif : on pense bien évidemment à Billy Wilder qui avait dirigé les deux acteurs dans The Fortune Cookie (La Grande Combine) deux ans auparavant (Wilder était d’ailleurs le premier choix de la Paramount mais les négociations ne purent aboutir). Drôle de couple fut un énorme succès populaire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Walter Matthau
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Remarques :
* Le succès poussa Paramount à en faire une série TV (avec Tony Randall et Jack Klugman dans les rôles principaux) qui dura cinq saisons de 1970 à 1975. Une deuxième série TV dura deux saisons en 1982-83. Une troisième série TV est actuellement en cours (2015- ?).
* Au cinéma, une suite vit le jour en 1998.

The Odd Couple
Walter Matthau et Jack Lemmon dans Drôle de couple de Gene Saks.

Drôle de couple
Jack Lemmon, Walter Matthau, Carole Shelley et Monica Evans dans Drôle de couple de Gene Saks.

Drôle de couple
Jack Lemmon et Walter Matthau dans Drôle de couple de Gene Saks.

24 décembre 2016

Le Guépard (1963) de Luchino Visconti

Titre original : « Il gattopardo »

Le GuépardSicile, 1860. Garibaldi et ses Chemises rouges débarquent sur l’île pour aider les siciliens à se soulever contre François II, roi des Deux-Siciles. Le Prince Salina observe les évènements avec résignation. Il voit son neveu, le jeune et bouillant Trancrède, rejoindre les insurgés sans toutefois partager leur aspirations… Le Guépard de Luchino Visconti est adapté du seul roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa (paru en 1958). Il traite d’une période que Visconti avait déjà abordée dans Senso (1954), celle de la naissance de l’état italien. Lampedusa et Visconti partagent la même nostalgie : Lampedusa s’est inspiré d’un des ses aïeuls pour créer le personnage du Prince et il est indéniable que Visconti s’est en partie identifié à ce personnage d’aristocrate très lucide qui assiste à la fin d’un monde. Le cinéaste prend donc un soin extrême dans la reconstitution et nous offre une fresque impressionnante par sa beauté et son ampleur. L’interprétation magistrale de Burt Lancaster éclipse toutes les autres. Claudia Cardinale a un très beau sourire (mais un jeu moins convaincant). Bien que le film soit d’une durée excessive (la fameuse scène finale du bal en est le plus bel exemple), l’ennui ne nous gagne à aucun moment. Palme d’Or à Cannes en 1963, Le Guépard est l’œuvre la plus célèbre de Visconti.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon, Romolo Valli, Terence Hill, Pierre Clémenti
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Le Guépard
Burt Lancaster, Alain Delon et Claudia Cardinale dans Le Guépard de Luchino Visconti.

Remarque :
Précédente vision

23 décembre 2016

Bonnie and Clyde (1967) d’ Arthur Penn

Bonnie et ClydeEtats Unis, années 30. Pour impressionner Bonnie qu’il vient de rencontrer, Clyde rançonne sous ses yeux un commerçant local et entraîne la jeune femme dans sa fuite. Se prenant au jeu, ils se mettent à braquer des petites banques et rapidement leur épopée devient plus sanglante… Avec Bonnie and Clyde, la Warner semble renouer avec sa grande spécialité du début des années trente : le film de gangster. Mais, sans renier cet héritage, Arthur Penn apporte un ton totalement nouveau. Empreint d’un certain lyrisme, son film est étonnamment complet avec de l’aventure, de l’humour, du tragique, de la critique sociale et de la violence. Arthur Penn refuse la linéarité et fait constamment des ruptures de ton et de rythme. On a beaucoup reproché à Arthur Penn d’avoir fait l’apologie de la violence, d’avoir idéalisé son couple de hors-la-loi. Il est vrai qu’il les représente comme des aventuriers totalement immatures et qu’il semble parfois vouloir en faire de grands héros romantiques, mais le propos de Penn est surtout de montrer qu’ils sont le fruit de leur époque, la Grande Dépression. Le couple cherche son identité et le côté fortement narcissique de leur comportement vient renforcer cette impression : ils se mettent en scène, fabriquent eux-mêmes leur mythe et scrutent l’image qu’ils renvoient. Le film a frappé par sa représentation de la violence : alors que l’Amérique est en pleine guerre du Vietnam, Arthur Penn estime que l’heure n’est plus à refuser de voir, il montre le sang (notamment lors de la mort du frère) afin de rendre la souffrance palpable. La scène finale reste dans les esprits (elle est toutefois très proche de la réalité). Un temps méprisé à sa sortie, notamment par la critique française, Bonnie and Clyde est indéniablement un film marquant, il a influencé les cinéastes du Nouvel Hollywood. Ce fut aussi un gros succès populaire.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Faye Dunaway, Michael J. Pollard, Gene Hackman, Estelle Parsons, Gene Wilder
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Remarques :
* Bonnie and Clyde est le premier long métrage pour le jeune Gene Wilder, qui apparaît dans un petit rôle.
* Lorsque le couple se réfugie dans un cinéma, on voit à l’écran le ballet musical We’re in the money (chantée par Ginger Rogers) extrait du film Chercheuses d’or (Gold Diggers of 1933) de Mervyn LeRoy (1933).
* L’utilisation d’un morceau fondateur du Bluegrass, Foggy Mountain Breakdown joué par Flatt & Scruggs en 1949, lors de certaines poursuites automobiles a fortement contribué à étendre la popularité de ce style de musique dans le monde.

Bonnie and Clyde
Gene Hackman, Warren Beatty et Faye Dunaway dans Bonnie et Clyde d’Arthur Penn.

Bonnie and Clyde
Faye Dunaway, Denver Pyle et Warren Beatty dans Bonnie et Clyde d’Arthur Penn.

Bonnie and Clyde
A gauche, la vraie Bonnie Parker (ca. 1932). A droite, Faye Dunaway dans Bonnie et Clyde d’Arthur Penn.

18 décembre 2016

Assassinats en tous genres (1969) de Basil Dearden

Titre original : « The Assassination Bureau limited »
Autre titre : « The Assassination Bureau »

Assassinats en tous genresAu tout début du XXe siècle, une jeune femme, ardente défenderesse de la cause féminine, désire devenir journaliste grâce à un scoop : enquêter sur une organisation criminelle spécialisée dans les crimes politiques qui a des agents dans plusieurs pays d’Europe. Elle contacte l’organisation pour lui faire une très étrange demande… Assassinats en tous genres est un film anglais basé sur un livre inachevé de Jack London. C’est une parodie de films d’espionnage et de complots avec une belle dose d’humour anglais de la meilleure veine. L’histoire, assez loufoque mais bien troussée, nous emmène dans plusieurs capitales européennes et joue avec l’Histoire : il y a un archiduc assassiné, une conférence de paix et Basil Dearden insère des images en noir et blanc pour faire croire à des images d’archives. Le rythme est enlevé et Basil Dearden confirme sa réputation de réalisateur soigneux. Diana Rigg, qui venait de terminer sa période Avengers, est particulièrement charmante en intrépide suffragette. L’ensemble se regarde avec plaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Oliver Reed, Diana Rigg, Telly Savalas, Curd Jürgens, Philippe Noiret
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Assassinats en tous genres
Oliver Reed et Diana Rigg dans Assassinats en tous genres de Basil Dearden.

Assassinats en tous genres
Telly Savalas et Curd Jürgens dans Assassinats en tous genres de Basil Dearden.

7 décembre 2016

La Planète des singes (1968) de Franklin J. Schaffner

Titre original : « Planet of the Apes »

La Planète des singesParti en 1972, un vaisseau spatial emporte ses quatre membres d’équipage à une vitesse proche de celle de la lumière. Au terme d’un voyage de 18 mois, équivalent à 2000 années terrestres (selon la théorie de la relativité restreinte), ils atterrissent en catastrophe sur une mystérieuse planète, au cœur d’une région désertique. Ils vont découvrir que ce monde est peuplé d’hommes primitifs dominés par une race de singes très évolués… Adapté du roman de Pierre Boulle, La Planète des singes est l’un des films de science-fiction les plus célèbres. Il est hélas souvent réduit à sa dernière scène, un puissant twist final qui donne un sens différent à tout ce qui le précède, mais le film est en réalité bien plus riche. Procédant par inversion des situations, La Planète des singes est une inépuisable source de réflexions philosophiques. Il aborde un nombre impressionnant de thèmes différents : le racisme, la place de la science, le rôle de la religion, la nature de l’homme, les chasses aux sorcières, la vivisection et il nous alerte sur les dangers de la prolifération des armes (nous sommes alors en pleine Guerre froide). Les studios ne croyaient guère dans le projet et le budget fut donc limité, réduisant la ville des singes à un petit village (inspiré de Gaudí). L’utilisation habile de décors naturels et les maquillages élaborés donnent beaucoup de force au film. Son impact visuel est puissant. Le succès fut important ce qui poussa Hollywood à faire de multiples suites, pas toujours avec bonheur…
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice Evans, Linda Harrison
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Remarques :
* L’adaptation du roman de Pierre Boulle a été écrite par Rod Serling, le créateur de La Quatrième Dimension, et Michael Wilson.
* Le scénariste Michael Wilson a été victime du maccarthysme : il est passé devant le House Un-American Activities Committee avnt d’être inscrit en 1951 sur la liste noire de Hollywood. C’est lui qui a eu l’idée d’ajouter la scène de simulacre de procès.

La Planète des singes
Scène de fin de chasse dans La Planète des singes de Franklin J. Schaffner.

La Planète des Singes
Charlton Heston, Linda Harrison, Kim Hunter, Roddy McDowall et Lou Wagner dans La Planète des singes de Franklin J. Schaffner.

La Planète des singes
L’homme en captivité dans La Planète des singes de Franklin J. Schaffner.

Tous les films :
A) Cinq films de 1968 à 1973 :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (1968) de Franklin J. Schaffner
Le Secret de la planète des singes (Beneath the Planet of the Apes) (1970) de Ted Post
Les Évadés de la planète des singes (Escape From the Planet of the Apes) (1971) de Don Taylor
La Conquête de la planète des singes (Conquest of the Planet of the Apes) (1972) de J. Lee Thompson
La Bataille de la planète des singes (Battle for the Planet of the Apes) (1973) de J. Lee Thompson.

B) Nouvelle adaptation du roman :
La Planète des singes (Planet of the Apes) (2001) de Tim Burton.

C) Série « Reboot » :
La Planète des singes : Les Origines (Rise of the Planet of the Apes) (2011) de Rupert Wyatt
La Planète des singes : L’Affrontement (Dawn of the Planet of the Apes) (2014) de Matt Reeves
La Planète des singes : Suprématie (War for the Planet of the Apes) (2017) de Matt Reeves.
La Planète des singes : Le Nouveau Royaume (Kingdom of the Planet of Apes) (2024) de Wes Ball

 

La Planète des Singes : le maquillage
Roddy McDowall en pleine séance de maquillage (4h30 tous les jours) pour La Planète des singes de Franklin J. Schaffner.

La Planète des Singes : Kim Hunter
Kim Hunter, avant et après maquillage pour La Planète des singes de Franklin J. Schaffner.

24 octobre 2016

Les Belles Années de Miss Brodie (1969) de Ronald Neame

Titre original : « The Prime of Miss Jean Brodie »

Les belles années de Miss BrodieEdimbourg, 1932. Jean Brodie est une enseignante dont les méthodes déconcertent la directrice. Célibataire, mais se considérant dans ses plus belles années, elle se dévoue entièrement à son enseignement. Elle initie ses élèves au culte du beau, veut leur apprendre à s’élever et s’attache profondément à certaines d’entre elles qu’elle appelle les « Brodie girls »… Adapté d’une pièce de Jay Preston Allen basée sur un roman de Muriel Spark, Les Belles Années de Miss Brodie nous plonge dans le monde de l’enseignement britannique. Le début, qui nous fait prendre en sympathie cette enseignante originale, nous laisse prévoir une classique confrontation méthodes modernes contre anciennes mais il n’en est rien. L’histoire évolue très subtilement et va nous faire voir la situation d’un oeil tout autre. En fait, le sujet n’est pas une réflexion sur la méthode mais plutôt sur l’enseignement en général, sur la responsabilité morale de l’enseignant face à la malléabilité de l’esprit des élèves. Accessoirement, il y a aussi toute une réflexion sur la notion d’idéal, dont la recherche pousse Miss Brodie jusqu’aux extrêmes : elle admire Mussolini et Franco, non pour leur politique mais pour l’idée d’idéal qu’ils semblent incarner à ses yeux. Plutôt plate, la mise en scène de Ronald Neame n’a rien de remarquable si ce n’est qu’il parvient parfaitement à gommer l’origine théâtrale du scénario. En revanche, la prestation de Maggie Smith est absolument exceptionnelle, elle parvient à restituer toute la richesse et la complexité de son personnage, avec une juste distance émotionnelle et aussi beaucoup de charme. L’actrice fut récompensée par un Oscar qui semble bien mérité. Comme si souvent dans les films anglais, tous les rôles sont très bien tenus.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maggie Smith, Robert Stephens, Pamela Franklin, Gordon Jackson
Voir la fiche du film et la filmographie de Ronald Neame sur le site IMDB.

Remarques :
* Sur scène, c’est Vanessa Redgrave qui incarnait Miss Brodie.
* La pièce fut également adaptée à la télévision (écossaise) en 1978 avec Geraldine McEwan dans le rôle principal.
* Pamela Franklin (18 ans au moment du tournage), qui interprète Sandy avec tant de présence, était loin d’être une débutante. C’est son neuvième film. Son premier rôle était d’incarner l’un des deux enfants de dix ans dans Les Innocents (1961) de Jack Clayton.
* Les pupitres des écolières durent être surélevés pour qu’elles paraissent plus jeunes. Les actrices étaient en effet âgées de 18 ans et plus, l’une d’entre elles était même déjà mère de famille.

Les Belles Années de Miss Brodie
Maggie Smith dans Les belles années de Miss Brodie de Ronald Neame.

Les Belles Années de Miss Brodie
Maggie Smith dans Les belles années de Miss Brodie de Ronald Neame.

Brodie girls
Les 4 Brodie girls : Pamela Franklin, Diane Grayson, Shirley Steedman et Jane Carr dans Les belles années de Miss Brodie de Ronald Neame.

20 octobre 2016

Lolita (1962) de Stanley Kubrick

LolitaUn professeur cinquantenaire tombe désespérément amoureux de la fille de sa logeuse… La réputation sulfureuse du roman de Nobokov rendait son adaptation délicate. La première difficulté était bien entendu de pouvoir passer la censure et de faire accepter le projet par les ligues de vertu, alors très puissantes. Faire vieillir Lolita de quelques années fut le premier stratagème : au lieu d’avoir 12 ans comme dans le roman, l’actrice Sue Lyon en avait 14 au moment du tournage et en paraissait deux de plus. Il fallut bien aussi mettre en sourdine l’aspect érotique du récit. Mais la difficulté principale était d’avoir suffisamment de talent pour ne pas faire de cette description d’un amour obsessionnel une histoire salace ou sordide. Du talent, Kubrick en a et, tout comme le charme du roman de Nabokov doit beaucoup à la très grande qualité de son écriture, le film Lolita est plus séduisant par le traitement qu’en fait Kubrick. Sa façon de construire ses scènes est assez remarquable. Côté acteurs, il leur a laissé une part d’improvisation et cela augmente d’autant l’authenticité. James Mason a juste ce qu’il faut d’ironie distante et Kubrick accentue le ton sardonique du récit avec le personnage joué par Peter Sellers, dont l’humour peut paraître décalé mais qui participe à l’équilibre global. En quelque sorte, il nous fait prendre du recul. Kubrick est aussi ironique envers l’american way of life avec l’insupportable mère de Lolita, jouée par Shelley Winters. La jeune Sue Lyon est étonnante par son alliance de charme et de complexité, exprimant toute l’ambigüité de son rôle : dès sa première scène, on se demande s’il s’agit d’une ingénue ou d’une manipulatrice. On ne le saura jamais. En revanche, le glissement de James Mason vers la folie est patent et son obsession pour une chose qu’il ne peut posséder finit par nous émouvoir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Shelley Winters, Sue Lyon, Peter Sellers
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Lolita
Sue Lyon dans Lolita de Stanley Kubrick.

Lolita
James Mason et Sue Lyon dans Lolita de Stanley Kubrick.

Lolita
Marianne Stone et Peter Sellers (au premier plan) écoutent subrepticement James Mason et Sue Lyon (à l’arrière plan) dans Lolita de Stanley Kubrick.

Remarques :
* Kubrick avait demandé à Nabokov d’écrire le scénario et s’en mordit les doigts quand il reçut un manuscrit de 400 pages. Il entreprit alors de le simplifier et de le transformer… Nabokov a estimé que Kubrick n’avait utilisé qu’environ vingt pour cent de son texte tout en s’estimant heureux du résultat.

* Kubrick a beaucoup développé le personnage de Clare Quilty (Peter Sellers) .

* Stanley Kubrick raconte : « L’un des problèmes majeur avec le livre, et avec le film, même dans son adaptation, c’est que le principal intérêt de l’histoire se résume à la question : « Est-ce qu’Humbert va coucher avec Lolita ? » … Pour éviter ce problème dans le film, Nabokov et moi, nous sommes tombés d’accord pour qu’Humbert tue Quilty sans explication dès le début, pour faire en sorte que le public se demande pendant tout le film ce que Quilty avait bien pu faire. » (interview de Joseph Gelmis, 1970)

* A l’origine, Peter Sellers devait se déguiser en femme pour jouer le rôle du psychologue scolaire (il existe une photo de tournage où l’on voit Sellers ainsi déguisé). Mais au dernier moment, Sellers et Kubrick sont tombés d’accord pour dire que ce serait trop exagéré et le personnage du Docteur Zemph fut inventé sur place.

Remake :
Lolita d’Adrian Lyne (1997) avec Jeremy Irons, Dominique Swain, Melanie Griffith

10 octobre 2016

Main basse sur la ville (1963) de Francesco Rosi

Titre original : « Le mani sulla città »

Main basse sur la villeNaples. Un entrepreneur immobilier, qui est aussi conseiller municipal, convainc le maire et ses adjoints de lui octroyer la construction d’un important chantier d’extension de la ville en leur faisant gagner de l’argent sur le prix des terrains. Parallèlement, un immeuble s’écroule dans un autre chantier du même entrepreneur faisant plusieurs victimes. L’opposition de gauche au conseil municipal exige une commission d’enquête… Avec Main basse sur la ville, Francesco Rosi dénonce la corruption des hommes politiques face à l’argent et étale au grand jour les rouages du jeu politique, du moins d’un style de jeu politique, celui dont la seule finalité est de conserver le pouvoir. Tout est permis, la morale traditionnelle ne semble plus avoir cours, « la seule faute est de perdre » dit l’un deux. Francesco Rosi et son scénariste, le napolitain Rafaele La Capria, se sont plongés dans les archives de la ville et ont assisté au conseil municipal qui est ici reproduit avec un grand réalisme. Le film peut paraître proche d’un documentaire, impression accentuée par le fait que toute psychologie des personnages a été évacuée (ce qui le distingue du cinéma politique américain) et que presque tous les acteurs sont des non-professionnels. Sans aucun manichéisme, Rosi parvient à insuffler une intensité dramatique à sa démonstration qui n’a rien perdu de son efficacité et dont le propos est hélas toujours assez actuel. Main basse sur la ville est incontestablement l’un des films les plus marquants du cinéma politique italien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rod Steiger, Salvo Randone
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Remarques :
* Rosi a visiblement utilisé des images réelles pour certaines scènes. C’est ainsi que l’on remarque le nom d’Aldo Moro sur des panneaux électoraux.
* Un plan est étonnant, celui où l’entrepreneur affairiste demande à son contradicteur « est-ce si condamnable de faire du profit quand on améliore les conditions de vie des gens ? » (dans la scène où Nottola fait visiter un logement neuf au conseiller De Vita). Ce qui est étonnant, c’est que Rosi a filmé Rod Steiger disant cette phrase en regard caméra, comme pour interpeller le spectateur, traduisant là ses propres interrogations.

Main basse sur la ville
Rod Steiger dans Main basse sur la ville de Francesco Rosi.

21 septembre 2016

Mickey One (1965) de Arthur Penn

Mickey OneUn jeune comique de scène s’attire les foudres de la Mafia après avoir profité de ses largesses. Se sachant ni pourquoi ni combien il doit rembourser, il préfère fuir Detroit, change d’identité et se réfugie à Chicago sans un sou. Il a toujours la crainte que la Mafia le retrouve… Troisième long métrage d’Arthur Penn, Mickey One est assez méconnu et même plutôt mal aimé. C’est un film très déroutant si l’on accorde de l’importance au déroulement narratif qui apparaît confus, frustrant même par son manque d’explications. Mais si l’on met cet aspect de côté, le film ne manque pas d’attrait : c’est l’exploration d’une paranoïa (on peut y voir une allégorie de la paranoïa anticommuniste américaine) qui met en relief la complexité de l’âme humaine. Réalisant son film en marge des grands studios, sans grands moyens mais en totale liberté, Arthur Penn paraît très influencé par la Nouvelle Vague française et, dans une moindre mesure, par le cinéma italien. Il n’hésite pas à prendre des libertés avec la construction, non sans maladresse certes, mais en gardant une certaine force dans ses personnages. Mickey One est un film qui mérite d’être (re)découvert.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Warren Beatty, Alexandra Stewart, Hurd Hatfield, Franchot Tone
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Mickey One
Warren Beatty dans Mickey One de Arthur Penn.

Micvkey One
Alexandra Stewart dans Mickey One de Arthur Penn.