30 octobre 2017

La Grande Combine (1966) de Billy Wilder

Titre original : « The Fortune Cookie »

La Grande combineLors d’un match de football américain, le caméraman Harry Hinkle est violemment heurté par le joueur Boom Boom Jackson. Le beau-frère d’Harry, un avocat peu scrupuleux, lui conseille de simuler la paralysie pour toucher l’assurance… Après le scandale de Kiss Me Stupid, Billy Wilder et I.A.L. Diamond se retrouvent comme « les parents d’un enfant à deux têtes qui n’osent plus avoir de rapports sexuels ». Les deux compères mettent finalement un terme à leur abstinence en écrivant cette comédie qui fustige cette fois, non plus la luxure, mais la cupidité. Dans ce portrait au vitriol, la vénalité est omniprésente, seul un personnage est épargné : le footballeur noir, dont la naïveté est toutefois trop excessive pour être crédible. L’équilibre entre la satire mordante et l’humour se révèle un peu délicat mais le film regorge de ces one-liners typiques de Wilder, le plus souvent de la bouche de Walter Matthau qui est vraiment le pilier de l’ensemble. L’acteur fut d’ailleurs récompensé par un Oscar. The Fortune Cookie n’est sans doute pas un grand Billy Wilder mais n’en est pas moins plus que plaisant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jack Lemmon, Walter Matthau, Ron Rich, Judi West, Cliff Osmond
Voir la fiche du film et la filmographie de Billy Wilder sur le site IMDB.

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Voir les livres sur Billy Wilder

Fortune Cookie
Ron Rich, Jack Lemmon et Walter Matthau dans La Grande Combine de Billy Wilder.

Remarques :
* Comme pour plusieurs de ses films des années soixante (The ApartmentOne, Two, ThreeKiss me Stupid), Billy Wilder reste fidèle au Cinémascope noir et blanc.
* Le tournage a du s’interrompre plusieurs semaines à la suite d’une crise cardiaque de Walter Matthau. Lorsqu’il fut en état de reprendre le tournage, l’acteur dut porter un gros manteau et autres rembourrages pour cacher sa perte de poids.
* Le premier de douze films avec le tandem Jack Lemmon / Walter Matthau.
* Aux Etats-Unis, on appelle « Fortune Cookie » le petit gâteau, servi à la fin du repas dans les restaurants chinois, dans lequel on trouve un morceau de papier où est écrit une maxime, une citation ou un « proverbe chinois ».
* Le film fut distribué au Royaume-Uni sous le titre Meet Whiplash Willie.
* 200 000 dollars de 1966 sont équivalents à 1 500 000 dollars d’aujourd’hui.

The Fortune Cookie
Jack Lemmon et Walter Matthau dans La Grande Combine de Billy Wilder (photo publicitaire).

The Fortune Cookie
Judi West, Jack Lemmon et Cliff Osmond dans La Grande Combine de Billy Wilder (photo publicitaire).

14 octobre 2017

L’île mystérieuse (1961) de Cy Endfield

Titre original : « Mysterious Island »

L'île mystérieuseDurant la guerre civile américaine, des soldats prisonniers profitent d’une tempête pour s’évader à bord d’un ballon. Ils partent à la dérive vers l’ouest, ballotés par les vents violents et finissent par s’échouer sur une île qui semble déserte… Ce film est l’adaptation la plus connue du roman de Jules Verne L’île mystérieuse qui fait suite à son roman 20 mille lieues sous les mers. Les producteurs craignant qu’une transposition fidèle soit ennuyeuse, des animaux géants et deux personnages féminins ont été ajoutés à l’histoire. Ces animaux géants sont animés en stop-motion par le maitre en la matière, Ray Harryhausen. Bien entendu, les incrustations paraissent voyantes à nos yeux modernes mais n’en sont pas moins remarquables pour l’époque. Une fois de plus, c’est le compositeur Bernard Herrmann (le compositeur attitré d’Alfred Hitchcock) qui donne à ces animations toute leur puissance. L’ensemble est de bonne facture, assez prenant et se regarde aujourd’hui sans déplaisir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Michael Craig, Joan Greenwood, Michael Callan, Gary Merrill, Herbert Lom
Voir la fiche du film et la filmographie de Cy Endfield sur le site IMDB.

Remarque :
* Les extérieurs sur l’île ont été tournés en Espagne.

Adaptations du roman de Jules Verne :
L’île mystérieuse (The Mysterious Island) (1929) de Lucien Hubbard avec Lionel Barrymore (muet sonorisé)
Tainstvennyy ostrov (1941) du russe Eduard Pentslin
Mysterious Island (1951) de Spencer Gordon Bennet avec Richard Crane
L’île mystérieuse (Mysterious Island) (1961) de Cy Endfield
L’île mystérieuse (La isla misteriosa) (1973) de Juan Antonio Bardem et Henri Colpi avec Omar Sharif (également décliné en série TV).
L’île mystérieuse (Mysterious Island) de Russell Mulcahy (2005, TV) avec Kyle MacLachlan et Patrick Stewart
Voyage au centre de la Terre 2: L’île mystérieuse (Journey 2: The Mysterious Island) de Brad Peyton (2012) avec Dwayne Johnson et Michael Caine
Jules Verne’s the Mysterious Island (2012) de Mark Sheppard

L'île mystérieuse
Dan Jackson, Michael Callan, Gary Merrill, Michael Craig et Percy Herbert dans L’île mystérieuse de Cy Endfield.

L'île mystérieuse
Gary Merrill, Beth Rogan et Joan Greenwood dans L’île mystérieuse de Cy Endfield.

6 octobre 2017

L’inquiétante dame en noir (1962) de Richard Quine

Titre original : « The Notorious Landlady »

L'inquiétante dame en noirUn jeune diplomate américain (Jack Lemmon) muté à Londres postule pour louer un appartement auprès d’une ravissante jeune femme (Kim Novak). Il ignore qu’elle est suspectée d’avoir assassiné son mari qui a disparu sans que l’on ait jamais retrouvé le corps… Blake Edwards a co-écrit le scénario de ce Notorious Landlady, une comédie qui rassemble Kim Novak et Jack Lemmon pour la troisième fois (après Phffft en 1954 et Bell, Book and Candle en 1958). Fred Astaire est le troisième larron sur l’affiche, ici dans un rôle non dansant qui apporte une petite touche de classicisme à l’ensemble. Jack Lemmon joue avec sa nonchalance habituelle et assure à lui seul tout l’humour. Le film peut être décrit comme une parodie des films de suspense à la Hitchcock. Cette amusante comédie n’eut bizarrement que peu de succès à sa sortie et c’est sans doute pour cette raison qu’il est très rarement cité dans les filmographies. Assez injustement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kim Novak, Jack Lemmon, Fred Astaire, Lionel Jeffries
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The Notorious Landlady
Jack Lemmon et Kim Novak (qui n’est à aucun moment habillée en noir) dans L’inquiétante dame en noir de Richard Quine.

The Notorious Landlady
Lionel Jeffries, Fred Astaire et Jack Lemmon dans L’inquiétante dame en noir de Richard Quine.

The Notorious Landlady
Jack Lemmon, Richard Quine et Kim Novak sur le tournage de L’inquiétante dame en noir de Richard Quine.

Remarque :
* A cette époque, Jack Lemmon aidait son père dont le cancer était dans un stade très avancé. John Uhler Lemmon II a un petit rôle de figuration. Lors du concert en plein air à la fin du film, il est l’un des hommes âgés en chaise roulante, on le voit dans un rapide gros plan. Il décèdera quelques semaines plus tard.

8 septembre 2017

Alamo (1960) de John Wayne

Titre original : « The Alamo »

Alamo1836. Le Texas, alors mexicain, lutte pour son indépendance. Le général Sam Houston demande au colonel Travis de tenir coûte que coûte le Fort Alamo vers lequel se dirigent les troupes du dictateur mexicain Santa Anna. Il recevra l’aide de Davy Crockett… A côté de sa carrière d’acteur, John Wayne a également réalisé deux longs métrages. Alamo est le premier d’entre eux (1), écrit sur mesure par James Edward Grant. L’acteur n’est pas réputé pour ses idées progressistes mais, miraculeusement, il abandonne beaucoup de ses partis-pris dès qu’il s’agit de western. Tout en prenant des libertés avec la réalité historique, Alamo prône les valeurs républicaines et met en valeur l’héroïsme de ceux qui sont morts pour elles. Le film a certains atouts mais il paraît interminable (2h40 dans sa version courte) et la bataille tant annoncée se fait quelque peu attendre. Le propos reste basique et les dialogues sont assez pesants. En revanche, les scènes de combat sont réussies avec une impressionnante figuration de 7000 hommes et 1500 chevaux. A noter que les mexicains sont décrits, eux-aussi, comme courageux (2). La photographie est assez belle, ce qui n’est guère étonnant quand on sait qu’elle est l’œuvre de William Clothier qui a si souvent travaillé pour John Ford. Le film a connu un certain succès populaire.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Wayne, Richard Widmark, Laurence Harvey, Frankie Avalon, Patrick Wayne, Linda Cristal
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Pour lire une présentation (très) enthousiaste : DVDClassik

Remarques :
* John Ford a dirigé certaines scènes mais il est difficile de savoir exactement combien car les témoignages sont contradictoires sur ce point. Cliff Lyons a également réalisé avec une seconde équipe.
* La durée d’Alamo fut réduite de 40 minutes quelques semaines après sa sortie. D’abord considérée comme perdue, la version complète (200 minutes) a refait surface dans les années 80.

(1) Le second sera Les Bérets verts (1968), film réactionnaire et raciste sur la Guerre du Vietnam, et formellement très en deçà d’Alamo.
(2) Rappelons que les deux premières épouses de John Wayne étaient mexicaines (la troisième était péruvienne).

Alamo
Richard Widmark et John Wayne dans Alamo de John Wayne.

Alamo
Un des plus beaux plans d’Alamo : David Crockett et sa troupe émergeant d’une colline où se tiennent ses deux éclaireurs. C’est beau comme du John Ford!

6 septembre 2017

Quand la chair succombe (1962) de Mauro Bolognini

Titre original : « Senilità »

Quand la chair succombeA Trieste dans les années vingt, Emilio, un modeste employé de bureau âgé d’une quarantaine d’années, fait la rencontre de la jeune Angiolina dont la beauté le bouleverse. Emilio ne veut s’engager, préférant ne pas bousculer la vie qu’il mène avec sa sœur, solitaire comme lui… Senilità est l’adaptation du roman homonyme d’Italo Svevo. Qu’il s’agisse d’un roman autobiographique (Svevo avait alors 37 ans) témoigne d’une extraordinaire lucidité de son auteur dans le regard qu’il porte sur lui-même. La sénilité dont il est question dans le titre est celle de ce quarantenaire, éternel irrésolu, vieux avant d’avoir vécu. Le récit est assez fort, d’une belle profondeur (contrairement à ce que le titre français pourrait laisser croire). Des quatre acteurs principaux, seule Claudia Cardinale est italienne. Le film pâtit certainement de cette distribution cosmopolite et des doublages induits. La prestation de l’américain Anthony Franciosa n’exprime qu’imparfaitement la complexité de son personnage. La photographie est très belle, assez picturale. Bolignini nous livre un beau portrait de la ville de Trieste, brumeuse et pluvieuse. Senilità est un film sombre et assez remarquable, injustement méconnu.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Claudia Cardinale, Anthony Franciosa, Betsy Blair, Philippe Leroy
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Remarque :
* Le film transpose le roman de Svevo dans les années 1920. Le réalisateur explique : « Le livre a été publié en 1898, cependant son édition définitive, très différente de la première, date de 1927. Le succès ne vint pas tout de suite, Svevo ne fut reconnu que dans les années vingt. […] Par ailleurs, il était plus facile de reconstituer la ville pour le tournage : retrouver la Trieste du XIXe siècle aurait été très dur. Le choix des années vingt fut à la fois technique et littéraire. » (Entretien avec Jean A. Gili, Rome décembre 1976 in : Le cinéma italien, UGE 10/18, Paris, 1978)
A noter que la ville de Trieste était encore autrichienne lorsque Svevo y a écrit son roman.
* Doublages :
Romolo Valli double Anthony Franciosa
Adriana Asti double Claudia Cardinale (!)
Lilla Brignone double Betsy Blair
Giuseppe Rinaldi double Philippe Leroy.

Senilità
Anthony Franciosa et Claudia Cardinale dans Senilità de Mauro Bolognini.

Senilità
Nadia Marlowa, Claudia Cardinale et Philippe Leroy dans Senilità de Mauro Bolognini.

Senilità
La ville de Trieste dans Senilità de Mauro Bolognini.

30 août 2017

Laura nuda (1961) de Nicolò Ferrari

Laura nudaLaura n’a pas encore vingt ans. Elle n’est guère enthousiaste d’accepter la demande de Franco, jeune homme très sage qui la presse de l’épouser. Elle s’interroge sur son devenir, sa relation avec les hommes, la place que la femme doit tenir… Malgré un titre quelque peu racoleur (exploité par les distributeurs comme on peut le voir sur l’affiche), Laura nuda est un film sensible, assez délicat qui questionne la place de la femme dans la société des années soixante. Laura est très belle, les fiancés potentiels se bousculent devant elle mais elle n’en tire aucune vanité. Cela provoque chez elle plutôt un certain désenchantement car elle ressent que l’intérêt des hommes se placent surtout sur le plan de la sexualité. En outre, l’empressement de sa meilleure amie à se jeter dans le mariage et la maternité la laisse dubitative. Nicolò Ferrari, qui a coécrit le scénario, trouve le ton juste pour ce portrait générationnel qui a un petit parfum de Nouvelle Vague (plus sur le fond que sur la forme qui reste classique). Giorgia Moll, actrice rare, donne une belle interprétation de son personnage. Totalement inédit en France (jusqu’à sa diffusion en 2017 au Cinéma de Minuit de Patrick Brion), Laura nuda est vraiment une étonnante découverte.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Giorgia Moll, Tomas Milian, Anne Vernon, Nino Castelnuovo
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Remarque :
* Nicolò Ferrari est âgé de 32 ans au moment du tournage. Il a été auparavant assistant-réalisateur sur le Bel Antonio de Mauro Bolognini (1960) et a participé à l’écriture de deux films de la série des Hercule sous le pseudonyme Archibald Zounds Jr. Par la suite, il réalisera un second long-métrage en 1970 et, bien plus tard, trois documentaires. Ceci explique qu’il soit absent des dictionnaires de réalisateurs et des livres sur le cinéma italien.

Laura Nuda
Nino Castelnuovo (debout), Anne Vernon, Giorgia Moll et Françoise De Quental dans Laura nuda de Nicolò Ferrari.

Giorgia Moll
Giorgia Moll (portrait de la Warner, donc probablement ca. 1963).

5 août 2017

La Grande Pagaille (1960) de Luigi Comencini

Titre original : « Tutti a casa »

La Grande pagaille8 septembre 1943. Un armistice est signé assez précipitamment entre l’armée italienne et les forces alliées. Du jour au lendemain, italiens et allemands se retrouvent ennemis. A la tête d’un petit détachement, le lieutenant Innocenzi (Alberto Sordi) ne peut rejoindre sa caserne prise par les allemands. Livrés à eux-mêmes, sans ordres supérieurs, les soldats n’ont qu’une idée en tête : rentrer à la maison… Tutti a casa était au départ un projet de film documentaire. Le film final, même s’il garde un caractère de témoignage historique, est une œuvre de fiction écrite par Age et Scarpelli, Marcello Fondato et Luigi Comencini. Couvrant la période entre l’Armistice et le soulèvement de Naples fin septembre 1943, il témoigne d’une période trouble qui laissa les officiers désemparés car ils ne savaient que faire (beaucoup n’étaient pas des fascistes convaincus, quiconque avait fait des études pouvait se retrouver officier). Le lieutenant se retrouve ainsi écartelé entre son sens du devoir qui lui dicte de préserver la vie des quelques hommes qu’il lui reste et son instinct de fuite face à une guerre qu’il n’a pas voulu. Comencini fait des ruptures de ton entre le drame et la comédie : certaines des situations douloureuses engendrées par cette confusion étaient également cocasses. Néoréalisme et comédie italienne se rejoignent. Tout l’art de Comencini a été de savoir introduire ces parcelles de comédie sans entamer le caractère dramatique de l’ensemble. Le réalisateur a déclaré qu’il jugeait que Tutti a casa était son meilleur film.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alberto Sordi, Serge Reggiani, Carla Gravina, Martin Balsam
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Tutti a casa
Serge Reggiani et Alberto Sordi dans La Grande pagaille de Luigi Comencini.

13 juillet 2017

La Fiancée du pirate (1969) de Nelly Kaplan

Titre original : « La fiancée du pirate »

La Fiancée du pirateEmployée de ferme, la jeune Marie vit misérablement dans une cabane à l’écart du village avec sa mère. Lorsque celle-ci meurt renversée par un chauffard, les notables du village préfèrent enterrer l’affaire pour éviter toute intrusion extérieure. Face aux harcèlements des hommes, Marie décide se venger… Le scénario de La fiancée du pirate a été écrit par Nelly Kaplan et Claude Makovski (qui est également producteur du film et interprète du représentant de commerce à la R16). Le film semble débuter comme un drame social et naturaliste mais tourne rapidement à la farce. Bien entendu, on peut le replacer dans l’esprit Mai 68 et le désir de bousculer l’ordre social, mais il ne développe aucune grande théorie. Il fustige surtout la bêtise, l’hypocrisie et la sexualité primitive de l’hominidé mâle… Marie retourne à son avantage le « droit de cuissage collectif » dont elle est la victime et, malgré l’arme qu’elle emploie dans ce but, le film a indéniablement une portée féministe. L’art de Nelly Kaplan est d’avoir fait de cette régénération une fable surréaliste à la Buñuel où l’humour est omniprésent ; le récit en devient jubilatoire. Et tout cela sur l’air de Barbara qui chante « Moi, je me balance… »
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Bernadette Lafont, Georges Géret, Claire Maurier, Jacques Marin, Michel Constantin
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Remarques :
* L’ouvrier agricole étranger est interprété par Louis Malle.
* Nelly Kaplan n’a pas réussi à vraiment trouver de financement autre que l’avance sur recettes pour tourner son film (budget total de 450 000 francs, soit l’équivalent de 400 000 euros d’aujourd’hui). Refusé par les distributeurs, il n’est sorti que dans deux salles. Il a été heureusement très bien reçu par la critique.
* La fiancée du pirate a échappé de peu à l’interdiction totale pour « apologie du vice » et est finalement sorti avec l’interdiction au moins de 18 ans. Cette restriction est restée jusqu’en 1989 où le film a été classé « tous publics ».
* Quand elle a écrit sa (première) autobiographie, Bernadette Lafont l’a titrée La Fiancée du Cinéma.

La fiancée du pirate
Georges Géret, Michel Constantin et Bernadette Lafont dans La Fiancée du pirate de Nelly Kaplan.

6 juillet 2017

La Charge de la huitième brigade (1964) de Raoul Walsh

Titre original : « A Distant Trumpet »

La Charge de la huitième brigadeEn 1883, le jeune lieutenant Matt Hazard est affecté dans un fort isolé de l’Arizona, près de la frontière avec le Mexique où s’est réfugié War Eagle, le dernier chef indien encore en guerre contre le gouvernement des Etats-Unis… Adapté d’un roman de Paul Horgan, A Distant Trumpet est l’ultime réalisation de Raoul Walsh. A l’instar de John Ford, Raoul Walsh a opté sur le tard pour une vision plus empathique vis-à-vis des indiens : ici, ils sont montrés impitoyables, certes, mais aussi victimes des promesses non tenues par les « politiciens de Washington ». Cet antifédéralisme n’a rien d’original, pas plus que le scénario qui est vraiment très classique avec toutefois un triangle amoureux assez bien traité. L’accent est mis sur l’éthique et le sens de l’honneur. Mais c’est dans les scènes d’action que Raoul Walsh montre tout son talent : les mouvements de centaines de chevaux sont aussi impressionnants que photogéniques et les combats nous laissent haletant. Walsh a une maitrise étonnante de l’action rapide. Bien qu’il ait bénéficié d’un bon budget, le réalisateur aux 130 films n’a pas eu droit à des acteurs connus : Troy Donahue manque un peu de charisme mais Suzanne Pleshette a plus de présence. La photographie est assez belle, avec un lieu jamais montré au cinéma (voir ci-dessous). A Distant Trumpet n’est pas un grand Raoul Walsh mais il vient clore honorablement une longue liste de films réalisés sur un demi-siècle.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Troy Donahue, Suzanne Pleshette, Diane McBain, James Gregory
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Remarques :
* Le titre du film rappelle Distant Drums (en français Les Aventures du Capitaine Wyatt) que Walsh a réalisé en 1951 et qui mettait en scène un épisode plus tardif de la guerre contre les indiens.

A Distant Trumpet
Troy Donahue (à gauche) dans La Charge de la huitième brigade de Raoul Walsh.

A Distant Trumpet
Suzanne Pleshette dans La Charge de la huitième brigade de Raoul Walsh.

A Distant Trumpet
Diane McBain (qui a un petit air de Tippi Heddren) dans La Charge de la huitième brigade de Raoul Walsh.

A Distant Trumpet

 

Grand Falls, Arizona
(Photo non tirée du film)  Les spectaculaires cascades d’eaux boueuses sont celles de Grand Falls, Arizona, situées sur le territoire de la réserve indienne de Navajo Nation (en fait assez loin de la frontière mexicaine). Elles sont assez époustouflantes : voir une vidéo touristique… (elles ne sont pas toute l’année comme cela toutefois, le débit peut se réduire à un filet pendant plusieurs mois, la rivière est Little Colorado River).

3 juillet 2017

Faces (1968) de John Cassavetes

FacesUn quinquagénaire désire quitter sa femme pour une autre femme, une escort-girl qu’il fréquente…Deuxième film de Cassavetes en indépendant, Faces n’est pas vraiment un film facile à aborder. La démarche de Cassavetes est de chercher à appréhender les rapports entre les êtres dans ce qu’ils ont de plus brut. Pour cela, il va les filmer de très près ses personnages, le plus souvent dans des états extrêmes (ébriété, hilarité excessive), dans un grand désordre apparent, accentuant ici et là le caractère imprévisible des comportements, étirant les scènes de façon inhabituelle. C’est une démarche totalement originale et théoriquement intéressante mais la forme est en pratique assez rebutante : caméra à l’épaule, mouvements incessants des personnes, image (16mm gonflée en 35) granuleuse, très mauvais son (heureusement nous avons les sous-titres). Et on peut se demander si le fait de mettre en scène les personnages dans des états assez extrêmes ne force pas à rester en surface : on ne saura finalement que peu de choses, la plupart des dialogues n’ayant aucun intérêt. De par son caractère novateur, Faces connut un succès inattendu à sa sortie et Cassavetes poussera la méthode jusqu’à la limite dans son film suivant, Husbands.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Marley, Gena Rowlands, Seymour Cassel
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Voir les livres sur John Cassavetes

Remarques :
* Contrairement à son film précédent Shadows, il n’y a que de très peu d’improvisation dans Faces. La méthode de Cassavetes est d’écrire les dialogues et de les affiner en faisant répéter ses acteurs.
* Cassavetes utilise plusieurs caméras simultanément pour filmer de longs plans-séquences.
* Le tournage a eu lieu début 1965.

Faces
Gena Rowlands et John Marley dans Faces de John Cassavetes.

Faces
Seymour Cassel dans Faces de John Cassavetes.