3 mars 2018

Sourires d’une nuit d’été (1955) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommarnattens leende »

Sourires d'une nuit d'étéAux alentours de 1900, l’avocat Frederik Egerman a épousé en secondes noces la jeune Anne, qui a l’âge de son fils Henrik, étudiant en théologie. Il apprend que son ancienne maîtresse, la célèbre comédienne Désirée Armfeldt, vient se produire dans sa ville et ne peut résister à l’envie de la revoir…
Sourires d’une nuit d’été est assez inattendu de la part d’Ingmar Bergman car c’est une comédie légère, un marivaudage baigné de belles répliques et de traits d’humour. On peut le voir comme un prolongement du style des comédies américaines screwball, genre que le cinéaste suédois admirait mais dans lequel il n’a jamais pleinement réussi. C’est en tous cas pour lui un moyen d’espérer obtenir un succès commercial qui lui donnerait plus de libertés. Le film est parfois rapproché de la Règle du Jeu de Renoir ; personnellement je le verrais plutôt dans le style de L’importance d’être constant d’Oscar Wilde. Si Bergman montre un talent certain pour écrire des répliques relevées d’un humour  parfois cinglant, celles-ci ne tombent pas toujours très bien. Il montre aussi de la maladresse pour ajouter une dimension tragi-comique : le personnage du fils évolue fort mal et devient pesant. L’ensemble est toutefois très amusant et, fort heureusement, ce fut un succès. Sourires d’une nuit d’été fut remarqué à Cannes où il reçut le Prix de l’humour poétique.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Eva Dahlbeck, Gunnar Björnstrand, Ulla Jacobsson, Harriet Andersson, Margit Carlqvist, Jarl Kulle
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Remarques :
* « Sommarnattens leende » (en réalité Les sourires de la nuit d’été et non Sourires d’une nuit d’été) désigne les sourires de la nuit de la Saint-Jean en Scandinavie, où le soleil ne se couche guère (et cela explique qu’à 1 heure du matin, il fasse encore jour).
* Le Svensk Filmindustri avait annoncé à Bergman qu’il ne financerait plus ses films si celui-ci ne rentrait pas dans ses frais.
* La légende veut que Bergman ne fût pas au courant de la présentation de son film à Cannes et qu’il apprit la nouvelle de sa récompense en lisant son journal dans les toilettes.
* Woody Allen fait des références répétées au film dans Comédie érotique d’une nuit d’été (1982).

Sourires d'une nuit d'été
Eva Dahlbeck et Jarl Kulle dans Sourires d’une nuit d’été de Ingmar Bergman.

Sourires d'une nuit d'été
Margit Carlqvist, Gunnar Björnstrand, Ulla Jacobsson et Björn Bjelfvenstam dans Sourires d’une nuit d’été de Ingmar Bergman.

1 mars 2018

Monika (1953) de Ingmar Bergman

Titre original : « Sommaren med Monika »
Autres titres français : « Un été avec Monika », « Monika et le désir »

MonikaPeu après s’être rencontrés, Harry, garçon livreur, et Monika, ouvrière dans un magasin d’alimentation, décident de quitter la ville de Stockholm. Ils se rendent sur l’île d’Ornö où ils mènent une vie libre et idyllique…
Ingmar Bergman a tourné Monika avec très peu de moyens alors qu’il traversait une période délicate (qui l’avait contraint à tourner des films publicitaires). L’histoire, adaptée d’un roman de Per Anders Fogelström, est très simple mais ce qui rend le film si remarquable est la façon dont Bergman l’aborde en privilégiant les personnages sur le récit. Sa caméra nous place au milieu d’eux, elle semble vouloir nous placer en troisième personnage comme en témoigne le long et célèbre regard-caméra. Avec le recul, il est étonnant de voir à quel point le film est précurseur de la Nouvelle Vague. Il est si en avance que les « jeunes turcs » des Cahiers du cinéma ne le remarqueront pas tout de suite : Rohmer et Godard ne le verront sous cet angle qu’en 1958, lors d’une rediffusion à la Cinémathèque. Il faut dire qu’à sa sortie ses aspects érotiques avaient pris le dessus et occulté tout le reste (érotisme qui ne saute plus vraiment aux yeux aujourd’hui mais bien réel en 1953). C’est Godard qui pointera sa valeur subversive sur le plan moral, avec une remise en cause du schéma traditionnel de la famille, et le déclarera comme étant une source d’inspiration pour le « jeune cinéma moderne ». Monika a ainsi acquis le statut de mythe…
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Harriet Andersson, Lars Ekborg
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Monika
Harriet Andersson et Lars Ekborg dans Monika de Ingmar Bergman.

Monika
Le célèbre regard-caméra d’Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.
En 1958, Godard dit de ce plan : « Il faut avoir vu Monika rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter volontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma. »
On peut aussi y voir autre chose, un regard de défi, Bergman nous mettant à la place d’Harry. C’est un regard soutenu pendant de nombreuses secondes, assez inexpressif, comme vidé de tout sentiment. Monika sait ce qu’elle va faire mais ses désillusions la rendent indifférente.
Ces deux façons de voir l’héroïne ont partagé (et partagent toujours) les cinéphiles : Monika est-elle une victime qui se libère d’un cadre trop étroit ou fait-elle preuve d’un égoïsme aussi extrême que blâmable ?

Monika
Lars Ekborg et Harriet Andersson dans Monika de Ingmar Bergman.

27 février 2018

L’attente des femmes (1952) de Ingmar Bergman

Titre original : « Kvinnors väntan »

L'attente des femmesDans leur villa de vacances, quatre femmes attendent leurs maris, les frères Lobelius, qui doivent les rejoindre. L’une d’elles est très déprimée par le vide de son couple et, pour la réconforter, les trois autres lui racontent un épisode peu avouable de leur vie qui a changé l’orientation de leur couple…
Ingmar Bergman a tourné L’attente des femmes juste avant Monika. Il en a écrit le scénario avec sa (troisième) femme Gun Grut. Il se présente comme un film à sketches avec trois histoires indépendantes, une formule qui a séduit le cinéaste qui a pu adopter à chaque fois un style très différent. La première, un triangle amoureux très classique, est peut-être celle où il adopte un style le plus personnel. Il y montre de la sensibilité dans son approche des personnages. La deuxième histoire, particulièrement ennuyeuse, est d’un style inspiré de l’expressionnisme allemand et la troisième est une comédie assez amusante de type screwball, une typique « comédie du remariage ». Ingmar Bergman cherche son style et n’a pas encore cette faculté de nous emmener profondément dans ses personnages. De ce fait, l’ensemble n’échappe pas à une certaine banalité apparente.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Anita Björk, Eva Dahlbeck, Maj-Britt Nilsson, Birger Malmsten, Gunnar Björnstrand, Jarl Kulle
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L'attente des femmes
Anita Björk, Gerd Andersson (à l’arrière-plan), Eva Dahlbeck et Aino Taube dans L’attente des femmes de Ingmar Bergman.

1 février 2018

Laissez faire les femmes! (1936) de Paul Martin

Titre original : « Glückskinder »

Laissez faire les femmes!A la rédaction du Morning Post de New York, des journalistes rusent pour envoyer un jeune stagiaire couvrir les procès courants à la place du chroniqueur habituel trop ivre. Au tribunal, l’apprenti-journaliste prend pitié pour une jeune femme accusée de vagabondage et déclare qu’elle est sa fiancée…
Alors que la société de production allemande UFA n’est pas passée sous la coupe de Goebbels (la nationalisation par les nazis ne sera effective qu’en 1937), les studios berlinois produisent encore des comédies légères très inspirées des comédies américaines. Glückskinder (traduction littérale : les enfants de la chance) se situe dans le sillage de It Happened One Night (1934) de Frank Capra, film qui a lancé le genre des comédies screwball : la situation de base est aussi celle d’un journaliste forcé de cohabiter avec une jeune femme très indépendante et le scénario va jusqu’à reprendre des scènes emblématiques comme le partage du lit (avec, trouvaille hilarante, une rangée de pots de cactus). Ce n’est pas une copie toutefois, plutôt une variation sur le même thème. Les dialogues sont très enlevés, réellement brillants avec des scènes extraordinaires, telle celle du tribunal. Lilian Harvey et Willy Fritsch étaient alors l’un des couples vedette de l’UFA. Toute l’histoire se déroule à New York avec des personnages américains. Aucune trace de propagande à l’horizon. L’ensemble est très amusant et paraît bien plus réussi que nombre de copies américaines du film de Capra.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lilian Harvey, Willy Fritsch, Paul Kemp, Oskar Sima
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Gluckskinder
Lilian Harvey et Willy Fritsch dans Glückskinder de Paul Martin (photo publicitaire).

Remarques :
* Les auteurs ne cachent pas leurs inspirations puisque, lors de la chanson, Willy Fritsch annonce imiter Clark Gable et fait le geste d’un auto-stoppeur, référence à la célèbre scène de l’auto-stop de It Happened One Night.
* Paul Martin est un réalisateur d’origine austro-hongroise. A l’époque du tournage, il avait une aventure avec l’actrice Lilian Harvey.
* On peut s’interroger sur pourquoi les distributeurs ont choisi Laissez faire les femmes! comme titre français… (ce titre ne daterait pas de l’époque toutefois puisqu’il semble ne pas être sorti en France).

Glückskinder
Oskar Sima, Lilian Harvey, Paul Kemp et Willy Fritsch dans Glückskinder de Paul Martin.

23 janvier 2018

Back Home (2015) de Joachim Trier

Titre original : « Louder Than Bombs »

Back HomeAlors que se prépare une exposition consacrée à la photographe de guerre Isabelle Reed trois ans après sa mort, son mari et ses deux fils vont devoir se rapprocher pour parler des circonstances de sa mort… Ecrits par les norvégiens Eskil Vogt et Joachim Trier, Back Home nous plonge au sein d’une famille marquée par la disparition récente de la mère, célèbre photographe souvent absente. Joachim Trier l’a tourné aux Etats-Unis, en anglais (mais la production est norvégienne et européenne). Le cinéaste montre une grande délicatesse dans son approche, aidé, il est vrai, par la très grande qualité de l’interprétation. On pourra lui reprocher un certain étirement et la focalisation sur l’incommunicabilité et les difficultés de l’adolescence. Back Home est plutôt moins enthousiasmant que son précédent film Oslo, 31 août, mais montre néanmoins que Joachim Trier est un cinéaste intéressant à suivre.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Gabriel Byrne, Isabelle Huppert, Jesse Eisenberg, Devin Druid, Amy Ryan
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Back home
Isabelle Huppert et Gabriel Byrne dans Back Home de Joachim Trier.

Back home
Jesse Eisenberg et Devin Druid dans Back Home de Joachim Trier.

Remarques :
* Le film a été présenté à Cannes sous le titre « Plus fort que les bombes » mais le titre français a été changé pour sa sortie effective, un mois après les attentats du 13 novembre 2015.
* Si le personnage d’Isabelle Reed est fictif, le film utilise des photographies réelles prises par des photographes de guerre, notamment la française Alexandra Boulat qui est décédée en 2007 à l’âge de 45 ans (rupture d’anévrisme).

Back home
La photographe Alexandra Boulat dont certains clichés sont visibles dans Back Home de Joachim Trier.

5 janvier 2018

Titanic (1943) de Herbert Selpin

TitanicLa White Star Line, compagnie maritime britannique, connaît de graves soucis financiers à cause de la construction de son dernier navire, le Titanic. Pour faire remonter le cours de l’action, son président Bruce Ismay décide de lancer le navire à pleine vitesse pour battre le record de la traversée… Supervisé par Goebbels, Titanic est l’une des plus grosses superproductions de l’Allemagne nazie. C’est un film de propagande puisque l’Histoire est arrangée afin de présenter les anglais comme de vils spéculateurs sans morale. Seul un officier allemand, dont la présence au beau milieu de l’équipage anglais n’est que très vaguement expliquée, va tenter d’alerter sur les risques ; il est aussi le seul à montrer de l’humanisme lors du naufrage. Si l’on fait abstraction de cette propagande grossière, le film n’est pas sans qualité, loin de là. Il y a là de très belles scènes, une excellente utilisation des décors (le film fut en partie tourné sur le paquebot allemand de grand luxe Cap Arcona) et, hormis l’utilisation visible de maquettes, les scènes d’évacuation sont impressionnantes. Une fois le film achevé, Goebbels refusa qu’il soit montré au public allemand car les scènes de panique n’allaient pas remonter le moral de la population alors que le pays était bombardé presque quotidiennement par la Royal Air Force. Le film sortira cependant en France occupée et dans plusieurs pays européens. Longtemps difficile à voir, il a été restauré récemment.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sybille Schmitz, Hans Nielsen, Kirsten Heiberg, Ernst Fritz Fürbringer
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Titanic

Remarques :
* Pendant le tournage, de fortes tensions entre le réalisateur Herbert Selpin et le scénariste Walter Zerlett-Olfenius se développèrent. Lors d’une dispute, Selpin eut des propos désobligeants envers l’armée allemande et le scénariste le dénonça à la Gestapo qui l’arrêta. Après avoir été questionné par Goebbels, Herbert Selpin fut retrouvé « suicidé » dans sa cellule. Le tournage fut terminé par Werner Klingler.

* Tout l’argument développé dans le film est faux puisque le Titanic ne pouvait pas techniquement atteindre la vitesse de 27 nœuds nécessaire pour battre le record alors détenu par le Mauretania. Le président Bruce Ismay n’a par ailleurs aucunement cherché à influer sur la vitesse du navire. Et, bien entendu, aucun officier allemand n’appartenait à l’état-major.

* Le film sortit brièvement fin 1949 en Allemagne mais fut rapidement retiré des salles de  RFA à la demande des britanniques. En revanche, il eut beaucoup de succès en RDA. Doublé en russe par les soviétiques, il fit également carrière en URSS, beaucoup de spectateurs pensant qu’il s’agissait d’un film soviétique.

* Considéré comme prise de guerre par les Alliés, certaines scènes du film furent réutilisées dans Atlantique, latitude 41° (A Night to Remember) du britannique Roy Ward Baker, sorti en 1958.

* Le paquebot Cap Arcona, qui a servi pour le tournage, connaitra un destin tragique à la fin de la guerre. Il sera le théâtre d’une tragédie absolument épouvantable : lire sur Wikipedia

Titanic
Kirsten Heiberg et Ernst Fritz Fürbringer dans Titanic de Herbert Selpin.

Titanic
La ballroom du Titanic dans Titanic de Herbert Selpin.

Titanic
La même ballroom pendant le naufrage dans Titanic de Herbert Selpin.

13 décembre 2017

Victor et Victoria (1933) de Reinhold Schünzel

Titre original : « Viktor und Viktoria »

Victor et VictoriaAtteint d’un rhume sévère, un comédien sans le sou ne peut se permettre de manquer une seule représentation de son numéro de travesti dans un petit cabaret. Il demande donc à une jeune femme de prendre sa place, c’est-à-dire de se faire passer pour un homme qui se fait passer pour une femme…
Cinquante ans avant d’être un brillant film de Blake Edwards, Victor et Victoria fut un film allemand de Reinhold Schünzel, un film devenu très rare mais qui a heureusement été restauré récemment. Le plus étonnant dans cette première version, c’est de voir à quel point elle était déjà excellente avec pratiquement tous les ingrédients et les nombreux ressorts de l’humour (1) . C’est Reinhold Schünzel qui a écrit lui-même cette comédie très originale, mise en scène de façon très enlevée ; on ne s’ennuie pas une seconde. De façon assez étonnante (et très réussie), les acteurs se mettent quelquefois à chantonner leur texte sans que l’on s’en aperçoive tout de suite (mais ce n’est pas une comédie musicale) et il y a même un ballet filmé de haut à la manière de Busby Berkeley. Côté interprétation, Renate Müller est particulièrement brillante.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Renate Müller, Hermann Thimig, Hilde Hildebrand, Fritz Odemar, Anton Walbrook
Voir la fiche du film et la filmographie de Reinhold Schünzel sur le site IMDB.

Remarques :
* Une version française fut tournée simultanément avec l’aide de Roger Le Bon : Georges et Georgette (1934). Le seul acteur commun est Anton Walbrook (toujours sous son vrai nom, Adolf Wohlbrück) : Julien Carette est Georges et Meg Lemonnier est Georgette. Paulette Dubost est la jeune fille aux numéros. Ce film semble aujourd’hui perdu (?).

* Renate Müller fut une actrice très populaire dans l’Allemagne du début des années trente. C’est Reinhold Schünzel qui lui a donné son premier rôle au cinéma en 1929 alors qu’elle avait 23 ans. Enchaînant les succès, elle refusera de participer aux films de propagande nazie. Elle est décédée en 1937, à l’âge de 31 ans, dans des circonstances qui restent floues.

* Adolf Wohlbrück prendra le nom d’Anton Walbrook quand il se réfugiera en Angleterre en 1937 (il était juif). Il tournera alors notamment sous la direction de Michael Powell avant de continuer sa carrière en France dans les années 50 où on le verra dirigé par, entre autres, Max Ophuls.

(1) La différence majeure avec la version de Blake Edwards est l’absence de toute connotation homosexuelle (époque oblige) : Viktor n’est pas gay et l’amoureux de Viktoria sait très rapidement que c’est une femme et donc, à la différence de James Garner, ne se pose pas de question sur ses penchants sexuels.

Viktor und Viktoria
Anton Walbrook, Hilde Hildebrand, Renate Müller, Hermann Thimig et Fritz Odemar dans Victor et Victoria de Reinhold Schünzel.

1 décembre 2017

Youth (2015) de Paolo Sorrentino

YouthDeux amis de longue date se retrouvent dans un grand hôtel des Alpes suisses. Fred, compositeur et chef d’orchestre, est à la retraite alors que Mick, réalisateur, s’efforce de terminer le scénario d’un dernier film…
Ecrit et réalisé par Paolo Sorrentino, Youth est un film plus enthousiasmant que son précédent long métrage, l’oscarisé La Grande Bellaza, qui manquait un peu de contenu. Cette fois, Youth a une substance qui le rend bien plus complet. Le film est avant tout une réflexion sur le temps : dans cet hôtel où le temps semble s’être arrêté, les deux octogénaires voudraient-ils conjurer la fatalité du temps qui passe, qui diminue physiquement, qui efface les souvenirs ? Il y a aussi une réflexion sur la célébrité, sur la passion, toujours exclusive, et la difficulté d’être un parent pour ses enfants.  Il n’y a là sans doute rien d’exceptionnellement éclairant, mais la forme lui donne une certaine dimension. Paolo Sorrentino n’abuse plus d’effets pour mieux se concentrer sur l’esthétisme. Il affectionne les cadrages larges, fait le vide autour de ses personnages, soigne ses compositions. Il parvient ainsi à créer une atmosphère assez forte, très zen, qui invite à porter un regard différent sur le monde qui nous entoure. C’est cette atmosphère qui rend le film remarquable.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Alex Macqueen, Jane Fonda
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Remarque :
* L’hôtel utilisé pour les extérieurs est le Berghotel Schatzalp à Davos en Suisse, un imposant hôtel dans le style Art nouveau et construit en 1900.

Youth
Michael Caine (si si, il est dans l’image) dans Youth de Paolo Sorrentino.

Youth
Madalina Diana Ghenea, Michael Caine et Harvey Keitel dans Youth de Paolo Sorrentino.

youth
Michael Caine dans Youth de Paolo Sorrentino.

Youth

26 novembre 2017

L’Amour de Jeanne Ney (1927) de Georg Wilhelm Pabst

Titre original : « Die Liebe der Jeanne Ney »

L'amour de Jeanne Ney(Film muet) Au lendemain de la Révolution russe, la guerre civile fait rage en Crimée. Jeanne, fille d’un diplomate français œuvrant pour l’ancien régime, est amoureuse d’Andreas sans savoir qu’il est un responsable bolchévique. Lors de son arrestation, le père de Jeanne est tué et la jeune femme se réfugie chez son oncle à Paris… Inspiré d’un roman du russe Ilja Ehrenburg publié en 1924, L’amour de Jeanne Ney est un drame sentimental sur fond de bouleversements politiques. Il ne fait pas partie des films les plus remarquables de G.W. Pabst mais comporte quelques belles scènes. Le montage est parfois très rapide, dans un style inspiré du cinéma soviétique, et Pabst a voulu terminer beaucoup de ses plans par un mouvement. Hélas, l’histoire en elle-même n’est pas des plus passionnantes ; peu intense, elle repose sur le personnage du « vilain », particulièrement haïssable et merveilleusement interprété par Fritz Rasp. La photographie est cosignée par Fritz Arno Wagner, l’un des plus grands chefs opérateurs du cinéma expressionniste allemand. Pabst cherche toujours le réalisme dans ses films et les scènes de rue dans Paris, notamment la longue scène dans l’impressionnante foule des Halles, sont étonnantes. Le film est magnifiquement restauré par la Fondation Murnau.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Édith Jéhanne, Uno Henning, Fritz Rasp, Brigitte Helm
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Remarque :
* Tout le contenu politique du scénario a été écarté en cours de tournage sous la pression d’Alfred Hugenberg, puissant patron de presse d’extrême droite, qui venait d’être appelé à la rescousse pour prendre la direction de l’UFA au bord de la banqueroute.

L'amour de Jeanne Ney
Édith Jéhanne est Jeanne Ney dans L’amour de Jeanne Ney de Georg Wilhelm Pabst.

L'amour de Jeanne Ney
Fritz Rasp est un méprisable opportuniste dans L’amour de Jeanne Ney de Georg Wilhelm Pabst. Noter le jeu avec les miroirs.

17 novembre 2017

On a tué Sherlock Holmes (1937) de Karl Hartl

Titre original : « Der Mann, der Sherlock Holmes war »
Autre titre français : « On a arrêté Sherlock Holmes »

On a arrêté Sherlock HolmesDeux hommes se faisant passer pour Sherlock Holmes et le docteur Watson se rendent dans un palace de la Côte d’Azur où leur arrivée ne passe pas inaperçue. On leur demande de résoudre un cas délicat…
Der Mann, der Sherlock Holmes war (littéralement « L’homme qui était Sherlock Holmes ») est un étonnant film allemand de la fin de l’entre-deux-guerres. Son scénario, signé Karl Hartl et Robert Adolf Stemmle, est en effet une variation brillante autour du personnage de Sherlock Holmes. C’est une comédie policière qui exploite fort bien l’usurpation d’identité avec des rebondissements vraiment nombreux qui ne cessent de nous surprendre. Précisons en outre qu’il n’y a ici aucune trace de propagande (1). La mise en scène n’est pas spectaculaire mais utilise fort bien les différents décors. Côté acteurs, Hans Albert montre une belle présence et un indéniable charisme. L’ensemble forme un divertissement particulièrement plaisant, assez original finalement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Hans Albers, Heinz Rühmann, Hilde Weissner
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(1) Toutefois, le petit garçon berlinois qui en sait plus sur un sujet que les grands spécialistes français fut peut-être introduit pour plaire aux autorités de tutelle nazie. Mais il parait difficile de qualifier cela de « propagande ».

On a tué Sherlock Holmes
Hilde Weissner, Heinz Rühmann, Hans Albers et Angelo Ferrari dans On a tué Sherlock Holmes de Karl Hartl.