14 août 2015

Le Quai des brumes (1938) de Marcel Carné

Le Quai des brumesUn soldat déserteur de l’armée coloniale arrive au Havre dans la nuit pour tenter de s’embarquer pour un pays lointain. Dirigé par un vagabond amical vers un bar au milieu d’un terrain vague, il y fait la rencontre du patron qui lui donne à manger, d’un peintre suicidaire et d’une jeune fille triste au regard clair… Avec sa célèbre réplique, Le Quai des brumes fait aujourd’hui partie de ces quelques films qui sont comme statufiés dans l’histoire du cinéma. Il n’en a pas toujours été ainsi : il fut longtemps vilipendé aux deux extrêmes de l’échiquier politique du fait de sa noirceur. Le film est marqué par Prévert qui en a écrit le scénario en se basant sur un roman de Pierre Mac Orlan. Cela ne signifie pas que Carné se soit totalement effacé : on lui doit certainement la symbiose si réussie, ce fameux « réalisme poétique » si spécifique au cinéma français des années trente. Car le réalisme frise ici le fantastique, l’irréel et l’histoire n’est pas le point principal : Le Quai des brumes est un film d’atmosphère qui nous fait basculer dans une poésie noire sans complaisance qui reflète dans une certaine mesure le climat de son époque. Ses personnages sont ou désabusés, à l’image de ce peintre qui peint « les choses qui sont derrière les choses » et bien entendu du soldat Jean, ou des méchants odieux et caricaturaux (la scolopendre Zabel ou la petite frappe Lucien), ou encore des âmes dont la pureté tente de survivre aux souillures de l’environnement (Nelly). L’amour reste aux yeux de Prévert le plus fort, c’est la fleur qui jaillit de cette grisaille. La musique de Maurice Jaubert et la magnifique interprétation contribuent à rendre les personnages inoubliables. C’est pour toutes ces raisons qu’une phrase aussi banale que « T’as de beaux yeux, tu sais » a pu devenir ainsi la réplique la plus célèbre du cinéma français. Le film a été récemment restauré, certains plans ont été réintégrés, ce qui permet de mieux en profiter aujourd’hui. A noter enfin que les décors sont l’oeuvre du grand chef-décorateur Alexandre Trauner.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Michel Simon, Michèle Morgan, Pierre Brasseur, Édouard Delmont, Raymond Aimos, Robert Le Vigan
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Carné sur le site IMDB.

Voir les autres films de Marcel Carné chroniqués sur ce blog…

Lire aussi les informations sur la restauration de Quai des brumes sur le site internet de la Cinémathèque française… (avec également de très intéressantes informations sur la production du film : on y apprend par exemple que le film devait initialement être produit par l’UFA).

Voir les livres sur Marcel Carné

Quai des brumes
Jean Gabin et Michèle Morgan dans Le Quai des brumes de Marcel Carné.

Quai des brumes
Michèle Morgan (alors âgée d’à peine 18 ans) et Michel Simon dans Le Quai des brumes de Marcel Carné. En la voyant ainsi, il est difficile de ne pas penser à Greta Garbo (notamment la Garbo d’Anna Christie).

17 juin 2013

La Fée (2011) de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy

La féeVeilleur de nuit dans un petit hôtel du Havre, Dom voit arriver un soir une jeune femme. « Je m’appelle Fiona et je suis une fée. Vous avez droit à trois voeux »… Tel est le point de départ de La Fée, troisième long métrage de ce trio belge-canadien-français qui nous gratifie une nouvelle fois d’un film très original, lunaire et poétique. A l’instar de Jacques Tati ou Pierre Etaix qu’ils citent volontiers comme source d’inspiration, leur burlesque est utilise peu les dialogues, passant plus par l’inattendu et la gestuelle. Ils utilisent leurs corps longilignes avec une grande expressivité, allant jusqu’à insérer deux numéros de danse très personnels. Le scénario serait le croisement de trois projets différents et c’est peut-être pour cette raison que l’ensemble paraît cette fois manquer un peu de cohésion. Mais il y a de belles trouvailles dans La Fée et le résultat est unique en son genre.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dominique Abel, Fiona Gordon, Philippe Martz, Bruno Romy
Voir la fiche du film et la filmographie de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy sur le site IMDB.

Voir les autres films de Dominique Abel, Fiona Gordon et Bruno Romy chroniqués sur ce blog:
L’Iceberg (2005) et Rumba (2008).