25 janvier 2012

Je n’ai pas tué Lincoln (1936) de John Ford

Titre original : « The prisoner of Shark Island »

Je n'ai pas tué LincolnQuelques heures après l’assassinat du président Abraham Lincoln, le docteur Samuel Mudd soigne la jambe cassée d’un homme qui a frappé à sa porte. Il ne sait pas qu’il s’agit de John Wilkes Booth, l’assassin du président. Mudd est arrêté peu après et jugé comme complice… Basé assez librement sur des faits historiques, Je n’ai pas tué Lincoln est une commande de Darryl Zanuck qui avait fait travailler l’une de ses scénaristes, Nunnally Johnson. Le film prend de façon très partisane le parti du docteur Mudd, le présentant comme un innocent complet (1). Le film est intéressant car il montre un certain tournant dans la carrière de John Ford qui était en train de se forger un vrai style. Alors que son film précédent Steamboat Round the Bend était une comédie somme toute assez légère, Je n’ai pas tué Lincoln est un film empreint de gravité, qui traite du plus grand sujet qui soit : l’Histoire des Etats-Unis. On peut déjà y percevoir nettement cet antagonisme nord/sud qui caractérise nombre de ses films : les grandes valeurs de l’Amérique sont portées par le Nord, tandis que la chaleur et l’humanité sont du côté du Sud. La mise en scène est d’une grande expertise, très efficace par sa simplicité ; Ford se concentre sur l’essentiel et crée des sentiments forts.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Warner Baxter, Gloria Stuart, Harry Carey, John Carradine
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Remarques :
C’est le premier film de John Ford avec John Carradine.

(1) La réalité est plus complexe et le cas de Samuel Mudd divise encore les historiens aujourd’hui. Il semble que Mudd avait rencontré Booth à deux reprises auparavant et que Booth aurait passé la nuit chez Mudd et non quelques minutes. Le film contient également plusieurs faits inexacts ou inventés. Samuel Mudd fut gracié mais jamais réhabilité malgré les tentatives de ses descendants.

Remake :
Hellgate de Charles Marquis Warren (1952) avec Sterling Hayden et Joan Leslie.

19 janvier 2012

Une femme disparaît (1938) de Alfred Hitchcock

Titre original : « The Lady Vanishes »

Une femme disparaîtDe façon plutôt inhabituelle pour Hitchcock, Une femme disparaît démarre comme une comédie : dans les Balkans, un train est bloqué par la neige et toute une troupe cosmopolite de voyageurs envahit le seul hôtel disponible. Cela crée des situations assez cocasses. L’humour laisse la place à l’intrigue lorsque le train repart le lendemain et qu’une jeune femme constate la disparition du train d’une vieille dame avec qui elle avait sympathisé. Tout le monde nie l’avoir vue… L’histoire a été adaptée par Sidney Gilliat et Frank Launder d’un roman d’Ethel Lina White. Par sa progression et la merveilleuse variété de ses personnages, l’histoire est particulièrement prenante, même après avoir vu le film plusieurs fois. Un déroulement de scénario quasi parfait. Une femme disparaît est aussi une prouesse technique : la très grande majorité du film a été tournée dans un studio de trente mètres de long. Hitchcock utilise merveilleusement les transparences, Une femme disparaît les projections pour recréer l’environnement du train. On note aussi quelques belles utilisations de maquettes, à commencer par le tout premier plan du film. Une femme disparaît est l’avant-dernier film de la période anglaise d’Hitchcock. Ce fut un énorme succès. Bien entendu, on peut reprocher au film son manque de vraisemblance… mais, à ce niveau, cela n’a aucune importance !
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margaret Lockwood, Michael Redgrave, Paul Lukas, Dame May Whitty, Naunton Wayne, Basil Radford
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Remarques :
* L’apparition d’Hitchcock dans ce film est située vers la fin, sur le quai de Victoria Station à Londres.
* Le couple des deux anglais amateurs de cricket (joués par Basil Radford et Naunton Wayne) fut si populaire qu’il réapparût dans d’autres films comme Train de nuit pour Munich de Carol Reed (1940) ou Ceux de chez nous (Millions like us) de Frank Launder et Sidney Gilliat (1943).

Remake :
The Lady Vanishes d’Antony Page (1979) avec Elliott Gould et Cybill Shepherd, remake bien fade, hélas.

14 janvier 2012

Anna Christie (1930) de Clarence Brown

Anna Christie Une jeune femme retrouve son père qui l’a abandonnée quinze auparavant. C’est un marin plutôt porté sur la boisson qui convoie du charbon sur une barge. Malgré son ressentiment, elle l’accompagne sur son bateau… « Garbo talks ! » (Garbo parle), le slogan s’étalait en grosses lettres sur des milliers d’affiche d’Anna Christie. L’évènement était de taille. Il faut dire que tout le monde était persuadé que Greta Garbo, la déesse d’Hollywood, ne passerait pas le cap du parlant à cause de ses origines étrangères. Elle n’apparaît qu’après seize minutes de film pour dire, enfin, sa première phrase (1). L’accent est certes un peu là, la voix est un peu trop haute, le débit un peu plat mais le ton est terriblement attirant. Si les premières minutes montrent un certain manque d’assurance, sa voix prend rapidement toute sa dimension pour devenir l’une des voix les plus envoutantes d’Hollywood : une voix gutturale, séduisante et mystérieuse, avec cette façon inimitable de traîner sur certaines syllabes. Anna Christie Anna Christie est donc fascinant à ce titre : nous avons l’impression d’assister à nouvelle naissance. L’histoire est adaptée d’une pièce d’Eugene O’Neil qui avait reçu le Prix Pulitzer en 1922, déjà portée à l’écran sept ans plus tôt. Cette histoire peut paraître assez conventionnelle mais le film est servi par une belle interprétation, Marie Dressler y est par exemple assez remarquable. La caméra est très statique (2) ce qui donne parfois la sensation d’être face à une pièce de théâtre. Anna Christie fut un immense succès à l’époque.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Greta Garbo, Charles Bickford, George F. Marion, Marie Dressler
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Remarques :
Greta Garbo appréhendait beaucoup le passage au parlant. Pour la décider, Louis B. Mayer lui promit de faire tourner une version allemande où elle tiendrait le même rôle dans une langue qu’elle maitrisait parfaitement : Anna Christie de Jacques Feyder (1931) avec Greta Garbo, Salka Viertel, Theo Shall et Hans Junkermann. Cette version est souvent considérée (par ceux qui l’ont vue, car ce n’est pas facile) comme légèrement supérieure à la version américaine.

(1) La première phrase dite par Greta Garbo dans Anna Christie est restée l’une des répliques les plus célèbres du cinéma : « Give me a whisky and a ginger ale on the side, and don’t be stingy, baby! » (Sers-moi un whisky avec un verre de ginger ale, et mets y la dose!).
(2) Aux débuts du parlant, les caméras étaient entourées d’un caisson insonorisant qui les rendaient très difficile à manier et à déplacer.

Précédentes versions :
Anna Christie de John Griffith Wray (1923) avec Blanche Sweet
Kiri no minato (Le port de la brume) de Kenji Mizoguchi (1923) avec Harue Ichikawa

3 janvier 2012

Laurel et Hardy au Far-West (1937) de James W. Horne

Titre original : « Way Out West »

Laurel et Hardy au Far-WestLaurel et Hardy arrivent dans une petite ville de l’Ouest américain pour remettre à une jeune fille l’acte de propriété sur une mine d’or qui lui a été léguée par son père. Le tenancier du saloon où travaille la jeune fille fait passer sa femme pour l’héritière… Laurel et Hardy au Far-West est le seul western tourné par le duo comique. C’est un film bien construit, reposant sur un solide déroulement de scénario avec une bonne exploitation des différentes situations et des récurrences bien dosées. C’est certainement le dernier tiers du film qui est le plus réussi avec de nombreuses trouvailles de gags pour parvenir à pénétrer dans le saloon afin de cambrioler le coffre. Le film est assez complet : on notera par exemple un morceau musical étonnant (On the trail of the Lonesome Pine).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Stan Laurel, Oliver Hardy, Sharon Lynn, James Finlayson
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Remarques :
La scène où Stan Laurel dévoile sa jambe pour faire de l’auto-stop est un clin d’œil au film de Frank Capra It happened one night (1934) qui remportait alors un énorme succès.

Homonyme :
Way out west de Fred Niblo (1930)

21 décembre 2011

Sous les verrous (1931) de James Parrott

Titre original : « Pardon Us »

Sous les verrousPour avoir vendu illégalement de l’alcool, Laurel et Hardy se retrouvent en prison. A cause d’une dent creuse qui lui joue des mauvais tours, Laurel termine certaines de ses phrases par un sifflement de dédain ce qui va le mettre en délicate posture… Pardon Us est le premier long métrage du tandem Laurel et Hardy et, le moins que l’on puisse dire, c’est que la transition n’est pas facile. Le duo est effectivement habitué au format court, souvent en exploitant à fond une seule situation. Le long métrage impose une histoire plus développée. La construction de Pardon Us est hélas assez bancale et, malgré sa durée courte, le film montre une inconstance dans le rythme et des longueurs ; certains gags semblent étirés au maximum. Il reste quelques bons passages, le meilleur étant à mes yeux la scène de la salle de classe avec un professeur foldingue (James Finlayson) qui évoque un peu Groucho Marx. La scène parmi les ramasseurs de coton est assez étonnante avec Oliver Hardy chantant « Lazy Moon » (l’acteur était excellent chanteur). A noter que le dur à cuire « Tiger » est une satire du personnage joué par Wallace Beery dans The Big House, film à gros budget tourné l’année précédente également pour Hal Roach et dont les décors sont ici réutilisés.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Stan Laurel, Oliver Hardy, Walter Long
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Remarques :
A) Après avoir été recapturés, le duo marche en rang avec les autres bagnards. Oliver Hardy a devant lui Hal Roach, le producteur (baissant légèrement la tête), et à côté de lui James Parrott, le réalisateur (avec une petite moustache).
B) Quatre versions supplémentaires furent tournées : une en français, une en espagnol, une en allemand et une en italien. A l’époque (tout début du parlant), on ne doublait pas les acteurs, on refilmait l’ensemble, les acteurs mimant les paroles pendant qu’un autre acteur disait le texte en langue étrangère hors champ. Les personnages secondaires étaient souvent remplacés par des acteurs étrangers. L’affirmation souvent rencontrée que Boris Karloff jouerait dans la version française (aujourd’hui perdue) pour remplacer Walter Long est probablement inexacte (voir dans les commentaires ci-dessous l’explication de Jean-Claude Michel).

13 décembre 2011

Tillie and Gus (1933) de Francis Martin

Tillie and GusA la mort de son père, une jeune femme naïve est escroquée par un chargé d’affaires véreux qui lui annonce qu’elle n’hérite que d’un bateau à roue à aubes en mauvais état. Une lettre a tout de même été envoyée à Tillie, la sœur du défunt, et à Gus, son mari, tous deux censés être missionnaires. Ils vont réussir à contrecarrer les plans de l’escroc… Tillie and Gus est un film assez court (58 minutes) et globalement assez inégal. Ce n’est pas un des meilleurs de W.C.Fields mais il recèle de beaux moments. Au grand désespoir du réalisateur, W.C.Fields a écrit la plus grande partie de ses dialogues ce qui nous vaut de belles réparties (Tillie : « Tu aimes les enfants, Gus ? » Gus : « Seulement quand ils sont bien cuits ! ») Pour la seconde fois, il fait tandem avec Alison Skipworth, actrice anglaise qui est un peu son pendant féminin.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: W.C. Fields, Alison Skipworth, Julie Bishop, Phillip Trent
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6 décembre 2011

Le secret des chandeliers (1937) de George Fitzmaurice

Titre original : « The emperor’s candlesticks »

Le secret des chandeliersAprès avoir kidnappé le fils du Tsar, un groupe de partisans polonais envoie un émissaire secret porter leurs exigences à Saint-Pétersbourg. Ayant caché la lettre dans un chandelier, il va trouver sur son chemin la comtesse Mironovo, dangereuse espionne russe. Mais les chandeliers sont volés en chemin… Le secret des chandeliers n’est probablement pas un film très notable mais il ne manque pas de charme et reste distrayant. La MGM remet ensemble deux de ses stars, Luise Rainer et William Powell, cette fois dans un cadre très différent, celui de la Russie tsariste. Cela nous vaut quelques beaux et fastueux décors et de belles robes. L’histoire en elle-même est plus amusante que probable : c’est un divertissement sur fond d’espionnage. Nos deux héros jouent au jeu du chat et de la souris et c’est parfois très réussi comme dans la scène de l’auberge. La fin est un peu ridicule. Luise Rainer, malgré sa voix adorable, n’a pas le magnétisme de Marlene Dietrich ou de Greta Garbo dans ce genre de rôle d’espionne et le film n’a pas l’étincelle qui l’aurait propulsé. Le secret des chandeliers n’eut aucun succès et reste très mal connu. Si ce n’est certes pas un grand film, il ne mérite pas ce mauvais traitement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: William Powell, Luise Rainer, Robert Young, Maureen O’Sullivan, Frank Morgan
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Remarques :
L’histoire est tirée d’un livre de la Baronne Emmuska Orczy, auteur à succès de romans anglais d’aventures.

26 novembre 2011

Lady Lou (1933) de Lowell Sherman

Titre original : « She Done Him Wrong »

Lady LouUn saloon du New York des années 1890 est tenu par un politicien véreux mais c’est Lou, tenancière et chanteuse, qui fait tomber tous les hommes qui passent à sa portée… She Done Him Wrong est le second film tourné Mae West mais c’est le premier où elle tient le haut de l’affiche. Le film est adapté de sa propre pièce, Diamond Lil, qui avait eu un grand succès à Broadway. C’est ce film qui va établir son personnage haut en couleur : provocante, aguicheuse et ne parlant que par phrases à double sens (sexuel évidemment). Avec son déhanchement exagéré, son personnage est très proche de la caricature. Ses robes, ultra serrées, étaient cousues directement sur elle. Mais ce sont les dialogues qui forment l’élément le plus savoureux du film, incroyablement chargés de sous-entendus et d’allusions. Nous sommes en 1932 avant la généralisation du Code Hays (règles de censure puritaine) et cela se sent ! Même les chansons sont pleines de doubles sens: “I Wonder Where My Easy Rider’s Gone”, “A Guy What Takes His Time”. Bien entendu, nous ne sommes pas ici dans la petite dentelle, c’est de l’humour assez percussif mais, à condition de ne rien prendre au sérieux, cet humour fonctionne bien. She Done Him Wrong fut un énorme succès, ce dont la Paramount avait bien besoin à l’époque, et lancera le phénomène Mae West. Le film sera également un tremplin pour Cary Grant.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mae West, Cary Grant, Owen Moore, Gilbert Roland, Noah Beery, David Landau
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Remarques :
* Noah Beery est le frère de Wallace Beery.
* C’est Mae West qui a découvert Cary Grant parmi les petits acteurs de la Paramount et qui a poussé pour qu’il ait un rôle de premier plan dans Blonde Venus avec Marlene Dietrich, tourné peu avant Lady Lou (Marlene Dietrich et Mae West étaient en très bon termes).
* Le titre est dérivé des paroles d’une chanson traditionnelle américaine appelée Frankie and Johnny que Mae West chante dans le film (en détournant un peu les paroles).
* Le film a été tourné en 18 jours pour un budget très réduit.

25 novembre 2011

Movie Crazy (1932) de Clyde Bruckman

Autre titre (Belgique) : « Silence, on tourne! »

Movie CrazyA la suite d’une méprise, un provincial qui rêve de faire carrière dans le cinéma est convoqué à Hollywood pour faire des essais… Les grands burlesques du cinéma muet ont souffert du passage au parlant. Sans échapper totalement à la règle, Harold Lloyd est celui qui a le mieux réussi à prendre le virage, avec même quelques belles réussites comme ce Movie Crazy. C’est son premier film vraiment écrit comme un parlant (et non comme un muet sonorisé). L’histoire n’est guère originale en soi et pourtant Harold Lloyd parvient à Movie Crazy éviter les situations les plus faciles et nous livre de très bons gags. Les scènes de la piste de danse et de la bagarre finale sont assez mémorables. Movie Crazy montre un bel équilibre entre l’humour et la romance, avec un personnage féminin (joué par Constance Cummings) assez travaillé. C’est inhabituel pour le burlesque muet et témoigne donc de l’évolution d’Harold Lloyd pour aborder le parlant. Le succès fut au rendez-vous, un succès justifié car Movie Crazy est au niveau de ses meilleurs films.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Constance Cummings
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Remarques :
* Le film fut tourné sans le son, les voix étant ajoutées en post-production.
* Bien que Clyde Bruckman soit crédité comme seul réalisateur, le film a été en grande partie dirigé par Harold Lloyd lui-même du fait de l’alcoolisme chronique de Bruckman.

22 novembre 2011

Vers sa destinée (1939) de John Ford

Titre original : « Young Mr. Lincoln »

Vers sa destinéeEmployé d’une petite échoppe au fin fond de l’Illinois, le jeune Abe Lincoln troque quelques tissus contre des livres de Droit qu’il étudie longuement. A la mort de la jeune fille qu’il aimait, il décide d’aller à Springfield pour se lancer dans une carrière d’avocat… Vers sa destinée (Young Mr Lincoln) retrace donc les débuts de la carrière publique d’Abraham Lincoln, alors qu’il n’était qu’un simple avocat de province. Abraham Lincoln est unanimement vénéré aux Etats-Unis (nous n’avons pas d’équivalent en France) et donc le sujet n’est pas si facile à traiter. La grande réussite de John Ford est de l’avoir rendu très humain et d’avoir évité toute grandiloquence. Son cinéma est, dans le fond et dans la forme, d’une simplicité qui engendre la perfection, l’harmonie. Le scénario s’inspire de faits historiques tout en gardant une certaine liberté (par exemple, le procès décrit a eu lieu beaucoup plus tard dans sa vie, alors qu’il avait largement débuté sa carrière politique). John Ford fait ici un éloge de la ruralité, des hommes ordinaires qui bâtissent la Nation. Henry Fonda est l’incarnation parfaite du jeune Lincoln, à la fois par sa stature, sa prestance, sa simplicité naturelle et la puissance de son jeu (1). Vers sa destinée (Young Mr Lincoln) a longtemps été considéré comme mineur. Curieusement, c’est Eisenstein qui a relancé sa popularité parmi les critiques en déclarant à la fin des années cinquante que c’était, parmi tous les films américains, celui qu’il aurait aimé avoir fait.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Alice Brady, Donald Meek, Marjorie Weaver, Pauline Moore, Ward Bond, Arleen Whelan
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Remarques :
(1) Dans son autobiographie, Henry Fonda raconte que lorsqu’un producteur est venu lui demander s’il connaissait Abraham Lincoln, il a répondu : « Je suis absolument dingue de Lincoln. J’ai lu les trois-quarts des bouquins qui lui ont été consacrés ! » L’acteur refusa néanmoins le rôle, comme par crainte de commettre un crime de lèse-majesté. C’est John Ford qui réussit à le convaincre, plusieurs mois plus tard, en insistant sur le côté « petit avocat de province » du héros de son film.