30 mars 2014

Les Joueurs d’échecs (1977) de Satyajit Ray

Titre original : « Shatranj Ke Khilari »

Les joueurs d'échecsNous sommes en 1856, dans la province d’Awadh au nord de l’Inde. Alors qu’ils avaient signé un traité d’amitié très avantageux pour eux, les anglais désirent reprendre le contrôle total de la région et prennent le prétexte d’une prétendue mauvaise gestion pour forcer le souverain à se démettre. Pendant ce temps, deux aristocrates oisifs passent leurs journées à jouer aux échecs… Les Joueurs d’échecs est basé sur des faits historiques. C’est le seul film de Satyajit Ray en langue hindi (et non bengali) et qui soit situé dans une ville musulmane alors que le cinéaste est hindouiste. Le film met en parallèle deux histoires : l’une est plutôt grave et historique, elle montre comment l’Angleterre a fini de faire main basse sur l’Inde par la traitrise ; l’autre est plus légère, montrant comment deux bourgeois ne se soucient que de leur jeu préféré, insensibles à leur environnement, délaissant même leur femme. Ce parallèle surprenant a pu dérouter les spectateurs (le film fut un échec commercial). L’attitude de ces deux joueurs, sorte de combattants d’opérette (descendants pourtant de vrais combattants), symbolisent l’indifférence générale dans laquelle l’annexion de l’Inde par l’Angleterre s’est déroulée. Satyajit Ray soigne ses décors, les couleurs sont superbes, et ses personnages. De façon inhabituelle pour lui, il a réuni un plateau d’acteurs indiens très connus. Face à eux, Richard Attenborough interprète un général décidé à accomplir sa mission coûte que coûte, tout en contraste avec Tom Alter, son aide de camp, le seul anglais qui comprenne la civilisation indienne comme en témoigne les savoureux dialogues avec le général. Film assez subtil, aux changements de tons surprenants, Les Joueurs d’échecs est un beau film dans lequel il faut se laisser envelopper, l’un des meilleurs de ce grand cinéaste indien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sanjeev Kumar, Saeed Jaffrey, Shabana Azmi, Victor Banerjee, Richard Attenborough
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25 novembre 2008

Le fleuve (1951) de Jean Renoir

Titre original : « The River »

Le fleuve Lui :
Jean Renoir a tourné Le Fleuve en anglais avec une production indienne, aucun studio américain n’ayant voulu financer le projet. Il s’agit de son premier film en couleurs. Et quelle couleur! Le directeur de la photographie, son neveu Claude Renoir et le décorateur Eugène Lourié jouèrent sur les demi-teintes de la végétation pour un résultat splendide, à la fois éclatant et tout en nuances. On pense inévitablement à l’influence du père de Jean, Auguste Renoir. Le Fleuve est un film d’occidental : Le Fleuve Jean Renoir ne connaît absolument pas l’Inde quand il découvre le roman de l’anglaise Rumer Godden sur l’éveil à l’amour d’une jeune fille dans une famille de colons britanniques. Renoir semble fasciné par ce pays et nous transmet cette attirance : détaillant précisément certaines coutumes, le film mêle documentaire et fiction si étroitement qu’ils semblent fusionner parfaitement. Au-delà de l’histoire sentimentale, le fond du propos est justement sur l’harmonie, chaque personne chaque objet faisant partie d’un tout pour parvenir à une certaine plénitude. Le récit est majestueux. Le Fleuve peut être vu comme un des beaux hymnes à la vie.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Thomas E. Breen, Patricia Walters, Radha, Adrienne Corri
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Homonymes :
The River de Frank Borzage (1929), avec Charles Farrell
The River (La Rivière) de Mark Rydell (1984) avec Mel Gibson et Sissi Spacek.

13 novembre 2007

Water (2005) de Deepa Mehta

WaterElle :
Water a mis cinq ans avant de pouvoir être achevé car il dénonce l’existence en Inde de traditions révoltantes : des petites filles mariées à l’âge de sept ans qui, une fois devenues veuves, étaient bannies et devaient passer le restant de leurs jours dans un ashram. N’ayant reçu aucune éducation, ces femmes ne cherchent pas à remettre en cause leur sort injuste tandis que les brahmanes décrètent par loi qu’ils peuvent coucher avec qui ils veulent et que leurs maîtresses sont bénies des dieux. Deepa Mehta parvient à faire passer avec sensibilité et justesse ce message de révolte dans la réalité de l’Inde coloniale des années 1930 qui tente de marcher vers l’indépendance avec l’arrivée de Gandhi. Elle nous offre également une mise en scène d’une grande beauté. Elle fait un travail photographique splendide sur la lumière et la vie au bord du Gange. L’eau est présente tout au long du film. Le fleuve sert à baigner les morts, à se laver, à se purifier des péchés, à prier. Une fois immergé dans cette réalité très différente de la nôtre, on se laisse gagner par le message d’injustice, par l’émotion et la beauté des images et des personnages. On est bien loin de Bollywood qui nous semble si souvent masquer les véritables facettes de l’Inde en n’offrant que joie et sourires forcés. Seul petit bémol, la scène avec le discours de Gandhi n’est pas très convaincante car très mal amenée.
Note : 5 étoiles

Lui :
Water nous plonge en plein cœur de pratiques particulièrement choquantes qui avaient cours en Inde dans les années 30 et qui auraient encore des restes de nos jours. Qu’une petite fille de 7 ans se retrouve mariée à un homme de plus de 50 ans est déjà à peine imaginable mais qu’elle soit obligée de passer toute sa vie comme une paria de la société une fois devenue veuve est encore plus terrifiant. Les veuves vivent cloîtrées en petits groupes, sans ressources, la plus jolie étant obligée de se prostituer pour que les autres puissent manger. Cette pratique trouve sa justification dans les textes sacrés, écrits il y a plus de 2000 ans. Water a l’immense mérite d’étaler au grand jour ces usages épouvantables et la réalisatrice le fait d’une façon très authentique, réussissant une sorte de symbiose entre film indien et film occidental. La photographie est assez belle ce qui n’empêche pas le film d’être assez dur. On sent poindre le désir de révolte qui trouve écho dans le contexte politique mis ici en toile de fond avec la montée de Gandhi, ce qui n’empêche pas la réalisatrice de montrer les contradictions des personnes qui se disent progressistes.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Sarala, Lisa Ray, John Abraham
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Note : La réalisatrice a eu toutes les difficultés à réaliser ce film : menaces, plateau saccagé et brûlé, effigies de la réalisatrice brûlées quotidiennement à travers le pays. Après avoir protégé le tournage avec des hommes de troupe, le gouvernement indien a finalement du l’interdire. Il aura fallu un soutien international actif, avec notamment le réalisateur Georges Lucas, pour que le tournage puisse s’achever 5 ans après avoir commencé.

9 septembre 2007

La Coupe (1999) de Khyentse Norbu

Titre original : Phörpa

La CoupeElle :
Une façon originale de nous faire découvrir les tibétains et leurs traditions au travers de deux jeunes moines qui sont fascinés par la Coupe du Monde de football et qui cherchent à tout prix à faire partager leur enthousiasme à leurs collègues. Ce film plein d’humour et de drôlerie témoigne également de leur souffrance lors de leur long exil en Inde.
Note : 5 étoiles

Lui :
Les moines tibétains gagnés par la fièvre de la coupe du monde de football. C’est amusant mais, à mes yeux, cela reste assez superficiel tout de même.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Orgyen Tobgyal, Neten Chokling
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1 mai 2007

Veer-Zaara (2004) de Yash Chopra

Veer-ZaaraElle :
(pas vu)

Lui :
Quand il tourne ce film, Yash Chopra a déjà plusieurs dizaines de films à son actif dont plusieurs ont connu un énorme succès en Inde. Il n’est donc pas étonnant qu’il fasse preuve de tant de maîtrise en mettant en scène cette histoire d’amour impossible entre le beau Veer et la belle Zaara : superbes travellings, magnifique utilisation de la couleur et chorégraphies complexes avec une forte dose de modernité. Si toutes les occasions sont bonnes pour chanter et danser, le réalisateur sait conserver une certaine gravité à cette histoire poignante et pathétique et parvient à créer l’émotion. L’histoire d’amour occupe bien entendu le premier plan mais les allusions à l’émancipation des femmes ou à la réunification Inde-Pakistan sont assez nombreuses et fortes. Avec ses grandes scènes contemplatives, Veer-Zaara reste un très beau spectacle, souvent un vrai délice pour les yeux. Dommage que ce soit si long : 3h10, une durée normale pour un film à Bollywood.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Shahrukh Khan, Preity Zinta
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11 juin 2006

Hanuman (1998) de Fred Fougea

Hanuman Elle :
Film plutôt gentillet avec des personnages de bons et de méchants bien typés. Le scénario assez simple est davantage fait pour les enfants. Seuls les mimiques des adorables petits singes et quelques beaux paysages me maintiennent en éveil.
Note : 2 étoiles

Lui :
A mi-chemin entre le conte pour enfants et le documentaire animalier, ce film de Fred Fougea utilise habilement des scènes réelles de singes dans leur élément naturel pour les faire coller au scénario. L’histoire peut sembler un peu simplette : une histoire de trafic de statues hindoues et de petits singes, avec en toile de fond la légende d’Hanuman, le Dieu Singe. Cette légende existe vraiment : dans l’hindouisme, Hanumân est un héros du Râmâyana, une épopée écrite il y a 2000 ans environ. L’ensemble est gentil, plutôt destiné aux enfants, mais se laisse regarder. Les personnages sont typés, bien entendu, mais sans excès. Belles images de cette région de l’Inde et des scènes avec des petits singes mignons tout plein…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Robert Cavanah
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28 février 2006

Samsara (2001) de Nalin Pan

Samsara Elle :
Film époustouflant sur le plan visuel et musical. Magnifiques paysages de l’Inde, couleurs chatoyantes de tibétains sur fond de montagnes arides. Sur ce plan-là, Samsara est très réussi. Je n’en dirai pas autant du scénario que j’ai trouvé un peu trop simple. De plus, la lenteur des plans et la trop longue durée du film finissent par peser quelque peu et l’on finit par s’ennuyer ferme. Le film me fait penser à Himalaya qui avait un peu les mêmes défauts. C’est dommage.
Note : 1 étoile

Lui :
Les images sont plutôt belles mais il faudrait un scénario un peu plus étoffé. C’est terriblement lent et il a été bien difficile de rester éveillé.
Note : 1 étoile

Acteurs: Shawn Ku, Christy Chung
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23 février 2006

« Lagaan » (2001) de Ashutosh Gowariker

Titre original : « Lagaan: Once Upon a Time in India »

Lagaan Elle :
Grosse production indienne à succès qui suinte le trop beau, le trop bien coiffé, la musique de variétés sirupeuse sur vague fond historique puisqu’il s’agit de l’occupation britannique en Inde à la fin du XIXe siècle. (Abandon)
Note : pas d'étoile

Lui :
Evidemment la forme surprend, on n’est pas vraiment habitué à voir ce genre de film, mais en fin de compte on se laisse assez rapidement gagner par son charme, car il n’en est pas dénué. Comme on le sait, Lagaan est un peu l’exemple amélioré du film indien-type (Bollywood), genre particulièrement prolixe et populaire en Inde. Le scénario est extrêmement simpliste : on ne perd pas de temps à identifier les gentils et les méchants, mais son charme est ailleurs, du côté de la féerie des scènes, de l’univers recréé, un monde à la fois grandiose et magique alors qu’il ne s’agit ici que d’un village de pauvres paysans. Et il y a les parties musicales, chantées, chorégraphiées à la perfection, extrêmement riches et belles. La voix de l’actrice/chanteuse, très haute et très pure, est presque envoutante. Quand on voit comment ce cinéma parvient à nous servir sur un plateau la « magie du cinéma », on comprend aisément le succès que peut avoir ce genre de film en Inde. Bien entendu, je ne regarderais pas un film comme cela tous les jours, car le genre doit lasser assez vite du fait de la simplicité manichéenne du scénario et aussi de la longueur : 3h40, la durée standard des films en Inde (un entracte est prévu…)
Note : 4 étoiles

Acteurs: Aamir Khan, Gracy Singh, Rachel Shelley
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13 janvier 2006

Le mariage des moussons (2001) de Mira Nair

Titre original : « Monsoon Wedding »

Le mariage des moussons Elle :
Ce film indien est intéressant car il nous projette au coeur d’une famille bourgeoise indienne tiraillée entre le monde traditionnel et les moeurs occidentales. On assiste aux amours, ruptures, questionnements sur les choix de vie La famille est toute puissante et les mariages arrangés sont courants. L’attirance pour l’Amérique est très forte. Ce père de famille qui va laisser partir sa fille avec un indien informaticien aux Etats-Unis est attachant de par son amour pour sa famille mais aussi parce qu’il ne cherche pas à sauver les apparences. Il va jusqu’à exclure un membre de la famille qui a abusé de sa fille adoptive. Les femmes dans leurs saris chatoyants semblent épanouies malgré leurs doutes. Des plans courts sur les rues grouillantes d’humains grisâtres rythment le film. J’ai nettement préféré ce film à Lagaan de par la richesse de son regard sur cette société indienne à deux vitesses.
Note : 4 étoiles

Lui :
Ce film flirte avec le bollywood mais sans tomber franchement dedans. On suit avec assez d’intérêt la vie de cette famille de New Delhi, une famille qui s’apprête à célébrer le mariage (arrangé) de l’une des filles. Bien entendu, cette famille aisée n’est pas représentative et la réalisatrice a inséré entre certains plans des scènes de rues comme pour nous montrer le vrai visage des villes indiennes actuelles. La mise en scène est globalement assez heurtée et chaotique, ce qui est parfois à la limite du désagréable. L’ensemble reste bon enfant…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Naseeruddin Shah, Lillete Dubey, Shefali Shetty
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