6 octobre 2011

Dédée d’Anvers (1948) de Yves Allégret

Dédée d'AnversDédée (Simone Signoret) est entraineuse dans un bar à marins sur le port d’Anvers. Le patron, Monsieur René (Bernard Blier) est bienveillant mais elle est soumise à son souteneur (Marcel Dalio), engagé comme portier. Sa rencontre avec un capitaine italien qui fait de la contrebande avec son cargo (Marcello Pagliero) va bouleverser sa vie… Dédée d’Anvers n’est pas sans rappeler Quai des Brumes par son atmosphère (on pourra aussi trouver que Marcello Pagliero ressemble à Jean Gabin !) Sans être tout à fait dans la veine du réalisme poétique de l’avant-guerre, le film d’Yves Allégret est un film noir et fataliste. Il est servi par une belle interprétation, notamment celle de Simone Signoret qui montre une grande présence à l’écran et apporte beaucoup d’humanité à son personnage, à la fois forte et fragile. Son mari, Yves Allégret, lui offre ainsi le premier de ses grands rôles. L’histoire pêche par son côté très conventionnel et l’on aurait souhaité un peu plus de profondeur dans les personnages. A noter une étonnante scène de bagarre entre marins dans la rue, c’est d’ailleurs presque la seule scène sur l’environnement social. Dédée d’Anvers tire toute sa force de son interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Simone Signoret, Marcello Pagliero, Marcel Dalio, Jane Marken
Voir la fiche du film et la filmographie de Yves Allégret sur le site IMDB.

Remarque :
Dédée d’Anvers est adapté d’un livre d’Henri La Barthe (sous le pseudonyme Ashelbé), également auteur de Pépé Le Moko.

1 octobre 2011

Le père de mes enfants (2009) de Mia Hansen-Løve

Le père de mes enfantsUn producteur de films vit intensément sa passion pour le cinéma et son amour pour sa famille. Stressé, ayant de plus en plus de mal à trouver ses financements et même aculé par les dettes, il ne peut se résoudre à voir la faillite économique de sa société de production… Le personnage principal du film Le père de mes enfants est inspiré par le producteur Humbert Balsan qui s’est donné la mort en 2005. La jeune réalisatrice Mia Hansen-Løve l’avait elle-même connu puisqu’il devait financer son premier long métrage Tout est pardonné. Mais ce n’est pas un film biographique, la réalisatrice a plutôt chercher à montrer le conflit interne entre la passion et le désir de mort et aussi dresser un portrait de la production indépendante en France, avec cette éternelle difficulté de faire rencontrer le monde de l’art et celui de l’argent. Pendant une grosse première moitié du film, nous ne quittons jamais le personnage du producteur mais, malgré cela, le portrait dressé est assez superficiel, la réalisatrice utilisant l’imagerie très classique (et très parisienne) de l’homme qui vit intensément : il jongle avec deux téléphones tout en faisant mille choses, fume beaucoup, a du mal à concilier sa vie professionnelle et familiale, fait des excès de vitesse sur le chemin de sa maison de campagne, etc. En revanche, on ne perçoit que difficilement sa sensibilité pour le cinéma (mis à part de lui faire dire qu’un bon réalisateur est le plus souvent impossible) ni de quelle façon il peut conseiller les réalisateurs. Mia Hansen-Løve ne le présente finalement que sous la forme d’une interface avec les banquiers. Dès lors, Le père de mes enfants apparaît comme très conventionnel et ne peut empêcher de générer un certain ennui.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Louis-Do de Lencquesaing, Chiara Caselli, Alice de Lencquesaing, Eric Elmosnino, Sandrine Dumas, Dominique Frot
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28 septembre 2011

Si Paris nous était conté (1956) de Sacha Guitry

Si Paris nous était contéDevant cinq jeunes étudiants qui boivent ses paroles, Sacha Guitry raconte à sa façon les grandes heures de l’histoire de Paris. Ne se souciant guère de la chronologie et prenant quelques libertés avec l’exactitude, il rapproche des évènements semblables, s’attarde sur tel ou tel épisode ou personnage au gré de sa fantaisie ou de ses affinités… Si Paris nous était conté s’inscrit dans la lignée de Si Versailles m’était conté (1954) et de Napoléon (1955), tout en s’écartant de tout académisme. Sacha Guitry, sentant la maladie le gagner, veut faire fi du sérieux et de l’académisme des films historiques pour raconter l’Histoire comme il lui plaît, sans entraves, de façon vivante. Si l’intention était belle, le résultat est (de façon assez surprenante) plus ennuyeux qu’attendu. L’ensemble est décousu, de nombreuses séquences paraissent longues et mornes, les suites d’évènements (telle les assassinats) sont interminables, certains personnages sont ratés (tel Gérard Philipe en insupportable troubadour), certaines évocations sont pontifiantes. Le passage le plus enlevé est certainement celui de la Bastille avec les multiples évasions de Latude. Sacha Guitry laisse voir son admiration pour certains de ces grands personnages, tel ce portrait qu’il nous dresse de Voltaire. La mort est un thème sous-jacent qui est très présent. Guitry a réutilisé certaines chutes de films précédents et s’est entouré d’une belle pléiade d’acteurs. On aurait tant aimé que résultat soit meilleur que cela!
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Danielle Darrieux, Robert Lamoureux, Pierre Larquey, Jean Marais, Odette Joyeux, Lana Marconi, Michèle Morgan, Gérard Philipe, Sophie Desmarets, Sacha Guitry, Renée Saint-Cyr, Jean Tissier, Pauline Carton, Robert Manuel
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27 septembre 2011

Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec (2010) de Luc Besson

Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-SecDe façon assez surprenante, cette adaptation de la bande dessinée de Tardi est une comédie. L’atmosphère de Paris début de siècle est bien là mais ce n’est pas pour installer un climat d’intrigues souterraines et d’aventures policières. Après un prologue en Egypte inspiré d’Indiana Jones, toute l’histoire tourne autour du ptérodactyle, utilisé assez simplement. Les dialogues ne sont qu’une suite de réparties brillantes, c’est particulièrement net pour le personnage d’Adèle Blanc-Sec qui semble incapable de prononcer une phrase normale. Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec semble ainsi ciblé très jeune, Luc Besson est plus que jamais un grand enfant. Si certains personnages secondaires sont assez réussis (tel Dieuleveult, d’ailleurs très inspiré d’un personnage d’Indiana Jones), la caricature va trop loin pour d’autres (l’inspecteur, le chasseur, etc.) à tel point qu’ils en deviennent pénibles. Le meilleur du film réside dans ses images de synthèse qui sont parfaites : les décors parisiens reconstitués et aussi la séquence avec les momies réveillées. On ne peut pas dire que l’on s’ennuie mais Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec est globalement assez décevant par son côté grand gamin trop marqué.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Louise Bourgoin, Mathieu Amalric, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve, Jacky Nercessian
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19 septembre 2011

Le cercle rouge (1970) de Jean-Pierre Melville

Le cercle rougeDans le train Marseille-Paris, un gangster échappe au commissaire qui l’escortait. Il se réfugie dans le coffre de la voiture d’un jeune truand, sorti de prison le matin même. Les deux hommes se lient d’amitié. Le commissaire poursuit sa traque… Comme l’indique le titre (1), Le cercle rouge est un film sur la fatalité. C’est aussi un film qui montre la fascination de Jean-Pierre Melville pour les truands de haut vol… et pour Alain Delon qu’il met merveilleusement en scène une nouvelle fois. Comme dans Le Samouraï, son personnage est froid et taciturne mais le spectateur est en totale empathie avec lui. Tout le film est d’ailleurs économe en paroles, et même en musiques, ce silence culmine dans la longue scène (25 minutes) du casse qui se déroule sans un dialogue. Ce casse évoque ainsi celui de Quand la ville dort de John Huston et celui de Du rififi chez les hommes de Jules Dassin (2). A côté de Delon, Bourvil campe un commissaire très crédible, loin des rôles franchouillards qu’il a si souvent tenus, un personnage hors-normes par plusieurs aspects. Gian Maria Volonte et Yves Montand complètent ce beau quarteron d’acteurs sur lequel Melville peut s’appuyer pour mettre en scène cette histoire avec perfection et beaucoup de style.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Bourvil, Gian Maria Volonté, Yves Montand, François Périer
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Remarques :
(1) Le titre vient d’une citation attribuée à Krishna, placée en épigraphe : « Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents. Au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge. »
(2) Melville a affirmé avoir eu l’idée de cette scène en 1950, soit avant la sortie des films de John Huston (1950) et de Jules Dassin (1955), et avoir mis l’idée de côté à cause de ces deux films.

12 septembre 2011

Mammuth (2010) de Gustave Kervern et Benoît Delépine

MammuthAyant atteint l’âge de la retraite, Serge part sur sa moto chercher les attestations de travail qui lui manquent, certains employeurs ayant oublié de le déclarer… Mammuth, c’est le nom de sa grosse moto allemande Munch, c’est aussi le surnom du personnage et il lui va bien tant Depardieu est maintenant énorme. Le film est un road-movie décalé, un peu fourre-tout. Il y a de bonnes idées, des personnages hauts en couleur mais mal développés : les rencontres tournent court le plus souvent et on ressent une certaine frustration. Le film finit par tourner en rond, alourdi par une histoire de perte d’un amour de jeunesse dans un accident.
Elle:
Lui : 1 étoiles

Acteurs: Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani, Benoît Poelvoorde, Miss Ming
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20 août 2011

Les biches (1968) de Claude Chabrol

Les bichesUne riche et oisive bourgeoise séduit une jeune fille, artiste de rue rencontrée à Paris. Elle l’emmène dans sa villa de Saint-Tropez… Indéniablement, Les biches est un film qui a quelque peu vieilli : ce qui choquait profondément en 1968, les rapports ambigus, l’homosexualité sous-jacente, ne provoque plus le même effet aujourd’hui. Il reste une peinture assez acerbe d’une bourgeoisie très huppée, une peinture aux couleurs d’oisiveté, de vacuité et de bêtise, et aussi un certain regard sur la fascination de l’argent. Stéphane Audran a le pouvoir donné par l’aisance financière. Elle règne sur son petit monde où se sont incrustés deux insupportables bouffons, deux parfaits imbéciles qui se donnent des airs d’intellectuels. Jean-Louis Trintignant est l’élément extérieur, perturbateur, un homme-objet qu’il joue de façon effacée. Mais le personnage le plus complexe est celui de la jeune fille interprétée par Jacqueline Sassard, un personnage qui se fond dans le décor, tel un caméléon, allant jusqu’à phagocyter son milieu. Les biches n’a pas la force de La Femme Infidèle que Chabrol tournera peu après mais il le préfigure.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Stéphane Audran, Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Sassard, Henri Attal, Dominique Zardi
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18 août 2011

Martin Roumagnac (1946) de Georges Lacombe

Martin RoumagnacDans une petite ville de province, une belle et élégante veuve fait tourner les têtes. Un jeune entrepreneur en maçonnerie en tombe éperdument amoureux… Martin Roumagnac est le seul film que Marlene Dietrich et Jean Gabin, alors amants, ont tourné ensemble. Alors que Les Portes de la Nuit (Marcel Carné) avait été écrit spécialement pour eux, Gabin préféra tourner cette histoire de passion fatale. Il faut bien avouer que le résultat n’est pas à la hauteur des attentes, surtout du fait de la diction trop guindée de Marlene Dietrich en français (1). Certes, cela crée un décalage intéressant entre les deux personnages, décalage qui comporte des points communs avec leur relation dans la vie réelle (2) mais cela ne suffit pas, d’autant plus qu’il n’y a pas l’étincelle qui aurait pu porter le film (3). Martin Roumagnac reste donc une simple curiosité, hélas. Le film est souvent cité comme charnière dans la carrière de Gabin entre ses rôles populaires et tragiques de l’avant-guerre et ses rôles de gangsters et de grands bourgeois qu’il affectionnera ensuite.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Jean Gabin, Jean d’Yd, Daniel Gélin
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(1) Dans son livre sur sa mère, Maria Riva, la fille de Marlene Dietrich, raconte que Gabin essayait de travailler avec Marlene sur les dialogues : « Arrête de parler aussi parfaitement. Enchaîne les syllabes, ce n’est pas un rôle de baronne. »
(2) Jean Gabin et Marlene Dietrich se quitteront d’ailleurs peu après la fin du tournage. Gabin en sera très affecté.
(3) Explication donnée par Maria Riva : « Ils étaient amants depuis trop longtemps pour faire passer à l’écran une sensualité qui aurait pu sauver le film ».

7 août 2011

Les invités de mon père (2010) de Anne Le Ny

Les invités de mon pèreA quatre-vingts ans, un ancien médecin impliqué dans des causes humanitaires décide d’accueillir chez lui des sans-papiers. Ceux-ci se révèlent être une affriolante jeune femme moldave et sa fille. Les enfants du retraité s’inquiètent… Les invités de mon père est une comédie dont le ressort principal est la caricature d’une certaine gauche aisée qui se donne bonne conscience par certaines actions mais se retrouve rapidement en butte à ses contradictions. Cet aspect du film d’Anne Le Ny est plutôt réussi. Ce qui l’est moins, ce sont ses personnages très typés. On retrouve la difficulté de dépasser le père, la femme sexuellement frustrée, l’homme qui cherche la reconnaissance par l’argent et autres situations psychologiques classiques et balisées qui empêche toute profondeur. Les invités de mon père est interprété avec mesure, tout d’ailleurs semble soigneusement dosé… peut-être un peu trop. Anne Le Ny a déclaré avoir eu le désir de ne porter aucun jugement sur ses personnages.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Fabrice Luchini, Karin Viard, Michel Aumont, Valérie Benguigui, Veronica Novak, Raphaël Personnaz
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4 août 2011

Quelle joie de vivre (1961) de René Clément

Titre italien : « Che gioia vivere »

Quelle joie de vivreDans l’Italie de 1921, Ulysse s’engage par désœuvrement dans les Chemises Noires fascistes avant de se retrouver adopté par une famille de sympathisants anarchistes. Pour les beaux yeux de Franca, la jeune fille de la famille, il va se faire passer pour un poseur de bombes… Juste après Plein Soleil, René Clément tourne à nouveau avec le tout jeune Alain Delon qu’il montre dans un registre totalement différent : la comédie. L’acteur s’en tire d’ailleurs avec une grande aisance. Tout est parfaitement farfelu dans cette histoire, à commencer par ces anarchistes d’opérette mais le principal ressort de l’humour est cette famille haute en couleur avec un grand-père assez pittoresque. Nous faisant passer du rire au sérieux, le traitement de René Clément rappelle certains grands films burlesques américains. Quelle joie de vivre est toutefois pénalisé par son casting international : Quelle joie de vivre Delon joue en français, Barbara Lass (alors femme de Roman Polanski) est polonaise, beaucoup d’acteurs sont italiens… Ugo Tognazzi fait même une petite apparition (en terroriste baragouinant en russe !), René Clément joue le général français. La version vue ici était en français, donc hélas doublée (assez correctement toutefois). Quelle joie de vivre n’eut aucun succès à l’époque de sortie : la France étant alors en pleine période des attentats de l’OAS, personne n’avait envie de rire sur le sujet. Malgré quelques longueurs, le film est pourtant amusant… et puis c’est tellement rare de voir Delon nous faire rire!
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Barbara Lass, Gino Cervi, Carlo Pisacane, Paolo Stoppa, Ugo Tognazzi
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Homonyme :
Quelle joie de vivre (Joy of living) comédie américaine de Tay Garnett (1938) avec Irene Dunne et Douglas Fairbanks Jr.