9 avril 2016

L’Inconnu de Shandigor (1967) de Jean-Louis Roy

L'inconnu de ShandigorUn savant fou a inventé un appareil qui rend inopérantes les armes atomiques. Il veut s’en servir pour dominer le Monde. Tous les services secrets ont chargé leurs agents de s’emparer des plans… Réalisé par le suisse Jean-Louis Roy, membre du Groupe des 5, L’Inconnu de Shandigor est une variation parodique sur le thème des films d’espionnage et plus particulièrement les James Bond. Le scénario n’est pas très développé mais, bien entendu, rien n’est sérieux, même si on peut regretter que l’humour n’aille pas plus loin. Le réalisateur a surtout travaillé sur le baroque, l’inattendu. Il utilise à merveille les décors du Parc Güell de Barcelone et la cathédrale de Gaudi et joue aussi très souvent avec l’architecture pseudo-futuriste de lieux très géométriques ou répétitifs. Les dialogues sont minimalistes, le jeu des acteurs est outré. Serge Gainsbourg dirige un petit gang de cinq agents secrets chauves (et nous gratifie d’un morceau joué à l’orgue) et Jacques Dufilho est un chef de l’espionnage russe haut en couleur. La musique d’Alphonse Roy, le père du cinéaste, est un peu trop présente. Original et surprenant, L’Inconnu de Shandigor est une curiosité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie-France Boyer, Ben Carruthers, Jacques Dufilho, Daniel Emilfork, Serge Gainsbourg
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Louis Roy sur le site IMDB.

L'Inconnu de Shandigor
Marie-France Boyer dans L’inconnu de Shandigor de Jean-Louis Roy.

L'Inconnu de Shandigor
Daniel Emilfork, l’inquiétant savant fou de L’inconnu de Shandigor de Jean-Louis Roy.

L'Inconnu de Shandigor
Serge Gainsbourg (dessinant le plan d’intervention à ses agents secrets…)  dans L’inconnu de Shandigor de Jean-Louis Roy.

8 avril 2016

L’Escapade (1974) de Michel Soutter

L'escapadePaul se rend dans un hôtel de montagne pour assister à un colloque de chercheurs. Arrivé sur place, il constate qu’il s’est trompé de date. Plutôt que de revenir chez lui rejoindre sa femme, il décide de lui mentir au téléphone et de rester. Il rencontre Virginie qui vient d’être mise à la porte par son ami Auguste, un écrivain en panne d’inspiration… Ecrit et réalisé par le suisse Michel Soutter, L’Escapade est un chassé-croisé sentimental qui n’a rien de conventionnel. Selon Michel Soutter, c’est « toute une série de sensations, d’évènements, de sentiments qui finiront par constituer la véritable histoire ». Les relations qui s’instaurent entre les personnages sont un peu ambigües, ils semblent se chercher, avancer à tâtons. Comme dans son film précédent Les Arpenteurs, les dialogues ont leur propre musique : souvent inattendus, ils nous charment par leur léger décalage. Mais, hélas, Michel Soutter ne parvient à retrouver l’équilibre subtil des Arpenteurs et, dès lors, le film paraît un peu lent, moins élégant, un brin plus futile.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Antoinette Moya, Philippe Clévenot, Jean-Louis Trintignant
Voir la fiche du film et la filmographie de Michel Soutter sur le site IMDB.

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L'escapade
Marie Dubois et Jean-Louis Trintignant dans L’escapade de Michel Soutter.

7 avril 2016

L’invitation (1973) de Claude Goretta

L'invitationRémy Placet est un modeste employé de bureau avec des manies de vieux garçon, toujours très proche de sa mère. Peu après la mort de cette dernière, il invite ses collègues de bureau à passer une journée dans la luxueuse maison à la campagne qu’il a obtenue en échange de la maison maternelle, convoitée depuis longtemps par des promoteurs. Il engage même un maitre d’hôtel stylé pour bien les recevoir… Dans la filmographie du réalisateur suisse Claude Goretta, L’invitation tient une place un peu à part puisqu’il s’agit d’une satire sociale sous forme de comédie : sous l’effet du cadre champêtre et de l’alcool, les inhibitions vont tomber et chacun va révéler un pan plus ou moins insoupçonné de sa personnalité. Nos yeux modernes pourront trouver que le film a vieilli, notamment parce que ce procédé de « faire tomber les masques » n’est plus aussi original aujourd’hui qu’il pouvait l’être en 1973. Goretta met en relief deux points principaux : la façade sociale et le conformisme. Le propos n’est donc pas si daté que cela, même si les termes ne recouvriraient plus exactement la même chose aujourd’hui. Avec le recul, on peut trouver qu’une certaine naïveté émane du propos, ce qui ajoute à son charme. Les personnages sont suffisamment tranchés et Goretta introduit un maître d’hôtel assez inhabituel et énigmatique. Tous les rôles sont très bien tenus avec une mention particulière à la pétillante Cécile Vassort et à Michel Robin dont le jeu est, comme toujours, aussi juste que délicat.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean-Luc Bideau, François Simon, Jean Champion, Corinne Coderey, Michel Robin, Cécile Vassort, Rosine Rochette
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L'invitation
Cécile Vassort, Rosine Rochette et Jean-Luc Bideau dans L’invitation de Claude Goretta.

invitation-large3
Jean Champion, Jean-Luc Bideau, , Pierre Collet et Michel Robin dans L’invitation de Claude Goretta.

L'invitation
Debouts : Rosine Rochette, Neige Dolsky, Corinne Coderey et Jean Champion
Penchés : Pierre Collet, Jean-Luc Bideau et François Simon
Au sol : Michel Robin.

6 avril 2016

Les Arpenteurs (1972) de Michel Soutter

Les arpenteursTout commence avec un panier de légumes que Lucien met sous une haie, à l’abri des oiseaux. Il n’ose pas aller le porter à sa jolie voisine car sa femme affirme que c’est une prostituée. Il demande à Léon, un géomètre (arpenteur) de passage, d’aller le porter à sa place… Ecrit et réalisé par le suisse Michel Soutter, l’un des trois grands artisans genevois du cinéma suisse des années 70, les deux autres étant Goretta et Tanner (1), Les Arpenteurs ne se raconte pas vraiment. La construction surprend mais on adhère très rapidement au film. Arpenter, c’est « marcher de long en large à grandes enjambées entre les maisons, les gens et les sentiments », indique un carton à la fin du film. Arpenter, c’est ce que semblent faire les personnages du film de Michel Soutter : ils explorent leur univers sentimental et affectif pour découvrir s’ils « vivent à l’envers » ou « à l’endroit ». Le personnage central est Alice (Marie Dubois), toujours dans un univers d’enfance, trop joueuse, involontairement cruelle aussi. Son innocence forme un barrage, ceux qui l’aiment n’osent franchir le pas. Face à elle, Léon (Jean-Luc Bidault) à l’apparence si massive, perd lui aussi son assurance. Tout l’art de Michel Soutter a été de créer un univers poétique qui semble avoir son propre rythme et son propre langage fait des répliques inattendues ou parfois de silences. Il parvient à un bel équilibre. Son film est léger en apparence, assez amusant mais aussi plutôt profond.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis, Jacqueline Moore
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(1) Alain Tanner, Claude Goretta, Michel Soutter, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange (remplacé par la suite par Yves Yersin) appartenaient au « Groupe 5 », une association de cinéastes genevois qui se sont unis pour produire leurs films. Les cinéastes étaient proches de la Télévision suisse romande.

 

Les Arpenteurs
Jean-Luc Bideau et Marie Dubois dans Les Arpenteurs de Michel Soutter.

Les Arpenteurs
Marie Dubois et Jacques Denis dans Les Arpenteurs de Michel Soutter.

23 mars 2016

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014) de Roy Andersson

Titre original : « En duva satt på en gren och funderade på tillvaron »

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existenceSi le film du suédois Roy Andersson est si déconcertant, ce n’est pas tant par la forme, qui est plutôt attirante par son originalité : il s’agit d’une succession de saynètes filmées en plans-séquence, en plan large et caméra fixe, de véritables tableaux vivants qui se succèdent sur un rythme contemplatif. Les couleurs sont plutôt froides, sombres, tristes. Les humains qui évoluent dans le cadre ont le teint blafard, paraissent déshumanisés, ils en deviennent parfois abstraits ou de simples objets. Jusque là, ça va… c’est sur le fond que ça se gâte car, hormis quelques scènes assez évidentes, il est très difficile de percevoir la signification de ces tableaux. L’ensemble est pour le moins abscons. Les références historiques sont très suédoises (le roi Charles XII, supposé homosexuel, la bataille de Poltava perdue contre la Russie, la neutralité de la Suède en 1943, etc.) Tout le reste est majoritairement obscur mais l’ensemble semble marqué par un mélange de mal-être et de culpabilisation, par le sentiment de n’être, à l’instar des deux vendeurs de farces-attrapes, qu’un pion aux buts pitoyables : « Le monde est horrible et j’en fais partie », telle semble être cette philosophie sur l’existence promise par le titre.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Holger Andersson, Nils Westblom
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Remarques :
* Toutes les scènes ont été tournées en studio, y compris la scène de l’affiche ci-dessus (l’une des rares scènes d’extérieur). Voir une vidéo de la construction du décor  …

* Il s’agit du troisième volet de la Trilogie des vivants :
1 – Chansons du deuxième étage (2000)
2 – Nous, les vivants (2007)
3 – Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (2014)

Un pigeon perché sur une branche
Le pigeon perché sur une branche est empaillé, autant dire qu’il a tout loisir de  philosopher sur l’existence…

Un pigeon perché sur une branche

 

16 mars 2016

Au fil du temps (1976) de Wim Wenders

Titre original : « Im Lauf der Zeit »

Au fil du tempsRéparateur de projecteurs de cinéma, Bruno sillonne la région frontalière entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est à bord de son camion dans lequel il vit. Il ne voit que des salles de cinéma en décrépitude. Il fait la rencontre de Robert, un intellectuel qui vient de quitter sa femme, alors qu’il tente de se suicider en voiture. Il le prend avec lui… Avec Au fil du temps, Wenders clôt sa trilogie sur le voyage commencée avec Alice dans les villes et Faux mouvement. Il est plus exact de parler d’errance que de voyage, puisque ces deux êtres sont en quête d’identité. Nous saurons peu de choses sur eux, ils ne parlent guère, ne font rien de spectaculaire, rien de « racontable ». Il s’établit entre eux une relation boiteuse, sans gaité, qui aura au moins le mérite de créer en eux le besoin de « changer » (mais on ne saura pas vers quoi). La forme est plus enthousiasmante que le fond avec notamment une superbe photographie. Wenders (qui rappelons-le est aussi photographe) a dit avoir été influencé par Walker Evans (1), probablement plus pour les personnages et les intérieurs. Les plaines d’Allemagne ressemblent aux grandes étendues désertiques de l’Ouest américain. Wenders montre là aussi sa fascination pour les Etats-Unis. L’ensemble est très lent, ce qui n’est pas forcément gênant, mais peut paraître un peu vide, ce qui l’est plus. J’avais auparavant beaucoup apprécié ce film. Au fil de temps serait-il un film générationnel ?
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Rüdiger Vogler, Hanns Zischler
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(1) Walker Evans (1903 -) est un photographe américain, surtout connu pour ses clichés réalisés pour la FSA (Farm Security Administration) dans les années trente.

Au fil du temps
Hanns Zischler et Rüdiger Vogler dans Au fil du temps de Wim Wenders.

7 janvier 2016

Ida (2013) de Pawel Pawlikowski

IdaDans la Pologne de 1961, une jeune orpheline, élevée dans un couvent catholique, est sur le point de prononcer ses voeux de religieuse. Pour qu’elle soit sûre de son engagement, la Mère Supérieure l’envoie rencontrer sa tante, seul membre connu de sa famille, qui lui parle de ses parents. Ensemble, elles vont chercher à découvrir ce qui leur est arrivé pendant la guerre… Après avoir signé quatre longs métrages en Angleterre, le polonais Pawel Pawlikowski est revenu dans son pays natal pour y réaliser Ida, un très beau film plein de délicatesse. Ces deux femmes sont très différentes, aux antipodes l’une de l’autre, et ce qu’elles vont découvrir sur le passé va avoir des répercussions tout aussi différentes sur elles (mais n’est ce pas les conséquences du même constat, celui de l’impossibilité de vivre ?) Le propos du réalisateur n’est pas de démontrer ou de dévoiler mais plutôt de nous faire pénétrer un univers pour, peut-être, provoquer la réflexion. Pawlikowski a filmé cela avec beaucoup de retenue, évitant tout pathos malgré la force des émotions, et aussi beaucoup d’esthétisme : l’image en noir et blanc est superbe, il n’y a pas ou très peu de mouvements de caméra et les cadrages sont parfaits, très photographiques. Cet esthétisme n’est jamais forcé, à aucun moment il ne paraît artificiel. Ida forme ainsi un très bel ensemble.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska
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Ida
Agata Kulesza et Agata Trzebuchowska dans Ida de Pawel Pawlikowski

Ida

30 décembre 2015

Xenia (2014) de Panos H. Koutras

XeniaA la mort de sa mère, le jeune Dany, à peine 16 ans, part de Crète pour aller retrouver son frère à Athènes. Ensemble, ils partent à Thessalonique dans le nord du pays, à la recherche de leur vrai père qu’ils n’ont qu’à peine connu. Albanais par leur mère, ils voudraient que ce père les reconnaisse afin de bénéficier de la nationalité grecque. Passionnés par la chanson, ils y vont également pour participer à un concours de chant… Xenia, quatrième film du réalisateur grec Panos H. Koutras, est un road-movie initiatique à multiples facettes, au point de paraître un peu fourre-tout : chronique d’adolescence, chronique sociale et politique, conte fantastique, film musical, comédie, mélodrame, le film est un peu tout cela. Il aborde de multiples sujets de société, l’homosexualité, les groupuscules fascistes, l’immigration, les difficultés économiques et bien entendu la complicité entre frères et la recherche du père, le tout saupoudré de références cinématographiques. Si tout cela est pavé de bonnes intentions (Xenia signifie d’ailleurs « hospitalité » en grec), on peut trouver que l’ensemble manque d’équilibre avec des scènes qui s’étirent en longueur. Tout le monde n’est pas de mon avis toutefois puisque Xenia a été plutôt assez bien reçu, surtout en France.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Kostas Nikouli, Nikos Gelia
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Xenia
Kostas Nikouli dans Xenia de Panos H. Koutras.

21 décembre 2015

Tartuffe (1925) de F.W. Murnau

Titre original : « Herr Tartüff »

Tartuffe(Film muet) Un vieillard riche vit avec sa gouvernante qui lorgne sur sa fortune : elle réussit à faire déshériter son petit-fils qui, pour confondre l’intrigante, organise une projection privée du Tartuffe de Molière… Placer ainsi un film dans le film était un procédé très rare à l’époque : le prologue et l’épilogue se situent donc à la période actuelle avec une image plutôt moderne, des angles de vue innovants et une absence de maquillage des acteurs, alors que le corps du film est situé au XVIIe siècle, avec une image plus classique, adoucie par un flou artistique (ce sont les propres mots employés par l’opérateur Karl Freund interviewé en 1928). Murnau a beaucoup simplifié la pièce de Molière, ne conservant que quatre personnages principaux, mais il en garde bien l’esprit : il s’agit de fustiger l’hypocrisie et la fausse dévotion sur un fond de mise en relief des différences sociales. Les éclairages sont assez travaillés et les très gros plans nombreux. Pour compenser la dramatique réduction des dialogues, Emil Jannings a un jeu très expressif et son interprétation grimaçante de Tartuffe le rend plus inquiétant que ridicule. Du fait de ses connotations anticléricales, le film avait été amputé d’une dizaine de minutes dans sa version américaine. Il a été récemment restauré.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Emil Jannings, Werner Krauss, Lil Dagover
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Tartuffe
Emil Jannings et Lil Dagover dans Tartuffe de F.W. Murnau

 

9 décembre 2015

Blancanieves (2012) de Pablo Berger

BlancanievesEspagne, années 20. Sa mère étant morte en la mettant au monde, la petite Carmen est élevée par une belle-mère cruelle qui la laisse à peine voir son père, grand torero handicapé à la suite d’un accident de corrida… Second long métrage de l’espagnol Pablo Berger, Blancanieves a toutes les apparences d’un film muet des années 20, sans paroles avec des intertitres, tourné en 16mm pour obtenir une image avec du grain. Il s’agit d’une variation sur le thème de Blanche-Neige et les sept nains transposé de façon assez inattendue dans le monde de la tauromachie. Pablo Berger fait preuve de beaucoup de style et rend hommage aux grands réalisateurs du muet : il est difficile de ne pas penser à Blood and Sand de Fred Niblo pour les scènes de corrida, à The Unknown ou Freaks de Ted Browning pour les forains, mais aussi à El Dorado de Marcel L’Herbier ou encore à Eisenstein (pour le montage très rapide dans certaines scènes) etc. Les procédés usuels du muet sont utilisés : ouverture et fermeture d’iris, surimpression plutôt qu’incrustation. Les scènes sont démonstratives, le réalisateur utilisant largement les gros plans pour exprimer les caractères des personnages qui sont, comme souvent dans les contes, très typés. Il va même très loin dans ce sens puisque dans une scène, la peau de la (très méchante) marâtre devient toute granuleuse pour exprimer sa noirceur intérieure. Le jeu des acteurs est quelquefois trop expressif mais de bon niveau, seule Macarena García n’est pas toujours convaincante. Le résultat est totalement différent de The Artist : bizarrement il se dégage plus de modernité de l’ensemble, sans doute est-ce la façon de travailler l’image et surtout le placement de la musique qui est résolument moderne. Quoiqu’il en soit Blancanieves est une belle réalisation, un film très plaisant à regarder et qui n’est pas sans humour, un bel hommage au cinéma muet des années vingt.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Maribel Verdú, Daniel Giménez Cacho, Macarena García, Ángela Molina
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Blancanieves
Sofía Oria et Maribel Verdú dans Blancanieves de Pablo Berger

Blancanieves
Macarena García (au centre) entouré de 5 des 7 nains (en fait ils ne sont que 6) dans Blancanieves de Pablo Berger.