4 août 2017

Taxi Téhéran (2015) de Jafar Panahi

Taxi TéhéranJafar Panahi s’improvise chauffeur de taxi et filme les discussions avec ses passagers pour montrer les évolutions de la société iranienne… Le cinéaste iranien Jafar Panahi a été condamné en 2011 à une interdiction de faire des films pendant 20 ans pour « propagande contre le régime ». Il a néanmoins réussi à tourner trois longs-métrages depuis cette date avec tous les risques que cela comporte. Avec ses airs d’images volées, Taxi Téhéran se situe à la lisière du documentaire : les clients du taxi sont en fait des acteurs non professionnels dont l’identité n’est pas dévoilée, certains (la nièce, l’avocate) jouent leur propre rôle. Les situations sont assez rocambolesques mais elles permettent d’aborder plusieurs aspects de la société iranienne : les croyances, les trafics, la peine de mort, la transmission, la censure cinématographique, l’emprisonnement et quelques autres. Dans la forme, le film rappelle Ten d’Abbas Kiarostami (2002), avec heureusement un flot de paroles bien moins dense. Avec Taxi Téhéran, Jafar Panahi nous offre un témoignage très original sur l’état de son pays.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs:
Voir la fiche du film et la filmographie de Jafar Panahi sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Taxi Téhéran
Jafar Panahi est au volant de son taxi dans Taxi Téhéran de Jafar Panahi.

6 mai 2017

Winter Sleep (2014) de Nuri Bilge Ceylan

Titre original : « Kis Uykusu »

Winter SleepComédien à la retraite, Aydin tient un petit hôtel dans le pittoresque village de Cappadoce en Turquie. Il vit là avec sa sœur Necla, divorcée, et sa très jeune femme Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement. Il se réfugie dans son bureau où il aime écrire de petits textes pour le journal local… Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan a écrit Winter Sleep avec son épouse Ebru Ceylan, en s’inspirant (une nouvelle fois) de plusieurs nouvelles de Tchekhov. Il s’agit d’un long huis-clos (ou quasi-huis clos) qui tente d’analyser la nature de relations humaines qui reposent sur des déséquilibres et des rancoeurs. C’est au travers de longs dialogues que les rapports d’Aydin d’abord avec sa sœur puis avec sa femme nous sont dévoilés peu à peu, des dialogues qui nous permettent de connaitre ces personnages avec une certaine profondeur et nous donnent les éléments pour en faire une analyse psychologique selon son propre ressenti. Par facilité, on peut bien entendu qualifier tout cela de « bergmanien » mais Nuri Bilge Ceylan a su développer un style qui lui est propre : il y a une certaine impression de douceur dans son cinéma, la photographie est assez belle et, une de fois de plus, nous avons l’impression d’être comme hors du temps. On peut trouver le propos assez pessimiste, toutefois. Palme d’or à Cannes en 2014.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Haluk Bilginer, Melisa Sözen, Demet Akbag
Voir la fiche du film et la filmographie de Nuri Bilge Ceylan sur le site IMDB.

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Winter sleep
Le village de Cappadoce en Turquie dans Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan.

Winter sleep
Haluk Bilginer et Demet Akbag (la soeur) dans Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan.

Winter sleep
Haluk Bilginer et Melisa Sözen (l’épouse) dans Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan.

10 juillet 2014

Derrière la colline (2012) de Emin Alper

Titre original : « Tepenin ardi »

Derrière la collineAu pied de collines rocheuses, Faik mène une vie de fermier solitaire avec son métayer et sa femme. A son fils et ses petits-enfants venus en visite, il parle du danger des nomades qui traversent la région et font paitre leur troupeau de chèvres sur ses terres. La menace est là, invisible… Derrière la colline est le premier film écrit et réalisé par le cinéaste turc Emin Alper. Le film est avant tout une allégorie de la Turquie d’aujourd’hui (1), allégorie qui prend une belle ampleur par ses décors immenses où la nature semble former un cirque naturel. Ce que l’on craint, l’ennemi, est au delà des collines, hors du champ visuel. Son importance est exagérée, les craintes se s’autoalimentent par des conflits internes tus, des maladresses, voire des hallucinations. L’issue de cette escalade est inévitable. Avec une belle lenteur, Emin Alper sait créer une atmosphère, un climat basé sur la suggestion, un peu oppressant parfois, une sorte de huis clos en plein air. Derrière la colline est un film assez atypique. La beauté et la force de cette allégorie le rendent assez enthousiasmant.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Tamer Levent, Reha Özcan, Mehmet Ozgur, Berk Hakman
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(1) La Turquie d’aujourd’hui est « empoisonné par la paranoïa et la suspicion », déplore le metteur en scène. « Ici, je parle de la Turquie dont le climat politique est basé sur ce même besoin de se créer un ennemi. Que ce soit les Kurdes ou un soi-disant complot international sans compter d’innombrables conflits internes. Chez nous, les débats ne peuvent jamais être raisonnables. Car les théories du complot sabrent les fondations de tout débat politique », ajoute le réalisateur.

21 septembre 2013

Il était une fois en Anatolie (2011) de Nuri Bilge Ceylan

Titre original : « Bir zamanlar Anadolu’da »

Il était une fois en AnatolieAu centre de la Turquie, trois voitures cheminent dans la pénombre des steppes vallonnées, leurs phares brillant dans la nuit. A leur bord, une équipe de policiers, un procureur et un docteur tente de retrouver l’endroit où un criminel a enterré sa victime. Le suspect a en effet avoué mais ne se rappelle qu’assez mal de l’endroit… Il était une fois en Anatolie est un film assez étonnant car on se laisse gagner par son atmosphère qui semble hors du temps et les 2h30 du film passent rapidement. Pourtant, il ne se passe pas grand-chose et le rythme pourra paraître lent mais, si le film nous capte, c’est par la profondeur de son propos. Cette profondeur est assez étonnante car il n’y a pas de grandes discussions philosophiques ici, les dialogues peuvent même paraître simples et pourtant on touche certains fondements de la nature humaine, certains questionnements ou autres doutes. Cela n’empêche pas l’humour, présent par petites touches, le plus souvent assez caustique. Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan dit s’être inspiré de Tchekhov pour écrire son film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Muhammet Uzuner, Yilmaz Erdogan, Taner Birsel
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Remarque :
L’Anatolie désigne la péninsule formée par la Turquie. Elle représente ainsi les 2/3 du pays. Par extension, le terme peut aussi désigner toute la partie asiatique de la Turquie, c’est-à-dire tout le pays à l’exception de la petite partie située sur le continent européen.

30 janvier 2013

Et maintenant on va où? (2011) de Nadine Labaki

Et maintenant on va où?Dans un petit village isolé du Liban, les femmes chrétiennes et musulmanes s’unissent pour éloigner le spectre de la guerre toute proche et empêcher les hommes de s’enflammer pour un oui ou pour un non. Pour ce faire, elles font preuve d’une grande ingéniosité et sont prêtes à aller très loin… Et maintenant on va où? traite avec humour d’un sujet grave, mettant en relief l’absurdité de cette spirale de violence dans laquelle beaucoup se retrouvent enfermés. Nadine Labaki joue sur plusieurs registres, mêlant habilement les genres, mais garde toujours un ton très juste. La réalisation est assez travaillée avec une caméra très mobile, très près des personnages, souvent au milieu de l’action. Et maintenant on va où? est ainsi très enlevé.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadine Labaki, Yvonne Maalouf, Claude Baz Moussawbaa
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3 janvier 2013

Le retour de l’enfant prodigue (1976) de Youssef Chahine

Titre original : « Awdat al ibn al dal »
Autre titre français : « Le retour du fils prodigue »

Le retour de l'enfant prodigueDans un village égyptien vit une grande famille. Le fils aîné fait tourner un pressoir où il emploie une partie du village alors que le fils cadet est parti depuis douze ans au Caire à la conquête de nouveaux horizons. Tout le monde, sauf son frère, le voit comme un « Mehdi » par qui le bonheur arrive et espère donc son retour… Ecrit par Youssef Chahine et le poète caricaturiste Salah Jahine, Le retour de l’enfant prodigue est un film assez difficile à cerner. Que ce soit sur le fond ou sur la forme, il offre de multiples facettes, souvent contradictoires, qui obscurcissent quelque les peu les intentions de Chahine. Le propos n’est de ce fait pas très clair. S’agirait-il d’une simple bouffonnerie ? Après tout, le générique de début est un clown qui se grime et la dernière image deux clowns dansant. La présence des parties musicales et de ballets assez saugrenus irait également dans ce sens. La seule chose certaine est que le film brocarde les croyances, les mythes, en premier celui du fils prodigue qui se révèle ici n’être en aucun point à la hauteur de son image.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Mahmoud El-Meliguy, Hoda Soltan, Shukry Sarhan
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30 octobre 2012

Gare centrale (1958) de Youssef Chahine

Titre original : « Bab el hadid »

Gare centraleLa gare centrale du Caire abrite un petit monde de vendeurs et de porteurs. Un vendeur de journaux boiteux est amoureux fou d’une belle et provocante vendeuse à la sauvette de sodas… Gare centrale est l’un des films les plus intéressants de Youssef Chahine. Si la forme générale est celle du néo-réalisme à l’italienne, le film mêle brillamment plusieurs genres : documentaire (la vie à l’intérieur de la gare), le film social (les porteurs qui veulent être indépendants), le film policier. C’est surtout un film très humaniste qui nous place très près des personnages. Chahine interprète lui-même le personnage principal qu’il a dit être le reflet de ses propres frustrations de petit bourgeois. Dans l’Egypte de Nasser, Gare centrale est un film qui brisait certains tabous, notamment dans sa façon de montrer les femmes. Le film fut longtemps interdit dans son pays.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Farid Shawqi, Hind Rostom, Youssef Chahine
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23 octobre 2012

La terre (1969) de Youssef Chahine

Titre original : « Al-ard »

La terreDans l’Egypte des années trente, les paysans d’un village du delta du Nil voient leurs permis d’irriguer arbitrairement réduits alors que les champs de coton souffrent de la sécheresse. Abou Suelam est l’un d’eux, il est aussi le père d’une jolie jeune fille que plusieurs hommes voudraient épouser… C’est avec La terre que l’Europe a découvert le cinéma égyptien lors de sa présentation au Festival de Cannes 1969. Youssef Chahine réalise là une épopée paysanne puissante qui nous plonge au cœur d’un petit village agricole pauvre : il met en relief sa vie sociale, les rapports de force avec les autorités et la place de l’individu dans cette société. A la brutalité des autorités répond la rudesse et même la cruauté du monde des paysans. L’individualisme s’oppose à la nécessaire solidarité pour assurer la survie. La terre est un film très authentique, empreint d’une force et d’un humanisme qui sait laisser naître l’émotion.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mahmoud El-Meliguy, Salah El-Saadany, Ezzat El Alaili
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Remarque :
Chahine parle de son film La terre comme d’un tournant dans sa filmographie, un changement radical dans sa conception du cinéma : « Mettre en lumière la force de vivre d’un peuple »

Homonymes :
La terre d’André Antoine (1921) d’après Emile Zola
La terre (Zemlya) d’ Alexandre Dovjenko (1930)

6 septembre 2012

Une séparation (2011) de Asghar Farhadi

Titre original : « Jodaeiye Nader az Simin »

Une séparationEn instance de divorce, Simin quitte son mari Nader qui doit embaucher une personne pour veiller son père malade… Telle est la situation de départ de ce brillant film de l’iranien Asghar Farhadi, Une séparation, qui voit ensuite se développer une intrigue forte où la tension reste à son niveau maximal jusqu’à la fin. C’est un conflit entre deux couples de niveau social différent, complexifié par les tensions internes à chacun des couples. La situation est assez universelle, il n’y a que peu de spécificités à la société iranienne si ce n’est l’importance de la religion. Ce qui est remarquable dans l’approche d’Asghar Farhadi, c’est la façon avec laquelle il évite de prendre parti. Il sème l’incertitude et nous laisse la liberté de jugement et d’interprétation. La mise en scène est parfaitement maitrisée, de nombreuses scènes ont pourtant été tournées sur les lieux réels. L’interprétation est elle aussi remarquable. Une séparation est un drame humain intense.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Peyman Moadi, Leila Hatami, Sareh Bayat, Shahab Hosseini, Sarina Farhadi
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2 mai 2011

Le temps qu’il reste (2009) de Elia Suleiman

Titre original : « The time that remains »

Le temps qu'il resteElle :
Note : 3 étoiles

Lui :
Le troisième long métrage d’Elia Suleiman est un récit historique et semi-autobiographique se concentrant sur quatre périodes importantes. Palestinien vivant en Israël, c’est une page de l’Histoire de son pays qu’il illustre ici. La forme est très personnelle : Elia Suleiman introduit partout de l’humour, y compris dans les situations les plus dramatiques, un humour qui met en relief l’incongru, l’absurde. Dans ce face à face entre la population palestinienne et l’armée israélienne, la violence est constamment présente mais de façon très subtile, jamais de façon trop ostentatoire. Il n’y a que peu de paroles, les silences mettant mieux en relief les situations, les rapports entre les personnes. Le rythme est important aussi : Suleiman fait très souvent des cassures de rythme en milieu de scène ce qui amplifie l’impact de certaines actions. Il réussit également de très beaux plans graphiques. Le temps qu’il reste est un film original, personnel et très travaillé. On ne peut que regretter qu’Elia Suleiman ne tourne pas plus souvent.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Elia Suleiman, Saleh Bakri, Samar Qudha Tanus
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