19 novembre 2013

Pépé le Moko (1937) de Julien Duvivier

Pépé le MokoLe gangster Pépé le Moko s’est réfugié dans la casbah d’Alger. Séducteur, il a su mettre la population de son côté et la police ne peut aller le dénicher dans ce dédale de maisons et de ruelles étroites. Mais l’inspecteur Slimane s’est juré d’avoir sa peau… Adaptation d’un roman d’Henri La Barthe avec des dialogues d’Henri Jeanson, Pépé le Moko fait partie des perles du cinéma français d’avant-guerre. Non sans un certain exotisme, il nous plonge littéralement dans la casbah, le film débutant par une habile description presque documentaire des lieux. L’histoire en elle-même a cette simplicité que l’on retrouve si souvent dans les récits les plus puissants. Ce sont ses personnages qui lui donnent cette force, avec en tout premier celui de ce gangster au coeur tendre, Pépé le Moko admirablement interprété par Jean Gabin qui sait donner vie à ce subtil mélange de dureté et de fragilité. Face à lui, Mireille Balin est superbement belle et tous les seconds rôles sont remarquablement bien tenus, des personnages certes typés mais magnifiés par les dialogues d’Henri Jeanson. Pépé le Moko fait partie des mythes du cinéma français. Il le mérite.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Mireille Balin, Lucas Gridoux, Line Noro, Gabriel Gabrio, Saturnin Fabre, Fernand Charpin, Marcel Dalio
Voir la fiche du film et la filmographie de Julien Duvivier sur le site IMDB.

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Remarques :
* Henri La Barthe est un ancien fonctionnaire de police qui a écrit sous les pseudonymes Roger d’Ashelbé, Détective Ashelbé ou Ashelbé tout court, variation phonétique autour de ses initiales HLB. Un autre de ses romans a été porté l’écran : Dédée d’Anvers d’Yves Allégret (1948).
* Marcel Dalio raconte dans ses mémoires que le rôle de l’Inspecteur Slimane lui été réservé, Henri Jeanson ayant écrit les dialogues dans cet esprit. N’ayant pu se libérer d’un autre tournage, il dut laisser la place à Lucas Gridoux. Il raconte aussi à quel point il était, en tant que jeune acteur, très impressionné de tourner face à Gabin qui l’aida à se détendre.

2 remakes américains :
Casbah (Algiers) de John Cromwell (1938) avec Charles Boyer et Hedy Lamarr
Casbah de John Berry (1948) avec Tony Martin, Yvonne De Carlo et Peter Lorre
1 satire italienne :
Totò le Moko de Carlo Bragaglia (1949) avec Totò

27 septembre 2013

French Cancan (1954) de Jean Renoir

French CancanParis, à la fin du XIXe siècle : Malgré ses revers de fortune, le directeur de cabaret Henri Danglard est constamment à la recherche de nouveaux talents. En voyant une jeune blanchisseuse, Nini, danser dans un café populaire, il a l’idée de monter un nouveau grand numéro basé sur une danse ancienne, le cancan… Pour son retour en France après 15 ans d’absence, Jean Renoir a voulu réaliser un film « dans un esprit très français ». Il renoue avec le Montmartre de son enfance avec cette histoire qui retrace la création du cabaret le Moulin Rouge. French Cancan Le projet était initialement destiné à Yves Allégret mais Renoir l’a entièrement réécrit. French Cancan fait l’apologie de la vie d’artiste, la prééminence de la création sur la richesse matérielle. Le scénario montre un très bel équilibre, sans excès de sentimentalisme ou de mélodrame, d’une belle sobriété. Tourné dans un Technicolor flamboyant, French Cancan est aussi une grande féérie de couleurs qui trouve son apothéose dans la scène finale, un cancan grandiose et étourdissant d’une dizaine de minutes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Françoise Arnoul, María Félix, Philippe Clay, Jean-Roger Caussimon, Giani Esposito
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Remarques :
* On remarque la présence du jeune Michel Piccoli (le capitaine Valorgueil), d’Edith Piaf, de Patachou, de Claude Berri (un jeune homme à l’inauguration) et de… France Roche (Béatrice).
* Anna Amendola, la chanteuse de La Complainte de la butte, est doublée par Cora Vaucaire.

7 juillet 2013

Le Sang à la tête (1956) de Gilles Grangier

Le Sang à la têteAprès avoir débuté comme débardeur sur le port de La Rochelle, François Cardinaud a travaillé dur pour gravir les échelons de l’échelle sociale. Il est devenu l’un des hommes les plus riches de la ville. Un jour, sa femme ne rentre pas et il se met à sa recherche… Cette adaptation du roman de Georges Simenon Le Fils Cardinaud est rendue assez particulière par les dialogues de Michel Audiard. S’il n’a pas encore toute la verve qu’il déploiera plus tard, ce dernier met dans la bouche de Jean Gabin quelques répliques brillamment tournées. Heureusement, le jeu de Gabin reste ici assez sobre ce qui permet à cette histoire de garder son caractère de regard social : devenu notable, l’ex-docker fait face à la rancune, voire à l’hostilité des hommes et femmes qu’il côtoie. C’est un homme isolé, dont l’instinct ne le pousse qu’à aller de l’avant. L’écriture d’Audiard aurait pu créer un hiatus mais ils s’intègrent assez bien et relèvent quelque peu une mise en scène plutôt sans éclat. En revanche, elle montre des faiblesses dans les personnages secondaires, c’est particulièrement net pour le capitaine Drouin (Paul Frankeur) qui n’est guère crédible. Le Sang à la tête reste un bon film d’atmosphère.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Paul Frankeur, Renée Faure
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20 mars 2013

Les Gaîtés de l’escadron (1932) de Maurice Tourneur

Les gaîtés de l'escadronNous sommes en 1885, dans la caserne de l’escadron du 51e régiment de chasseurs à cheval. L’adjudant Flick tente de faire régner la discipline tandis que le capitaine Hurluret est bien plus bienveillant envers ses soldats… Maurice Tourneur reprend la pièce de Georges Courteline et Édouard Norès qu’il avait adaptée vingt ans plus tôt au début de sa carrière de cinéaste. Il s’agit d’une satire de la vie militaire, de ses aberrations et de ses illogismes. Comme la pièce, tout le film se déroule dans la caserne (à l’exception d’une scène dans un cabaret) et aucune histoire sentimentale ne vient se greffer sur cette caricature. Bien entendu, ce style d’humour amuse beaucoup moins aujourd’hui, l’armée n’ayant plus la même place dans notre société qu’il y a un siècle, mais le film reste remarquable pour sa distribution : si Raimu était déjà un acteur fort célèbre, Fernandel et Gabin n’étaient alors qu’au début de leur carrière et tous deux campent avec une certaine assurance des personnages hauts en couleur. Les Gaîtés de l’escadron est donc un film à voir avec un certain recul, son humour était dans les années trente bien plus corrosif et subversif qu’il ne paraît aujourd’hui. Le film a été fort bien restauré, certaines scènes sont en couleurs elles proviennent de fragments d’une copie coloriée au pochoir.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Raimu, Jean Gabin, Fernandel, René Donnio, Charles Camus
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Précédente version :
Les Gaîtés de l’escadron de Joseph Faivre et Maurice Tourneur (1913) avec Edmond Duquesne, Henry Roussel et Henri Gouget (film perdu).

9 janvier 2013

Le cave se rebiffe (1961) de Gilles Grangier

Le cave se rebiffeUn ancien tenancier de maison close se met en tête avec deux complices de se lancer dans la fabrication de fausse monnaie. Il va chercher un très grand spécialiste, Ferdinand dit « le Dabe », et le convainc de s’allier avec eux… Adapté d’un roman d’Albert Simonin, Le cave se rebiffe est une comédie policière : si la forme est celle d’un policier sérieux, les dialogues de Michel Audiard tire nettement le film vers l’humour et la parodie. Gabin et Blier mettent bien en valeur les répliques les plus savoureuses avec un petit côté pince-sans-rire du meilleur effet. Les seconds rôles sont très bien tenus. Le cave se rebiffe est un film que l’on a toujours plaisir à revoir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Bernard Blier, Martine Carol, Françoise Rosay, Franck Villard, Maurice Biraud, Ginette Leclerc
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Remarque :
Le film est en noir en blanc, il faut éviter de regarder la version colorisée qui est un véritable massacre avec ses couleurs pétantes.

5 novembre 2011

En cas de malheur (1958) de Claude Autant-Lara

En cas de malheurUn grand avocat parisien accepte de défendre gratuitement une jeune femme âgée de vingt ans. Il réussit à la faire acquitter du hold-up qu’elle a commis et elle devient sa maitresse… En cas de malheur est adapté d’un roman de Georges Simenon qui fait se rencontrer deux êtres que tout oppose : l’un est un grand bourgeois, réfléchi, avec l’assurance que procure la réussite sociale, mais aussi empêtré dans les conventions de son milieu, l’autre est une jeune écervelée, libérée, frivole et délinquante. Le sujet était audacieux dans les années cinquante, il le paraît beaucoup moins aujourd’hui. Le film peut même sembler un peu ennuyeux, d’autant plus que si Gabin est parfait dans ce rôle qui lui va comme un gant, Brigitte Bardot montre ses limites en tant qu’actrice, tout comme Franco Interlenghi d’ailleurs. Claude Autant-Lara n’était peut-être pas très à l’aise pour diriger l’actrice, véritable petite bombe qui bousculait le cinéma français mais qui avait besoin d’être étroitement dirigée. En cas de malheur fut un grand succès populaire, sans doute un peu porté par le propos légèrement sulfureux (il y a même une scène très suggestive de ménage à trois).
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Brigitte Bardot, Edwige Feuillère, Franco Interlenghi, Nicole Berger
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Remarques :
On raconte que Brigitte Bardot déambulait ostensiblement au bras d’un technicien différent chaque jour pour faire enrager Autant-Lara qu’elle savait assez prude. Cette anecdote témoigne du fossé qui séparait l’actrice de son metteur en scène.

Remake :
En plein coeur de Pierre Jolivet (1998) avec Virginie Ledoyen reprenant le rôle de Brigitte Bardot, Gérard Lanvin celui de Gabin et Carole Bouquet celui d’Edwige Feuillère.

18 août 2011

Martin Roumagnac (1946) de Georges Lacombe

Martin RoumagnacDans une petite ville de province, une belle et élégante veuve fait tourner les têtes. Un jeune entrepreneur en maçonnerie en tombe éperdument amoureux… Martin Roumagnac est le seul film que Marlene Dietrich et Jean Gabin, alors amants, ont tourné ensemble. Alors que Les Portes de la Nuit (Marcel Carné) avait été écrit spécialement pour eux, Gabin préféra tourner cette histoire de passion fatale. Il faut bien avouer que le résultat n’est pas à la hauteur des attentes, surtout du fait de la diction trop guindée de Marlene Dietrich en français (1). Certes, cela crée un décalage intéressant entre les deux personnages, décalage qui comporte des points communs avec leur relation dans la vie réelle (2) mais cela ne suffit pas, d’autant plus qu’il n’y a pas l’étincelle qui aurait pu porter le film (3). Martin Roumagnac reste donc une simple curiosité, hélas. Le film est souvent cité comme charnière dans la carrière de Gabin entre ses rôles populaires et tragiques de l’avant-guerre et ses rôles de gangsters et de grands bourgeois qu’il affectionnera ensuite.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Jean Gabin, Jean d’Yd, Daniel Gélin
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(1) Dans son livre sur sa mère, Maria Riva, la fille de Marlene Dietrich, raconte que Gabin essayait de travailler avec Marlene sur les dialogues : « Arrête de parler aussi parfaitement. Enchaîne les syllabes, ce n’est pas un rôle de baronne. »
(2) Jean Gabin et Marlene Dietrich se quitteront d’ailleurs peu après la fin du tournage. Gabin en sera très affecté.
(3) Explication donnée par Maria Riva : « Ils étaient amants depuis trop longtemps pour faire passer à l’écran une sensualité qui aurait pu sauver le film ».

23 mai 2011

Mélodie en sous-sol (1963) de Henri Verneuil

Mélodie en sous-solLui :
Charles, la soixantaine, sort de prison. Il est quelque peu déphasé face au monde qui change, ses anciens comparses se sont rangés. Il décide de faire un dernier grand coup et prend un jeune acolyte qu’il a connu en cellule… Adaptation d’un roman noir de John Trinian, Mélodie en sous-sol est un film policier français d’un grand classicisme. Que ce soit dans l’histoire ou dans la vraie vie, avec le duo Gabin / Delon, ce sont deux mondes qui s’opposent. Gabin est en fin de carrière, blasé, un peu fatigué ; s’il joue sans grand entrain, c’est toujours un plaisir de le voir évoluer. Alain Delon, quant à lui, est pétillant de jeunesse, plein de charme, il montre une formidable envie de jouer (1). L’adaptation, très solide, est signée Albert Simonin. Michel Audiard a écrit 25 répliques dont la verve donne un peu de peps à l’ensemble. La mise en scène est précise, certes sans grand éclat ni grand suspense, avec une scène de braquage montrée en temps réel. Très belle scène finale, très photogénique. Mélodie en sous-sol se regarde toujours avec plaisir, un film de la meilleure veine du cinéma policier français.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Jean Gabin, Alain Delon, Viviane Romance, Maurice Biraud, Henri Virlojeux, Jean Carmet, José Luis de Villalonga
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Remarques :
(1) Alain Delon avait une grande admiration pour Jean Gabin, à tel point qu’il accepta de jouer gratuitement dans Mélodie en sous-sol. Il demanda juste les droits de distribution sur trois pays dont le Japon sur lequel, en se démenant, il gagna énormément d’argent, beaucoup plus que Gabin au final…