22 avril 2020

Sibel (2018) de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti

SibelSibel, 25 ans, vit avec son père et sa sœur dans un village isolé des montagnes au nord-est de la Turquie. Sibel est muette mais communique grâce à la langue sifflée ancestrale de la région. Rejetée par les autres habitants, elle traque sans relâche un loup qui rôderait dans la forêt voisine, objet de fantasmes et de craintes des femmes du village. C’est là que sa route croise un fugitif. Blessé, menaçant et vulnérable, il pose, pour la première fois, un regard neuf sur elle…
La cinéaste turque Çagla Zencirci et le français Guillaume Giovanetti (qui sont en couple dans la vraie vie) ont ensemble écrit le scénario de Sibel. Leur point de départ a été leur intérêt pour la langue sifflée ; ils se sont rendus sur place pour rencontrer les habitants et imaginer une histoire à partir de leurs récits. Sibel est un plaidoyer pour le droit à la différence et met en lumière le difficile parcours de cette jeune femme vers son émancipation. Les traditions sociales ancestrales, notamment sur le mariage, forment un lourd carcan alimenté par les femmes elles-mêmes qui se jugent et se surveillent entre elles. C’est une histoire originale et forte. La prestation de Damla Sönmez, qui a mis six mois à apprendre la langue sifflée, est remarquable.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Damla Sönmez, Erkan Kolçak Köstendil, Emin Gürsoy, Elit Iscan, Meral Çetinkaya
Voir la fiche du film et la filmographie de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Le langage sifflé est un mode de communication consistant à siffler au lieu de parler, répandu dans le monde entier mais limité à des environnements où les sifflements sont plus efficaces que la parole ordinaire (montagnes et forêts denses, principalement). On connaît environ 70 populations qui pratiquent actuellement le langage sifflé. Chacun de ces langages n’est pas une langue indépendante mais une extension de la langue locale. (Extrait de Wikipédia)
* Le prologue du film est extrait d’un documentaire français des années 60, avec des villageois scannés aux rayons X pour analyser leur langage sifflé.
* Sibel ne comporte aucune musique. Ce choix s’est imposé au montage, précise le couple-réalisateur.

SibelDamla Sönmez dans Sibel de Guillaume Giovanetti et Çagla Zencirci.

SibelDamla Sönmez, Emin Gürsoy et Elit Iscan dans Sibel de Guillaume Giovanetti, Çagla Zencirci.

25 juin 2016

C’étaient des hommes (1950) de Fred Zinnemann

Titre original : « The Men »

C'étaient des hommesBlessé de guerre et paralysé des jambes, Wilcheck est soigné dans un hôpital pour soldats paraplégiques. Il refuse de voir sa fiancée de peur de lire la pitié dans ses yeux mais celle-ci s’obstine et sollicite l’aide du docteur… Produit par Stanley Kramer et réalisé par Fred Zinneman (futur réalisateur de Le Train sifflera trois fois et Tant qu’il y aura des hommes), The Men est un film peu connu qui cherche à mettre en valeur un autre type de bravoure que celui du combat, celui qui est nécessaire pour rebâtir sa vie en fauteuil roulant. Assez inévitablement, le film est alourdi par un excès de sentimentalisme sans que cela oblitère toutefois le propos. The Men est le premier film de Marlon Brando. Adepte de la fameuse Méthode de l’Actors Studio, l’acteur est allé vivre plusieurs semaines dans un véritable hôpital pour soldats paraplégiques pour mieux s’imprégner de son personnage. Son interprétation est effectivement assez puissante, elle transfigure le film qui aurait été certainement anodin sans lui. Marlon Brando, qui avait déjà triomphé avec son interprétation à Broadway d’Un tramway nommé désir (qui sera son deuxième film), fit ainsi une entrée remarquée dans le monde du cinéma.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlon Brando, Teresa Wright, Everett Sloane, Jack Webb
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Zinnemann sur le site IMDB.

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Remarques :
* En plus de son long séjour en hôpital, Brando resta sur un fauteuil roulant tout le temps que dura le tournage.
* De nombreux (49) soldats paraplégiques apparaissant dans le film sont ceux avec qui il séjourna durant plusieurs semaines. L’équipe de basket et de water-polo est une authentique équipe.

The Men
Marlon Brando et Teresa Wright dans C’étaient des hommes de Fred Zinnemann.

7 juin 2014

Huit heures de sursis (1947) de Carol Reed

Titre original : « Odd Man Out »

Huit heures de sursisEn Irlande du Nord, peu après la guerre, un petit groupe membre d’une organisation politique s’apprête à commettre un hold-up dans une usine. A sa tête, Johnny McQueen, fraîchement évadé de prison, veut effectuer ce dernier coup avant de renoncer à la violence. Mais le hold-up tourne mal… Odd Man Out est un film britannique adapté d’un roman de F.L. Green (Frederick Laurence Green). Le propos n’est pas tant politique sur une situation précise, il est plus généralement sur l’engagement et surtout le désengagement. Le héros de cette histoire est las d’un certain type de combat pour la cause et désire ne plus avoir à constamment se cacher et fuir. Les évènements vont pourtant le placer dans la position d’un homme traqué et blessé pendant huit heures pendant lesquelles il va avoir une nouvelle vision de son parcours. Le personnage de Kathleen est quant à lui assez complexe, mélange d’amour et de (très) forte détermination comme en témoigne la fin, assez puissante. Une grande partie du film se déroule après la tombée de la nuit et Carol Reed soigne à l’extrême ses éclairages, jouant parfois très fortement avec les contrastes entre l’ombre et la lumière. Sur ce plan, le film préfigure ce qu’il fera peu après sur Le Troisième Homme et il parvient parfaitement à créer une atmosphère, parfois presque irréelle, dans laquelle la peinture qu’il fait de quelques marginaux (le clochard, le peintre, le médecin qui n’a pu finir ses études) prend une indéniable dimension.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Mason, Robert Newton, Cyril Cusack, Kathleen Ryan, Dan O’Herlihy
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Remarques :
* Bien que le nom ne soit jamais clairement cité, il ne fait nul doute que « l’organisation » dont font partie ces hommes est le Sinn Fein, ancêtre de l’IRA.
* En anglais, l’expression « odd man out » désigne une personne assez différente des autres dans un groupe. Sa traduction littérale pourrait être : « celui qui sort du lot ».

9 novembre 2013

L’aigle vole au soleil (1957) de John Ford

Titre original : « The Wings of Eagles »

L'aigle vole au soleilEn 1919, l’officier Frank « Spig » Wead oeuvre pour renforcer le rôle de l’aviation à l’intérieur de la marine américaine. Il persuade ses supérieurs de participer à différentes compétitions pour accroitre le prestige de la Navy. Mais un bête accident va interrompre sa carrière… Avec L’aigle vole au soleil, John Ford rend hommage à son ami Frank Wead, pionnier de l’aviation qui a dédié sa vie à la Marine et qui, handicapé après un grave accident, a écrit des scénarios pour Hollywood. Autant le film est superbe dans sa forme, avec notamment un déroulement admirable du scénario, autant on peut ne pas adhérer totalement au propos militariste et à la nostalgie de Ford pour la vie militaire (où tout se termine par une bonne bagarre). Tous les évènements décrits dans le film se sont réellement déroulés ainsi a précisé le réalisateur qui s’est mis en scène sous les traits de Ward Bond : plusieurs objets utilisés dans cette scène, l’Oscar, la canne creuse, le pipe, le chapeau sont des objets appartenant au réalisateur lui-même. A noter que le discours tenu par Frank Wead aux membres du Congrès de l’époque (début des années vingt) s’adresse également à leurs homologues de 1957. L’aigle vole au soleil est en effet sorti à une époque où l’armée et la marine voyaient leurs crédits diminuer sous la pression d’une aspiration au pacifisme.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Wayne, Dan Dailey, Maureen O’Hara, Ward Bond
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Remarques :
* Frank Wead est crédité d’une trentaine d’histoires et de scénarios de 1929 jusqu’à sa mort en 1947 : on peut citer Dirigible de Frank Capra (1931), Hell Divers de George Hill (1931), Airmail de John Ford (1932), Test Pilot de Victor Fleming (1938), The Citadel de King Vidor (1938), They were expendable par John Ford (1945).

* Le film visionné par le petit groupe de producteurs est un extrait de Hell Divers (Les Titans du ciel) de George W. Hill (1931) avec Wallace Beery et le jeune Clark Gable, film dont le scénario est basé sur une histoire réellement écrite par Frank Wead.

* La scène où Frank Wead parle à son orteil a inspiré Tarantino pour Kill Bill.

10 mai 2012

Les proies (1971) de Don Siegel

Titre original : « The beguiled »

Les proiesPendant la guerre de Sécession, un soldat nordiste gravement blessé est recueilli et soigné dans une petite institution de jeunes filles du Sud. Il y a là une directrice, une jeune enseignante, une esclave noire et six élèves de 11 à 17 ans… Adapté d’un roman de Thomas Cullinan, Les proies est un film assez étonnant qui bouscule plutôt l’ordre établi. L’histoire va assez loin sur le thème de l’homme pris dans au piège dans une petite société régie uniquement par des femmes. Ce microcosme est une véritable petite société avec une structure hiérarchique marquée et peu de contacts avec l’extérieur (qui est le plus souvent synonyme de dangers et nécessite la défense). Par son irruption, l’homme déclenche, en partie à son insu, une foule de sentiments variés au sein de ce microcosme, des réactions dont il pense pouvoir tirer profit mais qui vont devenir incontrôlables. Le film est intelligemment construit. Une scène est un peu dure, bien inutilement d’ailleurs. Les proies mit en relief les talents d’acteurs de Clint Eastwood, montrant qu’il pouvait interpréter des rôles plus complexes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Clint Eastwood, Geraldine Page, Elizabeth Hartman
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Remake :
Les Proies (The Beguiled) par Sofia Coppola (2017) avec Nicole Kidman et Colin Farrell