19 avril 2014

Les Habitants (1992) de Alex van Warmerdam

Titre original : « De noorderlingen »

Les habitantsNous sommes en 1960. Ce devait être le lotissement du bonheur, ce ne seront au final que quelques maisons plantées le long d’une rue qui ne mène nulle part. Tout autour, ce n’est qu’un vaste terrain vague à l’exception d’une petite forêt taillée au cordeau et très dense… Les Habitants a été écrit et réalisé par le hollandais Alex van Warmerdam, il s’agit de son second long métrage. Assez difficile à définir, Les Habitants est une comédie surréaliste empreinte d’un bel humour légèrement teinté de noir : insolite, baroque, fantaisiste, original, saugrenu,… tous ces adjectifs peuvent s’appliquer au film et, surtout, à ses personnages. Il y a de belles trouvailles, l’écriture est précise et on comprend aisément que la préparation ait nécessité de nombreux mois. Au-delà de l’humour, Alex van Warmerdam porte un regard sur notre faculté à vivre ensemble, il oppose le monde de l’enfance et le monde des adultes, ou plus exactement fait un parallèle entre les deux. Le réalisateur utilise l’excentricité pour mieux faire ressortir certains traits de caractère qui peuvent s’appliquer à tout un chacun. La photographie est assez belle, très épurée et aux couleurs vives. Les Habitants donne vraiment envie de découvrir les autres films de ce cinéaste néerlandais.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Wouterse, Annet Malherbe, Rudolf Lucieer, Loes Wouterson
Voir la fiche du film et la filmographie de Alex van Warmerdam sur le site IMDB.
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Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarques :
* Le réalisateur Alex van Warmerdam interprète le facteur.
* Fat Willy (l’homme à la mobylette) est interprété par Theo Van Gogh, arrière petit-fils du frère du peintre, réalisateur polémiste qui a été assassiné en 2004 par un extrémiste musulman.
* Les habitants est sorti en avril 1992 aux Pays-Bas mais seulement en septembre 1995 en France. Le film a bénéficié d’une nouvelle sortie en copie numérique fin 2012.

9 novembre 2012

Les bien-aimés (2011) de Christophe Honoré

Les bien-aimésLes vies sentimentales d’une mère et de sa fille, toutes deux en résonnance avec celle de la mère, quarante ans auparavant au début des années soixante… Avec Les bien-aimés, Christophe Honoré renoue avec le film musical qu’il avait exploré avec bonheur dans Les chansons d’amour. Alex Beaupain a ainsi composé douze chansons qui sont souvent des monologues intérieurs ou des dialogues. La façon d’intégrer ces chansons dans le récit est très réussie, elles arrivent naturellement et apportent un joli souffle de lyrisme. Christophe Honoré a soigné sa reconstitution des années soixante (bien qu’elle soit plutôt années cinquante que soixante), joliment colorée, servie par une très belle photographie. Il filme les jambes et plus particulièrement les chaussures avec un fétichisme amusant (difficile de ne penser à Truffaut). Un autre point remarquable chez Christophe Honoré est le soin qu’il met à apporter de la vie par ses arrière-plans : il y a toujours beaucoup de figurants, pas de ceux qui semblent n’être là que pour meubler mais plutôt de ceux qui sont là pour vivre leur vie. Côté acteurs, Chiara Mastroianni est parfaite, apportant beaucoup de profondeur à son personnage. On se demande pourquoi, avec tant de qualités, on s’ennuie plutôt… C’est finalement l’histoire qui est probablement le point faible. Cette variation sur la vulnérabilité peine à nous toucher. Peut-être, le film aurait du être plus court, peut-être aurait-il fallu supprimer ces années soixante qui, placées en début de film, apporte un peu de superficialité. L’ensemble est un peu trop parfait, d’un mélancolisme de bon ton. Les bien-aimés est un film élégant mais plutôt ennuyeux.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Ludivine Sagnier, Louis Garrel, Paul Schneider, Radivoje Bukvic
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15 septembre 2012

Le lauréat (1967) de Mike Nichols

Titre original : « The graduate »

Le lauréatDiplômé de fraîche date, le jeune Benjamin revient pour les vacances chez ses parents qui ont organisé une réception qui le met mal à l’aise. Il accepte de raccompagner chez elle Mrs Robinson qui lui fait alors des avances… Il est des films qui arrivent juste au bon moment. Sorti cinq ans plus tôt, Le lauréat serait peut-être passé inaperçu, catalogué comme une gentille bleuette. Mais fin 1967, c’est une bonne fraction de toute une génération qui se reconnaît dans cet étudiant bien sage qui hésite à se fondre dans le moule social de ses parents. Le fossé des générations est creusé. Les adultes cherchent soit à imposer leur propre schéma, soit à profiter de leur désarroi comme le fait Mrs Robinson ; ils n’apportent pas de réponses. Le lauréat démystifie le modèle de réussite sociale de la classe moyenne américaine et, quand on gratte, l’envers du décor n’est pas reluisant (cf. la discussion dans le lit sur la rencontre des parents Robinson). Mike Nichols réussit à mêler beaucoup d’humour à son film, distillé par petites touches pratiquement dans toutes les scènes, ce qui le rend le film très abordable. L’épilogue, très gentillet, reste ainsi jubilatoire et donc efficace. C’est le premier grand rôle au cinéma pour Dustin Hoffman qui, à 29 ans, n’a aucun problème pour paraître en avoir 21. Sa légère gaucherie colle parfaitement au personnage auquel il donne une certaine profondeur. Et il y a la musique de Simon & Garfunkel, superbe, qui enrobe et apporte douceur et candeur. Le film connut un très grand succès qui dépasse largement, il faut bien le reconnaître, ses qualités intrinsèques. Il a marqué une génération.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Dustin Hoffman, Katharine Ross, William Daniels
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Remarques :
* Le film Le lauréat est basé sur un roman de Charles Webb, paru en 1963. Il était alors lui aussi un jeune diplômé de 23 ans. Les droits furent achetés pour une bouchée de pain. Charles Webb n’a pas profité du succès du film, ce succès l’a même gêné dans sa carrière d’écrivain « sérieux ».
* « Plastics ! », le conseil que donne l’ami de la famille au jeune Benjamin, est devenu une réplique très célèbre aux Etats-Unis. L’industrie du plastique a connu un boom peu après la sortie du film et, d’après certains, la popularité du film (et de cette réplique) n’y serait pas étranger (ce qui paraît peu probable tout de même!)
* Mike Nichols voulait confier le rôle de Mrs Robinson à Jeanne Moreau, pensant que l’image de la permissivité française sur l’amour allait rendre l’ensemble plus crédible. Les producteurs étaient fermement opposés à ce choix. Ils étaient aussi opposés à l’idée de confier la musique à Simon & Garfunkel. Mike Nichols conclut un marché avec eux : Jeanne Moreau est écartée si on garde Simon & Garfunkel.
* 20 ans après Le lauréat, Mike Nichols tournera un film totalement contraire, Working Girl avec Melanie Griffith et Sigourney Weaver (1988), une histoire où les personnages principaux recherchent par dessus tout la réussite matérielle. Une génération chasse l’autre…

The GraduateDustin Hoffman et Anne Bancroft, photo publicitaire pour Le Lauréat de Mike Nichols

14 septembre 2012

La ballade de l’impossible (2010) de Tran Anh Hung

Titre original : « Noruwei no mori »

La ballade de l'impossibleA Tokyo, à la fin des années soixante, le meilleur ami de Watanabe se suicide. Quelques mois plus tard, il retrouve Naoko, la petite amie de son ami disparu. Elle est fragile et repliée sur elle-même mais accepte de voir Watanabe… Noruwei no mori (1) est un roman d’Haruki Murakami qui a été vendu à plus de dix millions d’exemplaires rien qu’au Japon. C’est le réalisateur français d’origine vietnamienne Tran Anh Hung qui le porte à l’écran, tournant le film en japonais bien que ce ne soit pas sa langue. C’est une histoire très délicate et mélancolique sur la naissance de l’amour, la perte, le remord, le passage à l’âge adulte. Le film paraît assez inégal car il a des moments très intenses mais aussi de longues scènes où le réalisateur tente d’exprimer ce sentiment de langueur de ses personnages par un lyrisme trop appliqué. Il sait toutefois rendre ses personnages attachants. Très belle musique de Jonny Greenwood.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ken’ichi Matsuyama, Rinko Kikuchi, Kiko Mizuhara, Reika Kirishima
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(1) Noruwei no mori est la traduction en japonais de Norwegian Wood, titre d’une chanson des Beatles, écrite par John Lennon en 1965 et qui figure sur l’album Rubber Soul. « I once had a girl / Or should I say she once had me / She showed me her room / Isn’t it good Norwegian wood? » Le pin norvégien en question est celui des meubles du chalet où Lennon (en vacances en Suisse) rencontre son amie, tout comme les meubles du chalet de Naoko dans le film, dont c’est la chanson préférée. A noter que la chanson parle aussi d’un amour qui ne peut aboutir (en réalité, Lennon ne voulait être trop explicite puisqu’il était marié quand il l’a écrite).

14 février 2012

Une éducation (2009) de Lone Scherfig

Titre original : « An Education »

Une éducationA Londres, dans les années soixante, une jeune fille de 16 ans rencontre un homme bien plus âgé qu’elle. Il lui fait découvrir beaucoup de choses. Avec lui, elle a l’impression de commencer à vivre… Une éducation est l’adaptation d’un essai autobiographique de Lynn Barber, journaliste au Sunday Times. L’histoire n’est guère originale en elle-même mais le traitement qu’en fait Lone Scherfig sauve totalement le film de la banalité : la réalisatrice danoise fait preuve de beaucoup de délicatesse et recrée l’atmosphère de ces années-là avec une justesse dénuée d’ostentation. L’autre atout du film est l’actrice Carey Mulligan qui apporte beaucoup de sensibilité avec un subtil mélange de fragilité et de diffuses aspirations. Elle fait montre également de beaucoup de charme, un charme discret et sa transformation en clone d’Audrey Hepburn en milieu de film est absolument stupéfiante. Il faut aussi mentionner la belle prestation de Peter Sarsgaard. Une éducation est un film délicat, juste et subtil.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Carey Mulligan, Peter Sarsgaard, Alfred Molina, Dominic Cooper, Emma Thompson, Olivia Williams, Rosamund Pike
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Remarques :
C’est le premier grand rôle au cinéma de Carey Mulligan mais elle avait précédemment tenu un rôle de jeune fille dans Orgueil et préjugés de Joe Wright (2005).