27 mars 2011

Le soupirant (1962) de Pierre Étaix

Le soupirantLui :
Poussé par ses parents qui désirent le voir se marier, un jeune homme sort de ses livres d’astronomie pour s’intéresser à la gent féminine… Si Pierre Etaix est indéniablement inspiré par Buster Keaton, pour son visage imperturbable, et par Jacques Tati, pour son jeu avec les objets, son comique s’est orienté dans une voie très personnelle et cela est sensible dès son premier long métrage, Le soupirant. Pierre Etaix donne une dimension poétique et même onirique à son humour, dimension que ses grands prédécesseurs n’avaient pas à ce point. Son personnage donne l’impression de flotter sur un petit nuage. Sa gaucherie et ses hésitations le rendent attachant. Les gags sont nombreux, jamais trop ostensibles, avec beaucoup d’inventivité dans les interactions avec les objets. Le comique de Pierre Etaix est subtil et c’est peut-être cette subtilité qui l’a empêché de rencontrer un grand succès. Heureusement, presque cinquante ans après leur première sortie, ses films sont aujourd‘hui à nouveau disponibles dans une version parfaitement restaurée.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Étaix, Laurence Lignères, Claude Massot, Denise Péronne, France Arnel, Karin Vesely
Voir la fiche du film et la filmographie de Pierre Étaix sur le site IMDB.

Remarque :
A la suite d’un imbroglio juridique, les films de Pierre Etaix ont été absents des écrans pendant de nombreuses années. Il aura fallu attendre 2010 pour les voir ressortir enfin, dans une version restaurée, en salles et en un coffret DVD.

21 mars 2011

Théorème (1968) de Pier Paolo Pasolini

Titre original : « Teorema »

ThéorèmeLui :
Un jeune homme, d’une beauté angélique, passe quelque temps dans une riche famille milanaise. Auprès de chacun des membres de la famille, il agit comme un révélateur, il ouvre des portes. Son départ va les laisser totalement transformés… Théorème part d’une hypothèse, d’une interrogation : que se passerait-il si un être supérieur rendait visite à une famille bourgeoise bien installée dans les codes de la société ? Notons que cet être absolu peut être vu comme un jeune Dieu ou un jeune diable (1). La « révélation » passe dans tous les cas par le sexe qui joue ici un rôle central, une passerelle vers un autre moi. A long terme, les effets sur chacun sont très variables et dépendent de l’individu puisque cela ira de la catatonie totale à l’explosion créative. En cette fin des années soixante, Théorème est un film très libre, sans contrainte, sans dogme ; Pasolini le définit plutôt comme un poème. Il parvient parfaitement à mêler réel et onirisme, on semble toujours osciller entre les deux. C’est aussi un film très beau, à la fois par ses images et ses cadrages très purs, et aussi par une belle utilisation du Requiem de Mozart.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Laura Betti, Andrés José Cruz Soublette
Voir la fiche du film et la filmographie de Pier Paolo Pasolini sur le site IMDB.

Remarques :
(1) L’Office catholique international du cinéma y a vu un jeune Dieu puisqu’elle a attribué un prix à Théorème. L’attribution de ce prix, quelque peu surprenant il est vrai, a fait grand scandale à l’époque, plus que le film lui-même…!

14 mars 2011

L’amour en quatrième vitesse (1964) de George Sidney

Titre original : « Viva Las Vegas »
Autre titre : « Love in Las Vegas »

L'amour en quatrième vitesseLui :
Il faut faire preuve d’une certaine indulgence en regardant Viva Las Vegas : si les films faits sur mesure pour Elvis Presley ne brillent généralement pas par la profondeur de leur scénario, celui-ci atteint le vide sidéral et le film fait preuve d’un machisme assez évident… Et pourtant, le film a tout de même un certain charme grâce à l’alchimie entre ses deux acteurs principaux qui semblent s’aimanter l’un l’autre. L'amour en quatrième vitesse Il n’est guère surprenant d’apprendre que l’aventure entre Elvis Presley et Ann-Margret s’est prolongée à la ville, au-delà de l’écran. A 23 ans, la jeune actrice d’origine suédoise était alors en train d’exploser : danseuse et chanteuse, elle déploie sa grâce féline et exhale une sensualité charmeuse. Musicalement, le morceau de choix est le C’mon Everybody de la scène de l’Université du Nevada, surtout pour sa chorégraphie pleine de punch où Ann-Margret éclipse assez nettement son partenaire. On notera aussi un très beau duo The lady loves me, plein d’humour et, bien entendu, le morceau-titre, Viva Las Vegas, malheureusement gâché par un play-back épouvantable.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Elvis Presley, Ann-Margret, Cesare Danova, William Demarest
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L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse L'amour en quatrième vitesse

Homonyme :
Viva Las Vegas de Roy Rowland (1956) avec Cyd Charisse

28 janvier 2011

Ces messieurs dames (1966) de Pietro Germi

Titre original : « Signore & signori »
Autre titre : « Belles dames, vilains messieurs »

Ces messieurs damesLui :
Ces Messieurs Dames est un film à sketches de Pietro Germi qui, bien qu’un peu oublié aujourd’hui, fut l’un des créateurs de la nouvelle comédie italienne dans les années cinquante. Les trois sketches traitent de la vie sexuelle de la moyenne bourgeoisie d’une grande ville de Vénétie. Premier sketch : avant de se rendre à une soirée, un homme confie à son ami médecin qu’il souffre d’impuissance. Rapidement, tout le monde est au courant et il doit endurer les sarcasmes… Deuxième sketch : un employé de banque, accablé de reproches par une femme insupportable et plus riche que lui, tombe amoureux de la caissière du café voisin. Il parvient à l’inviter et à la séduire… Troisième sketch : un petit groupe de notables profitent d’une jeune paysanne aguichante et peu farouche. Ils réalisent un peu tard que la jeune fille est mineure… Ces Messieurs Dames montre les déboires et les turpitudes du mâle italien, successivement roublard, victime ou coupable dans ces trois sketches. En commun, il y a le poids des conventions sociales qui ne tolèrent pas les écarts, du moins quand ils sont visibles. L’humour, très présent dans le premier sketch, reste une constante. L’ensemble est bien relevé par un belle vivacité des dialogues, avec des éclats hauts en couleur.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Virna Lisi, Gastone Moschin, Nora Ricci, Alberto Lionello, Olga Villi, Franco Fabrizi, Beba Loncar, Gigi Ballista
Voir la fiche du film et la filmographie de Pietro Germi sur le site IMDB.

Remarques :
* Ces Messieurs Dames a reçu la Palme d’Or à Cannes en 1966 (ex-aequo avec Un homme Une Femme de Lelouch). Pietro Germi dut aller chercher sa palme sous les sifflets et a lancé à ses détracteurs sa célèbre répartie : « Excusez-moi de vous avoir fait rire… »
* Bien que le nom (imaginaire) de « Regaza » soit utilisé pour désigner la ville, le film a été tourné à Trévise.

20 janvier 2011

Point limite (1964) de Sidney Lumet

Titre original : « Fail-safe »

Point limiteLui :
A la suite d’un malfonctionnement, un groupe de six bombardiers américains reçoit l’ordre d’aller bombarder Moscou. L’ordre ne peut être annulé que dans les cinq premières minutes mais les communications semblent brouillées… Point Limite a eu la malchance de sortir quelques mois après le Docteur Folamour de Stanley Kubrick. Tous deux traitent du même sujet, le déclenchement accidentel d’une attaque nucléaire sur la Russie, mais ils le font de façon très différente. Là où Kubrick a brillamment utilisé l’humour en montrant des militaires psychopathes, Sidney Lumet utilise le réalisme, se situant presque à la limite du documentaire. C’est ce réalisme qui rend le film si efficace et terrifiant. A part deux va-t-en-guerre, ses militaires et hommes politiques sont posés, ils prennent de bonnes décisions et pourtant on va droit dans le mur, vers une abominable catastrophe. En ce sens, le film est bien plus antimilitariste que celui de Kubrick. Tourné avec peu de moyen, Point Limite est efficace, même stressant car Lumet bâtit son suspense lentement en jouant avec les lieux clos et les gros plans. On se surprend à suer à grosses gouttes… Adapté d’un roman d’Eugene Burdick et Harvey Wheeler, le film a été tourné peu après l’affaire des missiles de Cuba et le fiasco de la baie des Cochons. En plus de démontrer le risque d’une guerre nucléaire, le film voulait aussi redorer l’image de Kennedy, ce qu’Henry Fonda, en kennedyiste convaincu, faisait de bonne grâce. Hélas le président a été assassiné peu après la fin du tournage. Point Limite n’a donc pas eu de chances avec les dates. C’est la compétition avec le film de Kubrick qui lui a fait le plus de mal : après avoir vu Dr Folamour, le public ne pouvait prendre au sérieux Point Limite. Le film est resté longtemps très largement sous-estimé.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Henry Fonda, Walter Matthau, Larry Hagman, Frank Overton, Edward Binns, Fritz Weaver
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Voir les autres films de Sidney Lumet chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Le film est si réaliste que l’US Army obligea la Columbia à ajouter un avertissement dans le générique de fin précisant que Point Limite est une pure fiction et que de tels évènements ne pourront jamais se produire.

12 janvier 2011

Viva Maria! (1965) de Louis Malle

Viva Maria!Lui :
Au début du XXe siècle en Amérique Centrale, Maria, fille d’un terroriste irlandais, rencontre Maria, chanteuse dans une troupe ambulante. Elles mettent sur pied un numéro de cabaret et « inventent » le striptease avant de prendre la tête d’une révolution. Viva Maria est un élégant divertissement, dynamisé par un couple de charme : Brigitte Bardot et Jeanne Moreau. Entre les deux actrices, la symbiose fonctionne parfaitement. La première partie du film est la plus réussie, assez pétillante et relevée par une série de gags. La seconde partie peut paraître un peu plus longue ; plus parodique, elle s’enlise parfois. Il faut saluer les effets pyrotechniques, les explosions n’étant jamais petites… Le scénario est un peu décousu, part parfois dans tous les sens mais l’ensemble reste très divertissant.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Brigitte Bardot, Jeanne Moreau, Paulette Dubost, George Hamilton
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Remarques : 
* La musique est de Georges Delerue.
* Parmi les assistants-réalisateurs de Viva Maria, on peut noter la présence de Juan Luis Buñuel (fils de Luis Buñuel) et celle de Volker Schlöndorff.
* Louis Malle décrit ainsi son film : « Un film d’action, avec des rires, des décors exotiques, et sans traumatisme de l’esprit. »

9 janvier 2011

Le passage du Rhin (1960) de André Cayatte

Le passage du RhinLui :
Le passage du Rhin nous fait suivre le parcours de deux français aux tempéraments opposés pendant la Seconde Guerre mondiale. Tous deux sont faits prisonniers dès le début de la guerre et envoyé travailler dans des fermes allemandes. L’un est un journaliste qui se bat par idéal pour défendre la Liberté, l’autre est un pâtissier qui subit un peu sa vie. On comprend aisément que le film d’André Cayatte ait pu désarçonner à sa sortie : il prend le contrepied de l’image classique du héros et, en outre, montre la guerre vue du côté allemand. Pour ne rien arranger, il montre aussi une certaine collaboration ordinaire. Le Passage du Rhin a effectivement souvent été critiqué pour son « propos discutable ». Avec le recul, on s’aperçoit que le propos du cinéaste est surtout profondément humaniste. Charles Aznavour se révèle une fois de plus étonnant par la justesse de son interprétation. Avec Tirez sur le Pianiste (1), ce film contribuera à montrer au grand jour ses qualités d’acteur. En réalité, le seul reproche que l’on puisse faire à ce Passage du Rhin est sa construction un peu brouillonne : Cayatte saute parfois d’une scène à l’autre sans liaison et c’est à nous de combler les trous…
Note : 4 étoiles

Acteurs: Charles Aznavour, Nicole Courcel, Georges Rivière, Cordula Trantow
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(1) Il est amusant qu’Aznavour ait enchaîné les deux films car on ne peut pas dire que Cayate ait été un cinéaste très apprécié par la Nouvelle Vague…!

8 décembre 2010

Les fils du Cid (1964) de Vittorio Cottafavi

Autre titre français : « Les cent cavaliers »
Titre original : « I cento cavalieri »

Les fils du CidLui :
En l’an 1000, alors que les Maures sont installés en Espagne, un petit village isolé de Castille voit arriver un cheikh et cent cavaliers. Ils demandent asile en apportant des cadeaux mais rapidement deviennent des occupants tyranniques. La résistance s’installe… Vittorio Cottafavi est un réalisateur italien surtout connu pour les péplums qu’il a tournés dans les années cinquante. Il signe ici une épopée moyenâgeuse qui est étonnamment riche de plusieurs aspects : un réel fond dramatique, un humour très présent, un contenu idéologique et une petite idylle romantique discrète. Bien qu’il présente en apparence le combat comme noble avec des adversaires capables de se respecter, le fond de son propos est nettement anti-guerre comme le prouve sa scène finale assez terrible. Ses images montrent un certain raffinement esthétique qui renforce l’attrait du film. Cinéma populaire de qualité, Les Cent Cavaliers (ou Les Fils du Cid) ne rencontra pourtant pas le succès.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Mark Damon, Antonella Lualdi, Gastone Moschin, Wolfgang Preiss
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30 septembre 2010

Juliette des esprits (1965) de Federico Fellini

Titre original : « Giulietta degli spiriti »

Juliette des espritsLui :
Tourné après 8 ½, Juliette des esprits est en quelque sorte son pendant : après l’homme, c’est au tour de la femme. Guilietta découvre soudainement que son mari la trompe et va entreprendre un cheminement intérieur pour trouver un nouvel équilibre. Pour se libérer de son carcan, elle devra faire ressurgir les angoisses, les oppressions familiales qui l’ont marquée mais aussi ses rêves et aspirations. C’est l’occasion pour Fellini de créer à nouveau un spectacle bariolé et haut en couleur où il crée des tableaux avec moult personnages très typés. On pourra sans doute objecter qu’il s’agit plutôt du portrait intérieur d’une femme telle que le voit un homme. C’est le premier long métrage en couleurs du cinéaste et il utilise beaucoup le blanc et le rouge, et aussi le vert (ce sont les trois couleurs du drapeau italien…) Les costumes sont assez exubérants (avec une mention spéciale pour les chapeaux!) et la maison de poupée de Guilietta tranche joliment avec le délire visuel qu’offre la maison de sa voisine avec ses fêtes pseudo-païennes. Le rôle principal est tenu par la propre femme de Fellini qui adopte un jeu très terne, probablement à la demande du cinéaste. Juliette des esprits a plutôt été mal accueilli à sa sortie et il reste sans doute un peu sous-estimé. Tout au plus, peut-on l’accuser de quelques longueurs…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Giulietta Masina, Sandra Milo, Mario Pisu, Valentina Cortese, José Luis de Villalonga
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5 août 2010

Kill, la forteresse des samouraïs (1968) de Kihachi Okamoto

Titre original : « Kiru »

KiruLui :
Dans le Japon du XIXe siècle, un jeune paysan arrive à bout de force dans un village pour se faire embaucher comme élève-samouraï. Il fait la rencontre d’un vagabond. Tous deux vont se trouver rapidement mêlé dans les complots et intrigues des seigneurs du village. Dans le genre des films de samouraï (genre aussi appelé « chambara » par les amateurs), Kill – La forteresse des samouraïs est assez méconnu ce qui semble assez injuste, au vu de sa qualité. Le film de Kihachi Okamoto est assez remarquable par le subtil équilibre entre dramatique et comique, s’appuyant sur ses deux personnages de premier plan, aux caractères et tempéraments franchement opposés. L’histoire est assez prenante. Il faut ajouter à cela une très belle photographie en noir et blanc et une mise en scène parfaitement maitrisée. De façon un peu surprenante, certains plans et effets, ou encore la musique, peuvent évoquer les westerns italiens de la même époque.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Etsushi Takahashi, Yuriko Hoshi, Naoko Kubo, Tadao Nakamaru
Voir la fiche du film et la filmographie de Kihachi Okamoto sur le site IMDB.

Remarques :
Kill la forteresse des samouraïs est adapté d’un livre de Shûgorô Yamamoto que Kurosawa avait déjà porté à l’écran avec son Sanjuro (1962).