22 octobre 2011

Les amours de Carmen (1948) de Charles Vidor

Titre original : « The loves of Carmen »

Les amours de Carmen« Les Carmen passent, une seule restera : Rita Hayworth » clamait la publicité de Columbia qui a tout misé sur la présence de l’actrice. On a même jugé inutile de reprendre la musique de Bizet tant le succès était assuré d’avance… Effectivement, le rôle lui va bien (1) mais elle est hélas l’unique atout de ce film qui ne brille guère par ailleurs. Les amours de Carmen est traité de façon très conventionnelle. Charles Vidor, qui a déjà fait tourner l’actrice dans Cover Girl et surtout dans Gilda, a pourtant bénéficié d’un budget important mais rien ne fonctionne vraiment dans cette Espagne de pacotille (2). Il nous reste la vision de Rita Hayworth en Technicolor (ce qui permit au public de vérifier qu’elle était bien rousse) ; elle nous gratifie de deux danses très sensuelles qui constituent les deux temps forts du film (3). Autant l’actrice semble à l’aise dans son rôle, autant Glenn Ford fait un Don José guère convaincant. Les amours de Carmen est globalement plutôt ennuyeux.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Rita Hayworth, Glenn Ford, Ron Randell, Victor Jory, Arnold Moss
Voir la fiche du film et la filmographie de Charles Vidor sur le site IMDB.
Voir les autres films de Charles Vidor chroniqués sur ce blog…

Remarques :
(1) A ce propos, on peut rappeler que les parents de Rita Hayworth sont espagnols et que son deuxième prénom est Carmen (Margarita Carmen Cansino)…
(2) Le film a, de plus, été tourné en Californie, près du Mount Whitney, des décors qui n’évoquent pas vraiment l’Espagne !
(3) Les deux danses ont été chorégraphiées par le propre père de Rita Hayworth : Eduardo Cansino. A noter également que son oncle, José Cansino, est l’un des danseurs et que son frère, Vernon Cansino, joue l’un des soldats qui escortent Carmen en prison.

Les (principales) Carmen au cinéma :
Geraldine Farrar dans Carmen de Cecil B. De Mille (1915)
Theda Bara dans Carmen de Raoul Walsh (1915)
Edna Purviance dans A burlesque on Carmen de Charles Chaplin (1916)
Pola Negri dans Carmen de Ernst Lubitsch (1918)
Raquel Meller dans Carmen de Jacques Feyder (1926)
Dolores del Rio dans The loves of Carmen de Raoul Walsh (1927)
Viviane Romance dans Carmen de Christian-Jaque (1945)
Rita Hayworth dans The loves of Carmen de Charles Vidor (1948)
Dorothy Dandridge dans Carmen Jones de Otto Preminger (1954)
Laura del Sol dans Carmen de Carlos Saura (1983)
Julia Migenes dans Carmen de Francesco Rosi (1984)
Hélène Delavault, Zehava Gal et Eva Saurova dans La tragédie de Carmen de Peter Brook (1983)

21 octobre 2011

Le médaillon (1946) de John Brahm

Titre original : « The locket »

Le médaillonLe jour de son mariage avec une femme qui est, aux yeux de tout son entourage, la femme idéale, John Willis reçoit la visite étrange d’un homme qui vient lui révéler le vrai visage de sa future épouse… Le médaillon est un film psychanalytique, à la frontière du genre film noir, dans un style proche de certains films d’Hitchcock. La construction est surprenante puisque nous avons trois flashbacks, imbriqués comme des poupées russes. L’histoire nous prend assez rapidement, elle nous intrigue et ne nous lâche plus : la vérité se fait jour petit à petit mais ne semble jamais vouloir se livrer entièrement. Le scénario est à la fois simple et joliment complexe, seule la fin paraît plus conventionnelle. Même s’il ne présente pas une mise en scène vraiment remarquable, Le médaillon est fort bien fait, vraiment prenant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Laraine Day, Brian Aherne, Robert Mitchum, Gene Raymond
Voir la fiche du film et la filmographie de John Brahm sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Brahm chroniqués sur ce blog…

Le médaillon
Robert Mitchum, Laraine Day et Brian Aherne dans The Locket.

Remarques :
Pour la maison des Willis, John Brahm a réutilisé le décor de la maison des Sebastian dans Les Enchainés (Notorious) d’Hitchcock, tourné quelques mois auparavant.

Homonyme :
Le Médaillon (The medallion) de Gordon Chan (2003) avec Jackie Chan.

20 octobre 2011

Les visiteurs du soir (1942) de Marcel Carné

Les visiteurs du soirEn mai 1485, deux ménestrels arrivent au château du baron Hughes qui va bientôt donner sa fille Anne en mariage au seigneur Renaud. Ils sont envoyés par le Diable pour désespérer les humains… Les visiteurs du soir a été réalisé sous l’Occupation. Marcel Carné et Jacques Prévert (qui cosigne le scénario avec Pierre Laroche) choisissent une période la plus éloignée possible pour contourner la censure mais la métaphore avec le présent de 1942, bien que subtilement cachée, est certaine : le Diable est Hitler et le film prône la résistance pour triompher du mal. La dernière scène du film en est le meilleur exemple. Le film est empreint d’une langueur poétique qui n’est pas sans générer une certaine lenteur. L’histoire présente cette simplesse propre aux récits atemporels et aussi un caractère assez manichéen : il y a ceux qui sont capables d’aimer et les autres. Les qualités des Visiteurs du soir, Les visiteurs du soir il faut aussi les chercher du côté de la forme : plutôt que de se livrer à une reconstitution montrant l’usure du temps, Marcel Carné opte pour des décors propres et nets, des décors épurés qui paraissent d’ailleurs étonnamment actuels aujourd’hui. Il utilise largement la blancheur des murs, le blanc étant la couleur dominante du film. Cet environnement renforce à la fois son caractère onirique et l’allégorie du présent. Arletty est superbe en beauté androgyne. Les visiteurs du soir connut un grand succès dès sa sortie. Le film a été récemment magnifiquement restauré.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alain Cuny, Arletty, Marie Déa, Fernand Ledoux, Marcel Herrand, Jules Berry
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Carné sur le site IMDB.

Voir les autres films de Marcel Carné chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Parmi les figurants non crédités au générique, on note la présence de Simone Signoret (21 ans), Alain Resnais (20 ans) et François Chaumette (19 ans). Egalement non crédité, Michelangelo Antonioni a été assistant-réalisateur.

15 octobre 2011

Castle in the Desert (1942) de Harry Lachman

Castle in the DesertDans un grand manoir isolé dans le désert des Mojaves, Charlie Chan enquête sur de mystérieux empoisonnements. Tout semble accuser la propriétaire, une descendante des Borgia…
Castle in the Desert est le 30e des 47 films mettant en scène le détective asiatique Charlie Chan. Après avoir été incarné à l’écran par Warner Oland, le détective est interprété depuis 1938 par Sidney Toler qui a un jeu un peu plus mécanique, il semble plus lointain, moins impliqué. Il a bien entendu toujours son inépuisable réserve de proverbes mais ils paraissent sortir de façon automatique. L’intrigue est joliment complexe avec une ambiance de château inquiétant : ancienne salle de torture, apothicairerie et des armures décoratives, utilisées de façon amusante. Castle in the Desert est loin d’être le meilleur des Charlie Chan mais il reste très plaisant pour son atmosphère. C’est le dernier Charlie Chan fait par la 20th Century Fox. La série se continuera chez Monogram avec une certaine baisse de budget et de qualité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sidney Toler, Victor Sen Yung, Arleen Whelan, Douglass Dumbrille, Henry Daniell
Voir la fiche du film et la filmographie de Harry Lachman sur le site IMDB.

Voir les autres films de Harry Lachman chroniqués sur ce blog…

6 octobre 2011

Dédée d’Anvers (1948) de Yves Allégret

Dédée d'AnversDédée (Simone Signoret) est entraineuse dans un bar à marins sur le port d’Anvers. Le patron, Monsieur René (Bernard Blier) est bienveillant mais elle est soumise à son souteneur (Marcel Dalio), engagé comme portier. Sa rencontre avec un capitaine italien qui fait de la contrebande avec son cargo (Marcello Pagliero) va bouleverser sa vie… Dédée d’Anvers n’est pas sans rappeler Quai des Brumes par son atmosphère (on pourra aussi trouver que Marcello Pagliero ressemble à Jean Gabin !) Sans être tout à fait dans la veine du réalisme poétique de l’avant-guerre, le film d’Yves Allégret est un film noir et fataliste. Il est servi par une belle interprétation, notamment celle de Simone Signoret qui montre une grande présence à l’écran et apporte beaucoup d’humanité à son personnage, à la fois forte et fragile. Son mari, Yves Allégret, lui offre ainsi le premier de ses grands rôles. L’histoire pêche par son côté très conventionnel et l’on aurait souhaité un peu plus de profondeur dans les personnages. A noter une étonnante scène de bagarre entre marins dans la rue, c’est d’ailleurs presque la seule scène sur l’environnement social. Dédée d’Anvers tire toute sa force de son interprétation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bernard Blier, Simone Signoret, Marcello Pagliero, Marcel Dalio, Jane Marken
Voir la fiche du film et la filmographie de Yves Allégret sur le site IMDB.

Remarque :
Dédée d’Anvers est adapté d’un livre d’Henri La Barthe (sous le pseudonyme Ashelbé), également auteur de Pépé Le Moko.

2 octobre 2011

Folie douce (1941) de Jack Conway

Titre original : « Love Crazy »

Folie douceAlors que Steve et Susan Ireland se font une joie de fêter leur quatrième anniversaire de mariage, un enchaînement de circonstances va les plonger dans une situation inextricable… Love Crazy est une screwball comedy assez loufoque. Le scénario est assez remarquable dans le sens où, autant les évènements paraissent peu crédibles, autant le rythme de l’histoire nous fait tout accepter sans broncher et avec même un plaisir certain. Rarement, une histoire n’a été aussi alambiquée et surprenante, versant souvent dans le nonsense. Elle conduira même à montrer William Powell jouer en femme (et, chose très rare, sans moustache) dans une scène assez hilarante. Le couple Myrna Loy / William Powell, n’est certes pas nouveau à l’écran, mais il est ici admirablement utilisé. Jack Conway, réalisateur à la longue filmographie qui passe pour avoir été un exécutant, fait une ici réalisation nette et efficace. Love Crazy est un vrai petit plaisir.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Powell, Myrna Loy, Gail Patrick, Jack Carson, Florence Bates
Voir la fiche du film et la filmographie de Jack Conway sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jack Conway chroniqués sur ce blog…

21 septembre 2011

La femme aux cigarettes (1948) de Jean Negulesco

Titre original : « Road House »

La femme aux cigarettesLily est embauchée comme chanteuse par le propriétaire du bar-bowling d’une petite ville, contre l’avis du gérant. Lily est une femme affranchie qui sait tenir tête aux deux hommes qui sont attirés par son caractère indépendant et par son charme… A partir d’un scénario précédemment refusé par trois réalisateurs et à la demande de Darryl F. Zanuck de faire un film simple avec de l’action et du charme, Jean Negulesco a réalisé un fort beau film, reposant sur une atmosphère tendue et des rapports entre les personnages qui ne demandent qu’à exploser. Les trois rôles principaux sont remarquablement tenus avec une mention spéciale à Ida Lupino qui montre beaucoup de présence et de charme (1) et à Richard Widmark, qui reprend brillamment le type de rôle un peu pervers qui l’avait fait remarquer l’année précédente dans son premier film (2). Pas assez connu, La femme aux cigarettes est un beau film noir qui mérite d’être découvert.

4 étoiles

Acteurs: Ida Lupino, Cornel Wilde, Richard Widmark, Celeste Holm
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Negulesco sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jean Negulesco chroniqués sur ce blog…

(1) Ida Lupino interprète elle-même ses chansons, notamment le très beau « One for my Baby (and one more for the road) » et le non moins beau « Again ».
(2) Le Carrefour de la Mort (Kiss of death, 1947) d’henry Hathaway avec Victor Mature et Brian Donlevy. Richard Widmark est là dans son premier rôle à l’écran.

Homonyme :
Road House (Bar routier, 1989) de Rowdy Herrington avec Patrick Swayze.

 

18 août 2011

Martin Roumagnac (1946) de Georges Lacombe

Martin RoumagnacDans une petite ville de province, une belle et élégante veuve fait tourner les têtes. Un jeune entrepreneur en maçonnerie en tombe éperdument amoureux… Martin Roumagnac est le seul film que Marlene Dietrich et Jean Gabin, alors amants, ont tourné ensemble. Alors que Les Portes de la Nuit (Marcel Carné) avait été écrit spécialement pour eux, Gabin préféra tourner cette histoire de passion fatale. Il faut bien avouer que le résultat n’est pas à la hauteur des attentes, surtout du fait de la diction trop guindée de Marlene Dietrich en français (1). Certes, cela crée un décalage intéressant entre les deux personnages, décalage qui comporte des points communs avec leur relation dans la vie réelle (2) mais cela ne suffit pas, d’autant plus qu’il n’y a pas l’étincelle qui aurait pu porter le film (3). Martin Roumagnac reste donc une simple curiosité, hélas. Le film est souvent cité comme charnière dans la carrière de Gabin entre ses rôles populaires et tragiques de l’avant-guerre et ses rôles de gangsters et de grands bourgeois qu’il affectionnera ensuite.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Jean Gabin, Jean d’Yd, Daniel Gélin
Voir la fiche du film et la filmographie de Georges Lacombe sur le site IMDB.

Voir les autres films de Georges Lacombe chroniqués sur ce blog…

(1) Dans son livre sur sa mère, Maria Riva, la fille de Marlene Dietrich, raconte que Gabin essayait de travailler avec Marlene sur les dialogues : « Arrête de parler aussi parfaitement. Enchaîne les syllabes, ce n’est pas un rôle de baronne. »
(2) Jean Gabin et Marlene Dietrich se quitteront d’ailleurs peu après la fin du tournage. Gabin en sera très affecté.
(3) Explication donnée par Maria Riva : « Ils étaient amants depuis trop longtemps pour faire passer à l’écran une sensualité qui aurait pu sauver le film ».

15 août 2011

Monsieur Wilson perd la tête (1940) de W.S. Van Dyke

Titre original : « I Love You Again »

Monsieur Wilson perd la têteLors d’une croisière transatlantique, un homme, de nature ascète et pingre, prend un coup sur la tête. Il n’a plus aucun souvenir de sa vie récente mais retrouve la mémoire qu’il avait perdue neuf ans auparavant : il était alors un escroc spécialiste des arnaques. Il décide de profiter de la situation… Monsieur Wilson perd la tête, I Love You Again, est une bonne surprise : il s’agit d’une comédie dans la meilleure veine des screwballs (1) des années trente. Pas moins de cinq scénaristes ont participé à l’écriture, avec de très bons résultats puisque le déroulement de l’histoire est habile, complexe tout en restant  simple. Monsieur Wilson perd la tête L’histoire est surtout totalement farfelue. L’humour est continuel, aucune scène n’en est dépourvue. Cet humour est bien équilibré entre les situations, inattendues et drolatiques exploitant merveilleusement toutes les possibilités de l’amnésie, et les dialogues vifs et relevés. Le couple Myrna Loy / William Powell fonctionne ici très bien. W.S. Van Dyke les connaît bien puisqu’il a réalisé plusieurs films de la série des Thin Man. Le flegme de William Powell fait une fois de plus des merveilles. De fort belle facture, Monsieur Wilson perd la tête est un délicieux divertissement.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: William Powell, Myrna Loy, Frank McHugh, Edmund Lowe, Donald Douglas
Voir la fiche du film et la filmographie de W.S. Van Dyke sur le site IMDB.

Voir les autres films de W.S. Van Dyke chroniqués sur ce blog…

(1) Screwball = genre de comédie américaine qui fut très populaire entre 1934 et 1942, reposant sur des situations saugrenues, de dialogues vifs et utilisant les rapports homme/femme comme ressort de l’humour (personnalités marquantes : Frank Capra, Howard Hawks, Cary Grant, Ernst Lubitsch, etc.)

29 juillet 2011

The Palm Beach Story (1942) de Preston Sturges

Titre français parfois utilisé : « Madame et ses flirts »

The Palm Beach StoryLassée du manque de réussite de son mari, une jeune femme part à Palm Beach pour obtenir le divorce… Le générique de début donne le ton : The Palm Beach Story est une comédie particulièrement loufoque au rythme enlevé. A une époque où les comédies « screwballs » semblaient s’essouffler, Preston Sturges signe l’une des plus belles du genre. Il a écrit lui-même cette histoire qui joue sur les rapports ambigus de l’amour avec l’argent. Il se moque sans méchanceté des riches : ses personnages sont hauts en couleur, frappadingues, fortement caricaturés mais ils restent attachants. L’humour ne faiblit jamais, le rythme est assez rapide, les situations variées, les dialogues enlevés. Claudette Colbert est particulièrement brillante, active, pleine de vitalité (et de culot…) Mary Astor est vraiment étonnante. Par sa liberté de ton, The Palm Beach Story garde toujours une grande jeunesse.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Claudette Colbert, Joel McCrea, Mary Astor, Rudy Vallee, Sig Arno
Voir la fiche du film et la filmographie de Preston Sturges sur le site IMDB.

Voir les autres films de Preston Sturges chroniqués sur ce blog…

Remarques :
Billy Wilder a de toute évidence été inspiré par The Palm Beach Story pour son Some like it hot (Certains l’aiment chaud, 1959). C’est particulièrement net pour les scènes de train, pour le milliardaire sur son yacht et même son nom (J.D. Hackensacker III vs Osgood Fielding III).