10 juin 2021

L’Infirmière (2019) de Kôji Fukada

Titre original : « Yokogao »

L'Infirmière (Yokogao)Ichiko est infirmière à domicile. Elle travaille au sein d’une famille qui la considère depuis toujours comme un membre à part entière. Mais lorsque la cadette de la famille disparaît, Ichiko se trouve suspectée de complicité d’enlèvement…
Le réalisateur japonais Kôji Fukada poursuit l’exploration de l’ambiguïté de la personnalité et ses multiples facettes. Son récit est construit sur une temporalité double : son héroïne change de coiffure au tout début du film ce qui permet ensuite de distinguer le présent du flash-back… mais nous finissons tout de même par prendre l’un pour l’autre ce qui ajoute à la confusion. L’ensemble est beaucoup moins réussi qu’Harmonium, en partie car son héroïne nous apparaît avant tout comme une victime (1). En réalité, le personnage qui instillerait le plus de trouble est la fille ainée, Motoko, dont la personnalité inquiète beaucoup plus que celle de l’infirmière. Je dois avouer avoir passé une bonne partie du film à me demander où le réalisateur voulait en venir. Un film bien difficile à saisir.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Mariko Tsutsui, Mikako Ichikawa, Sôsuke Ikematsu
Voir la fiche du film et la filmographie de Kôji Fukada sur le site IMDB.
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(1) Probablement, les différences de culture peuvent modifier notre perception du film : en France, nous avons une image positive des infirmières, à priori nous les voyons comme des personnes bienveillantes. Il semblerait que ce ne soit pas la même chose au Japon où l’on s’en méfie car elles sont en contact avec des malades (notion de pureté). Cette méfiance se serait même transformée en ostracisme avec l’épidémie du Covid-19.
Toujours sur cette question de différence de culture, il y a cette question de la culpabilité. On peut être frappé par le fait que l’héroïne éprouve malgré tout une certaine culpabilité et présente constamment ses excuses. La culpabilité n’est pas ressentie de façon identique dans toutes les cultures, surtout dans ses implications sociales. De plus, nous pouvons avoir tendance à assimiler des excuses à un aveu alors qu’au Japon, elles ne sont qu’une politesse sociale.

Remarques :
* Propos de Kôji Fukada : « Ichiko apprend à ses dépens que la position sociale, l’estime de soi et les liens humains sont comme les différents étages d’un bâtiment construit sur un sol sablonneux. Et ce sol n’est pas uniquement sous Ichiko, il s’étend sous chacun d’entre nous ». (Extrait du dossier de presse)
* Le titre original « Yokogao » signifie « De profil ». « Ce qui est intéressant avec un profil, c’est que vous pouvez voir un côté ou l’autre, mais jamais les deux profils en même temps », explique Kôji Fukada, soulignant l’idée de dualité de ses personnages. (Extrait du dossier de presse)

L'Infirmière (Yokogao)Mikako Ichikawa, Miyu Ozawa et Mariko Tsutsui dans L’Infirmière (Yokogao) de Kôji Fukada.

16 avril 2021

Nuages épars (1967) de Mikio Naruse

Titre original : « Midaregumo »

Nuages épars (Midaregumo)Yumiko se prépare à suivre son mari Hiroshi muté aux Etats-Unis. Mais Hiroshi, renversé par une voiture, meurt subitement. Rongé par le remords, Shiro Mishima, le responsable de l’accident, décide de verser une pension à la jeune veuve et de maintenir le contact avec elle…
Nuages épars est l’ultime réalisation de Mikio Naruse. Le réalisateur japonais est en effet décédé peu après avoir signé son 92e film, à l’âge de 63 ans. On y retrouve tout son style, sa délicatesse et la sérénité de sa mise en scène. Si le thème général est indubitablement la culpabilité, il s’agit à nouveau d’un très beau portrait de femme, une femme dans une position difficile, ne sachant comment accorder ses sentiments à sa recherche de liberté. On sent également le poids des codes sociaux, Naruse sachant montrer leur empreinte sans grossir le trait. La photographie est belle, douce et délicate dans son rendu des couleurs. L’actrice habituelle de Naruse, Hideko Takamine, a cette fois cédé la place à Yôko Tsukasa qui montre tout autant de sensibilité et de pudeur dans son jeu. Tout empreint d’une grande délicatesse, Nuages épars vient clore magnifiquement la filmographie du grand Mikio Naruse.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Yûzô Kayama, Yôko Tsukasa, Mitsuko Kusabue, Mitsuko Mori, Daisuke Katô
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Nuages épars (Midaregumo)Yûzô Kayama et Yôko Tsukasa dans Nuages épars (Midaregumo) de Mikio Naruse.

25 mars 2021

Silence (1971) de Masahiro Shinoda

Titre original : « Chinmoku »

Silence (Chinmoku)Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites portugais débarquent sur les côtes japonaises pour tenter de réimplanter le christianisme dans ce pays où la religion catholique est interdite et ses fidèles persécutés. Ils désirent également découvrir la vérité sur leur mentor, le père Ferreira, mystérieusement disparu après sa capture par les autorités cinq ans plus tôt…
Avant Martin Scorsese en 2016, le roman Silence de Shūsaku Endō avait été adapté par le cinéaste japonais Masahiro Shinoda. Le film surprend quelque peu dans la filmographie de ce cinéaste qui s’est fait connaitre au sein de la Nouvelle Vague japonaise avec des sujets très actuels souvent centrés sur la jeunesse. Il montre tout autant de talent sur le thème de la force de la Foi, dans un contexte historique. Il sait donner une dimension philosophique à son récit et offre des réflexions sur le doute, les croyances et aussi sur les différences de culture, le colonialisme. Comme dans le film de Scorsese, les tourments et tortures infligées ont une place importante. Les deux jésuites sont interprétés par deux acteurs américains peu expérimentés et leurs prestations manquent de force, se limitant au caractère christique de leurs personnages. C’est le point faible du film. En revanche, les acteurs japonais ont beaucoup plus de présence. La mise en scène est d’une grande sobriété. Le film a longtemps été très difficile à voir. Il est maintenant restauré et accessible, ce qui est une excellente chose. C’est en effet un film puissant, il fait partie de ceux qui laissent des traces en nous.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: David Lampson, Don Kenny, Tetsurô Tanba, Mako, Shima Iwashita, Eiji Okada
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 Silence (Chinmoku)David Lampson, figure christique de Silence (Chinmoku) de Masahiro Shinoda.

Remake :
Silence de Martin Scorsese (2016) avec Andrew Garfield et Adam Driver

24 décembre 2020

Séjour dans les Monts Fuchun (2019) de Gu Xiaogang

Titre original : « Chun Jiang Shui Nuan »

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Une année de la vie d’une famille dans une Chine en pleine mutation. Parmi les quatre frères, deux ont un enfant sur le point de se marier. La grand-mère ne peut plus vivre seule et doit être prise en charge…
Gu Xiaogang est un jeune réalisateur chinois de 29 ans. Séjour dans les Monts Fuchun est son premier film. Il dit avoir reçu un choc en retrouvant sa ville natale Fuyang totalement transformée en peu de temps, avant les Jeux olympiques de 2008. Il nous montre cette mutation à travers une famille elle-aussi en plein bouleversement. Il n’y a aucune dramatisation ni autre effet de scénario, il nous la montre de façon assez neutre, presque ethnographique. Nous ressentons le poids de la famille avec son lot de conventions et d’usages, les mariages arrangés qui tendent à disparaître mais ont encore de beaux restes. Le film est un enchainement de petits évènements que l’on suit avec intérêt, un peu handicapé toutefois par la difficulté que nous avons (nous occidentaux) à reconnaitre rapidement les personnages. La forme est enthousiasmante. Gu Xiaogang a un œil photographique et ses plans extérieurs sont de toute beauté. La nature est très présente, le récit se déroule sur une année et les quatre saisons sont bien là. Le réalisateur semble affectionner les déclinaisons de teintes plutôt que les couleurs saturées ou ensoleillées. Il a également une façon originale d’utiliser le son, cadrant sur d’autres personnages et nous devons fouiller l’image pour trouver ceux dont on entend les dialogues. Ses mouvements de caméra sont extrêmement doux et, en outre, il nous gratifie d’un superbe et étonnant plan-séquence de quinze minutes (nage dans le fleuve). Le résultat est vraiment admirable pour un premier film. Séjour dans les Monts Fuchun est aussi intéressant que beau à regarder.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Zhenyang Dong, Hongjun Du, Wei Mu, Luqi Peng, Youfa Qian, Zhangjian Sun, Zhangwei Sun
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Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan) de Gu Xiaogang.

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan) de Gu Xiaogang.

Remarques :
* Comme nous l’indique une insertion à la fin du film, Séjour dans les Monts Fuchun est le premier film d’une trilogie. Pour la suite, le réalisateur compte changer de décor pour s’installer le long du fleuve Yangtsé. Les films suivants raconteront de nouvelles histoires.
* Séjour dans les Monts Fuchun tire son titre d’un tableau du même nom peint entre 1348 et 1350 par l’artiste chinois Huang Gongwang. Les parents du réalisateur possédaient un restaurant à l’endroit où fut peint ce rouleau horizontal de près de 7m de long. À son sujet, le réalisateur raconte que le peintre ajustait constamment le point central de son tableau et construisait divers angles afin de créer une expérience visuelle complète et unifiée : « Parfois ses points de vue se situent dans le ciel, parfois sur la terre, parfois dans la forêt. Il est totalement affranchi des chaînes de la peinture bidimensionnelle ». (Extrait du dossier de presse)
Voir la page Wikipédia sur ce tableau…

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Fragment du tableau Séjour dans les Monts Fuchun de Huang Gongwang.

21 décembre 2020

Le Lac aux oies sauvages (2019) de Diao Yi’nan

Titre original : « Nanfang chezhan de juhui »

Le Lac aux oies sauvages (Nanfang chezhan de juhui)Un règlement de compte entre deux bandes mafieuses rivales qui se partagent le trafic de scooters volés d’une ville mène Zhou Zenong à abattre un policier par erreur. Il est dès lors recherché dans tout le secteur, et sa tête est mise à prix…
Le Lac aux oies sauvages est le quatrième long métrage du chinois Diao Yi’nan, cinq ans après Black Coal (2014). Il s’agit cette fois d’un pur film noir, très noir même dont l’histoire est assez simple dans sa globalité mais assez tortueuse à suivre dans les détails. C’est surtout la forme qui est remarquable, le cinéaste s’attachant à montrer assez ostensiblement une certaine virtuosité dans ses mouvements de caméra. Il se montre aussi créatif en jouant de belle façon avec la lumière et les ombres, en nous surprenant par certains plans inattendus et par une belle fluidité dans les mouvements de foule ou de groupes. En revanche, comme pour Black Coal, le gros défaut de son film est d’avoir des personnages dénués d’humanité, auxquels il est impossible de s’attacher ; son film est ainsi incapable de générer une émotion. C’est un fossé qui le sépare des films noirs des années quarante et cinquante, une filiation que la critique uniformément enthousiasme s’est pourtant appliquée à souligner. Finalement, l’ensemble est un peu ennuyeux…

Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Hu Ge, Lun-mei Gwei, Liao Fan, Wan Regina, Huang Jue
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Le Lac aux oies sauvages (Nanfang chezhan de juhui)Hu Ge et Lun-Mei Gwei dans Le Lac aux oies sauvages (Nanfang chezhan de juhui) de Diao Yi’nan.

30 juillet 2020

Les Éternels (2018) de Jia Zhangke

Titre original : « Jiang hu er nü »

Les Éternels (Jiang hu er nü)En Chine, dans la ville de Datong, Bin, accompagné de sa maîtresse Qiao, règne sur un réseau local de pègre. C’est le tout début du XXIe siècle et les jeunes gens dansent en boîte de nuit sur la musique de Village People tandis que l’économie locale est menacée par le déclin de l’exploitation du charbon…
Les Éternels est un film franco-japano-chinois écrit et réalisé par Jia Zhangke. C’est le récit des amours tourmentés entre une femme et un chef de pègre locale racontée sur plusieurs années, en trois volets  situés en 2000, 2006 et 2017. En arrière-plan, c’est aussi un portrait de la Chine en pleine mutation, des changements très rapides et très inégaux, avec transplantations de populations, fermetures brutales d’usines et un paysage urbain qui paraît déshumanisé. Le récit est centré sur un personnage fort, celui de la jeune femme interprétée par Zhao Tao, la muse et compagne du cinéaste. Le rythme est par moments très lent et le film paraît alors bien long. La critique a réservé un accueil chaleureux au film, mettant surtout en avant le regard porté sur la Chine.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Zhao Tao, Liao Fan, Diao Yi’nan, Xu Zheng Xu
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Remarque :
* Le sens du titre original est « Fils et filles de Jianghu ». Si « Jianghu » signifie littéralement « rivières et lacs », l’expression « Fils et filles de Jianghu » désigne dans la littérature les gens en marge de la société traditionnelle de la Chine impériale, tels que les bandits, les combattants, les chevaliers errants mais aussi les prostituées, vagabonds, …  (Lire le premier commentaire ci-dessous pour plus de précisions.)

Les Éternels (Jiang hu er nü)Zhao Tao et Liao Fan dans Les Éternels (Jiang hu er nü) de Jia Zhangke.

25 juillet 2020

So Long, My Son (2019) de Wang Xiaoshuai

Titre original : « Di Jiu Tian Chang »

So Long, My Son (Di Jiu Tian Chang)Trente ans de la vie d’une famille chinoise, des années 1980 aux années 2010, marquée par un deuil soudain…
Wang Xiaoshuai a écrit et réalisé So Long, My Son. A travers ce portrait d’un couple durablement marqué par un drame, il cherche à montrer comment la politique de contrôle des naissances en Chine a profondément influencé la vie de toute une génération de parents. Le film est très long (3 heures), particulièrement lent, mais le plus déroutant pour le spectateur est la structure du récit « en puzzle ». Le réalisateur assume le flou ainsi créé tout en espérant que les incertitudes sont ensuite levées. En réalité, on perd mentalement beaucoup de temps à essayer de recoller les morceaux sans vraiment y parvenir. A moins d’avoir lu à l’avance le synopsis remis en ordre normal (lire sur Wikipédia), il faudrait certainement visionner le film une deuxième fois pour entrevoir et éventuellement apprécier tout l’intérêt de cette structure éclatée. Les bruits d’ambiance et d’arrière-plan sont forts et constants. Le film a été plutôt bien reçu par la critique.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Wang Jingchun, Yong Mei, Qi Xi
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Remarques :
* Nos notes auraient certainement été différentes si nous avions pu lire le synopsis avant de voir le film (un principe que nous ne souhaitons pas adopter mais qui, dans le cas présent, semble indispensable).

* Wang Xiaoshuai explique : « Aujourd’hui, notamment chez les jeunes générations, il y a une plus grande prise de conscience de l’importance de l’épanouissement individuel, mais la réalité chinoise telle que je la perçois, c’est que ce pays ne s’est jamais complètement éloigné de la primauté du collectif sur l’individu ».

* A propos du titre original :
地久天长 (Dì jiǔ tiān cháng), littéralement « terre ancienne ciel vaste » est un idiome de Lao Tseu généralement compris comme « perdurer aux côtés de la création », et véhicule ainsi l’idée d’éternel.

So Long, My Son (Di Jiu Tian Chang)Yong Mei et Wang Jingchun dans So Long, My Son (Di Jiu Tian Chang) de Wang Xiaoshuai

10 juillet 2020

Face à la nuit (2018) de Ho Wi-ding

Titre original : « Cities of Last Things »

Face à la nuit (Cities of Last Things)Ce film sino taïwanais montre trois moments-clés dans la vie d’un homme, trois nuits où sa vie a basculé…
Ces trois épisodes sont montées à rebours, c’est-à-dire que nous commençons par le moment ultime de sa vie, situé dans le futur en 2049 alors qu’il a 66 ans. Le deuxième épisode se situe en 2016 alors qu’il a 33 ans, et le troisième en 2000 à l’âge de 17 ans. Certains de ses actes de 2049 nous paraissent tout d’abord inexpliqués et il faut attendre de voir les épisodes plus anciens pour mieux comprendre son comportement et son état d’esprit. C’est une construction originale, rendue sans doute un peu plus difficile par notre difficulté à retenir les noms chinois (1). L’ensemble est assez noir et désillusionné mais puissant. Se déroulant en grande partie de nuit, l’image a beaucoup de bruit vidéo. On peut reprocher à Ho Wi-ding d’avoir parfois privilégié la forme sur le fond dans certaines scènes mais son film reste assez remarquable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lu Huang, Lee Hong-Chi, Jack Kao, Louise Grinberg
Voir la fiche du film et la filmographie de Ho Wi-ding sur le site IMDB.
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Remarques :
* Les trois épisodes ont un titre (non apparent à l’écran) : « Désillusion » pour 2049, « Désir » pour 2016 et « Innocence » pour 2000.
* Le titre d’origine de Face à la nuit est Cities of Last Things. Il s’inspire du livre In The Country of Last Things de Paul Auster, l’un des écrivains préférés du réalisateur : « ‘Cities’ est au pluriel parce que même si l’histoire se déroule dans la même ville, elle prend en fait l’apparence de plusieurs villes. Finalement une ville peut varier d’un caractère à un autre au cours du temps, à l’image d’une personne ». (Extrait du dossier de presse)

(1) Un synopsis très détaillé est présent sur la fiche Wikipédia du film…. mais il faut mieux le lire après avoir vu le film plutôt qu’avant

Face à la nuit (Cities of Last Things)Louise Grinberg et Lee Hong-Chi dans Face à la nuit (Cities of Last Things) de Ho Wi-ding.

10 mai 2020

Herbes flottantes (1959) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Ukikusa »

Herbes flottantes (Ukikusa)Une petite troupe de théâtre kabuki débarque dans un village de pêcheurs au sud du Japon. Il y a des années, leur meneur, Komajuro, avait eu une aventure avec l’une des habitantes. De leur brève union est né un garçon, Kiyoshi, qui ignore tout de l’identité de son père. Mais ce dernier n’est pas le seul à qui Komajuro a caché la vérité. Lorsque Sumiko, sa maîtresse actuelle et comédienne de la troupe, découvre l’existence de Kiyoshi et de sa mère, elle décide de se venger…
Yasujirô Ozu avait déjà mis en scène en 1934 cette histoire qu’il a écrite avec Tadao Ikeda. Ce très beau film, Histoires d’herbes flottantes, était muet et en noir et blanc. Le cinéaste l’aimait beaucoup et il a décidé vingt cinq ans plus tard d’en faire une nouvelle version. C’est un très beau mélodrame, qui s’installe lentement et aborde les thèmes de la responsabilité et de l’image de soi. Comme toujours avec Ozu, la forme est enthousiasmante. Le film est graphiquement très beau, avec ses plans fixes à la composition complexe (multiples plans et multiples cadres) et une utilisation de la couleur assez remarquable (il enrichit ses plans de « taches » de couleur rouge à la façon d’un peintre). La vision d’un film d’Ozu est toujours une expérience assez unique et Herbes flottantes ne déroge pas à la règle.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Ganjirô Nakamura, Machiko Kyô, Ayako Wakao, Hiroshi Kawaguchi, Haruko Sugimura
Voir la fiche du film et la filmographie de Yasujirô Ozu sur le site IMDB.

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Voir les livres sur Yasujirô Ozu

Remarques :
* Les « herbes flottantes » du titre font référence aux lentilles d’eau ; cette plante flottante figure souvent dans la poésie japonaise comme allégorie pour les errements ou une vie sans but.
* Précédente version :
Histoires d’herbes flottantes (Ukikusa monogatari) (muet, 1934) de Yasujirô Ozu

Herbes flottantes (Ukikusa)Ayako Wakao dans Herbes flottantes (Ukikusa) de Yasujirô Ozu.
(bel exemple de ces fameux regards-caméra spécifiques à Ozu)

Herbes flottantes (Ukikusa)Machiko Kyô et Ganjirô Nakamura dans Herbes flottantes (Ukikusa) de Yasujirô Ozu.
Une séquence étonnante où les deux personnages, en violente dispute, sont séparés par une pluie battante formant rideau.

28 avril 2020

Un grand voyage vers la nuit (2018) de Bi Gan

Titre original : « Di Qiu Zui Hou De Ye Wan »

Un grand voyage vers la nuit (Di Qiu Zui Hou De Ye Wan)Luo revient dans sa ville natale et se met à la recherche d’une femme qu’il a jadis brièvement aimée. Durant sa quête, les souvenirs remontent à la surface…
Après Kaili Blues en 2015, Un grand voyage vers la nuit (la traduction littérale du titre original serait « La dernière nuit de la terre ») est le second long métrage de Bi Gan. Le réalisateur chinois va encore plus loin dans sa démarche artistique, s’éloignant encore plus du réel pour offrir une variation hypnotique et sombre sur le rêve et la représentation du passé. Le récit en lui-même reste assez obscur, des lambeaux de souvenirs et de rêves venant s’entremêler au présent. Il n’est sans doute pas nécessaire de tout appréhender, il est préférable de se laisser doucement envahir par la dimension poétique du film et la beauté de ses plans. Bi Gan travaille beaucoup ses images, cadrages et éclairages sont souvent remarquables, tout au plus peut-on reprocher que ce travail soit un peu trop visible à l’écran. De même, la lenteur de ses travelings finit par paraître artificielle. Sa recherche de la virtuosité culmine dans le plan-séquence onirique d’une heure (et en 3D) qui clôt le film(1). Un grand voyage vers la nuit a souvent été décrit comme un croisement entre le cinéma de Tarkovski et de David Lynch. On peut effectivement trouver une certaine similitude avec Stalker par exemple, mais il n’en a pas toutefois la profondeur.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tang Wei, Huang Jue, Sylvia Chang, Lee Hong-Chi
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Remarques :
* Bi Gan précise : « J’ai été fasciné depuis longtemps par la peinture de Chagall et les romans de Modiano. Je voulais faire un film proche de leurs œuvres, proche des sentiments et des sensations qu’on y trouve. »
* Le film est articulé en deux parties : « La première partie est intitulée : Mémoire, la deuxième : Pavot, comme dans le titre du poème de Paul Celan : Pavot et mémoire. »

(1) Le plan-séquence débute après 1 heure de film environ, au moment où Luo est (seul) dans un cinéma et chausse des lunettes 3D.

Un grand voyage vers la nuit (Di Qiu Zui Hou De Ye Wan)Huang Jue dans Un grand voyage vers la nuit (Di Qiu Zui Hou De Ye Wan) de Bi Gan.