24 décembre 2020

Séjour dans les Monts Fuchun (2019) de Gu Xiaogang

Titre original : « Chun Jiang Shui Nuan »

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Une année de la vie d’une famille dans une Chine en pleine mutation. Parmi les quatre frères, deux ont un enfant sur le point de se marier. La grand-mère ne peut plus vivre seule et doit être prise en charge…
Gu Xiaogang est un jeune réalisateur chinois de 29 ans. Séjour dans les Monts Fuchun est son premier film. Il dit avoir reçu un choc en retrouvant sa ville natale Fuyang totalement transformée en peu de temps, avant les Jeux olympiques de 2008. Il nous montre cette mutation à travers une famille elle-aussi en plein bouleversement. Il n’y a aucune dramatisation ni autre effet de scénario, il nous la montre de façon assez neutre, presque ethnographique. Nous ressentons le poids de la famille avec son lot de conventions et d’usages, les mariages arrangés qui tendent à disparaître mais ont encore de beaux restes. Le film est un enchainement de petits évènements que l’on suit avec intérêt, un peu handicapé toutefois par la difficulté que nous avons (nous occidentaux) à reconnaitre rapidement les personnages. La forme est enthousiasmante. Gu Xiaogang a un œil photographique et ses plans extérieurs sont de toute beauté. La nature est très présente, le récit se déroule sur une année et les quatre saisons sont bien là. Le réalisateur semble affectionner les déclinaisons de teintes plutôt que les couleurs saturées ou ensoleillées. Il a également une façon originale d’utiliser le son, cadrant sur d’autres personnages et nous devons fouiller l’image pour trouver ceux dont on entend les dialogues. Ses mouvements de caméra sont extrêmement doux et, en outre, il nous gratifie d’un superbe et étonnant plan-séquence de quinze minutes (nage dans le fleuve). Le résultat est vraiment admirable pour un premier film. Séjour dans les Monts Fuchun est aussi intéressant que beau à regarder.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Zhenyang Dong, Hongjun Du, Wei Mu, Luqi Peng, Youfa Qian, Zhangjian Sun, Zhangwei Sun
Voir la fiche du film et la filmographie de Gu Xiaogang sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan) de Gu Xiaogang.

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan) de Gu Xiaogang.

Remarques :
* Comme nous l’indique une insertion à la fin du film, Séjour dans les Monts Fuchun est le premier film d’une trilogie. Pour la suite, le réalisateur compte changer de décor pour s’installer le long du fleuve Yangtsé. Les films suivants raconteront de nouvelles histoires.
* Séjour dans les Monts Fuchun tire son titre d’un tableau du même nom peint entre 1348 et 1350 par l’artiste chinois Huang Gongwang. Les parents du réalisateur possédaient un restaurant à l’endroit où fut peint ce rouleau horizontal de près de 7m de long. À son sujet, le réalisateur raconte que le peintre ajustait constamment le point central de son tableau et construisait divers angles afin de créer une expérience visuelle complète et unifiée : « Parfois ses points de vue se situent dans le ciel, parfois sur la terre, parfois dans la forêt. Il est totalement affranchi des chaînes de la peinture bidimensionnelle ». (Extrait du dossier de presse)
Voir la page Wikipédia sur ce tableau…

Séjour dans les Monts Fuchun (Chun Jiang Shui Nuan)Fragment du tableau Séjour dans les Monts Fuchun de Huang Gongwang.

30 juillet 2020

Les Éternels (2018) de Jia Zhangke

Titre original : « Jiang hu er nü »

Les Éternels (Jiang hu er nü)En Chine, dans la ville de Datong, Bin, accompagné de sa maîtresse Qiao, règne sur un réseau local de pègre. C’est le tout début du XXIe siècle et les jeunes gens dansent en boîte de nuit sur la musique de Village People tandis que l’économie locale est menacée par le déclin de l’exploitation du charbon…
Les Éternels est un film franco-japano-chinois écrit et réalisé par Jia Zhangke. C’est le récit des amours tourmentés entre une femme et un chef de pègre locale racontée sur plusieurs années, en trois volets  situés en 2000, 2006 et 2017. En arrière-plan, c’est aussi un portrait de la Chine en pleine mutation, des changements très rapides et très inégaux, avec transplantations de populations, fermetures brutales d’usines et un paysage urbain qui paraît déshumanisé. Le récit est centré sur un personnage fort, celui de la jeune femme interprétée par Zhao Tao, la muse et compagne du cinéaste. Le rythme est par moments très lent et le film paraît alors bien long. La critique a réservé un accueil chaleureux au film, mettant surtout en avant le regard porté sur la Chine.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Zhao Tao, Liao Fan, Diao Yi’nan, Xu Zheng Xu
Voir la fiche du film et la filmographie de Jia Zhangke sur le site IMDB.
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Remarque :
* Le sens du titre original est « Fils et filles de Jianghu ». Si « Jianghu » signifie littéralement « rivières et lacs », l’expression « Fils et filles de Jianghu » désigne dans la littérature les gens en marge de la société traditionnelle de la Chine impériale, tels que les bandits, les combattants, les chevaliers errants mais aussi les prostituées, vagabonds, …  (Lire le premier commentaire ci-dessous pour plus de précisions.)

Les Éternels (Jiang hu er nü)Zhao Tao et Liao Fan dans Les Éternels (Jiang hu er nü) de Jia Zhangke.

13 août 2017

Une nouvelle année (2014) de Oksana Bychkova

Titre original : « Eshche odin god »

Une nouvelle annéeMoscou, hiver 2013. Jeune provincial déraciné, Igor fait le taxi de nuit, clandestinement. Il est marié à la pétillante Zhéna qui vient de trouver un emploi de graphiste dans un magazine en ligne. Igor se sent vite dépassé par cette nouvelle vie et le décalage entre eux grandit… Une nouvelle année est l’adaptation actualisée d’un roman du dramaturge Alexandre Volodine, l’un des disciples de Tchekhov. Il s’agit du cinquième long-métrage de la réalisatrice russe Oxana Bychkova, le premier à sortir en France. Ce couple est bien entendu une métaphore de la Russie contemporaine, tiraillée entre ses traditions et l’ouverture à la modernité. La réalisatrice procède par petites touches, nous fait suivre le couple dans certaines de leurs activités quotidiennes qui montrent leurs différences : quand elle essaie de lui faire acheter un blouson jaune, lui préfère un blouson classique noir qui « le fait ressembler à un vigile ». Certaines scènes paraissent vraiment très longues. Le dénouement est toutefois d’un bel optimisme.
Elle: 2 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadya Lumpova, Aleksey Filimonov, Natalya Tereshkova
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Remarque :
* Les deux acteurs principaux sont tombés amoureux l’un de l’autre pendant le tournage.

Une nouvelle année
Aleksey Filimonov et Nadya Lumpova dans Une nouvelle année de Oksana Bychkova.

10 janvier 2015

Le vent (1982) de Souleymane Cissé

Titre original : « Finyè »

Le ventBah et Batrou sont camarades d’école secondaire. Ils ont des origines très différentes : lui est le fils d’un ancien chef traditionnel alors qu’elle est la fille du gouverneur militaire de la ville… Le vent est le troisième long métrage du réalisateur malien Souleymane Cissé, l’un des cinéastes africains majeurs. S’il s’agit du récit d’une révolte d’étudiants face au pouvoir militaire, la portée du film est plus large puisqu’il propose une vision sur la mutation des sociétés africaines, sur la rencontre entre une culture ancestrale et des valeurs de la société moderne (il s’agit plus d’une rencontre que d’une confrontation car l’une ne chasse pas l’autre). Cette rencontre est présente non seulement sur la question du pouvoir mais aussi dans le fonctionnement social :  la polygamie côtoie ainsi un début d’émancipation des femmes. La vision que Souleymane Cissé nous propose est globalement optimiste, montrant une grande confiance en l’avenir.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fousseyni Sissoko, Goundo Guissé, Balla Moussa Keita, Ismaila Sarr
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Remarques :
* Le film a fait partie de la sélection Un certain regard à Cannes en 1982.
* « J’ai fait ce film quand les Maliens avaient cessé de croire en leur avenir pendant une période de tension politique et militaire. J’étais tellement confiant en l’avenir que j’ai fait Finyè et il a créé un grand engouement populaire car le film disait ce que les gens n’osaient dire. » (Souleymane Cissé à propos de Finyè)

Homonyme :
Le vent (The Wind) de Victor Sjöström (1928) avec Lillian Gish.

Le Vent de Souleymane Cissé

21 juillet 2014

Un roi à New York (1957) de Charles Chaplin

Titre original : « A King in New York »

Un roi à New YorkFuyant son pays en révolution, le roi Shahdov se réfugie aux Etats Unis. Détroussé par son ancien premier ministre et donc sans argent, il se trouve contraint de faire des publicités… Un roi à New York est un film généralement peu estimé, du moins pas estimé à juste valeur. On le réduit trop souvent à un déversoir de rancoeurs. Certes, c’est le premier film fait par Chaplin en Europe après avoir été expulsé des Etats-Unis (1) et le cinéaste ne se prive pas de montrer les excès de cette paranoïa anticommuniste qui culminait alors, mais le film est aussi un regard sur la société qui l’entoure, l’omniprésence de la publicité, de la télévision, du culte de la jeunesse. Quelques gags parsèment le film ici et là comme toujours avec Chaplin. Les charges les plus virulentes, il les porte par la bouche d’un garçon de dix ans (assez avancé pour son âge quant à sa faculté de raisonnement !) qui est interprété par son propre fils, Michael Chaplin. Roberto Rossellini a dit qu’Un roi à New York était avant tout « le film d’un homme libre »(2).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charles Chaplin, Oliver Johnston, Dawn Addams
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Remarque :
* Le film ne sortira aux Etats Unis que 15 ans plus tard, à partir de 1972, date de son retour en grâce. Il recevra un Oscar d’honneur (et l’étoile à son nom dans le Hollywood Walk of Fame, qui avait été retirée dans les années cinquante, sera replacée !)

(1) En septembre 1952, alors qu’il se rend avec sa famille en Angleterre, Chaplin apprend en pleine traversée qu’il ne sera pas autorisé à rentrer aux Etats Unis. On l’accuse d’être communiste.

(2) Phrase citée par Noël Simsolo dans son texte « Chaplin et ses images » inclus dans le livre « Chaplin aujourd’hui » sous la direction de Joël Magny (Cahiers du cinéma, 2003).

5 décembre 2012

Bonjour (1959) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Ohayô »

BonjourDans un quartier récent de petites maisons serrées les unes contre les autres, deux jeunes garçons envient le poste de télévision d’un de leurs voisins. Face au refus catégorique de leurs parents d’en acheter une, ils entament une grève de la parole… Bonjour est une comédie qui met en scène la vie quotidienne dans un petit quartier moderne où règnent les commérages et les jalousies. Ozu met en relief l’illusion du modernisme, s’amuse avec nos habitudes de communication et nous montre le regard des enfants sur le monde des adultes. Le film est léger, avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Le parallèle a parfois été fait avec les films de Tati. On peut aussi lui trouver un certain caractère atemporel dans le sens où nous assistons aujourd’hui à une survalorisation assez similaire du matériel. Comparé aux autres films d’Ozu, Bonjour est certainement moins profond mais, en contrepartie, il pourra présenter l’avantage d’être facile d’accès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Keiji Sada, Yoshiko Kuga, Chishû Ryû, Kuniko Miyake, Haruko Sugimura
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Remarque :
Ozu avait tourné en 1932 un film sur un thème similaire : Gosses de Tokyo.

14 novembre 2012

Mon oncle (1958) de Jacques Tati

Mon oncleMr Hulot habite dans une petite maison à étages dans un vieux quartier populaire. Sa sœur est mariée à un industriel et tous deux vivent dans une maison ultramoderne remplie de gadgets. Ils confient parfois leur jeune fils à Hulot… En plus d’être un film burlesque et poétique, Mon oncle de Jacques Tati est une vraie réflexion sur le monde moderne. Deux univers se font face : celui de Hulot, modeste, vieillot, biscornu mais plein de vie et celui de sa belle-sœur, bourgeois, moderne, aseptisé, fonctionnel mais vide. Ces deux univers ne s’interpénètrent pas, seuls l’enfant et le chien passent de l’un à l’autre car ils s’ennuient dans leur monde sans fantaisie. Jacques Tati ne cherche pas à prôner l’ancien sur le moderne, il déplore la déshumanisation et l’excès d’organisation : « Je ne crois pas que les lignes géométriques rendent les gens aimables. »(1) En 1958, ce type de regard sur notre société était peu répandu car le modernisme était alors très recherché. L’humour est constant tout au long du film, Tati fait une fois de plus preuve d’un formidable sens de l’observation, aussi bien sur les comportements que sur les objets. Ce qui assez étonnant, c’est de voir à quel point son film n’a pas vieilli : cette réflexion sur les intérieurs épurés et vides pourrait être la même aujourd’hui. Et plus généralement, quelle est cette « qualité de vie » à laquelle on aspire ? Cela prouve que le propos de Jacques Tati est bien universel et explique pourquoi Mon oncle fait partie des films que l’on n’oublie jamais.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jacques Tati, Jean-Pierre Zola, Adrienne Servantie
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(1) Jacques Tati : « Ce qui me gêne, ce n’est pas qu’on construise des immeubles neufs, il en faut, mais des casernes. Je n’aime pas être mobilisé, je n’aime pas la mécanisation. J’ai défendu le petit quartier, le coin tranquille contre les autoroutes, les aérodromes, l’organisation, une forme de la vie moderne, car je ne crois pas que les lignes géométriques rendent les gens aimables. »
Et aussi : « J’entends revaloriser la gentillesse, par une défense de l’individu dans une optique finalement optimiste. »