3 février 2023

Lettre d’amour (1953) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Koibumi »

Lettre d'amour (Koibumi)Reikichi vit chez son frère à Tokyo. C’est un homme taciturne marqué par la guerre au contraire de son jeune frère plein de vie et d’énergie. Reikichi passe ses journées à rechercher parmi la foule des badauds son amour d’enfance, Michiko. Pendant la guerre, les parents de Michiko l’ont forcée à se marier et elle lui a envoyé une lettre d’adieu dans laquelle elle lui avouait son amour et son désespoir de devoir se marier à un autre. À son retour de la guerre, Reikichi a appris la mort du mari de Michiko mais il a perdu sa trace et, depuis, il la recherche…
Lettre d’amour est un film japonais, premier long métrage réalisé par Kinuyo Tanaka, grande star en tant qu’actrice depuis deux décennies. Le scénario est l’œuvre de Keisuke Kinoshita, par ailleurs réalisateur, d’après un roman de Fumio Niwa. Il s’agit d’une histoire d’amour empêché par la guerre et qui se retrouve dans une impasse. Le conflit intérieur des deux protagonistes ne semble pas trouver d’issue. Avec cette histoire, Kinuyo Tanaka nous parle de la vie ordinaire des japonais au lendemain de la guerre, des difficultés à revivre, à retrouver un travail notamment pour les femmes. Elle montre comment cette guerre a plus marqué ceux qui y ont participé : le jeune frère ne l’a pas faite et il déborde d’optimisme et de vitalité. Le récit est empreint de pudeur. L’ensemble peut évoquer les films de Naruse. Pour un premier film, la mise en scène paraît bien maitrisée mais, assez logiquement, Lettre d’amour est moins personnel que ses réalisations ultérieures.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Masayuki Mori, Yoshiko Kuga, Jûkichi Uno, Jûzô Dôsan
Voir la fiche du film et la filmographie de Kinuyo Tanaka sur le site IMDB.

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Remarque :
• Évoquant les scènes durant lesquelles Reikichi cherche à retrouver Michiko à Shibuya (place et station de métro), le critique Enrique Seknadje écrit : « Kinuyo Tanaka a la merveilleuse idée de filmer plusieurs fois le protagoniste à côté de la statue de bronze érigée en 1934 en l’honneur du chien Hachikō réputé pour avoir accompagné et attendu son maître quotidiennement à la gare, y compris après la mort de celui-ci, en 1925 ». (Lu sur Wikipédia, voir l’image ci-dessous)

Lettre d'amour (Koibumi)Masayuki Mori et Yoshiko Kuga dans Lettre d’amour (Koibumi) de Kinuyo Tanaka.

24 octobre 2013

Une femme dont on parle (1954) de Kenji Mizoguchi

Titre original : « Uwasa no onna »

Une femme dont on parleDans le quartier des plaisirs de Kyoto, Hatsuko dirige une maison de geishas. Elle vient d’aller chercher sa fille qui faisait des études à Tokyo après que celle-ci ait tenté de se suicider à la suite d’une peine de coeur. D’allure et de tempérament moderne, la jeune fille rejette le métier de sa mère… Une femme dont on parle est un film qui a été imposé à Mizoguchi par sa compagnie, la Daiei. L’histoire a toutefois été écrite par Masashige Narusawa et Yoshikata Yoda. Elle met en relief non seulement le fossé des générations mais aussi les difficultés de l’amour et l’impossibilité pour les femmes de ce milieu de sortir de leur condition. Il est, bien entendu, tentant de rapprocher Une femme dont on parle de Les Musiciens de Gion tourné l’année précédente. L’histoire est ici un peu moins puissante, les personnages étant également moins forts. Sur la forme, Mizoguchi semble s’écarter quelque peu des longs plans séquences, utilisant le montage pour insérer fréquemment des gros plans et des champs-contrechamps. Les travelings semblent également plus rares. Une femme dont on parle n’en reste pas moins un beau film empreint d’un certain fatalisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Kinuyo Tanaka, Tomoemon Otani, Yoshiko Kuga, Eitarô Shindô
Voir la fiche du film et la filmographie de Kenji Mizoguchi sur le site IMDB.

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Remarques :
* C’est le dernier film de Mizoguchi avec son actrice fétiche, dont il était plus ou moins secrètement amoureux, Kinuyo Tanaka. L’actrice était en effet passée de l’autre côté de la caméra pour réaliser un premier film et un second film était en projet. Assez égoïstement, Mizoguchi tenta même de bloquer ce second projet. Ils se quittèrent donc en mauvais termes. Kinuyo Tanaka est devenue la première femme réalisatrice japonaise. Elle a réalisé 6 films entre 1953 et 1962 tout en continuant à être une actrice très demandée (entre 1924 et 1976, elle apparaît dans 163 films).

* On peut se demander pourquoi tant de films de Mizoguchi ont pour cadre le milieu des geishas ou de la prostitution. La réponse, il faut aller la chercher dans l’enfance du cinéaste. En 1905 (Kenji a alors 7 ans), la famille Mizoguchi est ruinée et le père est réduit à placer sa fille comme geisha. Ce sacrifice de sa soeur ainée pour faire vivre la famille a marqué durablement le cinéaste. Plus tard, dans les années 30 et 40, il a lui-même beaucoup fréquenté les prostituées (ce qui d’ailleurs était socialement admis à cette époque), éprouvant toujours de la sympathie pour elles.

5 décembre 2012

Bonjour (1959) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Ohayô »

BonjourDans un quartier récent de petites maisons serrées les unes contre les autres, deux jeunes garçons envient le poste de télévision d’un de leurs voisins. Face au refus catégorique de leurs parents d’en acheter une, ils entament une grève de la parole… Bonjour est une comédie qui met en scène la vie quotidienne dans un petit quartier moderne où règnent les commérages et les jalousies. Ozu met en relief l’illusion du modernisme, s’amuse avec nos habitudes de communication et nous montre le regard des enfants sur le monde des adultes. Le film est léger, avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Le parallèle a parfois été fait avec les films de Tati. On peut aussi lui trouver un certain caractère atemporel dans le sens où nous assistons aujourd’hui à une survalorisation assez similaire du matériel. Comparé aux autres films d’Ozu, Bonjour est certainement moins profond mais, en contrepartie, il pourra présenter l’avantage d’être facile d’accès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Keiji Sada, Yoshiko Kuga, Chishû Ryû, Kuniko Miyake, Haruko Sugimura
Voir la fiche du film et la filmographie de Yasujirô Ozu sur le site IMDB.

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Remarque :
Ozu avait tourné en 1932 un film sur un thème similaire : Gosses de Tokyo.