Pascal, un crieur de journaux parisien au tempérament bourru et candide, sauve un homme de la noyade. Celui-ci raconte qu’il est victime d’un complot ourdi par sa femme qui cherche à s’emparer de ses biens en le faisant passer pour fou… 125 rue Montmartre est un film policier français réalisé par Gilles Grangier. Le scénario est l’adaptation du roman d’André Gillois (1), prix du Quai des Orfèvres 1958. Le film est peu connu mais il mérite le détour : une bonne intrigue, une excellente interprétation relevée de Lino Ventura qui personnifie à merveille l’homme simple très « brave garçon » et des dialogues de Michel Audiard avec de belles réparties. Tout est vu à travers les yeux du personnage principal et nous sommes aussi perdu que lui. Gilles Granger a su inclure de nombreuses scènes de vie qui sonnent très authentiques. Un film à découvrir. Elle: – Lui :
Paul Dorgères, un riche industriel qui s’est fait beaucoup d’ennemis, est retrouvé assassiné. L’inspecteur principal Bonnardel, efficacement secondé par les inspecteurs Richard et Sylvestre, mène l’enquête. Sa maitresse du moment est rapidement suspectée… Ouvert contre X… est un film français réalisé par Richard Pottier. Le film est surprenant car il est d’excellente facture malgré l’absence de noms de premier plan. Le scénario est signé par l’un des grands avocats français : René Floriot. Il ne montre des faiblesses que dans son dénouement, un peu trop rapide. Les dialogues sont l’œuvre de Marc-Gilbert Sauvajon. Ils distillent un humour discret mais bien présent, avec de belles réparties dans la bouche des policiers. La qualité de l’interprétation est indéniable même si les acteurs sont de second plan. Le film se regarde comme un Maigret, sans déplaisir. Elle: – Lui :
Voir les autres films de Richard Pottier chroniqués sur ce blog…
Anecdote: « Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages » dit en substance l’un des personnages, preuve que l’expression, que beaucoup pensent avoir été inventée par Michel Audiard pour son film daté de 1968, existait bien avant cela… En réalité, l’expression a été rendue populaire par Antoine Blondin avec son roman Les Enfants du Bon Dieu paru en 1952 (mais il n’est pas certain que l’écrivain soit le créateur de l’expression).
Yves Vincent et Yves Deniaud dans Ouvert contre X… de Richard Pottier.
En 1905, dans un petit village du Cantal, un jeune paysan de 17 ans vient se constituer prisonnier après avoir tué un enfant de 12 ans. Pour comprendre son geste, des médecins lui demandent de relater sa vie depuis son enfance jusqu’au jour du crime… Bruno Reidal est un film français écrit et réalisé par Vincent Le Port. C’est son premier long métrage. Le scénario est basé sur une histoire vraie et, plus précisément, sur le récit que l’adolescent-meurtrier a lui-même écrit à la demande des médecins. Le réalisateur utilise ainsi largement la voix-off ce qui nous donne l’impression d’entendre sa confession. Malgré le côté assez glaçant de cette histoire, Vincent Le Port parvient à la rendre fascinante et à maintenir notre intérêt constant. La reconstitution de l’atmosphère reste simple mais suffisante pour nous immerger dans cette époque et la photographie est assez belle. La mise en scène est précise. Un film qui a sa place auprès des plus grands sur la culpabilité. Elle: Lui :
Argentine, années 50. Frustré par le manque de sens de son métier, un journaliste se laisse convaincre par un immigré hongrois de lancer une trompeuse école de journalisme. Même s’il s’agit de profiter de la crédulité des gens, il a tout de même l’impression de travailler pour une cause noble : gagner assez d’argent pour faire venir le jeune fils de son associé resté en Hongrie… Los tallos amargos (= « Les Tiges amères ») est un film argentin réalisé par Fernando Ayala. Il s’agit d’un film noir dans la droite ligne des suspenses psychanalytiques de la seconde moitié des années quarante : il fait ainsi penser à certains Hitchcock, à certains Fritz Lang notamment. Hélas, le distributeur français (récent, puisque le film n’est sorti en France qu’en 2024) a cru bon de choisir un titre français qui supprime grandement la partie suspense et le film perd ainsi tout son équilibre. Il ne reste plus que la partie psychologique à se mettre sous la dent : le personnage principal a un fort traumatisme dû à son défunt père militaire admirateur des allemands (1) ce qui nous vaut une belle séquence surréaliste de rêve, style expressionnisme allemand. On retrouve aussi, bien entendu, le thème de la culpabilité. Même si le film manque souvent de subtilité dans sa forme, il aurait été certainement plus remarquable s’il n’avait pas été affublé d’un tel titre français. Elle: – Lui :
Remarque : Fernando Ayala a réalisé une petite cinquantaine de films entre 1955 et 1991. Celui-ci est son deuxième.
(1) Dans toute la première moitié du XXe siècle, l’Argentine (notamment ses chefs militaires) a nourri une admiration pour l’histoire militaire allemande. Officiellement neutre, l’Argentine a refusé de rejoindre les Alliés après Pearl Harbour.
Vassili Lambrinos et Carlos Cores dans Un meurtre pour rien (Los tallos amargos) de Fernando Ayala. (le travail sur les lumières pour exprimer l’enfermement est un peu excessif !)
L’inspecteur Robert Staniland, policier un peu particulier, enquête sur le meurtre de Charly Berliner, retrouvé mort dans un terrain vague. Il découvre que la victime entretenait une relation passionnée avec une certaine Barbara… On ne meurt que deux fois est un film français écrit et réalisé par Jacques Deray avec des dialogues de Michel Audiard. Bien qu’inspiré d’un roman de la Série noire (signé Robin Cook), l’intrigue policière n’est pas le point fort du film. Sur ce plan, on peut même dire que la fin est bien décevante. En revanche, l’atmosphère, un peu artificielle et presque onirique, est plaisante, les improbables méthodes du policier qui cherche à s’imprégner du personnage sont inattendues. Mais ce sont surtout les dialogues qui donnent de l’intérêt à l’ensemble : Michel Audiard ne fait pas du Audiard classique mais simplement des dialogues dont la qualité se ressent dès les premiers échanges, des dialogues d’une certaine profondeur. Coté interprétation, Michel Serrault est bien entendu l’interprète idéal pour ce genre de personnage non conventionnel et Charlotte Rampling joue la femme fatale mystérieuse sans excès. Il faut aussi mentionner l’excellente musique jazzy de Claude Bolling qui contribue à créer une atmosphère. Malgré l’affiche passablement racoleuse, le film se révèle être plus qu’intéressant. Il n’est hélas généralement pas très apprécié… Elle: – Lui :
Titre original : « El esqueleto de la señora Morales »
Pablo Morales est un joyeux taxidermiste mais sa vie est un enfer : sa femme Gloria, amère, infirme, obsessionnelle et extrêmement religieuse, l’accable de reproches et tente de le faire passer pour un sadique. Mais, un jour elle va trop loin… El esqueleto de la señora Morales est une comédie noire mexicaine réalisée par Rogelio A. González (cinéaste mexicain qui a dirigé près de 70 films). Il s’agit d’une adaptation de la nouvelle britannique The Islington Mystery d’Arthur Machen, publiée en 1927, elle-même inspirée de l’histoire vraie de Hawley Harvey Crippen, un homéopathe américain condamné en 1910 à Londres. L’histoire est bien relevée, dans le style de Luis Buñuel (le scénario est signé par l’hispano-mexicain Luis Alcoriza, qui a travaillé avec Luis Buñuel). Il faut être juste un peu patient dans la première moitié film, face aux multiples vilénies de la femme du taxidermiste. Le dernier tiers du film n’en est que plus jubilatoire. Le cinéaste fait preuve d’originalité dans ses plans de caméra et l’éclairage des scènes. Une belle découverte. Le film est ressorti en salles en 2024. Elle: – Lui :
En plein hiver, un écrivain (Claude Brasseur) cherche l’inspiration sur une plage de la Côte d’Azur. Il y rencontre une jeune femme mystérieuse (Mireille Darc) qui lui fait penser à l’héroïne de son roman. Il entreprend la conquête de cette jeune femme étrange qui semble protégée par un puissant avocat (Alain Delon)… Les Seins de glace est un film français réalisé par Georges Lautner, directement inspiré du roman de Richard Matheson Someone Is Bleeding, paru en 1953 (ce fût le premier roman publié de l’auteur de Je suis une légende). Il s’agit d’un suspense policier, genre inhabituel pour le cinéaste. L’intrigue repose surtout sur le personnage impénétrable interprété par Mireille Darc, qui s’écartait ainsi des rôles légers auxquels elle était habituée. Alain Delon, ici également producteur, désirait apporter une nouvelle dimension à l’actrice. Claude Brasseur a le rôle principal masculin, il est de presque toutes les scènes alors que le personnage interprété par Alain Delon est au second plan mais rendu assez fort par un jeu très sobre. L’histoire est troublante sans n’être jamais ni angoissante ni magnétique. Le déroulement du scénario n’est pas parfait, nous dévoilant des indices beaucoup trop tôt. Le film manque de puissance mais se laisse regarder sans déplaisir. Elle: – Lui :
Mireille Darc, Claude Brasseur et Alain Delon dans Les Seins de glace de Georges Lautner. Alain Delon et Mireille Darc dans Les Seins de glace de Georges Lautner.
Dans une petite ville de pêcheurs d’Alaska, une jeune fille de 17 ans est retrouvée assassinée. Deux inspecteurs de la police de Los Angeles, le capitaine Will Dormer et son partenaire Hap Eckhart, sont envoyés sur place pour aider la police locale dans son enquête, à la demande du chef de la police, un ancien collègue de Dormer. Ellie Burr, une jeune détective de la police locale, qui est une grande fan du travail d’enquête de Dormer, vient les accueillir… Insomnia est un film policier américain réalisé par Christopher Nolan. Il s’agit du remake du film norvégien Insomnia (1997) réalisé par Erik Skjoldbjærg, qui avait reçu de bonnes critiques mais une distribution limitée. Si elle ne recèle pas de grandes surprises, l’intrigue est bien tournée, évoluant rapidement en jeu du chat et de la souris, où la souris peut devenir chat et inversement. Il y a une belle profondeur dans les trois personnages principaux. Le travail de Christopher Nolan, qui travaillait ici pour la première fois avec des acteurs de premier plan, est assez remarquable. Sa mise en images montre une recherche sur les lumières (au pays où le soleil ne se couche jamais) et un cadrage qui crée une atmosphère ; il place souvent sa caméra très près des personnages comme pour mieux les sonder. Al Pacino met beaucoup d’intensité dans son personnage et Robin Williams, utilisé ici à contre-emploi, s’en sort plutôt bien (1). Le film a eu d’assez bonnes critiques même si Christopher Nolan a déclaré plus tard que c’était son film le plus sous-évalué. Elle: – Lui :
(1) Les deux acteurs ont des méthodes très différentes. Robin Williams a déclaré : « Ma rencontre avec Al, c’est « Monsieur Méthode » contre « Monsieur N’importe Quoi » ! » (en anglais, « Method » désigne les techniques de jeu de l’Actors Studio, Al Pacino est effectivement issu de l’Actors Studio qui préconise que les acteurs doivent intégrer totalement la psychologie de leur personnage). On raconte que, pour préparer les scènes, Al Pacino s’enfermait dans sa loge et ne sortait que lorsqu’on était prêt à tourner alors que Robin Williams restait avec l’équipe et faisait rire tout le monde.
Hilary Swank et Al Pacino dans Insomnia de Christopher Nolan.Robin Williams et Al Pacino dans Insomnia de Christopher Nolan.
Une jeune femme paralysée depuis un accident d’auto, Marie Kastner, meurt écrasée par sa propre voiture. Son mari, Paul Kastner, hérite de sa fortune à de surprenantes conditions. De plus, un homme lui fait un étrange chantage… Un meurtre est un meurtre est un film français réalisé par le belge Étienne Périer. Il est basé sur le roman du même nom de Dominique Fabre qui en a co-écrit l’adaptation avec le réalisateur. Il s’agit d’un suspense qui ressemble à du Claude Chabrol (qui joue d’ailleurs un petit rôle, assez burlesque) et la présence de Stéphane Audran renforce cette impression. Hélas, le film n’en a pas les mêmes qualités. L’histoire est pourtant bien agencée mais la réalisation reste terne. Malgré une distribution prestigieuse, il manque l’étincelle qui donnerait une personnalité au film. Cela se regarde toutefois sans déplaisir mais reste anodin. Elle: – Lui :
Remarque : Le réalisateur belge Etienne Périer a principalement tourné des films policiers dont de nombreux téléfilms. Dans Un si petit village (1978) il a reconstitué la célèbre affaire de Brouay-en-Artois.
Stéphane Audran et Jean-Claude Brialy dans Un meurtre est un meurtre de Etienne Périer.
Rama, jeune romancière d’origine sénégalaise, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une plage du nord de la France… Saint Omer est un film français réalisé par Alice Diop. Il s’agit de la première fiction de la réalisatrice, auparavant autrice de plusieurs documentaires. C’est le récit du procès réel de Fabienne Kabou, une mère sénégalaise qui, en 2013, avait laissé sa fille de 15 mois sur une plage de Berck-sur-Mer à la marée montante. Alice Diop s’était rendue sur place pour assister au procès après avoir vu une simple photo de la jeune femme et s’être identifiée à elle. Son récit est presque documentaire, l’essentiel du film se déroule dans une petite salle d’audience. La réalisatrice a semé quelques références, soit pour justifier sa démarche (Marguerite Duras et la Tondue de Nevers de Hiroshima Mon Amour), soit pour donner de l’ampleur (le mythe de Médée). Quelques scènes additionnelles (que l’on suppose liées à l’histoire personnelle de la romancière) sont insérées. On peut être touché par cette histoire ou trouver que tout cela manque de sens et ne débouche sur rien. Bon accueil critique. César 2023 du Meilleur premier film. Elle: Lui :