1 décembre 2016

Trois couleurs: Bleu (1993) de Krzysztof Kieslowski

Trois couleurs: BleuUn accident sur une route de campagne. A son réveil, Julie apprend que son mari, célèbre compositeur, et sa petite fille sont morts dans l’accident. Elle se retrouve donc seule. Elle commence par vendre tous ses biens pour aller vivre une autre vie. Elle ne garde qu’un pendule décoratif composé de perles bleues… Trois couleurs: Bleu est le premier volet de la trilogie tricolore de Krzysztof Kieslowski qui tourne pour la première hors de son pays, la Pologne. Dans ce premier opus, il explore la notion de liberté et sa relation à la mémoire : peut-on effacer sa mémoire pour (re)trouver sa liberté ? C’est la quête que s’est donnée Julie, son personnage. Mais peut-on concevoir la liberté sans mémoire ? Non, semble nous dire Kieslowski appuyant son propos par l’image de la mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer qui le rend comme prisonnière. Julie retrouvera un début d’équilibre en sachant intégrer ses souvenirs douloureux. La forme est assez brillante, Kieslowski réussissant une symbiose parfaite de tous les constituants du film. Il symbolise le deuil, et sa lancinante douleur, par de brusques (et spectaculaires) éclats musicaux. Omniprésent, le bleu est juste un parti-pris esthétique, il ne faut sans doute pas lui chercher une signification autre, la couleur bleue convenant bien au caractère froid et bien entendu à l’eau purificatrice de la piscine. L’interprétation de Juliette Binoche donne une grande intensité à son personnage.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Juliette Binoche, Benoît Régent, Emmanuelle Riva
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Remarque :
* Kieslowski laisse comme souvent un peu de place à un thème qui lui est cher, le hasard : un musicien de rue qui a trouvé le même thème que son mari, une rencontre fortuite avec les personnages du second volet, etc. Le thème du hasard peut paraître anodin mais c’est loin d’être le cas : l’acceptation (ou pas) de la notion-même a de fortes répercussions sur la construction de notre philosophie de vie (remarque très personnelle que vous n’êtes bien entendu pas obligé de partager…)

Trois couleurs : Bleu
Juliette Binoche dans Trois couleurs: Bleu de Krzysztof Kieslowski.

30 septembre 2016

Sils Maria (2014) de Olivier Assayas

Titre original : « Clouds of Sils Maria »

Sils MariaAlors qu’elle est sous le coup de l’annonce de la mort d’un ami dramaturge, une comédienne cinquantenaire de renommée internationale se voit proposer de rejouer dans une de ses anciennes pièces… Ecrit et réalisé par Olivier Assayas, Sils Maria nous plonge dans l’univers complexe d’une actrice tourmentée par ses interrogations. Ses deux thèmes de préoccupation peuvent paraître assez classiques : la porosité de la séparation entre sa vie réelle et la vie des personnages qu’elle interprète (l’actrice a avec sa jeune assistante une relation proche de celle du personnage qu’elle s’apprête à jouer) et l’action du temps qui la met en décalage avec son époque. Sa passion pour son métier est un piège qui la maintient dans un tourbillon artificiel d’évènements, une frénésie qui l’empêche de prendre du recul et de réfléchir sur elle-même. On peut sans doute reprocher à Assayas de ne pas surprendre et de rester sur des situations et des réflexions finalement assez classiques. Il nous reste sa très belle façon de filmer et la performance de son duo d’actrices, toutes deux assez remarquables.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz
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Remarques :
* « Sils-Maria est un charmant village alpin, où l’on peut s’adonner à la promenade et au ski, alpin ou nordique, dans un cadre paradisiaque » annonce fièrement le site internet de l’imposant hôtel Waldhaus Sils, dans lequel le film a été tourné en grande partie. Il est en bordure du lac de Sils, dans la région de l’Engadine au sud-est de la Suisse (non loin de Saint-Moritz).

* Le superbe phénomène nuageux décrit et filmé existe réellement. Il a été filmé en 1924 par le réalisateur allemand Arnold Fanck, grand spécialiste des films des hauteurs, dans un documentaire de 10 mn Les Nuages de Maloja (Das Wolkenphänomen von Maloja). C’est ce petit film que Maria Enders montre à son assistante dans le film d’Assayas.

* Juliette Binoche et Olivier Assayas connurent une histoire similaire à celle de la principale protagoniste du film puisque le premier propulsa la seconde. En effet, le réalisateur rencontra la comédienne pour son deuxième rôle au cinéma, alors qu’il écrivait avec André Téchiné le scénario du film, son tout premier, Rendez-vous (1984), qui était déjà une mise en abyme de la carrière d’actrice. Binoche avait alors tout juste vingt ans et tenait la tête d’affiche du film. Elle ne retrouva le scénariste, depuis devenu réalisateur, qu’en 2007, dans L’Heure d’été et a eu, par la suite, l’intuition d’un film, selon Assayas « resté virtuel et qui renverrait pour l’un comme pour l’autre à l’essentiel » qui se baserait sur leur histoire commune. C’est sur ce point de départ qu’il écrivit le scénario de Sils Maria. (Reprise du dossier de presse).

Sils Maria
Kristen Stewart et Juliette Binoche dans Sils Maria de Olivier Assayas.

Sils Maria
Johnny Flynn et Chloë Grace Moretz dans Sils Maria de Olivier Assayas.

17 août 2013

Cosmopolis (2012) de David Cronenberg

CosmopolisUn matin, Eric Packer, un jeune magnat de la haute finance, décide d’aller chez son coiffeur à l’autre bout de New York. Peu lui importe que la ville soit paralysée par la venue du Président ou que ses services pensent que quelqu’un cherche à le tuer, il traverse la ville lentement dans son immense limousine où il reçoit ses visiteurs… Cosmopolis est adapté d’un roman de Don DeLillo. L’idée de départ est intéressante à la fois par son lieu, une limousine suréquipée en électronique qui roule au pas dans un New York congestionné par les embouteillages et les manifestations, et aussi par son contenu, la critique d’un monde où les fossés se creusent. Hélas, le contenu se révèle inutilement verbeux. Les discussions de ce golden boy avec employés et connaissances ne reflètent que le vide et l’absence d’une quelconque réflexion. Le symbolisme utilisé par Cronenberg ne donne pas dans la subtilité pour nous montrer comment les « rats de la finance » se moquent de la réalité qui les entoure, sont incapables d’avoir des émotions et sont détruits par les créatures qu’ils ont eux-mêmes créées. Il y a pourtant de bons passages, le meilleur sans doute étant celui avec Juliette Binoche qui montre le rapport de ce nouveau riche à l’Art.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Robert Pattinson, Sarah Gadon, Paul Giamatti, Juliette Binoche, Mathieu Amalric
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24 juin 2012

Copie conforme (2010) de Abbas Kiarostami

Copie conformeDans la ville d’Arezzo en Toscane, l’écrivain anglais James Miller présente son dernier livre sur la valeur d’une copie en art par rapport à l’original. Une femme laisse son adresse et l’écrivain passe la voir le lendemain. Ils partent ensemble visiter le village de Lucignano… Copie conforme de l’iranien Abbas Kiarostami n’est pas un film qui se livre facilement, il est un peu difficile de démêler le vrai du faux car nous avons des impressions contradictoires (1). Le thème central tourne autour de ces questions : Le faux a-t-il la même valeur que le vrai ? Peut-il faire aimer le vrai ? Ici, la femme prend l’homme à son propre piège en lui montrant le faux pour obtenir le vrai. Abbas Kiarostami filme superbement la Toscane et le village de Lucignano (et un très beau plan où nous voyons les maisons d’Arezzo dans le reflet du pare-brise). William Shimell, chanteur d’opéra baryton, est ici dans son premier rôle au cinéma. Il a un jeu sans doute un peu rigide mais une belle présence.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Juliette Binoche, William Shimell
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Remarques :
* L’homme qui donne un conseil sur la place est interprété par Jean-Claude Carrière.
* Le village de Lucignano en Toscane est effectivement un lieu de mariages du fait de la curieuse légende de l’Arbre de vie et de l’amour. C’est une sculpture datant du XIVe siècle représentant un arbre enchâssé de pierres précieuses au pied duquel on doit faire les promesses de mariage.

(1) Ne pas lire ce qui suit si vous avez l’intention de voir le film prochainement :
Il est assez difficile de démêler le vrai du faux dans Copie conforme. Le plus probable (à mes yeux) est qu’ils se sont rencontrés brièvement à Florence, 5 ans auparavant, et que la femme cherche à le séduire en l’entrainant dans un jeu où ils jouent à être un vieux couple (le vrai basculement intervenant dans le café). L’enfant n’est pas un fils commun (cf. attitude du fils à la conférence et le fait que la femme parle au père au téléphone dans la galerie d’art). Eléments troublants : 1) Comment savait-elle qu’il ne se rasait qu’un jour sur deux ? Probablement, ce détail figure dans son livre. 2) L’histoire de l’assoupissement en voiture (avec peut-être le décès d’un autre enfant) ? Probablement, une invention de James par jeu en réponse à l’histoire inventée de l’endormissement prématuré du mari le soir de leurs 15 ans de mariage. 3) Pourquoi vont-ils si loin dans leur jeu au restaurant ? Lui, sans doute parce qu’il ne sait pas quelle décision prendre, elle, c’est plus étonnant car le jeu est dangereux.

Homonyme :
Copie conforme de Jean Dréville (1947) avec Louis Jouvet et Suzy Delair.