19 septembre 2012

Les Larmes amères de Petra von Kant (1972) de Rainer Werner Fassbinder

Titre original : « Die bitteren Tränen der Petra von Kant »

Les larmes amères de Petra von KantRécemment divorcée, la styliste en vogue Petra von Kant vit et travaille dans son appartement avec une assistante qui lui est entièrement dévouée. Une amie lui présente Karin. Impressionnée par sa beauté, elle lui propose de l’aider à devenir mannequin… Les larmes amères de Petra von Kant est le premier film de Fassbinder à avoir été distribué en France (1). C’est son treizième film, l’adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a lui-même écrite et qu’il met en scène sans chercher à en masquer les origines. C’est un film vraiment étonnant venu d’un réalisateur âgé de 27 ans. D’abord par son contenu car les dialogues sont d’une rare profondeur, il suffit de voir avec quelle acuité Petra raconte à Karin l’épanouissement et le déclin de son ancien mariage ou l’évolution de leurs rapports au sein du couple. Il y a aussi une réflexion sur l’amour fou et la dépendance, sur l’admiration et la soumission, sur la possession et le manque. Fassbinder aurait puisé son inspiration dans sa propre vie, ayant lui aussi vécu une séparation douloureuse. Le film est aussi étonnant par la maitrise de la mise en scène, filmé sobrement dans un seul lieu avec quelques mouvements de camera très amples qui tournent autour des actrices comme pour nous en approcher. La structure du récit, quatre actes séparés par de grandes ellipses, met en relief l’évolution de la relation entre Petra et Karin. Le décor est un mélange de kitsch et de classicisme(2) qui, avec les toilettes excentriques, apportent une touche de surréalisme et affirme le caractère atemporel du propos, propre aux grandes tragédies. Seule la fin est un peu faible. Les larmes amères de Petra von Kant est un film intense et riche qui porte l’empreinte du cinéaste.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Margit Carstensen, Hanna Schygulla, Irm Hermann
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Remarque :
Le titre (en anglais : The Bitter Tears of Petra Von Kant) est un hommage à Frank Capra The Bitter Tea of General Yen (1933)

(1) Les larmes amères de Petra von Kant (1972) est sorti en avril 1974 en France, deux ans après sa sortie en Allemagne. Il a été suivi deux mois plus tard par Tous les autres s’appellent Ali (1974) et quelques mois plus tard par Le marchand des quatre saisons (1971). C’est dans cet ordre que le public français a découvert Fassbinder.
(2) Le tableau dont une reproduction occupe tout un mur de la chambre de Petra von Kant est Midas et Bacchus de Poussin.

15 août 2012

Les yeux de sa mère (2011) de Thierry Klifa

Les yeux de sa mère
Pour écrire un livre à sensation, un écrivain infiltre la vie d’une présentatrice de journal télévisé et celle de sa fille qu’il avait autrefois connue…
Les yeux de sa mère se perd dans un entrelacs de destins croisés. Thierry Klifa a certainement voulu mettre trop de choses, donner trop de dimensions à son histoire. Après une mise en place confuse, le film apparaît intentionnellement complexifié. Thierry Klifa joue sur le romanesque dans tous ses états et multiplie les effets dramatiques. Finalement, on se détache de l’ensemble. Le titre aidant (probablement), la critique a trouvé une proximité avec le cinéma d’Almodovar, sans que ce soit vraiment frappant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Géraldine Pailhas, Nicolas Duvauchelle, Marisa Paredes, Marina Foïs, Jean-Marc Barr, Jean-Baptiste Lafarge
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Les yeux de sa mèreCatherine Deneuve et Jean-Baptiste Lafarge dans Les yeux de sa mère de Thierry Klifa.

23 juin 2012

Nuits d’ivresse printanière (2009) de Ye Lou

Titre original : « Chun feng chen zui de ye wan »

Nuits d'ivresse printanièreDans la ville de Nanjing en Chine, un jeune homme est engagé pour surveiller un mari qui a une liaison avec un homme. Il a lui-même ensuite une aventure avec l’autre homme… Lou Ye a tourné clandestinement son film en Chine sur un sujet particulièrement tabou. Film dont le sujet principal est l’homosexualité, Nuits d’ivresse printanière est un triangle amoureux qui nous emmène au cœur de la vie nocturne de Nanjing. Le film est très déroutant, plus par sa forme que par son sujet. Bien entendu, les conditions imposaient d’utiliser des moyens de fortune pour filmer ce qui est explique l’image très granuleuse et les tremblements assez constants. Mais c’est le déroulement du scénario qui déroute le plus : alors que l’histoire est somme toute assez simple, on passe son temps à essayer de comprendre ce qui se passe, l’ensemble nous paraissant toujours confus. La récompense que le film a reçue à Cannes en 2009 (Prix du Scénario) paraît bien mal choisie…
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Hao Qin, Sicheng Chen, Zhuo Tan, Wei Wu
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8 juin 2012

La corde (1948) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Rope »

La cordeDeux jeunes intellectuels étranglent avec une cordelette leur camarade de collège, un acte gratuit basé sur une théorie vaguement nietzschéenne, et reçoivent ensuite les parents de leur victime avec quelques amis pour un cocktail…
La corde est le premier film en couleurs d’Alfred Hitchcock mais il est surtout célèbre pour la gageure technique de filmer en un seul plan comme l’était la pièce en seul acte de Patrick Hamilton dont le film est adapté. En réalité, il y a onze plans en tout (1), à l’époque les bobines ne pouvaient dépasser dix minutes. Unité de lieu, un appartement new-yorkais, unité de temps, l’histoire commence à 19h30 et se termine à 21h15. Par des mouvements de camera, Hitchcock expérimente une autre façon de faire le découpage. La corde est donc en premier un exploit technique qui nécessita une grande préparation, des murs qui pouvaient être écartés pour laisser passer la caméra, un ballet de techniciens pour que personne ne soit dans le champ au mauvais moment. La vue panoramique sur New York que laissent voir les grandes baies vitrées évolue elle aussi : les nuages se déplacent, la nuit tombe lentement. La forme fait passer le contenu au second plan, l’histoire n’étant pas très forte en soi. Le plus remarquable est le climat malsain qui s’installe, c’est d’ailleurs l’un des rares films d’Hitchcock où l’on ne peut s’identifier à l’un des personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: James Stewart, John Dall, Farley Granger, Edith Evanson, Douglas Dick, Cedric Hardwicke
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Remarques :
* Dans ses entretiens avec Truffaut, Hitchcock (qui aime toujours surprendre par des formules-choc) appelle tout cela « un truc » et ajoute même « complètement idiot ». Il préfère ensuite parler longuement du travail sur l’éclairage que l’utilisation de la couleur obligeait à reconsidérer entièrement.
* La corde est le premier film produit par la propre compagnie d’Hitchcock : Transatlantic pictures (le second et ultime film sera Les Amants du Capricorne).

(1) Les plans durent respectivement 1’54" (ouverture), 9’36", 7’51", 7’18", 7’09", 9’57", 7’36", 7’47", 10′, 4’36" et 5’39" (Jacques Lourcelles – Dictionnaire du cinéma). Plusieurs fois, Hitchcock utilise le moment où un personnage passe devant la caméra pour changer de bobine mais on peut compter 5 changements normaux, dont un large champ-contrechamp.

5 juin 2012

Beginners (2010) de Mike Mills

BeginnersA 38 ans, Oliver vient de perdre son père, ce qui laisse un grand trou dans sa vie. Il se remémore les cinq dernières années passées avec lui, depuis que son père avait déclaré, à l’âge de 75 ans, qu’il était homosexuel. Oliver rencontre une jeune actrice mais il a bien du mal à se départir d’une certaine tristesse… L’histoire de Beginners peut paraître improbable ou exagérée, c’est néanmoins celle de Mike Mills qui signe ici son second long métrage. On se laisse gagner peu à peu par la richesse de cette histoire autobiographique d’un fils qui redécouvre son père et qui s’en trouve d’autant plus déstabilisé. C’est deux (voire trois) histoires que nous suivons en parallèle bien que séparées par plusieurs années. Mike Mills parvient à donner beaucoup de profondeur à son film. Il est interprété avec beaucoup de délicatesse par Ewan McGregor, Christopher Plummer (oscarisé pour ce rôle) et Mélanie Laurent, remarquable trio.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ewan McGregor, Christopher Plummer, Mélanie Laurent, Goran Visnjic
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20 août 2011

Les biches (1968) de Claude Chabrol

Les bichesUne riche et oisive bourgeoise séduit une jeune fille, artiste de rue rencontrée à Paris. Elle l’emmène dans sa villa de Saint-Tropez… Indéniablement, Les biches est un film qui a quelque peu vieilli : ce qui choquait profondément en 1968, les rapports ambigus, l’homosexualité sous-jacente, ne provoque plus le même effet aujourd’hui. Il reste une peinture assez acerbe d’une bourgeoisie très huppée, une peinture aux couleurs d’oisiveté, de vacuité et de bêtise, et aussi un certain regard sur la fascination de l’argent. Stéphane Audran a le pouvoir donné par l’aisance financière. Elle règne sur son petit monde où se sont incrustés deux insupportables bouffons, deux parfaits imbéciles qui se donnent des airs d’intellectuels. Jean-Louis Trintignant est l’élément extérieur, perturbateur, un homme-objet qu’il joue de façon effacée. Mais le personnage le plus complexe est celui de la jeune fille interprétée par Jacqueline Sassard, un personnage qui se fond dans le décor, tel un caméléon, allant jusqu’à phagocyter son milieu. Les biches n’a pas la force de La Femme Infidèle que Chabrol tournera peu après mais il le préfigure.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Stéphane Audran, Jean-Louis Trintignant, Jacqueline Sassard, Henri Attal, Dominique Zardi
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