29 décembre 2012

Les salauds dorment en paix (1960) de Akira Kurosawa

Titre original : « Warui yatsu hodo yoku nemuru »

Les salauds dorment en paixLe grand patron Iwabuchi marie sa fille avec son secrétaire particulier. Lors du banquet, observé et commenté en aparté par des journalistes, plusieurs incidents se produisent : un policier vient arrêter l’un des comptables de la société, une fausse pièce montée fait allusion au suicide d’un employé de la compagnie… Les salauds dorment en paix est le premier film coproduit par la société de Kurosawa ce qui lui a donné plus de liberté sur le choix de son sujet : il s’attaque ici à la corruption et aux ententes illicites entre administration et grandes sociétés de construction pour les marchés publics. Il met en relief comment ces pratiques mafieuses s’appuient sur la tradition japonaise de grand respect de la hiérarchie. Dans cette recherche de vengeance personnelle, la trame puise son inspiration dans le Hamlet de Shakespeare, auteur qui a déjà inspiré Kurosawa (1). La réalisation est très belle avec une superbe utilisation du format large. Les salauds dorment en paix est l’un des films les moins connus de Kurosawa en Occident.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Toshirô Mifune, Masayuki Mori, Kyôko Kagawa, Tatsuya Mihashi, Takashi Shimura, Takeshi Katô, Chishû Ryû, Seiji Miyaguchi
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(1) Kurosawa a adapté Macbeth dans Le Château de l’Araignée, deux ans auparavant.

28 décembre 2012

Lord Jim (1965) de Richard Brooks

Lord JimSur un navire rouillé mené par un capitaine sans scrupules, James Burke est poussé à accomplir un acte de lâcheté qui va le hanter durablement. Il va tenter de se racheter en épousant la cause des indigènes Malaisiens en lutte contre un dictateur brutal… Ce roman de Joseph Conrad, déjà adapté par Victor Fleming à l’époque du muet, permet à Richard Brooks de réaliser une grande production prenant pour cadre l’Indonésie et son pouvoir évocateur d’aventures et de dangers. Il parvient à faire oublier le côté aride et austère de ce long voyage expiatoire d’un homme hanté par son passé sans toutefois trahir l’esprit du roman. Richard Brookes utilise fort bien Peter O’Toole, fraichement auréolé de son Lawrence d’Arabie, remarquable par la richesse de son jeu mais qui, seul, a bien du mal à insuffler une dimension épique à cette histoire très mouvementée. Lord Jim reste un film plaisant mais il semble manquer l’étincelle qui aurait pu le rendre grandiose.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Peter O’Toole, James Mason, Curd Jürgens, Eli Wallach, Jack Hawkins, Paul Lukas, Daliah Lavi, Akim Tamiroff
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Version précédente :
Lord Jim par Victor Fleming (1925) avec Percy Marmont.

27 décembre 2012

Les désaxés (1961) de John Huston

Titre original : « The Misfits »

Les désaxésRoslyn vient de divorcer. Elle fait la rencontre de Guido, jeune veuf, et de Gay, un homme à femmes, lui aussi divorcé. Ils se rendent dans la maison inachevée de Guido… Arthur Miller a écrit le scénario de The Misfits pour sa femme, Marilyn Monroe. Le tournage a été très difficile du fait des retards chroniques et des absences de l’actrice. Le film n’en porte pas vraiment les traces, The Misfits est un film assez fort par la profondeur de ses personnages et de son propos. Ses cinq personnages principaux sont des êtres seuls, déçus par leur entourage et par la société, avec des tempéraments très différents et bien définis ; chacun cherche, à sa manière, un sens, une voie. Marilyn Monroe fait montre ici d’une belle intensité dramatique dans son jeu et sa présence à l’écran est très forte. The Misfits fut jugé trop littéraire, voire prétentieux dans son propos, à sa sortie, ce qui est certainement plutôt injuste envers la qualité d’écriture d’Arthur Miller. Le film est, fort justement, mieux considéré aujourd’hui. Son propos a un certain caractère d’universalité qui lui permet en effet de s’inscrire tout aussi bien dans notre époque.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Clark Gable, Marilyn Monroe, Montgomery Clift, Thelma Ritter, Eli Wallach
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Remarques :
* Film marqué par de nombreuses tragédies, The Misfits est le dernier film de Clark Gable qui succombera à une crise cardiaque quelques semaines après la fin du tournage. C’est aussi le dernier film de Marilyn Monroe : l’actrice continuera de sombrer et mourra d’overdose en 1962. Arthur Miller verra sa relation avec Marilyn s’effilocher pendant le tournage, ils divorceront rapidement. Quant à Montgomery Clift, il commencera à sombrer peu après et décédera cinq ans plus tard.
The Misfits : Photo de tournage par Elliott Erwitt
Note : La célèbre photo de tournage ci-dessus a été prise par le photographe Elliott Erwitt. De haut en bas et de gauche à droite : Arthur Miller, Frank Taylor (producteur), Eli Wallach, John Huston, Montgomery Clift, Marilyn Monroe et Clark Gable.

* Pendant le tournage, John Huston envoya Marilyn Monroe pendant quinze jours dans une clinique de Los Angeles. Sous l’effet des drogues, l’actrice était en effet dans un état de délabrement physique tel que tout tournage devenait impossible. John Huston raconte dans ses mémoires que c’est au retour de cette cure de désintoxication, à la descente de l’avion, que Marilyn a eu sa fameuse réplique à un journaliste : « Que mettez-vous pour dormir, miss Monroe ? » « Du n°5 de Chanel. »

* John Huston raconte que Clark Gable considérait The Misfits comme étant le meilleur film qu’il eut jamais tourné. A propos des dépassements de budget qui faisaient renâcler la production, il se serait dit prêt à racheter lui-même le film.

22 décembre 2012

La dame de pique (1965) de Léonard Keigel

La dame de piqueA la cour de Louis XVI à la veille de la Révolution, la comtesse russe Anna Fedotovna joueuse invétérée, est proche de la ruine. Un mystérieux comte lui révèle une martingale permettant de gagner à coup sûr, mais qu’elle ne doit employer qu’une seule fois et surtout ne révéler à personne. Une promesse que la comtesse aura bien du mal à tenir… La belle nouvelle de Pouchkine, La dame de pique, a été adaptée plusieurs fois au cinéma. Son climat étrange, à la frontière du fantastique, s’y prête bien. L’adaptation en a été ici écrite par Julien Green et son fils adoptif Eric Jourdan. Le film brille surtout par sa belle reconstitution dans une atmosphère russe hivernale. Le jeu des acteurs est hélas assez rigide, austère même, avec des personnages qui semblent manquer de présence et de sentiments. La dame de pique marque le retour à l’écran de Dita Parlo, actrice d’origine allemande, bien connue pour avoir joué notamment dans L’Atalante de Jean Vigo. Sa carrière avait été stoppée par la Seconde Guerre mondiale. C’est hélas sa dernière apparition au cinéma.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Dita Parlo, Michel Subor, Simone Bach, André Charpak, Jean Négroni
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Remarque :
Le film vient d’être réédité en DVD par Les Documents Cinématographiques.

Principales adaptations de la nouvelle de Pouchkine :
La Dame de Pique de Yakov Protazanov (1916) avec Ivan Mosjoukine
La Dame de Pique de Fyodor Otsep (1937) avec Marguerite Moreno
La Reine des Cartes (Queen of Spades) de Thorold Dickinson (1949) avec Edith Evans et Anton Walbrook
Pikovaya Dama de Roman Tikhomirov (1960) avec Oleg Strizhenov
La Dame de Pique de Léonard Keigel (1965) avec Dita Parlo
+ de nombreuses adaptations pour la télévision.

9 décembre 2012

Le Goût du saké (1962) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Sanma no aji »

Le goût du sakéTrois quinquagénaires qui se connaissent depuis le collège invitent au restaurant un de leurs anciens professeurs. Le vieil homme leur raconte qu’il vit toujours avec sa fille qui s’est sacrifiée pour ne pas le laisser seul. De ce fait, Hirayama, veuf lui aussi, se décide à marier sa fille le plus tôt possible pour ne pas devenir comme son ancien professeur… Dernier film d’Ozu, Le goût du saké traite de l’un de ses thèmes favoris : la séparation des générations dans une société en pleine transformation, entre traditions et américanisation. Bien sûr, Le goût du saké peut être vu comme une nouvelle variation de Printemps tardif mais, en réalité, il s’inscrit tout aussi bien dans la lignée de tous les films qui l’ont précédé depuis quinze ans. Dans la forme, on y retrouve tous les éléments constitutifs du style d’Ozu : le déroulement très placide du récit, sans dramatisation et sans spectaculaire, les plans fixes très graphiques, caméra au sol, le regard des acteurs. On note toujours cette profondeur dans le propos avec de nombreux thèmes sous-jacents ou induits, tel celui de la mort qui revient dans plusieurs de ses derniers films. Le goût du saké clôt remarquablement la filmographie de ce cinéaste unique qu’était Yasujirô Ozu.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Chishû Ryû, Shima Iwashita, Keiji Sada, Mariko Okada, Nobuo Nakamura, Eijirô Tôno, Kuniko Miyake
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Le Goût du saké

Remarques :
* Une traduction plus fidèle du titre serait plutôt « le goût du congre », le poisson que le vieux professeur mange pour la première avec ses anciens élèves.

* Le goût du saké est sorti en France fin 1978, quelques mois après Voyage à Tokyo. C’est donc le deuxième film d’Ozu que l’on a pu découvrir en France.

* Yasujirô Ozu est décédé l’année suivante en 1963, deux ans après sa mère avec laquelle il vivait depuis presque trente ans. Sur sa tombe ne figure qu’un seul caractère gravé dans un gros bloc de granit, 無 (mu) qui est un terme bouddhiste zen que l’on peut traduire par « le rien constant » ou « l’impermanence ». La traduction couramment donnée, « vide » ou « néant », semble donc bien incomplète.

Le Goût du saké

8 décembre 2012

Dernier caprice (1961) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Kohayagawa-ke no aki »
Autre titre français : « L’automne de la famille Kohayagawa »

Dernier capriceÂgé de 60 ans et père de trois filles, Manbei Kohayagawa laisse son beau-fils diriger la petite entreprise familiale de distillerie de saké pour jouir de la vie : il revoit secrètement une de ses anciennes maitresses au grand désespoir de sa seconde fille… Dernier caprice débute comme une comédie sur un thème proche de celui de Fin d’automne, un mariage que l’on aimerait voir arrangé à ceci près que la principale intéressée n’est pas informée. Dernier capriceMais peu à peu, le film change de registre et c’est le personnage de ce patriarche sexagénaire qui est au centre de l’histoire et, avec lui, un certain monde qui est aussi appelé à disparaître (petite entreprise familiale, quartier traditionnel avec son dédale de petites rues, habillement, etc.) On retrouve le thème du changement de culture dans le contraste entre les deux sœurs non mariées : l’une est veuve après un mariage que l’on suppose arrangé, elle porte le kimono traditionnel, l’autre désire faire un mariage d’amour et s’habille à l’occidentale. De multiples objets ou détails soulignent l’américanisation de la société japonaise (1). Mais le thème vers lequel se dirige Ozu est celui de la mort et la dernière image est assez noire ; c’est tout l’art d’Ozu de parvenir à ainsi passer progressivement d’un thème léger à un thème beaucoup plus grave. Une fois de plus, les images sont un ravissement pour les yeux, les plans sont superbes, merveilleusement construits. Si l’on peut trouver le propos un peu moins fort comparé à certains de ses autres films, Dernier caprice n’en est pas moins un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ganjirô Nakamura, Setsuko Hara, Yôko Tsukasa, Michiyo Aratama, Daisuke Katô, Haruko Sugimura
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Remarque :
Dernier capriceDernier caprice est le dernier film d’Ozu tourné avec Setsuko Hara et l’avant-dernier film de l’actrice. Quelques jours après la mort de Yasujirô Ozu en 1963, elle disparaitra complètement du monde du cinéma à l’âge de 43 ans : cette très grande vedette, qui fut adulée au Japon par toute une génération, ne fera plus aucune apparition publique. A l’instar de son personnage dans Fin d’automne ou de Dernier caprice, elle se retirera pour vivre seule. Elle vit aujourd’hui à Kita-Kamakura, la ville du sud de Tokyo où est enterré Ozu. Dans ses carnets intimes, le cinéaste parle de tous ses acteurs… sauf Setsuko Hara, ce qui témoigne très certainement de l’intensité de leur relation.

(1) A propos de la chanson, chantée par le groupe d’étudiants, sur l’air de My Darling Clementine : peut-on voir là un petit clin d’œil d’Ozu à John Ford ?

7 décembre 2012

Fin d’automne (1960) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Akibiyori »

Fin d'automneLa jeune Ayako vit veule avec sa mère depuis la mort de son père. Trois amis de jeunesse du défunt se mettent en charge de lui trouver un mari. Mais Ayako n’a aucune envie de quitter sa mère… Fin d’automne reprend le thème de Printemps Tardif qu’Ozu a tourné onze ans auparavant mais sur un registre totalement différent, plus proche d’une comédie. Ce que le film perd en intensité, notamment dans les rapports entre la fille et sa mère, il le gagne en humour. Et le résultat est tout aussi enthousiasmant. Le ton est donc plus léger : si le mariage est arrangé, c’est ici moins par convenance sociale que par les attentions d’un entourage bien intentionné mais quelque peu maladroit. L’humour est ainsi très souvent présent par l’intermédiaire du trio de quinquagénaires, tous trois amoureux de la même femme (la mère) et qui cherchent d’une certaine manière à assouvir leurs désirs que par personne interposée. Par sa forme, le film est enchanteur avec les superbes plans fixes, très construits (1), caractéristiques du style d’Ozu et une belle utilisation de la couleur. Au delà son apparente légèreté, Fin d’automne est un film vraiment admirable.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Setsuko Hara, Yôko Tsukasa, Mariko Okada, Keiji Sada, Shin Saburi, Nobuo Nakamura, Ryûji Kita, Chishû Ryû
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Remarques :
* Setsuko Hara, qui interprétait le rôle de la fille dans Printemps tardif, interprète le rôle de la mère dans Fin d’automne.
* Fin d’automne est sorti en France en 1979. Ce fut ainsi le troisième film d’Ozu à sortir en salles après Voyage à Tokyo et Le goût du saké. En outre, la même année, le Ciné-club d’Antenne 2 avait diffusé Printemps tardif et Printemps précoce. Cela faisait donc cinq films connus.

(1) Hormis la position de la caméra, proche du sol, le style d’Ozu se caractérise par des plans fixes toujours très construits : le sujet principal est généralement centré avec des éléments dans le reste d’image qui servent de repoussoir pour ramener le regard vers le centre. Ainsi, on notera qu’il y a toujours un premier plan, que ce soit des portes coulissantes ouvertes (qui forment un « cadre dans le cadre »), ou une table basse, un objet. Il est d’ailleurs intéressant d’observer la gestion de la profondeur, tous les plans se structurant sur 3, 4 voire 5 niveaux de profondeur.

20 novembre 2012

Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard

Pierrot le fouFerdinand quitte sans regret sa femme et sa vie bourgeoise ennuyeuse pour suivre Marianne qui est poursuivie par des malfrats à cause de son frère. Ils se retrouvent ainsi dans le sud de la France… En fait, la trame vaguement policière de Pierrot le fou est assez secondaire. Le film de Jean-Luc Godard est plus un collage de réflexions et d’émotions sur la vie, sur nos aspirations, nos rêves. Il transforme cette cavale en une déambulation poétique et y insuffle une grande liberté. Les références et citations sont nombreuses et très variées, de Rimbaud aux Pieds Nickelés en passant par Velasquez, Renoir ou encore Shakespeare. La liberté de ton est aussi très présente par la forme, Godard s’affranchissant de toutes les règles (ruptures de rythme, faux raccords). C’est un cinéma en totale liberté, qui foisonne d’idées et de réflexions, un véritable cinéma de création. La photographie de Raoul Coutard est très belle ; avec des couleurs qui participent au propos (bleu = liberté, rouge = violence, blanc/jaune = pureté). A sa sortie, Pierrot le fou fut interdit au moins de 18 ans pour « anarchisme intellectuel et moral ».
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Paul Belmondo, Anna Karina
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Remarques :
* Aragon a écrit un beau texte très louangeur sur Pierrot le fou, intitulé Qu’est ce que l’art, Jean-Luc Godard ? Lire le texte intégral

* Bien que non créditées au générique, on remarque les apparitions de Samuel Fuller (l’américain de la soirée bourgeoise), Raymond Devos (« est-ce que vous m’aimeeez ? »), Jean-Pierre Léaud (dans le cinéma). A noter que la Princesse Aïcha Abadie (scène sur le bateau au quai), Reine du Liban en exil, est un personnage tout à fait réel ; elle interprète ici son propre personnage.

* A propos du titre : Pierrot le fou est le surnom de Pierre Loutrel, meurtrier de grand chemin, qui fut membre de la Gestapo française avant de rallier la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, puis ennemi public à la tête du Gang des tractions avant. Et bien entendu, Pierrot est aussi le personnage lunaire de la Commedia dell’arte. C’est certainement cette ambivalence qui a guidé Godard dans son choix de titre.

Pierrot le fou
Jean-Paul Belmondo et Anna Karina dans Pierrot le fou. Cette iconique image a servi d’affiche pour le festival de Cannes 2018. A noter que ce n’est pas vraiment une photo extraite du film puisque ce fameux baiser est vu d’assez loin.

19 novembre 2012

Le dernier de la liste (1963) de John Huston

Titre original : « The list of Adrian Messenger »

Le dernier de la listeUn ex-officier des Services secrets se voit confier par son ami Adrian Messenger une liste de dix noms sur lesquels il lui demande d’enquêter afin de savoir ce qu’ils sont devenus. Il lui promet de lui donner ensuite les raisons de sa demande mais il est tué le lendemain dans un mystérieux accident d’avion… Basé sur un roman de Philip MacDonald, Le dernier de la liste est un film d’enquête qui joue sur le mystère et la dissimulation. L’histoire n’est pas vraiment très crédible mais elle reste suffisamment intrigante pour nous intéresser (du moins selon les standards du cinéma des années soixante, car les amateurs de thrillers modernes risquent de s’ennuyer). Tourné en Irlande, le film comporte deux longues scènes de chasse à courre, John Huston rassemblant ainsi deux de ses passions.Le dernier de la listeEn outre, le réalisateur s’amuse avec la tromperie et le déguisement en introduisant des caméos (courtes apparitions) d’acteurs connus, rendus totalement méconnaissables par un maquillage très poussé. Ils sont même doublés pour éviter que l’on puisse reconnaitre leur voix. Ils ne se dévoilent que lors du générique final. Ce petit amusement a peut-être plutôt desservi le film car il n’est ramené qu’à ce tour de passe-passe. Le dernier de la liste est certes un Huston léger mais il reste un bon divertissement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: George C. Scott, Jacques Roux, Kirk Douglas, Burt Lancaster, Robert Mitchum, Frank Sinatra, Tony Curtis, Dana Wynter, Clive Brook
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Remarques :
* Le jeune fils Bruttenholm est joué par Tony Huston (12 ans), le fils de John Huston qui fait lui-même une courte apparition à l’écran en cavalier lors de la chasse.
* Le film a été tourné pour la Joel Production, la compagnie de Kirk Douglas (dont le fils se prénomme Joel).

13 novembre 2012

À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard

À bout de souffleA Marseille, un jeune voyou vole une voiture pour rentrer à Paris. En route, il tue un gendarme qui le poursuivait. A Paris, il cherche à convaincre une jeune fille d’aller en Italie avec lui… Plus que tout autre, À bout de souffle est le film emblématique de l’éclosion de la Nouvelle Vague. Quand il est sorti, il ne ressemblait à aucun autre film fait avant lui, cassant presque tous les codes habituels du cinéma : ruptures de montage (jump cut), dialogues en partie improvisés ou écrits à la dernière minute, digressions et citations, tournage en lumière naturelle (grain important), caméra à l’épaule, extérieurs en décors naturels. Avec son premier long métrage, Jean-Luc Godard ouvre les portes vers une plus grande liberté, vers un cinéma sans interdit, vers une plus grande jeunesse. Polar mélancolique, au ton légèrement insolent, À bout de souffle a créé des images fortes qui font toujours partie aujourd’hui des images les plus célèbres du septième art : Jean Seberg vendant le New York Herald Tribune sur les Champs Elysées, la désinvolture de Belmondo, le chapeau en arrière, la scène finale…
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jean Seberg, Jean-Paul Belmondo, Daniel Boulanger
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Remarques :
* On remarquera une petite apparition de Jean-Luc Godard (l’homme qui reconnait Belmondo d’après la photo parue dans le journal et qui le dénonce à deux agents de police). On reconnait également la voix de Godard dans les questions posées lors de la conférence de presse de l’écrivain (interprété par Jean-Pierre Melville).

* Godard dédie À bout de souffle à Monogram Pictures. Ces studios hollywoodiens ont produit de nombreux films à petits budget dans les années trente et quarante avant d’être absorbé par Allied Artists en 1953.

* Pour un avis opposé, on peut lire par exemple ce qu’en dit Jacques Lourcelles, toujours très critique envers la Nouvelle Vague. Pour lui, À bout de souffle « symbolise l’entrée du cinéma dans l’ère de la perte de son innocence et de sa magie naturelle. » (Dictionnaire du cinéma, 1992)

Remake :
Breathless ( À Bout de Souffle Made in USA) de Jim McBride (1983) avec Richard Gere et Valérie Kaprisky.