30 avril 2013

Thérèse Desqueyroux (1962) de Georges Franju

Thérèse DesqueyrouxAccusée d’avoir tenté d’empoisonner son mari Bernard Desqueyroux, Thérèse sort libre du tribunal : grâce au témoignage de son époux en sa faveur, elle a bénéficié d’un non-lieu. Sur le chemin du retour, elle repense à sa vie passée et prépare la confession qu’elle va lui faire pour restaurer la communication entre eux… Georges Franju a tenu à faire une adaptation fidèle du roman Thérèse Desqueyroux de François Mauriac (1). L’académicien a d’ailleurs grandement participé à l’écriture du scénario. Franju parvient ainsi à préserver l’esprit littéraire qui, par exemple, se sent nettement dans la qualité des textes de la voix-off de Thérèse et même dans les dialogues. L’histoire met en relief l’immobilisme de la bourgeoisie terrienne de province qui fera tout pour préserver les apparences et conserver l’honneur de la famille. La jeune femme est totalement seule dans ce monde. La réalisation est d’un très beau classicisme. L’interprétation d’Emmanuelle Riva, empreinte à la fois de force et de douceur, confirme qu’elle est bien l’une des plus grandes actrices du cinéma français. Face à elle, Philippe Noiret exprime de manière éclatante toute la médiocrité de son personnage. Ce Thérèse Desqueyroux de Georges Franju est une superbe adaptation littéraire.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Emmanuelle Riva, Philippe Noiret, Edith Scob, Sami Frey
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Remake :
Thérèse Desqueyroux de Claude Miller (2012) avec Audrey Tautou

(1) Pour Thérèse Desqueyroux, roman sorti en 1927, François Mauriac s’est inspiré d’une affaire réelle très similaire et datant de 1905, celle d’Henriette Canaby.

14 avril 2013

Naked Bullet (1969) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Otoko goroshi onna goroshi: hadaka no zyudan »

Otoko goroshi onna goroshi: hadaka no zyudanUn jeune gangster, ancien yakusa, s’interpose dans une transaction entre deux gangs. Avec ses deux complices, ils s’enfuient avec le butin et une jeune femme qu’ils ont pris en otage dans l’espoir de lui faire avouer où est caché le reste de l’argent… Naked Bullet est un film de yakusa, genre cher à Kôji Wakamatsu. En cette fin des années soixante, le cinéaste tournait une dizaine de films par an. La rapidité de tournage ne sent pas tant dans la qualité de réalisation mais plutôt au niveau du scénario qui est extrêmement simple. Plus qu’une histoire, c’est un univers qu’il dépeint, celui de ces petits gangsters coincés entre le crime organisé et l’aspiration à une vie plus tranquille. On remarquera quelques cadrages ambitieux et franchement réussis, utilisant toute la largeur de l’image. Les scènes de rue sont en situation réelle. Le film est en noir et blanc et, comme souvent, Wakamatsu tourne un passage en couleurs en début de film, le passage le plus sanguinolent, avec un rouge bien éclatant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yuichi Minato, Ken Yoshizawa
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16 mars 2013

Evasion du Japon (1964) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Nihon dasshutsu »

Evasion du JaponLe jeune Tatsuo ne rêve que d’une chose : devenir chanteur et aller aux Etats-Unis. Un ancien batteur qu’il admire lui demande de participer à un cambriolage. Cette proposition ne l’enchante guère mais il n’ose refuser… Kijû Yoshida a écrit lui-même le scénario d’Evasion du Japon. C’est un film policier qui s’affranchit des règles classiques du genre, Yoshida préférant se concentrer sur son personnage principal, un anti-héros par excellence qui subit les évènements, qui les a toujours subis. Bousculant ainsi le genre, il s’inscrit pleinement dans la Nouvelle Vague japonaise. Si on le compare avec les films de Godard (par exemple), Evasion du Japon est toutefois beaucoup plus noir et pessimiste, son personnage principal n’a pas d’idéal, même diffus, il tente seulement de surnager alors que tout l’enfonce. Sa cavale n’a rien de joyeuse. Yoshida expérimente quelque peu dans ses plans, usant de beaucoup (trop peut-être) de plongées. Il joue avec les formes pour obtenir des cadrages originaux et utilise fort bien la couleur. Alors que le Japon accueille les jeux olympiques en montrant son meilleur jour, Evasion du Japon offre une vision plus noire et met en scène les frustrations de sa jeunesse face à l’Occident.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yasushi Suzuki, Miyuki Kuwano, Kyôsuke Machida, Ryôhei Uchida, Sumiko Sakamoto
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15 mars 2013

18 jeunes gens à l’appel de l’orage (1963) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Arashi o yobu juhachi-nin »

18 jeunes gens à l'appel de l'orageSur un chantier naval, un sous-traitant assure les soudures avec une petite équipe de travailleurs. L’un d’entre eux, Shimazaki, se retrouve chargé de régenter un groupe de 18 jeunes un peu « difficiles » hébergés sommairement dans un ancien baraquement de l’armée américaine…
18 jeunes gens à l’appel de l’orage a été écrit par Yoshida et montre un caractère politique marqué. C’est un sous-prolétariat que forment ces travailleurs précaires, bien mal considérés qu’un rabatteur recrute selon les besoins. Yoshida choisit de ne pas individualiser les personnages des jeunes et c’est donc le groupe qui devient un personnage à part entière, face à Shimazaki qui est lui aussi un personnage en marge, itinérant et sans attache. Le propos montre de la subtilité et expose comment peut se gagner un soupçon de dignité et de maitrise de ses instincts, premier pas vers plus d’humanité. Du fait de son engagement politique, 18 jeunes gens à l’appel de l’orage ne serait resté que quatre jours en salles au Japon. Ce film méritait bien mieux que cela.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tamotsu Hayakawa, Yoshiko Kayama, Eiji Matsui, Takenobu Wakamoto, Katsuyoshi Nishimura
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14 mars 2013

La fin d’une douce nuit (1961) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Amai yoru no hate »

La fin d'une douce nuitHumilié de devoir rompre avec sa fiancée qui a choisi un meilleur parti, le jeune Jirô n’a dès lors qu’une idée en tête : épouser une femme riche et gravir ainsi l’échelle sociale. Il utilise une jeune fille pour mieux s’introduire auprès de la fille de son patron qui tient un club… La fin d’une douce nuit est le troisième film réalisé par Yoshida. Pour en écrire le scénario, il dit s’être inspiré du Le Rouge et le Noir de Stendhal et son personnage est donc, dans son esprit, un Julien Sorel moderne. On pourrait ajouter qu’il évoque aussi le Valmont des Liaison Dangereuses, quoiqu’en moins élégant. Arriviste et cruel, Jirô n’a pour lui qu’une grande soif de vivre mais il est attiré par ce qui brille et rêve de vie facile. C’est un pur produit de la société où l’argent domine les rapports humains. Cet argent ne semble pas pourtant  apporter de bien-être pour autant car les personnages riches de cette histoire sont bien seuls ;  notons que ce sont les personnages féminins qui tirent le mieux leur épingle du jeu, même si la fin qu’a choisie Yoshida pour la jeune fille est quelque peu surprenante. Le film de Yoshida montre une belle énergie, nourrie de la vitalité des deux jeunes personnages. La fin d’une douce nuit est un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Masahiko Tsugawa, Michiko Saga, Teruyo Yamagami, Sumiko Hidaka
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10 mars 2013

Le Sang séché (1960) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Chi wa kawaiteru »

Le sang séchéPour sauver ses collègues d’un plan de licenciement soudain, Takashi Kiguchi tente de se suicider avec un pistolet. La médiatisation autour de cette tentative donne l’idée à une jeune publicitaire d’utiliser Takashi pour faire la promotion d’une assurance-vie…
Le Sang séché est le deuxième long métrage de Kijû Yoshida, tourné peu après son excellent premier film Bon à rien. Le réalisateur dresse un portrait peu flatteur de la société japonaise de ce début des années soixante : tout est bon pour gagner de l’audience ou pour accroitre le chiffre d’affaires de sa compagnie. La noblesse du geste de Takashi est exploitée sans scrupule. Le journaliste qui cherche à se mettre en travers n’est guère plus recommandable : c’est un paparazzi aux méthodes odieuses. De cet océan de cynisme n’émerge aucun humanisme et la sincérité a bien du mal à trouver une petite place. Yoshida signe là une satire vraiment mordante de la société moderne.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Keiji Sada, Kaneko Iwasaki, Shin’ichirô Mikami, Mari Yoshimura
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7 mars 2013

Seul sur l’océan pacifique (1963) de Kon Ichikawa

Titre original : « Taiheiyô hitoribocchi »

Seul sur l'océan pacifiquePar une nuit noire, dans le port d’Osaka, le jeune Kenichi Horie lèvre l’ancre clandestinement. Avec son petit voilier de 6 mètres, il veut traverser l’océan à la voile et atteindre San Francisco… Seul sur l’océan pacifique est le récit d’une histoire vraie, il est basé sur le livre du navigateur (1). Si l’idée d’accompagner un homme solitaire sur son bateau peut engendrer quelques craintes à priori, l’histoire est finalement intéressante, Ichikawa parvenant parfaitement à rendre son personnage attachant. Pourtant les flashbacks qui entrecoupent le récit de son périple montre un jeune homme plutôt égoïste et asocial (le seul être auquel il tient vraiment finalement est son chien), le portrait n’allant d’ailleurs pas trop en profondeur, restant sur l’absence de compréhension entre lui et son père, mais n’explique qu’incomplètement comment sa passion est devenu une obsession. Par ses ruptures de rythme, Ichikawa évite toute monotonie et glisse même de petites notes d’humour qui relève l’ensemble. Seul sur l’océan pacifique fait sans aucun doute partie des films plus légers de Kon Ichikawa mais relate de belle façon cette aventure hors du commun.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yûjirô Ishihara, Masayuki Mori, Kinuyo Tanaka
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(1) A l’âge de 23 ans, Kenichi Horie a été le premier japonais à effectuer la traversée du Pacifique à la voile en solitaire en 1962. Son bateau de 5m80 est aujourd’hui exposé au San Francisco Maritime Museum. Après cet exploit, Kenichi Horie a continué à naviguer et a fait de nombreuses traversées à la voile, sur des bateaux fonctionnant à l’énergie solaire ou, plus récemment en 2008, à l’énergie des vagues.

6 mars 2013

Flamme et Femme (1967) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Honô to onna »

Flamme et FemmeTatsuko a eu recours à l’insémination artificielle pour avoir un enfant car son mari est stérile. Quand l’enfant a deux ans, le couple recherche le donneur… Flamme et Femme a été réalisé à une époque où l’insémination artificielle était une technique nouvelle au Japon et faisait débat. Yoshida apport sa vision sur le sujet, montrant tous les problèmes au sein du couple causés par ce sentiment de demi-paternité pour au final revenir sur la notion que toute décision doit revenir à la femme. Le propos m’a semblé plutôt moins fort que dans ses autres films car, volontairement ou, plus probablement, involontairement, il fait l’apologie d’une certaine normalité de la famille et reste en surface de la question parenté sociale / parenté biologique. La métaphore de l’oiseau est en outre plutôt maladroite à mes yeux, tout comme l’épilogue. Flamme et Femme reste toutefois très intéressant à regarder avec toujours de très beaux plans et de belles recherches d’éclairage.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Isao Kimura, Mayumi Ogawa, Takeshi Kusaka
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5 mars 2013

Amours dans la neige (1968) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Juhyô no yoromeki »

Amours dans la neigeDans le nord du Japon, en plein hiver, Yuriko va passer un dernier week-end avec son compagnon ; ils sont sur le point de rompre. Le week-end prend une tout autre tournure lorsque Yuriko annonce qu’elle est enceinte. Lui ne désire plus rompre mais Yuriko préfère appeler son ancien petit ami pour l’accompagner à la clinique faire les tests… Kijû Yoshida a écrit lui-même le scénario d’Amours dans la neige avec son scénariste d’alors Toshiro Ishido. Il s’agit à nouveau d’un triangle amoureux, certes, mais dans un cadre totalement différent : l’ancien petit ami était impuissant au moment de sa relation avec Yuriko. Lorsque son rival apprend cela, il est persuadé d’avoir l’avantage. Yoshida met donc en relief cette certitude qu’ont les hommes de la suprématie de l’amour physique sur l’amour tout court et montre la stupidité de cette assurance. C’est un propos assez peu courant et même assez courageux ; le sujet est d’ailleurs assez atemporel. De son côté, la femme, même si elle semble hésiter constamment, sait en réalité depuis le début ce qu’elle veut et le film est aussi un plaidoyer pour son libre arbitre. La photographie en noir et blanc est superbe avec une belle utilisation des paysages très enneigés de l’île d’Hokkaidō. La neige est vraiment très épaisse. Certains plans sont vraiment de toute beauté, tel ce plan d’une usine avec une longue bande de fumée horizontale au sol au premier plan. Et Mariko Okada est toujours aussi belle…!
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Mariko Okada, Isao Kimura, Yukio Ninagawa
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Remarque :
Rappelons que Kijû Yoshida et Mariko Okada sont mari et femme depuis 1964 et on comprend aisément le désir de Yoshida de mettre Mariko Okada en valeur. Et il parvient remarquablement bien !

25 février 2013

Harakiri (1962) de Masaki Kobayashi

Titre original : « Seppuku »

Hara-kiriEn 1630, un ronin (samouraï sans maitre) frappe à la porte d’un puissant seigneur et sollicite l’honneur de pratiquer le suicide rituel en ses murs, devant ses pairs, plutôt que de vivre dans la misère… Tourné juste après son film fleuve, La Condition de l’homme, où il s’attaquait à certaines des valeurs de la société japonaise, Masaki Kobayashi s’en prend au sacro-saint code d’honneur des samouraïs. Avec Harakiri, adaptation d’un roman de Yasuhiko Takiguchi, il montre comment ces règles qui se veulent très strictes et formalisées ne sont que poudre aux yeux, des règles que chacun revendique sans forcément les appliquer. A travers ce mythe, c’est la société japonaise que Kobayashi critique ; honneur et humanisme ne vont que difficilement de pair. Dans sa forme, le film est superbe : par sa construction tout d’abord, avec d’habiles flash-backs, mais surtout par son rythme qui reste étonnamment stable et lent, sans accélération (si ce n’est dans son épilogue). Plus que de lenteur, il serait plus juste de parler de solennité. L’image épurée, reposant sur des lignes de construction fortes mais simples, vient renforcer le sentiment de rigorisme. Le combat final, bref et violent, apparait comme une véritable délivrance pour ce samouraï déchu. Au-delà des apparences, Harakiri est un grand film humaniste.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Tatsuya Nakadai, Akira Ishihama, Shima Iwashita, Tetsurô Tanba, Masao Mishima, Ichirô Nakatani, Kei Satô, Yoshio Inaba
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