7 août 2023

Les Chiffres (1966) de Wojciech Has

Titre original : « Szyfry »
Autre titre français Parfois utilisé : « Les Codes »

Les chiffres (Szyfry)Après avoir reçu une lettre de son fils, Tadeusz, qui vit en France depuis vingt ans, décide de rendre visite à sa famille en Pologne. Le père et le fils sont maintenant très distants, la femme de Tadeusz est en clinique. Lui, il veut comprendre ce qui est arrivé à son second fils. Est-il vraiment mort pendant la guerre ?
Les chiffres (titre à comprendre dans le sens « langage chiffré ») est un film écrit et réalisé par Wojciech J. Has. Il traite de la question de la mémoire collective polonaise sur la Seconde Guerre mondiale. Le personnage principal, qui a coupé tous liens avec son pays pendant la guerre, cherche à obtenir des informations sur les circonstances de la mort de son fils cadet mais n’obtient pas de réponses franches, y compris de sa propre famille. Les explications données lui paraissent cacher quelque chose, comme s’il s’agissait d’un langage codé. La question soulevée par ce récit est  donc l’attitude de la population durant l’Occupation, une question qui a été évitée en Pologne pendant les vingt ans qui ont suivi, escamotée au profit des faits de combat. A cette histoire, Wojciech Has ajoute un deuxième niveau, qui mériterait tout autant d’être qualifié de « langage codé » : le cinéaste insère des plans oniriques dont le sens profond ne saute pas immédiatement aux yeux (j’avoue avoir eu besoin d’aide pour comprendre, voir le lien ci-dessous). En fait, il aborde par ces séquences le thème de l’occultation faite par les régimes socialistes de la Shoah, le discours officiel étant axé sur la lutte et la souffrance du peuple en tant qu’ensemble unique. Les autorités polonaises de l’époque ont bien perçu le caractère subversif du film puisqu’il fut écarté des circuits de distributions. Les chiffres est un film très riche, son principal défaut est certainement un manque d’accessibilité. Sur le plan cinématographique, c’est une fois de plus remarquable et la façon dont Wojciech Has exprime les rapports empreints de distance entre le père et son fils est admirable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jan Kreczmar, Zbigniew Cybulski, Ignacy Gogolewski, Irena Horecka, Janusz Klosinski
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

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Remarques :
* Film vu sur le site de la Cinémathèque polonaise (sous-titres polonais ou anglais seulement).
* Pour appréhender toute la richesse de Szyfry (… et tout comprendre), voir la remarquable analyse du film par Anne Guérin-Castell qui a consacré un site à Wojciech Has.

Les chiffres (Szyfry)Jan Kreczmar et Zbigniew Cybulski dans Les chiffres (Szyfry) de Wojciech Has.

6 août 2023

Adieu jeunesse (1961) de Wojciech Has

Titre original : « Rozstanie »

Adieu jeunesse (Rozstanie)Magdalena, actrice et femme libre, revient dans sa ville natale après de nombreuses années pour les funérailles de son grand-père. Dans le train, elle rencontre un homme bien plus jeune qu’elle. Sur place, elle découvre que la maison de son grand-père va être préemptée par la ville…
Adieu jeunesse (Rozstanie) est un film polonais réalisé par Wojciech J. Has. Le scénario est l’œuvre de Jadwiga Zylinska, une écrivaine polonaise qui avait écrit une nouvelle du même nom. Wojciech Has aurait conçu le film comme une comédie sentimentale ; il y règne surtout un fort sentiment de mélancolie. En revenant dans sa ville natale, cette femme s’y sent étrangère. Elle a acquis une maturité et un modernisme que toutes ses anciennes connaissances n’ont pas ; elle a tourné la page du passé, les autres non. Seul un jeune homme, audacieux et curieux, lui paraît différent ; elle apprécie sa compagnie tout en sachant que cette relation restera sans lendemain. Adieu jeunesse est un film assez étrange car l’histoire ne comporte pas de temps fort et semble n’aboutir sur rien. L’image est belle mais l’ensemble nous laisse sur un sentiment de légère vacuité.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Lidia Wysocka, Wladyslaw Kowalski, Gustaw Holoubek, Irena Netto, Adam Pawlikowski
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Adieu jeunesse (Rozstanie)Wladyslaw Kowalski et Lidia Wysocka dans Adieu jeunesse (Rozstanie) de Wojciech Has.

24 juillet 2023

Chambre commune (1960) de Wojciech Has

Titre original : « Wspólny pokój »

Chambre commune (Wspólny pokój)A la fin des années 1920, le jeune Lucjan arrive à Varsovie avec l’espoir de se lancer dans une carrière littéraire. Il emménage dans un appartement à pièce unique sous-loué à plusieurs personnes : il y a là un de ses amis, poète et journaliste à ses heures, un poète, deux étudiants et la sœur de l’un d’eux…
Chambre commune est un film polonais réalisé par Wojciech Has, adaptation, d’un roman de Zbigniew Unilkowski, paru en 1932, qui décrivait les membres du groupe littéraire et poétique « Kwadryga » (1). Le film décrit l’état d’esprit de l’époque de l’entre-deux guerres à travers un petit groupe de co-locataires qui passent leur temps entre leur appartement et le café. Leurs discussions sont marquées par un humour constant, qui se présente comme un dérivatif au fort pessimisme ambiant. Le sentiment d’imminence d’une catastrophe transparaît. La mise en scène de Wojciech Has est très maitrisée avec des cadrages précis et, une fois encore, de très beaux gros plans.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Mieczyslaw Gajda, Gustaw Holoubek, Adam Pawlikowski, Anna Lubienska, Beata Tyszkiewicz
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(1) Actif de 1926 à 1933, Kwadryga est un groupe d’amis, membres du Cercle littéraire de l’Université de Varsovie, créé à l’initiative de Stanisław Dobrowolski (1907-1985). Leurs poèmes, très éclectiques, s’articulent autour des postulats de l’art socialisé, de la justice sociale et de la dignité de travail. Le groupe Żagary (1931-1934) réunit les étudiants de la faculté de belles lettres polonaises de l’Université de Vilnius dont Czesław Miłosz (1911-2004), Jerzy Putrament (1910-1986), Jerzy Zagórski (1907-1984) et (pendant un moment) Stanisław Mackiewicz (1896-1966). Ils recherchent un nouveau chemin poétique, en croyant comme les symbolistes et les romantiques avant eux, à la force des symboles. Leur poésie, remplie d’anxiété, est dominée par un pressentiment funeste de la guerre. La poésie de Miłosz est plus intellectuelle, philosophique, pleine d’élan, de métaphores et des visions de l’apocalypse, tandis que le radicalisme de Putrament le conduit droit au communisme. (extrait de Wikipédia)

Chambre commune (Wspólny pokój)Mieczyslaw Gajda et Gustaw Holoubek dans Chambre commune (Wspólny pokój) de Wojciech Has.

Chambre commune (Wspólny pokój)Adam Pawlikowski et Zdzislaw Maklakiewicz dans Chambre commune (Wspólny pokój) de Wojciech Has.

Chambre commune (Wspólny pokój)Beata Tyszkiewicz et Adam Pawlikowski dans Chambre commune (Wspólny pokój) de Wojciech Has.

18 juillet 2023

Les Adieux (1958) de Wojciech Has

Titre original : « Pozegnania »

Les adieux (Pozegnania)Pawel est étudiant, issu d’une famille aristocratique. Il s’oppose à son père et un soir décide d’avoir une aventure avec Lidka, une entraineuse de cabaret. Quelques années plus tard, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils se rencontreront de nouveau mais les rapports seront très différents…
Les Adieux est un film polonais écrit et réalisé par Wojciech Jerzy Has, son second long métrage, d’après un roman de Stanislaw Dygat paru en 1948. Le récit met tout d’abord en relief les rapports de classe sociale entre l’étudiant et l’entraineuse pour mieux les retourner dans une seconde partie : l’entraineuse est en effet devenue comtesse après avoir épousé le cousin de l’étudiant. Ce dernier, qui semble avoir tout perdu, va accepter d’être serveur dans un restaurant. La guerre a donc « rebattu les cartes ». Il est difficile de percevoir l’intention du propos et l’histoire manque de force, elle est même un peu confuse dans la seconde partie. Sur la plan de la forme, on ne retrouve pas les audaces de cadrages de son précédent film, l’ensemble est moins remarquable. Le film fut néanmoins très bien accueilli, ce serait le plus grand succès de la Polish Film School (1).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Maria Wachowiak, Tadeusz Janczar, Gustaw Holoubek
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(1) Le terme Polish Film School (Polska Szkoła Filmowa) désigne un groupe informel de réalisateurs polonais de la période 1956-1963 : Andrzej Wajda, Jerzy Kawalerowicz, Andrzej Munk, Tadeusz Konwicki, Wojciech Jerzy Has, Kazimierz Kutz, Stanisław Różewicz. Ces réalisateurs montraient souvent une influence du néoréalisme italien.

Remarque :
Le site de Cinémathèque polonaise propose l’étonnante interprétation suivante : « Le film est basé sur une structure de chanson, avec des strophes, des intervalles et un refrain. Le refrain se compose des regards du protagoniste à travers la fenêtre. »

Les adieux (Pozegnania)Tadeusz Janczar dans Les adieux (Pozegnania) de Wojciech Has.

Les adieux (Pozegnania)Maria Wachowiak dans Les adieux (Pozegnania) de Wojciech Has.

16 juillet 2023

Le Noeud coulant (1958) de Wojciech Has

Titre original : « Petla »

Le Noeud coulant (Petla)Kuba, un artiste alcoolique, est réveillée par Krystyna, la jeune femme qui l’aime. Elle l’a convaincu d’aller voir un docteur à 18h00 pour se faire soigner. Il est bien décidé à tenir jusqu’au soir mais les heures vont être bien longues avant l’heure du rendez-vous…
Le Nœud coulant est un film polonais réalisé par Wojciech J. Has, son premier long métrage à l’âge de 33 ans. Il en a co-écrit le scénario avec Marek Hłasko, écrivain que l’on peut décrire (très) succinctement comme un Jack Kerouac polonais. Outre les tentations et les à priori des personnes à l’entour, le récit décrit la profonde crise existentielle du personnage principal, ce qui donne au film une indéniable profondeur. Pour sa première réalisation, Wojciech J. Has montre déjà une étonnante maitrise et surtout son attrait pour les cadrages et la composition. Il affectionne déjà d’étoffer son image en créant des avant-plans. Ses gros plans sont superbes. L’utilisation de la lumière montre une influence de l’expressionnisme allemand, ce qui bien entendu sied parfaitement au sujet. Tout cela donne un ensemble assez intense.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gustaw Holoubek, Aleksandra Slaska, Teresa Szmigielówna, Tadeusz Fijewski, Stanislaw Milski
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Remarque :
Vu sur le site de la cinémathèque polonaise (sous-titres anglais ou polonais seulement).

Gustaw Holoubek et Aleksandra Slaska dans Le Noeud coulant (Petla) de Wojciech Has.

Le Noeud coulant (Petla)Gustaw Holoubek dans Le Noeud coulant (Petla) de Wojciech Has.

Le Noeud coulant (Petla)Gustaw Holoubek dans Le Noeud coulant (Petla) de Wojciech Has.

8 juillet 2023

Une histoire banale (1983) de Wojciech Has

Titre original : « Nieciekawa historia »

Une histoire banale (Nieciekawa historia)XIXe siècle. Considéré et honoré comme une sommité de la médecine, un professeur soixantenaire fait face à une profonde crise existentielle. Il se sent vieillir, regarde avec aigreur et mépris les gens qui l’entourent, sa famille, ses collègues, ses étudiants, à l’exception d’une ancienne assistante dont il est le tuteur, une jeune femme désillusionnée après une tentative ratée de devenir actrice…
Une histoire banale (parfois nommé en français Une histoire sans intérêt, traduction plus appropriée car l’histoire n’a rien de « banal ») est un film polonais écrit et réalisé par Wojciech Jerzy Has. Devenu professeur à l’école de cinéma de Lodz après La Clepsydre en 1974, Wojciech Has ne revient à la réalisation que huit ans plus tard avec cette adaptation d’une nouvelle d’Anton Tchekhov. Il s’agit d’un film psychologique et même philosophique (l’affiche ci-dessus n’a rien à voir avec le contenu du film, elle semble plus se situer dans le sillage de La Clepsydre). Le réalisateur expose d’abord l’aigreur de son personnage, sans craindre de le rendre antipathique, avant de nous en livrer les raisons, bien plus tard. De même, il nous faut un certain temps pour comprendre vraiment la teneur de son attirance, mêlée de regrets, envers sa jeune pupille. Le personnage est complexe et d’une grande profondeur. Les réflexions philosophiques sont poussées assez loin dans la dernière scène du film.
Dans sa forme, le film est superbe avec une belle lenteur, une grande utilisation de la voix-off et une photographie très picturale. Presque chaque plan pourrait être un tableau. Wojciech Jerzy Has a un talent pour filmer les objets, ce sont des véritables natures mortes qu’il crée dans son objectif. Il affectionne les premiers plans, il y place très souvent des objets. Ses lents travellings latéraux sont plus que jamais aériens et envoutants. Tout semble parfait, y compris la musique, une maitrise cinématographique rare. Certes ce n’est pas un film pour tous les publics (et c’est sans doute là son seul défaut), mais il est difficile de comprendre pourquoi un tel film est si méconnu.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Gustaw Holoubek, Hanna Mikuc, Anna Milewska, Elwira Romanczuk, Janusz Gajos
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Elwira Romanczuk et Gustaw Holoubek dans Une histoire banale (Nieciekawa historia) de Wojciech Has.

Une histoire banale (Nieciekawa historia)Gustaw Holoubek dans Une histoire banale (Nieciekawa historia) de Wojciech Has.

Une histoire banale (Nieciekawa historia)Janusz Gajos et Elwira Romanczuk dans Une histoire banale (Nieciekawa historia) de Wojciech Has.

Une histoire banale (Nieciekawa historia)Hanna Mikuc et Gustaw Holoubek dans Une histoire banale (Nieciekawa historia) de Wojciech Has.

Remarque :
Film vu sur le site de la  Cinémathèque polonaise ( V.O. avec sous-titres anglais ou polonais)

7 juillet 2023

La Clepsydre (1973) de Wojciech Has

Titre original : Sanatorium pod Klepsydra

Sanatorium pod KlepsydraJoseph rend visite à son père soigné dans un étrange sanatorium dirigé par le docteur Gotard. Commence alors pour lui un voyage intérieur dans son passé…
La Clepsydre est un film polonais écrit et réalisé par Wojciech Has, d’après l’œuvre de l’écrivain polonais Bruno Schulz (1892-1942). C’est un film très énigmatique et particulièrement déroutant. Il nous fait explorer les souvenirs et le subconscient (individuel et même collectif) de son personnage, que l’on suit dans une succession de scènes sans lien apparent entre elles. Le passage de l’une à l’autre est souvent déroutant, les époques se télescopent. Les décors sont surchargés à la manière d’un grenier où l’on entasse beaucoup d’objets inutiles (comme nos mémoires). Beaucoup de scènes et de représentations relèvent de la tradition judaïque et paraissent donc ésotériques au non-initié. D’autres scènes feraient référence à l’histoire polonaise. En réalité, la plupart des scènes restent assez impénétrables (du moins à la première vision) mais on y retrouve les angoisses du personnage et, toujours très présente, la peur de la mort. La mise en scène est très maitrisée et les mouvements de caméra sont superbes, le travail sur les décors paraît colossal. Le film fut très remarqué à sa sortie (Prix du Jury à Cannes en 1973) permettant à Wojciech Has de se faire connaitre plus largement, tout en l’associant de façon irrémédiable au surréalisme. Personnellement, je ne sais qu’en penser. C’est un film qu’il faudrait que je revoie car cette première vision m’a surtout dérouté.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jan Nowicki, Tadeusz Kondrat, Irena Orska, Halina Kowalska, Gustaw Holoubek
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Remarque :
Une clepsydre est  « un instrument à eau qui permet de définir la durée d’un événement » (merci Wikipedia). Exemple : un orateur peut parler le temps que l’eau se vide d’un récipient percé d’un petit trou.

La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra)Jan Nowicki dans La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra) de Wojciech Has.

La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra)Jan Nowicki dans La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra) de Wojciech Has.

La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra) La Clepsydre (Sanatorium pod Klepsydra) de Wojciech Has.

3 juillet 2023

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965) de Wojciech Has

Titre original : « Rekopis znaleziony w Saragossie »

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Au début du XIXe siècle, en Espagne, pendant les guerres napoléoniennes, un officier français et un partisan espagnol réfugiés dans une auberge découvrent un vieux manuscrit qui, curieusement, relate l’histoire d’Alfonse van Worden, capitaine de la garde wallonne et grand-père de l’officier. Le récit commence alors qu’Alfonse cherchait un raccourci pour traverser une redoutable montagne : la Sierra Morena…
Le Manuscrit trouvé à Saragosse est un film polonais de 182 minutes réalisé par Wojciech Has. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Jan Potocki (1761-1815), aristocrate, savant et écrivain polonais. Ce roman, considéré comme une œuvre majeure de la littérature française (car Jan Potocki l’a écrit en français), était réputé inadaptable du fait de sa construction en roman à tiroirs. Il y a en effet plusieurs histoires imbriquées les unes dans les autres (un personnage raconte son histoire dans laquelle un autre personnage raconte une autre histoire) et l’on peut compter jusqu’à cinq niveaux de flashbacks. C’est un conte philosophique et fantastique, surréaliste, libertin, parfois horrifique. On y retrouve aussi le mythe du Juif errant. Le voyage du jeune capitaine prend la forme d’une épreuve initiatique. Le récit est particulièrement riche, surtout dans sa seconde moitié. Il aborde de nombreux thèmes : le Bien et le Mal, le désir, les fantasmes, les croyances. Wojciech Has l’a mis en scène de façon magnifique, avec une belle photographie et de subtils mouvements de caméra. Très original et puissant. L’ensemble évoque l’univers des films de Luis Buñuel qui d’ailleurs adorait le film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Zbigniew Cybulski, Iga Cembrzynska, Elzbieta Czyzewska, Gustaw Holoubek, Beata Tyszkiewicz
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Remarques :
* Le film donne envie de lire le roman qui n’a été découvert en France que tardivement. Il a fallu attendre 1958 pour une première publication en français (un quart environ du roman) et 1989 pour une version complète. Sa traduction polonaise fut publiée dans une version complète dès 1847.

* Jerry Garcia (Grateful Dead) avait adoré ce film à sa sortie. Il a commencé à financer sa restauration dans les années quatre-vingt dix en finançant l’achat de la seule copie sous-titrée connue au monde. Hélas, celle-ci s’est révélée être incomplète.  Martin Scorsese a poursuivi après sa mort, en rachetant la version personnelle de Wojciech Has pour la restaurer.

* A sa sortie, le film de 182 minutes fut réduit à 147 minutes aux Etats-Unis et à 127 minutes au Royaume-Uni.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Iga Cembrzynska, Zbigniew Cybulski et Joanna Jedryka dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Zbigniew Cybulski et Krzysztof Litwin dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Zbigniew Cybulski  dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Beata Tyszkiewicz dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Beata Tyszkiewicz et Krzysztof Litwin dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

17 juin 2023

Olga (2021) de Elie Grappe

OlgaEn 2013, une gymnaste ukrainienne de 15 ans talentueuse et passionnée, s’exile en Suisse, pays d’origine de son père, après que sa mère a été menacée pour ses activités de journaliste politique. L’adolescente tente de faire sa place au Centre national du sport. Mais la révolte d’Euromaïdan éclate à Kiev, impliquant ses proches…
Olga est un film franco-suisse réalisé par Elie Grappe. Ce jeune réalisateur suisse signe à 27 ans son premier long métrage. Il en a écrit le scénario avec Raphaëlle Desplechin (la sœur de Arnaud). Le récit nous fait suivre le trajet d’une jeune athlète qui montre une grande force de caractère, beaucoup de discipline et de ténacité pour parvenir à ses buts. Bien que très concernée, elle ne peut que suivre de loin la révolution qui se déroule alors en Ukraine (Euromaïdan, manifestations pro-européennes qui provoqueront la fuite du président pro-russe). Le parallèle entre enjeux individuels et enjeux collectifs n’est pas toujours habile ou subtil, mais l’ensemble a une certaine force. L’actrice principale n’est pas une actrice professionnelle. Elie Grappe a de toute évidence choisi des gymnastes ce qui donne beaucoup de puissance aux scènes d’entrainement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anastasiia Budiashkina, Sabrina Rubtsova
Voir la fiche du film et la filmographie de Elie Grappe sur le site IMDB.
Voir la fiche du film sur AlloCiné.

Remarque :
• A noter que l’histoire n’est pas basée sur des personnages réels. Elie Grappe a rencontré une violoniste ukrainienne arrivée en Suisse juste avant Euromaïdan, ce qui lui a donné l’idée de départ.

OlgaAnastasiia Budiashkina dans Olga de Elie Grappe.

OlgaOlga de Elie Grappe.

15 juin 2023

La Poupée (1968) de Wojciech Has

Titre original : « Lalka »

La Poupée (Lalka)Pologne, dans les années 1870. Ancien commis de brasserie en proie à de régulières humiliations, Stanislaw Wokulski finit par devenir un riche homme d’affaires. Toutefois, il demeure sensible aux inégalités sociales, aide des personnes dans la misère et rêve de réunification de son pays démantelé. Il est aussi très épris d’une de la fille d’un aristocrate ruiné, Izabella Lecka, et son désir le plus ardent est de l’épouser…
La Poupée est un film polonais réalisé par Wojciech Has. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Bolesław Prus, publié sous forme de feuilleton entre 1887 et 1889. Wojciech Has est un réalisateur peu connu en France (1) et le film était inédit en France jusqu’à sa sortie en DVD en 2008 et en salles fin 2022. Ce fut pour moi une grande surprise de le découvrir car c’est un petit chef d’œuvre. L’histoire évoque les romans de Balzac avec des sentiments exacerbés par l’attrait de la richesse et une noblesse désargentée qui a conservé un fort sentiment de supériorité. Certaines allusions ou allégories nous échappent certainement, à moins de connaître parfaitement l’histoire de la Pologne du XIXe siècle (2) mais cela n’empêche en rien d’apprécier le film. La mise en scène de Wojciech Has est magistrale, avec un contraste très fort entre les décors surchargés et colorés de la noblesse et la misère monochromatique des rues où émergent quelques personnages formant des ilots de couleurs. Certaines scènes prennent une teinte irréelle, le cinéaste tentant de jeter une passerelle entre rêve et réalité. La photographie est belle et très travaillée. Superbe musique de Wojciech Kilar (3). D’une durée de 160 minutes, La Poupée est un grand film de créateur, doté d’une puissance peu commune.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mariusz Dmochowski, Beata Tyszkiewicz, Tadeusz Fijewski, Wieslaw Golas, Kalina Jedrusik, Jan Koecher
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Remarque :
* L’actrice Beata Tyszkiewicz est elle-même descendante d’une famille de l’aristocratie polonaise. Au moment du tournage, elle était mariée avec le réalisateur Andrzej Wajda avec lequel elle a eu une fille.

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

(1) Wojciech Has (1925-2000) a signé une quinzaine de longs métrages entre 1957 et 1988, parmi lesquels Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965), La Poupée (1968), La Clepsydre (1973) et Les Tribulations de Balthazar Kober (1988).

(2) La Pologne XIXe siècle : Divisée entre les empires russe, allemand et austro-hongrois, la République des Deux Nations a cessé d’exister. Bien que la république ait disparu de la carte, des générations successives réclament sa reconstruction et bataillent contre les oppresseurs. Le XIXe siècle présente ainsi un enchaînement de soulèvements polonais : l’insurrection de Kościuszko de 1794, la participation aux guerres de Napoléon, l’insurrection de novembre de 1830, le soulèvement de Cracovie de 1846, et l’insurrection de Grande-Pologne de 1848, avec leurs lourds tributs en vies humaines. La guerre dont il est question dans le film (et pendant laquelle Wokulski a, dit-on, fait fortune) est celle déclarée par le général russe Karl Lambert fin 1861 qui se terminera par l’Insurrection de janvier 1863 contre l’Empire russe. Cette insurrection sera défaite et fortement réprimée par les russes qui accentueront leur emprise sur cette partie de la future Pologne. (Source Wikipédia

(3) Wojciech Kilar est un grand compositeur polonais de musique de films et de musique classique. IMDB le crédite de 168 films. Il sera Césarisé pour la musique du film Le Pianiste (2002) de Roman Polanski (César 2002 de la meilleure musique écrite pour un film).

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

Homonyme :
La Poupée de Ernst Lubitsch (1919)