8 septembre 2017

Alamo (1960) de John Wayne

Titre original : « The Alamo »

Alamo1836. Le Texas, alors mexicain, lutte pour son indépendance. Le général Sam Houston demande au colonel Travis de tenir coûte que coûte le Fort Alamo vers lequel se dirigent les troupes du dictateur mexicain Santa Anna. Il recevra l’aide de Davy Crockett… A côté de sa carrière d’acteur, John Wayne a également réalisé deux longs métrages. Alamo est le premier d’entre eux (1), écrit sur mesure par James Edward Grant. L’acteur n’est pas réputé pour ses idées progressistes mais, miraculeusement, il abandonne beaucoup de ses partis-pris dès qu’il s’agit de western. Tout en prenant des libertés avec la réalité historique, Alamo prône les valeurs républicaines et met en valeur l’héroïsme de ceux qui sont morts pour elles. Le film a certains atouts mais il paraît interminable (2h40 dans sa version courte) et la bataille tant annoncée se fait quelque peu attendre. Le propos reste basique et les dialogues sont assez pesants. En revanche, les scènes de combat sont réussies avec une impressionnante figuration de 7000 hommes et 1500 chevaux. A noter que les mexicains sont décrits, eux-aussi, comme courageux (2). La photographie est assez belle, ce qui n’est guère étonnant quand on sait qu’elle est l’œuvre de William Clothier qui a si souvent travaillé pour John Ford. Le film a connu un certain succès populaire.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: John Wayne, Richard Widmark, Laurence Harvey, Frankie Avalon, Patrick Wayne, Linda Cristal
Voir la fiche du film et la filmographie de John Wayne sur le site IMDB.

Voir les livres sur John Wayne

Pour lire une présentation (très) enthousiaste : DVDClassik

Remarques :
* John Ford a dirigé certaines scènes mais il est difficile de savoir exactement combien car les témoignages sont contradictoires sur ce point. Cliff Lyons a également réalisé avec une seconde équipe.
* La durée d’Alamo fut réduite de 40 minutes quelques semaines après sa sortie. D’abord considérée comme perdue, la version complète (200 minutes) a refait surface dans les années 80.

(1) Le second sera Les Bérets verts (1968), film réactionnaire et raciste sur la Guerre du Vietnam, et formellement très en deçà d’Alamo.
(2) Rappelons que les deux premières épouses de John Wayne étaient mexicaines (la troisième était péruvienne).

Alamo
Richard Widmark et John Wayne dans Alamo de John Wayne.

Alamo
Un des plus beaux plans d’Alamo : David Crockett et sa troupe émergeant d’une colline où se tiennent ses deux éclaireurs. C’est beau comme du John Ford!

7 réflexions sur « Alamo (1960) de John Wayne »

  1. Même si le traitement du sujet semble politiquement décent, avec des Mexicains également courageux, etc., il ne faut pas oublier que le sujet lui-même est politiquement révisionniste et impérialiste.

    En effet, le Texas ne s’est pas mis par magie à « lutter pour son indépendance ». Pour quelle raison une province d’un pays se met-elle parfois à réclamer son indépendance ? Lorsqu’elle est historiquement ou culturellement différente et qu’elle sent cette différence bafouée ou muselée. Or, historiquement le Texas (ou la Californie, d’ailleurs) étaient espagnols puis mexicains, sans qu’il n’existe de discontinuité historique avec les actuels États constitutifs du Mexique contemporain. Il n’y avait pas de « fatalité », de « destinée » à ce que Texas ou Californie fussent plus étatsuniens que mexicains… bien au contraire ! La continuité historique, jusqu’à ce moment-là, les rendait infiniment plus mexicains qu’étatsuniens ou « indépendants ». La question même de les voir se détacher du Mexique était un nonsens historique et sociétal (à l’époque).

    Je parle de « fatalité » ou de « destinée » précisément parce que la lecture proposée par John Wayne est celle de l’idéologie expansionniste des États-Unis au cours du XIXe siècle, la théorie (nauséabonde) dite de la « destinée manifeste ». Théorisée au milieu du XIXe siècle, cette idéologie se base sur la conviction des Blancs anglo-saxons d’avoir reçu une mission divine (oui, divine !) d’unifier sous leur autorité tout le continent nord-américain.

    Même le Canada eut à en souffrir, et dut s’unifier pour y résister (alors qu’il s’agissait initialement de colonies britanniques distinctes qui n’avaient pas spécialement vocation à former un pays unique, mais ce fut incontournable pour éviter d’être avalés les unes après les autres par l’ogre étatsunien).

    C’est exactement cette même idéologie de la « destinée manifeste » qui justifia le massacre des Amérindiens : il y a une logique et une continuité dans la vision de John Wayne, des westerns jusqu’à un film comme Alamo.

    Pour préciser le cas des États initialement mexicains qui ont fini par devenir étatsuniens, il faut savoir que :
    — les partisans de la « destinée manifeste » souhaitaient les annexer,
    — ils ont incité (très très activement, avec des arguments financiers très convaincants) des dizaines de milliers d’immigrants et d’Étatsuniens peu fortunés à aller s’y installer en masse, dans le but d’en modifier la composition sociale et démographique,
    — ils ont ensuite poussé ces communautés blanches et à dominante anglo-saxonnes à réclamer leur indépendance du Mexique au nom de la libre détermination,
    — cette pseudo-indépendance n’était qu’une entourloupe explicite, dont personne n’était dupe (ni le Mexique, ni les colons eux-mêmes), pour conduire ensuite à l’adhésion aux États-Unis.

    Le simple fait de présenter cette guerre d’annexion d’une partie d’un pays (le Mexique) par un autre (les États-Unis, ici clairement et indiscutablement l’agresseur, ce qu’aucun historien ne remet en cause) comme étant prétendument une lutte « d’indépendance » menée par les habitants contre un Mexique présenté comme « oppresseur », est en soi une énorme manipulation historique et une propagande idéologique.

    Incidemment, le fait que les États ainsi « volés » au Mexique par les États-Unis au moyen d’une migration artificielle de population blanche pour en changer la constitution sociale, se retrouvent aujourd’hui à connaître un basculement démographique au profit d’une population désormais majoritairement hispanique et hispanophone, est une réjouissante ironie, un jubilatoire retour de bâton.

  2. Oui, je suis d’accord avec vous, il y a là une forme de révisionnisme de l’Histoire dont Hollywood est assez coutumier mais, de la part de John Wayne, je m’attendais à pire. J’ai toujours en mémoire son film Les Bérets verts qui est vraiment épouvantable d’un bout à l’autre.

    Ici, hormis la présentation générale des faits, le contenu idéologique se limite à une petite tirade sur la République que John Wayne nous donne avec des trémolos dans la voix. Le reste du film n’est que batailles d’égo aussi interminables que stériles, des descentes de tombereaux de whisky suivies de bonnes bagarres qui « scellent les amitiés ». La routine quoi… Et c’est interminable. On finit par être soulagé de voir arriver enfin le général mexicain avec ses bataillons au bout de deux heures.

    La façon dont les mexicains sont montrés est surprenante : alors que l’on attendait des sauvages sans foi ni loi, on voit un général qui diffère l’assaut d’une heure pour permettre aux femmes et aux enfants de quitter les lieux.

    Un autre point assez surprenant est le traitement de la femme mexicaine. On pouvait attendre un traitement à la John Ford (la femme est liée au foyer, à l’ancrage) alors que John Wayne la met très haut sur un piédestal, il la sacralise de façon presque enfantine (c’est pour cette raison que je rappelais que ses deux premières femmes étaient mexicaines). Mais, je vous rassure : cela ne le met pas en grand progressiste pour autant. Chez lui, la femme accepte sa soumission, et de plein gré (son héroïne préfère épouser un sombre individu mal intentionné alors qu’elle a la possibilité de prendre sa liberté).
    😉

  3. Un classique du western, qui a bercé l’enfance de dizaines d’enfants français, depuis sa sortie jusqu’aux multiples diffusions télévisées jusque dans les années 80.
    John Wayne, Richard Widmark et les autres étaient, et sont encore, les héros auxquels nous nous identifions, contre des Mexicains féroces, mais néanmoins non dénués de noblesse. Alors certes, il y a peut-être quelques longueurs (et encore…) mais Wayne fait ici la démonstration de son talent, dans la lignée de Ford, lequel n’aurait finalement que très peu participé au film. Il se dégage en particulier du film un lyrisme et une mélancolie (« fordiens »…) absolument remarquables, auxquels la superbe musique de Dimitri Tiomkin n’est pas étrangère.
    Pour information, il ne s’agit pas du premier film de Wayne, qui avait déjà réalisé « L’ange et le mauvais garçon », ainsi que « Hondo, l’homme du désert », sans toutefois « signer » officiellement ces films, chose qui aurait été à l’époque fort mal vu de la part d’un acteur.
    Le commentaire de Jacques C est intéressant, mais à mon goût trop orienté politiquement. [… cut…] le Mexique est lui-même issu d’une autre colonisation et d’un autre génocide, celui commis par les Espagnols sur les Améridiens. […Cut…]

    [NDLR
    Cher Yves,
    Je me suis permis de couper la fin de votre commentaire car je souhaiterais que la querelle entre vous deux ne reprenne pas. L’un comme l’autre, vous pouvez exposer vos raisonnements autant que vous le désirez mais je coupe les attaques personnelles. Désolé…
    ]

  4. A propos des réalisations de John Wayne :
    autant que je sache, on n’a aucune certitude : John Wayne a produit « L’ange et le mauvais garçon » (c’est son premier film en tant que producteur) et aurait réalisé certaines scènes. James Edward Grant est un ami de John Wayne. Il est vrai que c’est surtout un scénariste, pas un réalisateur normalement.

    Pour le Hondo de John Farrow, (toujours à ma connaissance) c’est Geraldine Page qui a affirmé que le film a entièrement été réalisé par Wayne, affirmation assez peu reprise.

    John Wayne a également souvent réalisé certaines scènes des films où il jouait mais Alamo est le premier dont il assume entièrement (et ouvertement) la réalisation.

  5. Concernant la coupure du commentaire : oui, et vous avez bien fait, je vous en remercie.
    Merci par ailleurs concernant les précisions concernant John Wayne. Je reconnais que les sources sont très divergentes concernant les films que je citais, et que le vérité des uns ne correspond pas à celle des autres.
    Concernant « Les bérets verts », je ne l’ai visionné qu’il y a peu, du fait de sa réputation calamiteuse. Et bien, à mon avis, il s’agit d’un film de guerre honnête. On est loin des sommets du genre, mais il se situe dans la moyenne des réalisations de ce type au cours des années 60.
    Il comporte certains défauts plutôt embêtants en ce qui me concerne : il fût filmé au USA, et cela se remarque : la végétation n’est pas celle du Vietnam (cela nuit à véracité du film, mais est moins pire que le chars « allemands » de « La bataille des Ardennes » d’Annakin -1965-). Rien de rédhibitoire, donc.
    Un film honnête, au point de vie technique, donc, qui fait même montre de réelles qualités (dans les scènes de combat, l’émotion dégagée par la scène finale, l’émouvante histoire d’amitié entre le petit vietnamien et le GI).
    Politiquement parlant, il s’agit d’un film soutenant l’intervention US contre le communisme. On peut l’assimiler à un film de propagande, il y en eu d’excellents (Sergent York de Hawks…). On peut aussi le considérer simplement comme un encouragement envers les GI’s qui étaient là-bas. Nos gars, en Indo’, n’eurent pas droit aux mêmes égards : ils se faisaient tabasser en permission par les nervis de la CGT, dans l’indifférence générale des élites, politiques comme culturelles. Un de mes oncles est mort en captivité dans les camps d’extermination communistes.
    On peut donc qualifier le film de réactionnaire… selon son bord politique… ou de patriote, selon…
    Mais « raciste » ? Je ne comprends pas votre réaction ! Il est « anticommuniste », certes, viscéralement, même ! Mais « raciste ». Je n’y ai pas vu une seule référence raciste. Je trouve même que le thème de l’amitié entre le petit garçon viet’ et le G.I constitue un message de tolérance assez exemplaire de la part d’un réalisateur dont les épouses successives furent des Latinos (vous le soulignez vous-même). Wayne nous décrit les Vietnamiens du Sud comme des gens loyaux et courageux, ainsi que les villageois comme des victimes d’une guerre qu’ils subissent contre leur gré, ce qui s’approche de la vérité (les Vietnamiens n’étaient pas des communistes, comme les Allemands des nazis, pour leur immense majorité).

  6. Je préfère ignorer les passages qui ont été coupés dans le commentaire d’Yves, ça vaut mieux pour tout le monde ;-).

    Mais il est vraiment édifiant de voir qu’aujourd’hui, quelqu’un peut éhontément qualifier de « politiquement orienté » le fait de rappeler les faits historiques. Nous en sommes vraiment arrivés là en matière de relativisme et de fake news ?

    Aucun historien n’oserait nier que le rattachement de la Californie, du Nouveau-Mexique et du Texas aux États-Unis est le résultat d’une annexion (donc d’une agression), déguisée par l’envoi massif d’une population blanche anglo-saxonne pour modifier la démographie de ces régions et permettre la fiction juridique d’une revendication d’indépendance. Aucun historien n’oserait nier qu’un film qui tente de transformer cette agression expansionniste en prétendue « lutte d’indépendance » et de transformer les annexeurs en prétendues « victimes et martyres » est, par définition, un film de propagande.

    C’est tout. Ça ne relève ni de la politique ni du cinéma, mais de l’histoire.

    [Cut…. Pas d’attaques personnelles, merci]

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