11 mars 2022

Les adolescentes (1960) de Alberto Lattuada

Titre original : « Dolci inganni »

Les adolescentes (Dolci inganni)Francesca, adolescente de dix-sept ans, issue d’un milieu aisé, se réveille un matin après un rêve sensuel qui la trouble. Au lieu de se rendre au lycée comme habituellement, elle fait une visite impromptue chez Enrico, un séduisant architecte, ami de la famille mais de vingt ans son aîné, car il était dans son rêve…
Les adolescentes (Dolci inganni = douces déceptions) est un film franco-italien, co-écrit et réalisé par Alberto Lattuada. Cet éclectique réalisateur italien a touché à tous les genres au cours de sa carrière. Ici, il s’agit d’un portrait de jeune fille dans ligne de son Guendalina (1957). Mais alors que ce dernier était de facture classique, Les adolescentes est plus libre de forme, montrant une certaine inspiration de la Nouvelle Vague. Les jeunes filles de Lattuada sont sérieuses : si leur principal sujet de préoccupation est l’amour, elles restent réfléchies et s’interrogent sur l’amour physique. En 1960, le sujet était tabou et le film fut malmené par la censure (toute la scène qui ouvre le film a longtemps été coupée), d’autant plus que la jeune fille côtoie des personnes aux mœurs très libres. En outre, Lattuada se plait à souligner la sensualité et la féminité des adolescentes. Il parvient parfaitement toutefois à restituer la complexité de l’adolescence et du passage à l’âge adulte qui peut s’avérer, comme le titre original l’indique, être décevant. Le film connut le succès. Il a révélé Catherine Spaak, alors âgée de 15 ans.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Christian Marquand, Catherine Spaak, Jean Sorel, Milly
Voir la fiche du film et la filmographie de Alberto Lattuada sur le site IMDB.

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Les adolescentes (Dolci inganni)Catherine Spaak et Christian Marquand dans Les adolescentes (Dolci inganni) de Alberto Lattuada.

1 décembre 2020

Drôles d’oiseaux (2017) de Élise Girard

Drôles d'oiseauxMavie vient d’arriver à Paris. Une amie l’héberge temporairement. Répondant à une annonce proposant un studio, elle rencontre Georges, libraire au Quartier Latin depuis quarante ans. Solitaire, comme caché dans sa boutique où personne ne vient, Georges l’intrigue et la fascine…
Drôles d’oiseaux est le deuxième film réalisé par Élise Girard. Elle en a écrit le scénario avec Anne-Louise Trividic (qui a notamment travaillé avec Patrice Chéreau). L’histoire est très originale, pleine de charme, dotée d’une touche de poésie. C’est une histoire d’amour assez inattendue avec de petits détails cocasses et une certaine vision de Paris. Le film nous permet de mieux découvrir Lolita Chammah, la fille d’Isabelle Huppert, et de retrouver avec grand plaisir Jean Sorel qui n’avait pas tourné de longs métrages depuis bien longtemps. Certes il paraît inévitable de qualifier Drôles d’oiseaux de « petit film », mais c’est un petit film très réussi.
Elle: 3 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Lolita Chammah, Jean Sorel, Virginie Ledoyen, Pascal Cervo
Voir la fiche du film et la filmographie de Élise Girard sur le site IMDB.
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Drôles d'oiseauxJean Sorel et Lolita Chammah dans Drôles d’oiseaux de Élise Girard.

Homonymes :
Drôles d’oiseaux de Peter Kassovitz (1993) avec Bernard Giraudeau.
Drôles d’oiseaux (The Big Year) de David Frankel (2011) avec Steve Martin.
Drôles d’oiseaux, film d’animation sud-africain réalisé par Wayne Thornley (2012).

25 janvier 2016

Ça s’est passé à Rome (1960) de Mauro Bolognini

Titre original : « La giornata balorda »

Ça s'est passé à RomeDavid Saraceno est un jeune chômeur d’un quartier populaire qui cherche un emploi stable pour pouvoir épouser une jeune fille avec laquelle il vient d’avoir un enfant. Il se rend dans le centre de Rome et va rencontrer des personnes de divers milieux au cours d’une journée particulièrement chargée… Ça s’est passé à Rome est un film assez rare de Mauro Bolognini. Tiré des Nouvelles Romaines d’Alberto Moravia, le scénario a été écrit par Pier Paolo Pasolini (*). Ça s’est passé à Rome est ainsi dans le même esprit que Les Garçons (1959) : le film est ancré dans le néo-réalisme mais avec une certaine recherche esthétique et une approche similaire à celle de la Nouvelle Vague. La caméra est mobile, tournant le plus souvent en décors naturels, et nous suivons les déambulations de ce jeune romain, avec pour accompagnement la musique jazz de Piero Piccioni. A la différence des héros du film Les Garçons, le jeune David désire trouver un vrai travail honnête et durable mais, balloté entre les bureaux et les vagues promesses, il va découvrir la corruption de la société et même une certaine injustice. Lui-même oscille encore entre l’insouciance de la jeunesse avec ses quêtes amoureuses et le sentiment de responsabilité de père d’un nouveau-né. C’est le français Jean Sorel qui incarne avec une belle présence ce jeune aspirant à une vie meilleure. Le film fut mutilé et interdit en Italie, officiellement pour « amoralité » mais surtout parce qu’il était contraire aux valeurs que le gouvernement italien cherchait à insuffler.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Sorel, Lea Massari, Jeanne Valérie
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Remarque :
* La scène d’ouverture du film est absolument superbe : il s’agit un lent traveling-avant en contre-plongée (quasi-verticale) entre deux rangées d’immeubles populaires reliées par des passerelles à chaque étage et le linge à sécher, avec les gens qui s’interpellent, certains habitants regardant la caméra depuis les passerelles, le tout sur la musique de Piero Piccioni. L’image est à la fois imposante et fascinante… un spectacle impressionnant. Magistral.

(*) Pasolini a écrit pour Bolognini pour quatre films entre 1958 et 60 : Les Jeunes Maris, Les Garçons, Ça s’est passé à Rome et Le Bel Antonio. Il est ici assisté de Marco Visconti (aucune relation de parenté avec le réalisateur Luchino Visconti).

Ca s'est passé à Rome
Jeanne Valérie et Jean Sorel dans Ça s’est passé à Rome de Mauro Bolognini

Ca s'est passé à Rome
Jean Sorel (ci-dessus) a de quoi troubler Lea Massari (ci-dessous) dans Ça s’est passé à Rome de Mauro Bolognini…
Ca s'est passé à Rome

13 août 2014

Chair de poule (1963) de Julien Duvivier

Chair de pouleUn évadé, une station service restaurant isolée tenue par un couple dépareillé, un mari affable mais un peu trop âgé pour sa jeune et jolie femme… voilà qui rappelle singulièrement Le facteur sonne toujours deux fois. Pourtant Chair de poule est l’adaptation d’un roman de, non pas James Cain, mais James Hadley Chase (1). C’est l’avant-dernier film de Julien Duvivier, à une époque où il vivait mal les critiques des défenseurs de la Nouvelle Vague envers son cinéma (2). Cette histoire assez noire semble donc bien coller avec son état d’esprit car c’est la noirceur de l’âme humaine qui est ici mise au grand jour. Le moteur des personnages n’est pas l’attirance sexuelle mais le simple appât du gain et la droiture n’est pas récompensée, elle n’a ici pas droit de cité. La réalisation de Duvivier est sans faille, avec de nombreuses scènes fortes et une distribution très riche par la palette de personnages différents : même Jean Sorel, un choix assez critiqué, est ici parfait car sa prestance est justement en décalage total avec l’histoire. Dans le genre policier très noir, Chair de poule est une des plus belles réussites françaises des années soixante et il est vraiment injuste qu’il ait été si longtemps méprisé.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Robert Hossein, Jean Sorel, Catherine Rouvel, Georges Wilson, Lucien Raimbourg
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(1) L’écrivain James Hadley Chase a eu la fâcheuse tendance à s’inspirer un peu trop fortement des oeuvres de ses confrères. Il fut condamné plusieurs fois pour cette pratique. Le titre du roman ici adapté est « Come easy –- Go easy » paru en France dans la Série Noire sous le titre « Tirez la chevillette ! » (Gallimard Série noire n° 544, 1960, La Poche noire n° 139, 1971, Carré noir n° 71, 1972).
(2) Les critiques des Cahiers du Cinéma tiraient à boulets rouges sur les réalisateurs de ce qu’ils appelaient la « qualité française » : Julien Duvivier, Claude Autant-Lara, Henri Decoin, … Cette intransigeance mêlée de mépris a fortement marqué toute une génération de cinéphiles, bien au-delà de son époque puisque l’on peut en déceler encore quelques restes aujourd’hui. Avec le recul, on mesure mieux toutefois à quel point ce rejet catégorique était excessif et injuste.

Chair de Poule

25 octobre 2012

Belle de jour (1967) de Luis Buñuel

Belle de jourJeune épouse d’un interne des hôpitaux de Paris, Séverine aime son mari mais n’est pas attirée physiquement par lui, préférant ses fantasmes à tendance masochistes. Elle va même aller se prostituer chez Madame Anaïs, une petite maison close, pour chercher un équilibre… En adaptant le roman de Joseph Kessel Belle de jour (publié en 1929), Luis Buñuel et Jean-Claude Carrière étaient intéressés plus par la possibilité de mettre en images les rêveries diurnes de son héroïne que par les aspects mélodramatiques du livre. Belle de jour est ainsi un film qui mêle étroitement réalité et imaginaire, Buñuel effaçant habilement la limite qui les sépare et instaurant le doute. La réalité et l’imaginaire ne feraient-ils qu’un ? La fin est admirable car elle peut être interprétée de deux façons différentes, l’une d’entre elles changeant notre vision sur tout le film qui vient de se dérouler sous nos yeux. Le film est construit autour de l’image de Catherine Deneuve, d’une grande beauté, une beauté virginale presque enfantine. Buñuel se plait à essayer d’égratigner cette pureté, de la salir, tout en sachant qu’il ne pourra y parvenir. Ainsi, Belle de jour est aussi un film sur la pureté : Séverine et son mari se renvoient chacun une image trop parfaite, trop idéale pour que le plaisir sexuel puisse exister entre eux.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Geneviève Page, Pierre Clémenti, Françoise Fabian, Macha Méril
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Remarques :
On peut voir dans Belle de jour un petit hommage à deux cinéastes : le Godard de A bout de souffle tout d’abord, avec le vendeur du New York Herald Tribune et la mort de Clémenti au milieu de la rue, et aussi Hitchcock, avec Catherine Deneuve en beauté froide et son chignon à la Tippi Hedren et une petite apparition cameo à la Hitchcock de Luis Buñuel en client du café dans le parc (lors de la rencontre avec le duc).

Dans ses mémoires, Mon dernier soupir, Buñuel raconte :
* « Belle de jour fut peut-être le plus gros succès commercial de ma vie, succès que j’attribue aux putains du film plus qu’à mon travail. »
* (A propos de la boîte du client asiatique) « Je ne sais combien de fois on nous demandé, des femmes surtout : « Qu’est-ce qu’il y a dans cette petite boîte ? » Comme je n’en sais rien, la seule réponse possible est : « Ce que vous voudrez. »
* « Je regrette quelques coupes stupides que demanda, paraît-il, la censure. En particulier la scène où Catherine Deneuve est allongée dans un cercueil se déroulait dans une chapelle privée, après une messe célébrée au-dessous d’une splendide copie du Christ de Grünewald, dont le corps torturé m’a toujours impressionné. La suppression de cette scène change sensiblement le climat de la scène. »