20 septembre 2011

Selon la Loi (1926) de Lev Kulechov

Titre original : « Po zakonu »
Autre titre : « Dura Lex »

Po zakonuAu Yukon, un groupe cosmopolite de cinq chercheurs d’or exploite un petit filon. L’un d’eux, un irlandais d’habitude plutôt jovial, abat soudainement deux membres du groupe avant d’être maitrisé et ligoté. Par respect de la Loi, le couple épargné désire qu’il soit jugé… Selon la loi est adapté d’une nouvelle de Jack London « L’imprévu ». Ce n’est toutefois pas un film d’aventures. Il s’agit d’un huis clos psychologique qui met en relief le dilemme moral de ce couple qui se retrouve avec le sort d’un meurtrier entre leurs mains. Koulechov est l’un des grands créateurs du cinéma soviétique. Alors qu’il n’avait que 20 ans, il a étudié et développé des théories sur l’importance et la force du montage (1). Dans Selon la loi, il parvient ainsi à donner une grande intensité au jeu des acteurs qui semblent vraiment vivre leurs scènes. C’est assez étonnant. Il donne beaucoup d’importance aux objets qui bénéficient des mêmes attentions de montage que les acteurs. Il épure au maximum l’histoire, les personnages ne sont guère décrits en profondeur, pour se concentrer sur la force des sentiments. Koulechov reçut une réprimande pour l’absence de contenu idéologique. (film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Aleksandra Khokhlova, Sergei Komarov, Vladimir Fogel
Voir la fiche du film et la filmographie de Lev Kulechov sur le site IMDB.

Remarques :
(1) Sa démonstration la plus célèbre pour montrer l’importance du montage a été d’utiliser un même plan de l’acteur Mosjoukine pour générer des sentiments différents : en enchaînant avec l’image d’un enfant, on lisait sur le visage de l’acteur de la tendresse ; en enchaînant avec l’image d’une femme dans un cercueil, on lisait de la tristesse, avec l’image d’un bol de soupe, on lisait l’appétit etc.

5 août 2011

Fenêtre sur cour (1954) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Rear Window »

Fenêtre sur courContraint à l’immobilité avec une jambe dans le plâtre, un reporter-photographe passe ses journées à la fenêtre, observant la vie de ses voisins. Peu à peu, il a le pressentiment que l’un d’entre eux vient de tuer sa femme… Fenêtre sur cour est à juste titre l’un des films les plus célèbres d’Hitchcock. Pendant près de deux heures, nous partageons la vision de James Stewart, Hitchcock nous mettant ainsi dans la position du voyeur. La construction est parfaite, le plus remarquable étant l’unité de lieu. C’est d’ailleurs un petit tour de force technique dans la mesure où la caméra reste dans une seule et unique pièce pendant tout le film (1). Outre le simple attrait du voyeurisme, le film séduit par la richesse des détails :Fenêtre sur cour c’est un véritable petit monde à échelle réduite que James Stewart a dans sa cour. Grace Kelly est d’une beauté époustouflante : sa première apparition (un gros plan sur son visage s’approchant de James Stewart endormi) est une véritable vision céleste. Il n’y a aucun temps mort, la tension monte progressivement et devient presque insoutenable vers la fin. Fenêtre sur cour est un film parfait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.
Voir les autres films de Alfred Hitchcock chroniqués sur ce blog…

Fenêtre sur cour (1) La caméra (où plus exactement le point de vue) ne quitte la pièce de James Stewart que pendant de très courts instants : à la mort du petit chien et à la toute fin. Sinon, nous sommes toujours soit en vision subjective, soit face à James Stewart. A noter que même la musique vient du petit monde de la cour, elle fait partie de la scène. Pendant le tournage, tous les acteurs portaient une oreillette couleur chair afin qu’Hitchcock puisse les diriger à partir de l’appartement de James Stewart. L’immeuble recréé en studio était si complet que Georgine Darcy (Miss Torso) aurait vraiment vécu dans son « appartement » durant tout le mois de tournage.

Remarques :
Fenêtre sur cour Le scénario de Fenêtre sur cour est tiré de « It had to be murder » (cela ne peut-être qu’un meurtre), une nouvelle de Cornell Woolrich (alias William Irish) qui se serait inspiré d’une nouvelle de H.G. Wells, « Par la fenêtre ».

Lors de la ressortie du film en 1968, Hitchcock a parlé ainsi de son film : « Si vous n’éprouvez pas de délicieuse terreur en regardant Fenêtre sur cour, alors pincez-vous : vous êtes probablement mort ! »

Remake :
Un remake sans grand intérêt a été fait pour la télévision américaine ABC :
Fenêtre sur Cour (Rear Window) de Jeff Bleckner (1998) avec Christopher Reeves et Daryl Hannah.

24 juillet 2011

The African Queen (1951) de John Huston

Titre français : « La reine africaine »
Autre titre français : « L’odyssée de l’African Queen »

La reine africaineAfrican Queen est le film le plus célèbre de John Huston et d’Humphrey Bogart, ce n’est pas vraiment le meilleur mais il a au moins le mérite d’être très particulier. Pendant la Première Guerre mondiale, en Afrique, une missionnaire anglaise et un aventurier canadien descendent une rivière dans un vieux rafiot pour aller attaquer un navire allemand… Que l’histoire soit passablement improbable n’est pas très important, ce huis clos à ciel ouvert en pleine Afrique fait partie de ces films totalement à part qui forment presque une classe à eux seuls. On ne peut parler ici d’exotisme de pacotille car African Queen a été tourné en majorité sur place, au Congo, dans des conditions épouvantables pour l’équipe ; d’ailleurs, dans ce face-à-face, il y a bien un troisième personnage : la nature, omniprésente, active même, que Huston parvient parfaitement à mettre en scène et qui profite du beau Technicolor de Jack Cardiff. Katharine Hepburn et Humphrey Bogart font tous deux une belle prestation même s’ils paraissent parfois sceptiques face à leur personnage. Production indépendante réalisée en Angleterre, hors des Etats-Unis alors en plein maccarthisme, African Queen rencontra un très grand succès. Par son équilibre entre aventures, romance inattendue et même comédie, il reste toujours aussi attrayant aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Humphrey Bogart, Katharine Hepburn
Voir la fiche du film et la filmographie de John Huston sur le site IMDB.

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Remarques :
* Le tournage a été mouvementé : attaques de moustiques, fourmis géantes et autres animaux, maladie touchant toute l’équipe, bateau coulé, etc. Huston et Hepburn semblait se plaire en Afrique ce qui rendait Humphrey Bogart fou car lui n’avait qu’une idée : en finir au plus vite. Lauren Bacall l’avait heureusement accompagné.
* Seuls Huston et Bogart échappèrent à la maladie, « sans doute parce que nous buvions plus de scotch que d’eau » précise Huston dans ses mémoires.
* Grand amateur de chasse, John Huston se levait très tôt pour aller chasser le gros gibier avant de tourner. C’est l’objet du film de Clint Eastwood Chasseur blanc, coeur noir (White Hunter Black Heart, 1990) adapté du livre homonyme de Peter Viertel écrit en 1953.
* Lauren Bacall raconte comment elle était étonnée de voir Katharine Hepburn profiter des moments où elle ne tournait pas pour aller visiter la région alors que chaleur et moustiques n’incitaient guère à un comportement si volontaire.
* En 1987, Katharine Hepburn a écrit un livre sur le tournage : « The Making of The African Queen: Or How I Went to Africa With Bogart, Bacall and Huston and Almost Lost My Mind » (Le tournage d’African Queen, comment je suis allé en Afrique avec Bogart, Baccall et Huston et faillis en perdre la raison) .