Ali, d’un tempérament jovial, est amoureux de Nada, sa chèvre. Sa mère désespérée l’envoie chez un guérisseur. Il y rencontre Ibrahim, un ingénieur du son qui souffre d’acouphènes atroces et douloureux. Ali, Nada et Ibrahim entreprennent un voyage thérapeutique qui les conduira d’Alexandrie au Sinaï et qui bouleversera leur vie… Ali, la chèvre & Ibrahim est le premier long métrage de l’égyptien Sherif El Bendary. Il s’agit d’une comédie en forme de road-movie pour le moins original. L’histoire est amusante et elle nous permet de découvrir l’Egypte de l’intérieur. Le cinéaste a voulu traduire l’évolution de la société égyptienne et plus particulièrement de la ville du Caire, « plus que jamais oppressante après la révolution de 2011 ». La ville « brise l’âme de ses habitants » nous dit-il, « les personnages de mon film sont assez hors norme et décalés pour exprimer l’irréalité et l’absurdité de la vie qu’ils mènent. » Effectivement, au-delà de l’amusement, on ressent la difficulté des personnages à trouver un équilibre dans une société en tension. L’ensemble reste très sage, trop sans doute et aurait bénéficié d’une ligne directrice plus forte. Elle: Lui :
Dans les années 50, Sandy et Jonathan partagent une chambre d’étudiants et ont de longues discussions sur leur vision des femmes. Sandy est timide et tend à les idolâtrer tandis que Jonathan les voit comme des objectifs à conquérir. Leurs vies prennent des chemins différents : l’un se marie, l’autre reste un coureur invétéré. Dix et vingt ans plus tard, ils se retrouveront pour faire le point sur l’évolution de leur vie… Ce plaisir qu’on dit charnel (Carnal Knowledge = « connaissance charnelle ») est un film américain écrit par Jules Feiffer et réalisé par Mike Nichols. Quatre ans après Le Lauréat (1967), le cinéaste sembler vouloir poursuivre son portrait d’une génération (d’hommes). Le résultat est moins convaincant sur ce point puisque ses deux personnages sont aux antipodes l’un de l’autre, et de façon un peu caricaturale. Malgré l’absence de scènes visuellement explicites, le film fit scandale à l’époque car il parlait sans détours de questions sexuelles, utilisant des mots rarement entendus dans le cinéma hollywoodien. La Cour suprême des Etats-Unis dut intervenir pour établir que le film n’était pas « obscène » et lever les interdictions régionales. Toute cette agitation parait bien désuète aujourd’hui. Représentatif du climat de libération sexuelle de cette époque, Carnal Knowledge se voit maintenant plutôt comme une comédie, avec une opposition somme toute assez classique de deux visions du sexe opposé (précisons que le film ne parle que de la vision des hommes sur les femmes, l’inverse est… hors-sujet). Côté interprétation, c’est Jack Nicholson qui crève l’écran, l’acteur semble à l’aise dans toutes les scènes, même les plus intenses dramatiquement. Pourtant, c’est Ann-Margret qui fut nominée pour les Oscars. Si Candice Bergen donne de la force à son personnage en montrant une belle présence, Art Garfunkel est bien plus fade. Le fond du propos peut certes paraître un peu simple mais le film est finalement intéressant et mérite d’être vu. Elle: – Lui :
À dix-sept ans, Nicholas semble en pleine dérive, il n’est plus cet enfant lumineux qui souriait tout le temps. Que lui arrive-t-il ? Dépassée par la situation, sa mère accepte qu’il aille vivre chez son père, Peter, remarié depuis peu et père d’un nouveau-né. Il va devoir dépasser l’incompréhension, la colère et l’impuissance dans l’espoir de retrouver son fils… The Son est un film américain réalisé par le français Florian Zeller. Tout comme son film précédent, The Father (2020), il s’agit de l’adaptation de sa propre pièce, intitulée Le Fils(1). C’est un récit sensible et bouleversant sur la dépression adolescente, sur le sentiment d’impuissance à trouver une solution. Le récit est vu à travers les yeux du père. Le personnage du fils est assez opaque mais pas complètement. Florian Zeller affirme ne pas vouloir « tenter d’expliquer ou de justifier ce mal-être » mais ce n’est pas tout à fait exact car il nous oriente dans une voie. Le jeu des acteurs est puissant, l’ensemble est parfaitement équilibré. Une nouvelle réussite du réalisateur. Elle: Lui :
Voir les autres films de Florian Zeller chroniqués sur ce blog…
(1) L’écrivain, scénariste et réalisateur français Florian Zeller a écrit plus d’une douzaine de pièces dont La Mère (2010), Le Père (2012, adaptée au cinéma en 2020) et Le Fils (2018, adaptée au cinéma en 2022).
Titre original : « Niezwykla podróz Baltazara Kobera »
Allemagne, XVIe siècle. L’adolescent Balthazar, naïf et un peu bègue, est capable de parler avec les morts, notamment son frère jumeau décédé à l’âge de cinq ans et sa défunte mère. L’archange Gabriel lui est aussi apparu. Son père l’envoie apprendre la théologie à Dresde, sous la tutelle d’un recteur plutôt inquiétant. Tourmenté par ses camarades, il a une vision qui lui demande de retourner voir son père mourant. En chemin, il rencontre l’extravagant Papagallo à la tête d’un groupe de saltimbanques, sorte de société secrète. Il entrevoit une jolie joueuse de luth, Rosa, dont il tombe amoureux. Il rencontre ensuite le Maitre (Michael Lonsdale), qui le prend pour disciple, lui ouvre l’esprit et conforte sa foi. Balthazar compulse de gros manuscrits interdits par l’Église, découvre les arcanes de la cabale, les symboles du monde à l’envers. Parvenu à Venise, il retrouve Rosa sur le fleuve des morts… Les Tribulations de Balthasar Kober est un film franco-polonais écrit et réalisé par Wojciech Has, son ultime long métrage, d’après le roman de l’écrivain français Frédérick Tristan, Les Tribulations héroïques de Balthasar Kober publié en 1980. L’histoire est riche (exceptionnellement, le résumé ci-dessus est complet pour aider à mieux comprendre, j’aurais aimé lire ce type de résumé avant de voir le film). Aspirant à l’illumination spirituelle, le jeune Balthazar parcourt une Europe engluée dans les problèmes religieux à la recherche d’une jeune fille qui, à ses yeux, représente la Grâce. Il s’agit donc d’un parcours initiatique dans la veine du Manuscrit trouvé à Saragosse, mais les aventures sont ici plus sombres et moins picaresques. Plus gênant, l’ensemble sonne faux, le récit peine à nous intéresser et paraît même ennuyeux. Il ne reste qu’à admirer l’esthétisme de Wojciech Has, certains de ses plans sont de véritables tableaux. (1) Elle: – Lui :
(1) Le site de la cinémathèque polonaise qui permet de voir ce film précise dans sa présentation : « L’intrigue est ennuyeuse mais l’esthétisme travaillé du film est remarquable. Il s’inspire des peintures de la fin de la Renaissance et du début du baroque peintes par Sandro Boticelli, Rafael Santi, Rembrandt, Michel-Ange Le Caravage ou Hieronim Bosch. En plus de cela, on pourra noter un certain surréalisme typique de Wojciech Has. » (lien)
Alors qu’il fait ses courses, Fabrice ne peut montrer sa carte de fidélité car il l’a oubliée « dans son autre pantalon » affirme-t-il. La caissière appelle un vigile. Fabrice parvient à s’enfuir en les menaçant avec un poireau. Commence alors une longue cavale. Les médias s’emparent de l’affaire, le pays est en émoi, il est devenu l’ennemi public numéro 1… Zaï Zaï Zaï Zaï est une comédie française réalisée par François Desagnat. Il s’agit d’une adaptation de la bande dessinée homonyme de Fabcaro (Fabrice Caro) qui est devenue un best-seller. Le cinéaste s’est allié à Jean-Luc Gaget pour en écrire l’adaptation. Ils en ont bien restitué l’humour absurde, proche du nonsense britannique. Le film montre une belle utilisation du détail et des arrière-plans, il y a d’excellentes trouvailles de gag et aucune lourdeur. De nombreux aspects de notre société moderne sont tournés en dérision. Une belle comédie loufoque avec du contenu qui n’a pas eu le succès qu’elle mérite. Elle: Lui :
Remarques : * La bande dessinée a été adaptée plusieurs fois sur les planches. * Caméos : Fabcaro est le dessinateur du portrait-robot. Jean-Luc Gaget joue le rôle d’un réalisateur. * Dans la bande dessinée, le délinquant était condamné par le tribunal à chanter en karaoké public la chanson Siffler sur la colline de Joe Dassin. D’où le titre… La chanson apparait aussi dans le film mais dans une situation différente (probablement pour éviter de terminer sur une scène insoutenable qui risquait de vider les salles de cinéma avant le générique de fin).
Le jeune Gascon fougueux D’Artagnan est laissé pour mort après avoir tenté de sauver une femme d’un enlèvement. Une fois arrivé à Paris, il tente par tous les moyens de retrouver ses agresseurs, mais il ignore que sa quête le mènera au cœur d’une véritable guerre où se joue l’avenir de la France… Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan est un film français réalisé par Martin Bourboulon, première partie de l’adaptation du roman Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, déjà porté de multiples fois à l’écran. C’est une adaptation assez libre. En comparaison avec les versions précédentes, la modernisation du récit reflète vraiment l’humeur de notre société : on n’est plus là pour rire, l’atmosphère est sombre. La légèreté du récit, le panache des mousquetaires ont été écartés pour laisser la place à une histoire très noire où les combats sont âpres. Même si personnellement je regrette ce changement de ton un peu trop dans l’air du temps, l’ensemble est assez réussi. Le film a bénéficié d’un beau budget et les choix des acteurs pour les quatre mousquetaires est aussi judicieux que prestigieux. La distribution des seconds rôles est moins brillante mais elle est adéquate. Le film a connu un beau succès, y compris (et c’est le plus remarquable) à l’international. La seconde partie, Milady, a été tournée pour une sortie prochaine en salles. Elle: – Lui :
b) Versions du parlant : 1932: Les Trois Mousquetaires de Henri Diamant-Berger (France, 246 mn) avec Aimé Simon-Girard 1935: The Three Musketeers de Rowland V. Lee (USA) avec Walter Abel 1939: The Three Musketeers de Allan Dwan (USA) avec Don Ameche (comédie) 1942: Los tres mosqueteros de Miguel M. Delgado (Mexique) (parodie) 1948: The Three Musketeers de George Sidney (USA) avec Lana Turner et Gene Kelly 1953: Les Trois Mousquetaires de André Hunebelle (France) avec Georges Marchal et Bourvil 1954: I cavalieri della regina de Mauro Bolognini (Italie) 1957: Les Trois Mousquetaires et demi de Gilberto Martínez Solares (Mexique)(parodie) 1961: Les Trois Mousquetaires de Bernard Borderie (France en 2 parties) avec Gérard Barray et Mylène Demongeot 1973: The Three Musketeers de Richard Lester (UK) avec Michael York et Raquel Welch 1974: The Four Musketeers de Richard Lester (UK) avec Michael York et Raquel Welch 1974: Les Quatre Charlots mousquetaires de André Hunebelle (France) (parodie) 1993: The Three Musketeers de Stephen Herek (USA) avec Charlie Sheen et Chris O’Donnell 2001: The Musketeer de Peter Hyams (UK) avec Justin Chambers et Catherine Deneuve 2005: Les Trois Mousquetaires de Pierre Aknine (France) avec Vincent Elbaz et Emmanuelle Béart 2011: The Three Musketeers de Paul W.S. Anderson (USA) avec Logan Lerman, Juno Temple, Orlando Bloom et Milla Jovovich 2023: Les Trois Mousquetaires: D’Artagnan de Martin Bourboulon avec François Civil et d’innombrables versions TV… … et beaucoup d’autres films d’un univers proche (suites, filiations, etc.)
Tout juste diplômée de Sciences Po, Madeleine part préparer les oraux de l’ENA en Corse avec Antoine, son amoureux avec qui elle partage des convictions politiques très à gauche. Elle vient d’un milieu très modeste tandis que lui est le fils d’un riche avocat. Mais une altercation avec un automobiliste violent sur une petite route tourne au drame et va sceller leur destin… De grandes espérances est un film français coécrit et réalisé par Sylvain Desclous. Le film n’a aucun lien avec le roman de Charles Dickens dont le réalisateur s’est, sans vergogne, approprié le titre. Il s’agit d’un thriller sur la réussite personnelle dans le domaine de la politique et sur la confrontation de l’idéalisme avec la réalité. Après une belle mise en place, la tension se maintient tout au long du récit. L’interprétation est de bonne facture. Si le film est convaincant dans sa forme, il y aurait beaucoup à redire sur le fond. Le réalisateur justifie le manque d’éthique de ses deux jeunes personnages principaux et leur individualisme en déclarant : « Je considère qu’en matière politique, la justesse d’une cause justifie les moyens mis en œuvre pour que celle-ci triomphe ». Brrr… Elle: Lui :
Après une carrière de prêteur sur gages, Chili Palmer (John Travolta) s’est reconverti en producteur de cinéma, très influent à Hollywood. Mais, un peu lassé, il veut désormais percer dans un autre milieu : l’industrie musicale. L’assassinat de son meilleur ami, Tommy, le pousse à reprendre l’affaire de ce dernier et s’allie à sa veuve Edie (Uma Thurman)… Be Cool est une comédie américaine réalisée par F. Gary Gray. Adapté du roman du même nom d’Elmore Leonard, il fait suite au film Get Shorty réalisé par Barry Sonnenfeld en 1995. John Travolta reprend son rôle de Chili Palmer. Il s’agit d’une comédie déjantée qui nous montre un Los Angeles peuplé de gangsters farfelus. Rien n’est sérieux et tout est prétexte à des dialogues pleins d’humour. Le personnage principal est très réussi car il montre un flegme et une tranquille assurance dans les situations les plus périlleuses. Duo Thurman-Travolta oblige, le film fait plusieurs clins d’œil à Pulp Fiction. Avec son beau plateau d’acteurs et son excellente musique, l’ensemble est savoureux. Personnellement j’aime beaucoup l’humour de ce film mais cela ne semble pas être le cas général. Elle: – Lui :
Deux hommes volent occasionnellement des bébés abandonnés par leurs parents dans la boîte à bébé de l’église pour les revendre sur le marché noir de l’adoption. Mais, cette fois, la jeune mère revient. Elle les découvre et décide de se joindre à eux pour interviewer les nouveaux parents et toucher sa part… Les Bonnes Étoiles (le sens du titre original est « courtier ») est un film sud-coréen écrit, réalisé et monté par Hirokazu Kore-eda. Le cinéaste japonais a tourné pour la première fois en Corée du Sud, dans une langue qui lui est inconnue. Une fois passée l’étonnement face à l’existence de ces « boites à bébés » (1), nous pensons avoir affaire à une dénonciation des trafics d’enfants. Il n’en est rien. Le sujet traité par Kore-eda est (une fois de plus) la famille, plus exactement la façon dont une famille peut se former dans des circonstances à priori antagonistes. Il traite ainsi de la parentalité, des diverses formes qu’elle peut prendre, souhaitée, réelle ou fantasmée. La démarche du cinéaste est audacieuse car nous avons du mal au départ à trouver ces trafiquants d’enfants sympathiques mais il sait aller en profondeur. Et son film est finalement assez touchant (peut-être juste un peu trop long). Elle: Lui :
(1) On trouve ces « boites à bébés » au Japon et, plus encore, en Corée, dixit le dossier de presse. A noter qu’il en existe aussi en Europe (Allemagne, Belgique mais pas en France) et même aux Etats-Unis. Dans tous les cas, leur présence est liée à des institutions catholiques.
Éric Caravaca part à la recherche de sa sœur Christine morte à l’âge de trois ans, bien avant qu’il ne naisse, et dont il n’a appris l’existence que tardivement. Il ne reste aucune trace de la vie de Christine, pas même une photo. Tout juste sait-on qu’elle repose dans le carré 35 du cimetière français de Casablanca… Carré 35 est un long métrage documentaire français réalisé par Éric Caravaca. Il nous plonge dans l’histoire intime de sa famille, il nous fait suivre l’enquête qu’il a menée pour lever le voile sur un lourd secret. Il part de maigres éléments, utilisant des documents officiels pour retracer un parcours, interrogeant ses parents qui lui cachent une partie de la vérité. Le récit est troublant et émouvant, avec une mise en scène pleine de retenue qui donne une grande authenticité à l’ensemble. Ceci dit, on peut s’interroger sur le désir de rendre public ce qui relève d’une sphère très privée. Le but est évidemment de montrer que déni de la réalité n’est jamais effacement, mais il parait bien délicat de juger l’attitude des parents. Et le simple fait de rendre public est en soi un jugement, un jugement dur et sévère. La mère d’Éric Caravaca a refusé de voir ce film et je la comprends aisément. Mon opinion ne semble pas majoritaire toutefois car le film a été bien accueilli. Elle: – Lui :