3 juillet 2023

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965) de Wojciech Has

Titre original : « Rekopis znaleziony w Saragossie »

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Au début du XIXe siècle, en Espagne, pendant les guerres napoléoniennes, un officier français et un partisan espagnol réfugiés dans une auberge découvrent un vieux manuscrit qui, curieusement, relate l’histoire d’Alfonse van Worden, capitaine de la garde wallonne et grand-père de l’officier. Le récit commence alors qu’Alfonse cherchait un raccourci pour traverser une redoutable montagne : la Sierra Morena…
Le Manuscrit trouvé à Saragosse est un film polonais de 182 minutes réalisé par Wojciech Has. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Jan Potocki (1761-1815), aristocrate, savant et écrivain polonais. Ce roman, considéré comme une œuvre majeure de la littérature française (car Jan Potocki l’a écrit en français), était réputé inadaptable du fait de sa construction en roman à tiroirs. Il y a en effet plusieurs histoires imbriquées les unes dans les autres (un personnage raconte son histoire dans laquelle un autre personnage raconte une autre histoire) et l’on peut compter jusqu’à cinq niveaux de flashbacks. C’est un conte philosophique et fantastique, surréaliste, libertin, parfois horrifique. On y retrouve aussi le mythe du Juif errant. Le voyage du jeune capitaine prend la forme d’une épreuve initiatique. Le récit est particulièrement riche, surtout dans sa seconde moitié. Il aborde de nombreux thèmes : le Bien et le Mal, le désir, les fantasmes, les croyances. Wojciech Has l’a mis en scène de façon magnifique, avec une belle photographie et de subtils mouvements de caméra. Très original et puissant. L’ensemble évoque l’univers des films de Luis Buñuel qui d’ailleurs adorait le film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Zbigniew Cybulski, Iga Cembrzynska, Elzbieta Czyzewska, Gustaw Holoubek, Beata Tyszkiewicz
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

Voir les autres films de Wojciech Has chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Wojciech Has

Remarques :
* Le film donne envie de lire le roman qui n’a été découvert en France que tardivement. Il a fallu attendre 1958 pour une première publication en français (un quart environ du roman) et 1989 pour une version complète. Sa traduction polonaise fut publiée dans une version complète dès 1847.

* Jerry Garcia (Grateful Dead) avait adoré ce film à sa sortie. Il a commencé à financer sa restauration dans les années quatre-vingt dix en finançant l’achat de la seule copie sous-titrée connue au monde. Hélas, celle-ci s’est révélée être incomplète.  Martin Scorsese a poursuivi après sa mort, en rachetant la version personnelle de Wojciech Has pour la restaurer.

* A sa sortie, le film de 182 minutes fut réduit à 147 minutes aux Etats-Unis et à 127 minutes au Royaume-Uni.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Iga Cembrzynska, Zbigniew Cybulski et Joanna Jedryka dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Zbigniew Cybulski et Krzysztof Litwin dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Zbigniew Cybulski  dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Beata Tyszkiewicz dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie)Beata Tyszkiewicz et Krzysztof Litwin dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Rekopis znaleziony w Saragossie) de Wojciech Has.

22 juin 2023

Un drôle de paroissien (1963) de Jean-Pierre Mocky

Un drôle de paroissienGeorges Lachaunaye appartient à une vieille famille aristocratique désargentée pour laquelle il n’est pas imaginable d’exercer un travail. Il faut cependant bien se nourrir. Fervent croyant, il se rend dans une église pour adresser une supplique au Seigneur. Il croit voir une réponse dans le geste d’une paroissienne qui met une pièce dans un tronc au même moment. Il va dès lors utiliser différents stratagèmes pour piller les troncs des églises parisiennes…
Un drôle de paroissien est un film français réalisé par Jean-Pierre Mocky, adaptation du roman Deo gratias de Michel Servin. Il s’agit d’une comédie assez farfelue avec une belle prestation de Bourvil, la première collaboration de l’acteur avec Jean-Pierre Mocky. Son personnage, naïf et persuadé de suivre une mission divine, est poursuivi par une brigade de police spécialisée, une véritable bande de pieds nickelés, menée par Francis Blanche. Tout le côté irrévérencieux de l’histoire est un peu émoussé aujourd’hui mais l’ensemble reste très amusant et plein de fraicheur. Le film connut un très grand succès à sa sortie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Bourvil, Francis Blanche, Jean Poiret, Jean Tissier
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean-Pierre Mocky sur le site IMDB.

Voir les autres films de Jean-Pierre Mocky chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Jean-Pierre Mocky

Un drôle de paroissienFrancis Blanche et Bourvil dans Un drôle de paroissien de Jean-Pierre Mocky.

Remarques :
* La scène du rêve est en couleurs alors que le reste du film est en noir et blanc. Jean-Pierre Mocky a expliqué que cette scène fut tournée après coup et ajoutée pour allonger le film de 1 h 19 à 1 h 23, afin de s’approcher du format minimum de 1 h 30 demandé par les exploitants de salles de l’époque.
* Jean-Pierre Mocky fait une courte apparition : c’est le clochard au landau.

19 juin 2023

Comanche Station (1960) de Budd Boetticher

Titre français (Belgique) : La prisonnière des comanches

Comanche StationJefferson Cody se rend chez les Indiens pour leur racheter une femme blanche qu’ils gardent captive. Celle-ci lui apprend se nommer Nancy Lowe. Sur le chemin du retour, ils sont rejoints par Ben Lane et ses deux hommes de main qui apprend à Mrs Lowe que son mari a promis 5 000 $ à quiconque la ramènerait chez lui. Bien que Jeff affirme ne pas avoir connaissance de cette récompense, elle n’en croit pas un mot et perd la gratitude qu’elle avait pour son sauveur…
Comanche Station est un film américain écrit par Burt Kennedy (futur réalisateur de westerns) et réalisé par Budd Boetticher. Il s’agit d’un western assez court (1h10), très simple dans son déroulement et son récit. S’il est simple, il est néanmoins très bien fait avec une belle utilisation des lieux (filmé dans les Alabama Hills en Californie) et seulement cinq personnages. Une tension s’installe rapidement et ne faiblit à aucun moment par la suite. Comme à son habitude, Randolph Scott manque de subtilité dans son jeu et sa prestation repose grandement sur son charisme. Comanche Station est un beau western. Budd Boetticher montre une fois de plus son grand savoir-faire.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Randolph Scott, Nancy Gates, Claude Akins, Skip Homeier, Richard Rust
Voir la fiche du film et la filmographie de Budd Boetticher sur le site IMDB.

Voir les autres films de Budd Boetticher chroniqués sur ce blog…

Comanche StationNancy Gates, Randolph Scott et Claude Akins dans Comanche Station de Budd Boetticher.

15 juin 2023

La Poupée (1968) de Wojciech Has

Titre original : « Lalka »

La Poupée (Lalka)Pologne, dans les années 1870. Ancien commis de brasserie en proie à de régulières humiliations, Stanislaw Wokulski finit par devenir un riche homme d’affaires. Toutefois, il demeure sensible aux inégalités sociales, aide des personnes dans la misère et rêve de réunification de son pays démantelé. Il est aussi très épris d’une de la fille d’un aristocrate ruiné, Izabella Lecka, et son désir le plus ardent est de l’épouser…
La Poupée est un film polonais réalisé par Wojciech Has. Il s’agit de l’adaptation du roman homonyme de Bolesław Prus, publié sous forme de feuilleton entre 1887 et 1889. Wojciech Has est un réalisateur peu connu en France (1) et le film était inédit en France jusqu’à sa sortie en DVD en 2008 et en salles fin 2022. Ce fut pour moi une grande surprise de le découvrir car c’est un petit chef d’œuvre. L’histoire évoque les romans de Balzac avec des sentiments exacerbés par l’attrait de la richesse et une noblesse désargentée qui a conservé un fort sentiment de supériorité. Certaines allusions ou allégories nous échappent certainement, à moins de connaître parfaitement l’histoire de la Pologne du XIXe siècle (2) mais cela n’empêche en rien d’apprécier le film. La mise en scène de Wojciech Has est magistrale, avec un contraste très fort entre les décors surchargés et colorés de la noblesse et la misère monochromatique des rues où émergent quelques personnages formant des ilots de couleurs. Certaines scènes prennent une teinte irréelle, le cinéaste tentant de jeter une passerelle entre rêve et réalité. La photographie est belle et très travaillée. Superbe musique de Wojciech Kilar (3). D’une durée de 160 minutes, La Poupée est un grand film de créateur, doté d’une puissance peu commune.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Mariusz Dmochowski, Beata Tyszkiewicz, Tadeusz Fijewski, Wieslaw Golas, Kalina Jedrusik, Jan Koecher
Voir la fiche du film et la filmographie de Wojciech Has sur le site IMDB.

Voir les autres films de Wojciech Has chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Wojciech Has

Remarque :
* L’actrice Beata Tyszkiewicz est elle-même descendante d’une famille de l’aristocratie polonaise. Au moment du tournage, elle était mariée avec le réalisateur Andrzej Wajda avec lequel elle a eu une fille.

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

(1) Wojciech Has (1925-2000) a signé une quinzaine de longs métrages entre 1957 et 1988, parmi lesquels Le Manuscrit trouvé à Saragosse (1965), La Poupée (1968), La Clepsydre (1973) et Les Tribulations de Balthazar Kober (1988).

(2) La Pologne XIXe siècle : Divisée entre les empires russe, allemand et austro-hongrois, la République des Deux Nations a cessé d’exister. Bien que la république ait disparu de la carte, des générations successives réclament sa reconstruction et bataillent contre les oppresseurs. Le XIXe siècle présente ainsi un enchaînement de soulèvements polonais : l’insurrection de Kościuszko de 1794, la participation aux guerres de Napoléon, l’insurrection de novembre de 1830, le soulèvement de Cracovie de 1846, et l’insurrection de Grande-Pologne de 1848, avec leurs lourds tributs en vies humaines. La guerre dont il est question dans le film (et pendant laquelle Wokulski a, dit-on, fait fortune) est celle déclarée par le général russe Karl Lambert fin 1861 qui se terminera par l’Insurrection de janvier 1863 contre l’Empire russe. Cette insurrection sera défaite et fortement réprimée par les russes qui accentueront leur emprise sur cette partie de la future Pologne. (Source Wikipédia

(3) Wojciech Kilar est un grand compositeur polonais de musique de films et de musique classique. IMDB le crédite de 168 films. Il sera Césarisé pour la musique du film Le Pianiste (2002) de Roman Polanski (César 2002 de la meilleure musique écrite pour un film).

La Poupée (Lalka)Mariusz Dmochowski et Beata Tyszkiewicz dans La Poupée (Lalka) de Wojciech Has.

Homonyme :
La Poupée de Ernst Lubitsch (1919)

27 mai 2023

Erotissimo (1969) de Gérard Pirès

ErotissimoLa riche épouse d’un PDG apprend dans un magazine que la femme moderne doit être « érotique ». Elle décide donc de devenir comme toutes ces filles que l’on voit sur les affiches. Son mari ne remarque pas le changement car il est trop préoccupé par un contrôle fiscal…
Erotissimo est un film français coécrit et réalisé par Gérard Pirès, qui signe là son premier long métrage à l’âge de 26 ans. Tourné juste après Mai 68, il s’agit d’une satire de la société de consommation et surtout de la publicité et de la presse féminine qui, sous prétexte de libérer la femme, vantait à l’époque l’image d’une femme érotisée. L’ensemble est joyeux et assez farfelu avec des bonnes trouvailles (et des moins bonnes). Très marqué fin des années soixante, le film offre une vision de cette époque qui voyait la publicité exploser. Annie Girardot fait une belle prestation. La musique est de Michel Polnareff et William Sheller. Le film eut un grand succès en France à sa sortie, ce fut le succès de l’été 1969.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Annie Girardot, Jean Yanne, Francis Blanche, Dominique Maurin, Venantino Venantini, Jacques Higelin, Rufus
Voir la fiche du film et la filmographie de Gérard Pirès sur le site IMDB.

Voir les autres films de Gérard Pirès chroniqués sur ce blog…

Remarque :
* De nombreuses têtes connues (à l’époque) font une courte apparition, notamment :
Serge Gainsbourg (qui composera dans la foulée sa chanson « 69 année érotique »), Jacques Martin, Anne-Marie Peysson, Maurice Seveno, Pierre Grimblat, Jacques Balutin, Fabrice Bessy, Patrick Topaloff, Robert Benayoun, Claude de Givray, Henry Chapier, Roland Darbois, François Reichenbach, Daniel Prévost…
* Le scénario est principalement l’oeuvre de Nicole de Buron, auteur du scénario de la série télévisée Les Saintes Chéries (adaptation de deux de ses romans).
* Le film contient un film dans le film, une salle projetant un film suédois fictif intitulé Nymphomania, ma soeur. Par son thème (l’inceste) et sa nationalité, il fait référence au film Ma sœur, mon amour réalisé par Vilgot Sjöman en 1966, avec Bibi Andersson. (Merci Wikipedia)

ErotissimoAnnie Girardot dans Erotissimo de Gérard Pirès.

ErotissimoAnnie Girardot et Jean Yanne dans Erotissimo de Gérard Pirès.

24 avril 2023

Les Damnés (1969) de Luchino Visconti

Titre original : « La caduta degli dei »

Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-)Allemagne, 1933. Au sein de la puissante famille d’industriels von Essenbeck, l’arrivée au pouvoir du national-socialisme engendre une lutte qui précipitera sa désintégration…
Les Damnés est un film italien réalisé par Luchino Visconti. C’est le premier film d’une trilogie allemande, avant les futurs Mort à Venise (1971) et Ludwig (1972). L’histoire s’inspire de celle de la famille Krupp et de son implication dans le nazisme. Selon ses propres paroles, Visconti a « voulu créer un Macbeth moderne » et s’inspire de Wagner pour hisser ses personnages en demi-dieux païens dominés par l’argent. Il met en relief la perversité de la montée du fascisme et sa façon d’attiser les luttes internes pour mieux détruire. En outre, le réalisateur instille un sentiment de dépravation. Sa reconstitution très brutale de La Nuit des longs couteaux est la scène la plus célèbre du film, une scène qui a suscité des polémiques sur son esthétisation, jugée malsaine. Car si Les Damnés est un puissant drame shakespearien doté d’une grande signification politique, c’est aussi un film d’une grande perfection esthétique dont la mise en scène est totalement orchestrée. L’utilisation de la lumière et des couleurs est remarquable. L’interprétation est parfaite. Le film a révélé l’acteur autrichien Helmut Berger, que Visconti avait pris sous son aile. Les Damnés  est un film remarquable, un de ces films qui restent durablement dans nos mémoires.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Ingrid Thulin, Helmut Griem, Helmut Berger, Umberto Orsini, Reinhard Kolldehoff, Albrecht Schoenhals, Charlotte Rampling
Voir la fiche du film et la filmographie de Luchino Visconti sur le site IMDB.

Voir les autres films de Luchino Visconti chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Luchino Visconti

Remarque :
• Le titre italien, La caduta degli dei (= La Chute des dieux), fait référence à l’opéra de Richard Wagner Le Crépuscule des dieux ; le sous-titre Götterdämmerung  est d’ailleurs utilisé en complément du titre italien original. Les producteurs ont refusé la référence wagnérienne pour les titres à l’international (y compris en Allemagne), tout comme ils ont refusé que Visconti utilise la musique de Wagner.
• Outre Macbeth, Visconti cite Richard III comme influence shakespearienne. Selon Helmut Berger, Visconti avait l’intention de réaliser « une transposition moderne des Buddenbrook » (le livre de Thomas Mann paru en 1901). Par ailleurs, la scène avec la petite fille juive évoque un passage de Les Démons de Dostoïevski.
• Pour un récit plus historique de la Nuit des longs couteaux, lire la page Wikipédia

Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-)Herlmut Berger, Dirk Bogarde et Ingrid Thulin
dans Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-) de Luchino Visconti.

15 avril 2023

El Perdido (1961) de Robert Aldrich

Titre original : « The Last Sunset »

El Perdido (The Last Sunset)Coupable de meurtre, Brendan O’Malley franchit la frontière mexicaine poursuivi par le shérif Dana Stribling. Il décide de rendre visite à une femme qu’il a aimée il y a seize ans, Belle. Son mari cherche des hommes pour conduire un troupeau jusqu’au Texas. O’Malley accepte…
El Perdido (The Last Sunset) est un western américain réalisé par Robert Aldrich, adapté du roman d’Howard Rigsby, Sundown at Crazy Horse, par Donald Trumbo. Ce dernier était toutefois trop accaparé par l’écriture d’Exodus pour Otto Preminger pour s’investir pleinement dans sa tâche. Pourtant, et malgré les mésententes de Robert Aldrich avec Kirk Douglas qui était également producteur (1), le résultat est remarquable. Cette confrontation entre deux hommes est un subtil mélange d’attraction et de répulsion et leurs rapports avec les deux femmes sont bien plus complexes qu’attendu (sans parler de la surprenante révélation qui mène à un final inattendu). Le film comporte certaines scènes d’action assez éblouissantes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, Kirk Douglas, Dorothy Malone, Joseph Cotten, Carol Lynley, Neville Brand, Regis Toomey
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Aldrich sur le site IMDB.

Voir les autres films de Robert Aldrich chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Robert Aldrich

Remarque :
Les couleurs sont assez étranges, avec une prédominance des bruns et marrons clairs qui sied assez bien à l’histoire. Dans son livre sur Robert Aldrich (publié en 1985), Jean-Pierre Piton précise que seuls des contretypes du film ont circulé en France, donnant des différences de couleurs parfois dans la même scène. Est-ce pour cette raison ? J’en doute car le film a été restauré depuis cette date.

(1) Robert Aldrich a eu cette phrase à propos de Kirk Douglas : « Vous ne pouvez faire travailler un acteur qui est votre patron. » (entretiens Cahiers du Cinéma N°150-151)

El Perdido (The Last Sunset)Kirk Douglas et Dorothy Malone dans El Perdido (The Last Sunset) de Robert Aldrich.

El Perdido (The Last Sunset)Kirk Douglas et Rock Hudson dans El Perdido (The Last Sunset) de Robert Aldrich.

7 avril 2023

Sauve qui peut (1965) de John Boorman

Titre original : « Catch Us If You Can »
Titre U.S.A. : « Having a Wild Weekend »

Sauve qui peut (Catch Us If You Can)Dinah est une mannequin célèbre qui doit tourner une publicité télévisée pour de la viande à Londres. Peu motivée, elle décide de s’échapper avec Steve, un cascadeur. Ils s’enfuient alors à bord d’une Jaguar de la production. Le publicitaire fait passer cela pour un enlèvement et ils sont poursuivis dans toute l’Angleterre par ses hommes et la police…
Sauve qui peut (Catch Us If You Can) est un film britannique réalisé par John Boorman, son premier long métrage. Après le succès phénoménal de A Hard Day’s Night (1964) de Richard Lester avec les Beatles, il était tentant d’exploiter la veine avec un autre groupe. Et après les Beatles, le groupe le plus populaire du moment était le Dave Clark Five (et oui, ce n’était pas les Rolling Stones) qui venait de se hisser en numéro un des charts anglais avec Glad All Over et faisait un ravage aux Etats Unis. Le format du film est différent du film des Beatles : le groupe n’apparaît pas en tant que groupe musical, ce sont une équipe de cascadeurs et, en fait, seul Dave Clark (leader et batteur de Dave Clark Five) a un rôle important. En revanche, on retrouve le même esprit d’insouciance, d’anticonformisme et d’aspiration à une liberté. Même s’il apparaît moins brillant aujourd’hui, le film traduit pleinement l’esprit de son époque. A noter que Dave Clark ne joue pas très bien en tant qu’acteur (mais, après tout, ce n’est pas ce qu’on lui demande), il exprime peu et se contente d’être du genre ténébreux tout au long de l’histoire. Le film connut un grand succès et ouvrit les portes d’Hollywood à John Boorman.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dave Clark, Barbara Ferris
Voir la fiche du film et la filmographie de John Boorman sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Boorman chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur John Boorman

Sauve qui peut (Catch Us If You Can)Dave Clark et Barbara Ferris dans Sauve qui peut (Catch Us If You Can) de John Boorman.

Sauve qui peut (Catch Us If You Can)The Dave Clark Five et Barbara Ferris dans Sauve qui peut (Catch Us If You Can) de John Boorman.

19 mars 2023

Mouchette (1967) de Robert Bresson

MouchetteMouchette est une adolescente taciturne ; son père est un contrebandier alcoolique et sa mère est gravement malade. Un soir d’orage, alors qu’elle rentre de l’école, elle s’égare dans la forêt et accepte l’hospitalité d’un braconnier, Monsieur Arsène, le premier habitant du village à lui témoigner un peu de compassion…
Mouchette est un film français de Robert Bresson, sorti en 1967, adapté du roman de Georges Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette paru en 1937 (1). L’histoire est transposée à l’époque contemporaine. Le film dresse le portrait d’une adolescente qui, en quête d’un peu d’amour qui lui permettrait d’échapper à une pesante solitude et à la misère, va découvrir les vices des hommes. Comme toujours, Bresson fait jouer des comédiens non professionnels et sa mise en scène est réduite à l’essentiel, assez austère mais donnant au propos une indéniable puissance. Il atteint ainsi un rare niveau de réalisme.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nadine Nortier, Jean-Claude Guilbert, Marie Cardinal
Voir la fiche du film et la filmographie de Robert Bresson sur le site IMDB.

Voir les autres films de Robert Bresson chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Robert Bresson

(1) Robert Bresson avait déjà adapté un autre roman de Georges Bernanos : Journal d’un curé de campagne, en 1951.

MouchettePaul Hébert et Nadine Nortier dans Mouchette de Robert Bresson.

21 février 2023

Le Train (1964) de John Frankenheimer

Titre original : « The Train »

Le Train (The Train)En août 1944, un colonel allemand, grand amateur d’art, fait évacuer pour les envoyer en Allemagne des tableaux de maîtres de la galerie nationale du Jeu de paume et des œuvres dites « dégénérées » issues de spoliations en France. Des cheminots de la Résistance vont tout faire pour que le train de marchandises qui les transporte n’arrive pas à destination…
Le Train est un film américain de John Frankenheimer. Le scénario, signé Franklin Coen et Frank Davis, s’inspire d’un épisode réel de la Seconde Guerre mondiale, le déraillement en France du train dit « d’Aulnay » en août 1944 (1), et relie cet évènement au pillage organisé des œuvres d’art. Hormis le premier rôle tenu par Burt Lancaster, tous les personnages français sont joués par acteurs français (doublés en anglais). Destiné, nous dit-on en exergue, à mettre en valeur l’héroïsme des cheminots de la Résistance, le film n’a pas la force qu’il devrait avoir. L’ensemble paraît en effet un peu artificiel, il manque d’authenticité mais les scènes d’action et de suspense sont réussies.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Burt Lancaster, Paul Scofield, Jeanne Moreau, Suzanne Flon, Michel Simon, Wolfgang Preiss, Albert Rémy, Charles Millot
Voir la fiche du film et la filmographie de John Frankenheimer sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Frankenheimer chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur John Frankenheimer

Remarques :
• Bernard Farrel est crédité comme coréalisateur sur les copies (et les affiches) françaises. Exigé par la législation fiscale française, il n’était pas autorisé à mettre les pieds sur le plateau et son nom est totalement absent des copies américaines.
• Dans la VO, tous les personnages parlent anglais (même les allemands entre eux). La version doublée en français n’a pas ce défaut. Il n’est pas donc impossible que la V.F. paraisse plus authentique.
• Lors d’une journée de repos, Burt Lancaster se blessa à la jambe en jouant au golf. Afin qu’il puisse tourner les scènes restantes en claudiquant, il fut décidé de rajouter une scène où son personnage reçoit une balle dans la jambe !

(1) Le « train d’Aulnay » est un fait réel, mais il transportait principalement des meubles.
(2) Le Train est basé sur le livre, paru en 1961, Le front de l’art de Rose Valland, historienne de l’art au Musée du Jeu de Paume, qui raconte avec détails comment les œuvres d’art, qui avaient été pillées par les Allemands dans les musées et les collections privées dans toute la France, y furent triées pour être expédiés en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Train (The Train)Albert Rémy, Charles Millot et Burt Lancaster dans Le Train (The Train) de John Frankenheimer.

Homonyme :
Le Train de Pierre Granier-Deferre (1973) avec Jean-Louis Trintignant et Romy Schneider