14 décembre 2015

La Grande Ville (1963) de Satyajit Ray

Titre original : « Mahanagar »

La Grande villeSubrata est employé de banque. Son salaire ne lui permet que difficilement de faire vivre sa famille, d’autant qu’il a ses parents âgés à charge. Lorsque sa jeune femme Arati émet l’idée de travailler, il finit par donner son accord tout en sachant que son père, très traditionnel dans ses idées, ne pourra l’accepter… La Grande Ville est le dixième long métrage de Satyajit Ray et le premier à se situer à l’époque contemporaine. Il porte un regard sur la société indienne en pleine évolution de moeurs en se concentrant sur les relations à l’intérieur de la famille. Car c’est dans la famille elle-même que cette femme qui désire travailler trouve l’opposition la plus vive et le fait qu’elle le fasse dans l’intérêt de tous n’atténue nullement la « faute » à leurs yeux. L’art de Satyajit Ray est de mêler cette peinture sociale assez militante à une histoire dotée de rebondissements et même d’un certain suspense. Cet ensemble parfait nous place en empathie totale avec cette femme qui est superbement interprété par Madhabi Mukherjee. Belle, intelligente et déterminée, le cinéaste en fait une héroïne idéale pour que le spectateur soit conquis. La Grande Ville est un film au propos fort et porteur d’espoir.
Elle: 5 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anil Chatterjee, Madhabi Mukherjee
Voir la fiche du film et la filmographie de Satyajit Ray sur le site IMDB.

Voir les autres films de Satyajit Ray chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Satyajit Ray

La Grande Ville
Madhabi Mukherjee dans La Grande ville de Satyajit Ray.

4 novembre 2015

Le Héros (1966) de Satyajit Ray

Titre original : « Nayak »

Le HérosAu sommet de la gloire, un acteur bengali doit se rendre à Delhi pour y recevoir un prix. Dans le train, il fait plusieurs rencontres qui l’amènent à s’interroger sur sa vie… Ecrit et réalisé par Satyajit Ray, Le Héros démarre par un tableau assez idyllique de cet acteur sûr de lui et de son succès. Cette assurance va se fissurer au cours du voyage grâce à la présence d’une jeune femme qui affiche un apparent désintérêt pour son personnage public. Des flashbacks et des scènes de rêves viennent se mêler à celles du voyage pour former un ensemble riche, d’une belle profondeur. Satyajit Ray n’affirme pas que les choix que cet acteur a fait dans sa vie sont mauvais mais il nous laisse entrevoir qu’ils ne sont pas forcément les bons. Ray utilise les personnages secondaires pour élargir le propos et brosser un portrait de la société indienne : un vieux passéiste, un homme d’affaires moderne, un arriviste prêt à jeter sa femme dans les bras d’un client potentiel, et d’autres. Le Héros est un film très fluide, une réussite de plus dans la filmographie de ce passionnant réalisateur indien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Uttam Kumar, Sharmila Tagore
Voir la fiche du film et la filmographie de Satyajit Ray sur le site IMDB.

Voir les autres films de Satyajit Ray chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Satyajit Ray

Le Héros
Sharmila Tagore et Uttam Kumar dans Le Héros de Satyajit Ray.

Remarques :
* A la simple lecture du synopsis, on ne peut que penser aux Fraises sauvages de Bergman. Si l’on ajoute qu’il y a des séquences de rêves, la ressemblance n’en paraît que plus forte. Satyajit Ray a toutefois affirmé que la ressemblance était accidentelle et qu’il avait vu Les Fraises sauvages après avoir fait Le Héros (Entretien avec Henri Micciollo, Satyajit Ray, Editions L’Âge d’Homme, 1981, page 298).

* Uttam Kumar qui interprète l’acteur était lui-même un acteur très populaire (il était alors âgé de 40 ans). Il a tourné dans plus de 200 films entre 1948 et 1987.

19 octobre 2015

Charulata (1964) de Satyajit Ray

CharulataA Calcutta, en 1879, la jeune Charulata s’ennuie dans sa belle et grande maison. Son mari, tout occupé à publier un hebdomadaire politique, ne s’occupe guère d’elle. Il profite même du séjour de son cousin, jeune et enjoué qui se destine à la littérature, pour lui demander de pousser son épouse à reprendre la plume… Adapté d’un roman de Rabindranath Tagore, Charulata est un drame sentimental se déroulant presqu’en huis clos. C’est un film très harmonieux, d’une très grande délicatesse, où nous avons l’impression d’effleurer les personnages. La mise en scène de Satyajit Ray est proche de la perfection que ce soit dans ses placements ou mouvements de caméra, ses nombreux gros plans. Il en découle une sensation de grande fluidité (1) et même, pourrait-on ajouter, de musicalité. Les premières minutes du film sont souvent citées comme l’une des plus remarquables ouvertures de film : il n’y a pratiquement pas une parole et pourtant, dans cette mise en place du personnage principal, tout est dit. Le récit se situe à une période charnière de l’histoire de l’Inde et Ray nous fait sentir en arrière-plan le bouillonnement et les aspirations au renouveau, un certain idéalisme qui rend le personnage du mari d’autant plus maladroit dans les relations avec ses proches. Charulata est un très beau film, probablement la meilleure introduction au cinéma si attirant de Satyajit Ray.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Soumitra Chatterjee, Madhabi Mukherjee, Shailen Mukherjee
Voir la fiche du film et la filmographie de Satyajit Ray sur le site IMDB.

Voir les autres films de Satyajit Ray chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Satyajit Ray

Remarques :
* La nouvelle Nastanirh (Le nid brisé) de l’écrivain bengali Rabindranath Tagore a été publiée en 1901.
* La scène de la balançoire est certainement un hommage à Jean Renoir (Partie de campagne).

 

Charulata
Madhabi Mukherjee dans Charulata de Satyajit Ray
.

Charulata
Madhabi Mukherjee et Soumitra Chatterjee dans Charulata de Satyajit Ray
.

 

(1) Seuls les zooms ne semblent pas très heureux et se remarquent beaucoup trop mais il faut préciser, à la décharge de Satyajit Ray, que l’effet de zoom était une « maladie » répandue chez les réalisateurs dans les années 60 et le début des années 70. Heureusement, l’attrait pour le zoom s’est ensuite éteint…

30 mars 2014

Les Joueurs d’échecs (1977) de Satyajit Ray

Titre original : « Shatranj Ke Khilari »

Les joueurs d'échecsNous sommes en 1856, dans la province d’Awadh au nord de l’Inde. Alors qu’ils avaient signé un traité d’amitié très avantageux pour eux, les anglais désirent reprendre le contrôle total de la région et prennent le prétexte d’une prétendue mauvaise gestion pour forcer le souverain à se démettre. Pendant ce temps, deux aristocrates oisifs passent leurs journées à jouer aux échecs… Les Joueurs d’échecs est basé sur des faits historiques. C’est le seul film de Satyajit Ray en langue hindi (et non bengali) et qui soit situé dans une ville musulmane alors que le cinéaste est hindouiste. Le film met en parallèle deux histoires : l’une est plutôt grave et historique, elle montre comment l’Angleterre a fini de faire main basse sur l’Inde par la traitrise ; l’autre est plus légère, montrant comment deux bourgeois ne se soucient que de leur jeu préféré, insensibles à leur environnement, délaissant même leur femme. Ce parallèle surprenant a pu dérouter les spectateurs (le film fut un échec commercial). L’attitude de ces deux joueurs, sorte de combattants d’opérette (descendants pourtant de vrais combattants), symbolisent l’indifférence générale dans laquelle l’annexion de l’Inde par l’Angleterre s’est déroulée. Satyajit Ray soigne ses décors, les couleurs sont superbes, et ses personnages. De façon inhabituelle pour lui, il a réuni un plateau d’acteurs indiens très connus. Face à eux, Richard Attenborough interprète un général décidé à accomplir sa mission coûte que coûte, tout en contraste avec Tom Alter, son aide de camp, le seul anglais qui comprenne la civilisation indienne comme en témoigne les savoureux dialogues avec le général. Film assez subtil, aux changements de tons surprenants, Les Joueurs d’échecs est un beau film dans lequel il faut se laisser envelopper, l’un des meilleurs de ce grand cinéaste indien.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sanjeev Kumar, Saeed Jaffrey, Shabana Azmi, Victor Banerjee, Richard Attenborough
Voir la fiche du film et la filmographie de Satyajit Ray sur le site IMDB.

Voir les autres films de Satyajit Ray chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Satyajit Ray

25 novembre 2008

Le fleuve (1951) de Jean Renoir

Titre original : « The River »

Le fleuve Lui :
Jean Renoir a tourné Le Fleuve en anglais avec une production indienne, aucun studio américain n’ayant voulu financer le projet. Il s’agit de son premier film en couleurs. Et quelle couleur! Le directeur de la photographie, son neveu Claude Renoir et le décorateur Eugène Lourié jouèrent sur les demi-teintes de la végétation pour un résultat splendide, à la fois éclatant et tout en nuances. On pense inévitablement à l’influence du père de Jean, Auguste Renoir. Le Fleuve est un film d’occidental : Le Fleuve Jean Renoir ne connaît absolument pas l’Inde quand il découvre le roman de l’anglaise Rumer Godden sur l’éveil à l’amour d’une jeune fille dans une famille de colons britanniques. Renoir semble fasciné par ce pays et nous transmet cette attirance : détaillant précisément certaines coutumes, le film mêle documentaire et fiction si étroitement qu’ils semblent fusionner parfaitement. Au-delà de l’histoire sentimentale, le fond du propos est justement sur l’harmonie, chaque personne chaque objet faisant partie d’un tout pour parvenir à une certaine plénitude. Le récit est majestueux. Le Fleuve peut être vu comme un des beaux hymnes à la vie.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Thomas E. Breen, Patricia Walters, Radha, Adrienne Corri
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Renoir sur le site imdb.com.

Voir les autres films de Jean Renoir chroniqués sur ce blog…

Homonymes :
The River de Frank Borzage (1929), avec Charles Farrell
The River (La Rivière) de Mark Rydell (1984) avec Mel Gibson et Sissi Spacek.

13 novembre 2007

Water (2005) de Deepa Mehta

WaterElle :
Water a mis cinq ans avant de pouvoir être achevé car il dénonce l’existence en Inde de traditions révoltantes : des petites filles mariées à l’âge de sept ans qui, une fois devenues veuves, étaient bannies et devaient passer le restant de leurs jours dans un ashram. N’ayant reçu aucune éducation, ces femmes ne cherchent pas à remettre en cause leur sort injuste tandis que les brahmanes décrètent par loi qu’ils peuvent coucher avec qui ils veulent et que leurs maîtresses sont bénies des dieux. Deepa Mehta parvient à faire passer avec sensibilité et justesse ce message de révolte dans la réalité de l’Inde coloniale des années 1930 qui tente de marcher vers l’indépendance avec l’arrivée de Gandhi. Elle nous offre également une mise en scène d’une grande beauté. Elle fait un travail photographique splendide sur la lumière et la vie au bord du Gange. L’eau est présente tout au long du film. Le fleuve sert à baigner les morts, à se laver, à se purifier des péchés, à prier. Une fois immergé dans cette réalité très différente de la nôtre, on se laisse gagner par le message d’injustice, par l’émotion et la beauté des images et des personnages. On est bien loin de Bollywood qui nous semble si souvent masquer les véritables facettes de l’Inde en n’offrant que joie et sourires forcés. Seul petit bémol, la scène avec le discours de Gandhi n’est pas très convaincante car très mal amenée.
Note : 5 étoiles

Lui :
Water nous plonge en plein cœur de pratiques particulièrement choquantes qui avaient cours en Inde dans les années 30 et qui auraient encore des restes de nos jours. Qu’une petite fille de 7 ans se retrouve mariée à un homme de plus de 50 ans est déjà à peine imaginable mais qu’elle soit obligée de passer toute sa vie comme une paria de la société une fois devenue veuve est encore plus terrifiant. Les veuves vivent cloîtrées en petits groupes, sans ressources, la plus jolie étant obligée de se prostituer pour que les autres puissent manger. Cette pratique trouve sa justification dans les textes sacrés, écrits il y a plus de 2000 ans. Water a l’immense mérite d’étaler au grand jour ces usages épouvantables et la réalisatrice le fait d’une façon très authentique, réussissant une sorte de symbiose entre film indien et film occidental. La photographie est assez belle ce qui n’empêche pas le film d’être assez dur. On sent poindre le désir de révolte qui trouve écho dans le contexte politique mis ici en toile de fond avec la montée de Gandhi, ce qui n’empêche pas la réalisatrice de montrer les contradictions des personnes qui se disent progressistes.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Sarala, Lisa Ray, John Abraham
Voir la fiche du film et la filmographie de Deepa Mehta sur le site imdb.com.

Note : La réalisatrice a eu toutes les difficultés à réaliser ce film : menaces, plateau saccagé et brûlé, effigies de la réalisatrice brûlées quotidiennement à travers le pays. Après avoir protégé le tournage avec des hommes de troupe, le gouvernement indien a finalement du l’interdire. Il aura fallu un soutien international actif, avec notamment le réalisateur Georges Lucas, pour que le tournage puisse s’achever 5 ans après avoir commencé.

9 septembre 2007

La Coupe (1999) de Khyentse Norbu

Titre original : Phörpa

La CoupeElle :
Une façon originale de nous faire découvrir les tibétains et leurs traditions au travers de deux jeunes moines qui sont fascinés par la Coupe du Monde de football et qui cherchent à tout prix à faire partager leur enthousiasme à leurs collègues. Ce film plein d’humour et de drôlerie témoigne également de leur souffrance lors de leur long exil en Inde.
Note : 5 étoiles

Lui :
Les moines tibétains gagnés par la fièvre de la coupe du monde de football. C’est amusant mais, à mes yeux, cela reste assez superficiel tout de même.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Orgyen Tobgyal, Neten Chokling
Voir la fiche du film et la filmographie de Khyentse Norbu sur le site imdb.com.

1 mai 2007

Veer-Zaara (2004) de Yash Chopra

Veer-ZaaraElle :
(pas vu)

Lui :
Quand il tourne ce film, Yash Chopra a déjà plusieurs dizaines de films à son actif dont plusieurs ont connu un énorme succès en Inde. Il n’est donc pas étonnant qu’il fasse preuve de tant de maîtrise en mettant en scène cette histoire d’amour impossible entre le beau Veer et la belle Zaara : superbes travellings, magnifique utilisation de la couleur et chorégraphies complexes avec une forte dose de modernité. Si toutes les occasions sont bonnes pour chanter et danser, le réalisateur sait conserver une certaine gravité à cette histoire poignante et pathétique et parvient à créer l’émotion. L’histoire d’amour occupe bien entendu le premier plan mais les allusions à l’émancipation des femmes ou à la réunification Inde-Pakistan sont assez nombreuses et fortes. Avec ses grandes scènes contemplatives, Veer-Zaara reste un très beau spectacle, souvent un vrai délice pour les yeux. Dommage que ce soit si long : 3h10, une durée normale pour un film à Bollywood.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Shahrukh Khan, Preity Zinta
Voir la fiche du film et la filmographie de Yash Chopra sur le site imdb.com.

11 juin 2006

Hanuman (1998) de Fred Fougea

Hanuman Elle :
Film plutôt gentillet avec des personnages de bons et de méchants bien typés. Le scénario assez simple est davantage fait pour les enfants. Seuls les mimiques des adorables petits singes et quelques beaux paysages me maintiennent en éveil.
Note : 2 étoiles

Lui :
A mi-chemin entre le conte pour enfants et le documentaire animalier, ce film de Fred Fougea utilise habilement des scènes réelles de singes dans leur élément naturel pour les faire coller au scénario. L’histoire peut sembler un peu simplette : une histoire de trafic de statues hindoues et de petits singes, avec en toile de fond la légende d’Hanuman, le Dieu Singe. Cette légende existe vraiment : dans l’hindouisme, Hanumân est un héros du Râmâyana, une épopée écrite il y a 2000 ans environ. L’ensemble est gentil, plutôt destiné aux enfants, mais se laisse regarder. Les personnages sont typés, bien entendu, mais sans excès. Belles images de cette région de l’Inde et des scènes avec des petits singes mignons tout plein…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Robert Cavanah
Voir la fiche du film et la filmographie de Fred Fougea sur le site IMDB.

28 février 2006

Samsara (2001) de Nalin Pan

Samsara Elle :
Film époustouflant sur le plan visuel et musical. Magnifiques paysages de l’Inde, couleurs chatoyantes de tibétains sur fond de montagnes arides. Sur ce plan-là, Samsara est très réussi. Je n’en dirai pas autant du scénario que j’ai trouvé un peu trop simple. De plus, la lenteur des plans et la trop longue durée du film finissent par peser quelque peu et l’on finit par s’ennuyer ferme. Le film me fait penser à Himalaya qui avait un peu les mêmes défauts. C’est dommage.
Note : 1 étoile

Lui :
Les images sont plutôt belles mais il faudrait un scénario un peu plus étoffé. C’est terriblement lent et il a été bien difficile de rester éveillé.
Note : 1 étoile

Acteurs: Shawn Ku, Christy Chung
Voir la fiche du film et la filmographie de Nalin Pan sur le site IMDB.