5 avril 2012

Le corbeau (1943) de Henri-Georges Clouzot

Le corbeauDans une petite ville de province, une série de lettres anonymes est envoyée à plusieurs personnes par un mystérieux corbeau. Le médecin Rémy Germain est accusé d’avoir une liaison et de pratiquer des avortements. D’autres lettres suivent, accusant plusieurs notables de la ville… Tourné pendant l’Occupation pour la Continental, firme à capitaux allemands, Le corbeau est le deuxième film d’Henri-Georges Clouzot. Injustement contesté à sa sortie (1), le film est remarquablement bien construit, distillant un solide suspense permanent avec une indéniable richesse des personnages. Le fond du propos est d’inspirer une certaine prudence dans les jugements. La scène célèbre de l’ampoule électrique qui se balance devant les yeux du docteur symbolise bien ce propos (2). Le corbeau Le film est servi par une interprétation parfaite. Aux côtés de Pierre Fresnay et de Ginette Leclerc, tous les seconds rôles sont solidement tenus par des acteurs de talent, Pierre Larquey en tête. Le corbeau est un film quasi parfait qui mérite de figurer parmi les plus grands films français, toutes époques confondues.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Pierre Fresnay, Ginette Leclerc, Micheline Francey, Héléna Manson, Sylvie, Pierre Larquey, Noël Roquevert
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri-Georges Clouzot sur le site IMDB.
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Remarques :
Le corbeau est inspiré d’un fait divers des années vingt : les lettres anonymes de Tulle.

(1) Le corbeau fut vivement critiqué à sa sortie, aussi bien par le pouvoir en place à Vichy que par la presse clandestine de la Résistance. On reprochait à Henri-Georges Clouzot de dresser un portrait trop noir de la population française, où tout le monde avait quelque chose à se reprocher et où chacun médisait sur l’autre. La Continental avait fait placer une mention en début de film indiquant qu’il s’agissait d’un village comme il en existait beaucoup en France. Il avait là de quoi ternir l’image des français. A la Libération, le film fut interdit et Clouzot et le scénariste Louis Chavance furent frappés d’interdiction de travailler dans le cinéma à vie. Cette sentence aveugle fut heureusement annulée deux ans plus tard et le film fut peu à peu réhabilité et considéré à juste valeur.
Comme le fait remarquer Jacques Lourcelles, si l’intention des allemands était de dresser un portrait des français inspirant le mépris, le résultat fut tout autre, notamment dans les autres pays occupés : la qualité du film tranchait nettement avec le piètre niveau des films allemands et mettait donc en valeur une certaine qualité française. D’autre part, il semble que le film ne fut pas distribué en Allemagne.

(2) Vorzet dit à Rémy Germain : « Vous croyez que le bien c’est la lumière et l’ombre le mal… » Il fait osciller devant ses yeux la lampe qui pend du plafond. « Mais où est l’ombre ? La lumière ? » Nous voyons les deux visages passer sans arrêt de l’ombre à la lumière… Autrement dit, ce qui est ombre peut devenir lumière et inversement.

29 mars 2012

Crime d’amour (2010) de Alain Corneau

Crime d'amourDans les bureaux français d’une multinationale, Isabelle la plus jeune est la plus brillante des collaboratrices de Christine, une femme de pouvoir qu’elle admire. Mais les deux femmes ne vont pas tarder à s’opposer… Crime d’amour débute comme une observation des luttes de pouvoir dans une entreprise, rien de bien passionnant donc, mais, comme le titre le laisse supposer, tout bascule quand un crime est commis. A partir de ce moment, le film d’Alain Corneau devient bien plus intéressant car il est bien difficile de prévoir la suite des évènements. Pour son dernier film (1), Alain Corneau revisite donc le thème du crime parfait. Il le fait « à l’ancienne », son film montrant un lien de parenté plutôt avec les films de Hitchcock ou les films de suspenses psychologiques des années quarante qu’avec les films actuels. Crime d’amour ne répond pas donc aux canons actuels et c’est tout à son honneur. Est-ce pour cette raison que le film n’a pas fait l’unanimité? Peut-être…
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ludivine Sagnier, Kristin Scott Thomas, Patrick Mille, Guillaume Marquet, Gérald Laroche
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Remake :
Passion de Brian De Palma (2012) avec Rachel McAdams et Noomi Rapace.

(1) Alain Corneau est décédé quelques jours après la sortie du film, à l’âge de 67 ans.

21 août 2011

Shutter Island (2010) de Martin Scorsese

Shutter IslandEn 1954, un officier de police fédéral arrive sur l’île de Shutter Island proche de Boston, un asile psychiatrique pénitencier où sont enfermés de dangereux criminels. Il doit enquêter sur une évasion bien mystérieuse… Shutter Island est adapté d’un best-seller de Dennis Lehane sur les traitements psychiatriques opérés sur les criminels dans les années cinquante et sur la paranoïa. L’intrigue est particulièrement bien mise en place, réservant des surprises de taille. Nous sommes constamment déstabilisés, d’abord par certaines images, par le parallèle avec les expériences humaines menées par les nazis, puis par le renversement de nos certitudes. Nous avons l’impression de perdre pied face au labyrinthe mental qui se dévoile peu à peu. La tension est permanente, amplifiée par les images parfaitement maitrisées de Scorsese. Le réalisateur emploie une fois de plus son acteur fétiche, DiCaprio, qui fait ici une très belle prestation, riche et complexe. Shutter Island est un film puissant, assez angoissant mais terriblement prenant.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley, Michelle Williams, Emily Mortimer, Patricia Clarkson, Max von Sydow
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5 août 2011

Fenêtre sur cour (1954) de Alfred Hitchcock

Titre original : « Rear Window »

Fenêtre sur courContraint à l’immobilité avec une jambe dans le plâtre, un reporter-photographe passe ses journées à la fenêtre, observant la vie de ses voisins. Peu à peu, il a le pressentiment que l’un d’entre eux vient de tuer sa femme… Fenêtre sur cour est à juste titre l’un des films les plus célèbres d’Hitchcock. Pendant près de deux heures, nous partageons la vision de James Stewart, Hitchcock nous mettant ainsi dans la position du voyeur. La construction est parfaite, le plus remarquable étant l’unité de lieu. C’est d’ailleurs un petit tour de force technique dans la mesure où la caméra reste dans une seule et unique pièce pendant tout le film (1). Outre le simple attrait du voyeurisme, le film séduit par la richesse des détails :Fenêtre sur cour c’est un véritable petit monde à échelle réduite que James Stewart a dans sa cour. Grace Kelly est d’une beauté époustouflante : sa première apparition (un gros plan sur son visage s’approchant de James Stewart endormi) est une véritable vision céleste. Il n’y a aucun temps mort, la tension monte progressivement et devient presque insoutenable vers la fin. Fenêtre sur cour est un film parfait.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr
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Fenêtre sur cour (1) La caméra (où plus exactement le point de vue) ne quitte la pièce de James Stewart que pendant de très courts instants : à la mort du petit chien et à la toute fin. Sinon, nous sommes toujours soit en vision subjective, soit face à James Stewart. A noter que même la musique vient du petit monde de la cour, elle fait partie de la scène. Pendant le tournage, tous les acteurs portaient une oreillette couleur chair afin qu’Hitchcock puisse les diriger à partir de l’appartement de James Stewart. L’immeuble recréé en studio était si complet que Georgine Darcy (Miss Torso) aurait vraiment vécu dans son « appartement » durant tout le mois de tournage.

Remarques :
Fenêtre sur cour Le scénario de Fenêtre sur cour est tiré de « It had to be murder » (cela ne peut-être qu’un meurtre), une nouvelle de Cornell Woolrich (alias William Irish) qui se serait inspiré d’une nouvelle de H.G. Wells, « Par la fenêtre ».

Lors de la ressortie du film en 1968, Hitchcock a parlé ainsi de son film : « Si vous n’éprouvez pas de délicieuse terreur en regardant Fenêtre sur cour, alors pincez-vous : vous êtes probablement mort ! »

Remake :
Un remake sans grand intérêt a été fait pour la télévision américaine ABC :
Fenêtre sur Cour (Rear Window) de Jeff Bleckner (1998) avec Christopher Reeves et Daryl Hannah.

4 janvier 2007

Les Cinq Secrets du désert (1943) de Billy Wilder

Titre original : Five Graves to Cairo

Les 5 secrets du désertElle :
Un hôtel paumé au fin fond du désert, un soldat anglais rescapé et recueilli par deux hôteliers atypiques, le général Rommel et ses soldats qui logent dans l’hôtel. Voilà un cocktail idéal pour faire frémir le spectateur. L’Anglais prend la fausse identité d’un espion allemand et livre les secrets de l’armée allemande à son pays. Billy Wilder parvient à créer un climat pesant et angoissant ainsi qu’une intrigue originale et captivante même si parfois il y a quelques longueurs.
Note : 4 étoiles

Les 5 secrets du désertLui :
Ce film de guerre s’inscrit dans l’effort de guerre que le gouvernement impose aux studios. Billy Wilder s’écarte toutefois du schéma traditionnel du genre et son film est remarquablement ficelé, nous plongeant dans une atmosphère forte : il nous enferme dans un suspense psychologique puissant. Point de fait d’armes ici, pourtant la guerre est on ne peut plus présente. Le scénario est fort, soutenu par une belle interprétation. Erich von Stroheim est magistral.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Franchot Tone, Anne Baxter, Akim Tamiroff, Erich von Stroheim
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