21 décembre 2012

La fin du monde (1931) d’Abel Gance

La fin du mondeJean, acteur, écrivain et poète, et son frère Martial, astronome nobélisé, sont amoureux de la même femme. Jean veut se retirer pour son frère qui refuse ce sacrifice. Martial découvre qu’une comète va heurter la terre dans 114 jours. La panique s’empare de la population. Martial parvient à faire proclamer la République Universelle… La fin du monde est le premier film parlant d’Abel Gance. Après La Roue et Napoléon, le réalisateur se lance à nouveau dans une très grande fresque prévue pour durer trois heures. Il y tient lui-même le rôle principal. Hélas, malgré tout le génie qu’il a pu montrer dans ses productions en cinéma muet, Abel Gance ne parvient pas à maitriser le parlant dès cette première production : le jeu des acteurs est épouvantablement théâtral. La fin du mondeDe plus, le scénario fait montre d’une naïveté presque puérile et s’empêtre dans le romanesque et dans un essai de créer un Christ moderne. Le film sera amputé de moitié avant même sa sortie et c’est donc une version de 105 minutes qui sera commercialisée. La fin du monde reste toutefois intéressant à visualiser car il témoigne des ambitions d’Abel Gance, véritable auteur de cinéma.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Abel Gance, Colette Darfeuil, Victor Francen
Voir la fiche du film et la filmographie de Abel Gance sur le site IMDB.

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Remarque :
La fin du monde Après une projection en 1964, Abel Gance déclarera : « C’est un désastre. Je trouve tout le film exécrable, le jeu des acteurs, moi compris, ridicule, le sujet invraisemblable. Quelques séquences peuvent servir d’extraits de cinémathèque, et encore ! » (cité dans Abel Gance par Roger Icart, Ed. L’âge d’homme).

5 novembre 2012

Never Let Me Go (2010) de Mark Romanek

Titre français (vidéo) : « Auprès de moi toujours »

Never Let Me GoDans une réalité alternative, la médecine a vaincu cancer et maladies incurables dès 1952. C’est dans ce monde que Kathy, Ruth et Tommy sont les pensionnaires inséparables d’une école élitiste et coupée du monde… Adapté du roman très primé de Kazuo Ishiguro « Auprès de moi toujours » (1), Never Let Me Go est un film de science-fiction très différent des standards actuels du genre. C’est un film plein de sensibilité, émouvant, qui interroge sur la définition de l’humanité, l’essence de l’être humain. Certes, c’est un questionnement que l’on retrouve souvent dans la littérature de science-fiction mais Ishiguro l’a joliment développé et Mark Romanek fait preuve de beaucoup de délicatesse pour le mettre en images, en insistant juste un peu plus sur l’histoire d’amour. Sous-jacente, il y a aussi une certaine réflexion sur la notion de résignation que l’auteur nous invite à creuser. L’interprétation est irréprochable, même celle des enfants. Carey Mulligan fait preuve de beaucoup de sensibilité pour interpréter son personnage dont toute la réflexion se situe à l’intérieur. Son jeu est riche et délicat. Never Let Me Go n’est sans doute pas à conseiller aux amateurs de films actuels de science fiction. C’est un film assez bouleversant, plein de délicatesse et assez enthousiasmant.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Carey Mulligan, Keira Knightley, Andrew Garfield, Charlotte Rampling, Sally Hawkins, Nathalie Richard
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Remarque :
Comme toujours, mais ici plus que jamais, il faut éviter de lire les critiques qui racontent le film ou qui en exposent le thème, car on découvre peu à peu la réalité avec étonnement et stupéfaction et cette découverte amplifie l’emprise du film.

(1) Le roman a été sélectionné en 2005 au Booker Prize, au Arthur C. Clarke Award et au National Book Critics Circle Award. Le Time Magazine l’a désigné comme le meilleur roman de la décennie et l’a placé dans les 100 meilleurs romans modernes jamais écrits.

18 septembre 2012

Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick

Titre original : « A clockwork orange »

Orange mécaniqueDans un futur proche, le jeune Alex et ses trois compagnons prennent plaisir à se livrer à de très violentes agressions. Il est arrêté et se propose pour suivre un traitement expérimental… A sa sortie, Orange mécanique fit forte sensation, un film superbe mais fortement dérangeant. Cette adaptation d’un roman d’Anthony Burgess arrivait à une époque où naissait une querelle entre prisons et hôpitaux : ne faut-il pas  mieux guérir la violence plutôt que la punir ? Orange mécanique apporte sa réponse en nous montrant que le libre arbitre est le bien le plus précieux et qu’il doit être préservé quel qu’en soit le prix (donc même si cela signifie de ne rien pouvoir faire contre cette violence). La forme que Kubrick donne à son film en a décuplé l’impact : par ses décors, en prenant les éléments de la pop culture de ce début des années soixante dix (habillement, décoration, art) pour les généraliser à l’ensemble de la société, mais aussi par ses superbes travellings, ses effets (ralentis), sa voix-off avec ce langage inventé, mélange d’anglais et de russe, et bien entendu par cette magnifique utilisation de la musique classique qui donne une grande dimension à de nombreuses scènes (ou parfois apportent de l’humour comme cette Ouverture de Guillaume Tell sur une scène de partouze en accéléré). Le magnétisme qui se dégage de l’interprétation de Malcom McDowell contribue également à rendre le film difficilement oubliable, même aujourd’hui quarante ans après sa sortie.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Malcolm McDowell, Patrick Magee, Michael Bates, Warren Clarke, Adrienne Corri
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Remarques :
* Le titre Orange mécanique fait référence à l’état d’Alex après son traitement : bien qu’il ait l’apparence d’un être humain (l’orange), il n’est qu’un automate.
* Alex et ses acolytes sont censés avoir 15 ans. Malcom McDowell en avait 27 au moment du tournage et n’a nullement l’apparence d’un adolescent.

29 juillet 2012

Melancholia (2011) de Lars von Trier

MelancholiaAlors qu’une gigantesque planète menace la Terre, Justine se marie sans entrain et tente de montrer bonne figure lors de la réception compassée organisée dans la somptueuse demeure de sa sœur… Le prologue de Mélancholia, montrant la Terre se pulvériser contre la planète géante, ne laisse aucun espoir. Ce prologue esthétisant est très beau avec une utilisation originale des ralentis et une atmosphère irréelle puissante. La scène du grand choc est superbe. Ensuite, hélas, nous devons supporter pendant une bonne heure une réception de mariage passablement insupportable (où l’on se dit que l’apocalypse aurait pu avoir le bon goût d’arriver avant la réception plutôt qu’après). La réception révèlera de grandes tensions entre les membres de la famille, ce qui nous rappelle Festen à ceci près que le propos est ici étonnamment vide. Mis à part deux ou trois personnages très typés et symboliquement chargés (le beau-frère = rationalité et matérialisme, le patron = cynisme), les autres sont assez inconsistants. Ce vide est encore plus apparent dans la seconde partie où Charlotte Gainsbourg n’exprime quasiment qu’un seul sentiment en boucle. Mis à part les habituels désagréments de la caméra à l’épaule et du montage stressé, l’image est très belle, avec des éclairages très travaillés. Toujours très près de ses personnages, Lars von Trier multiplie les plans sur le visage Kisten Dunst dont la beauté crée un fort contraste avec son tourment intérieur : la fin du monde, elle (Justine) la souhaite, tout porte d’ailleurs à penser que le film ne se déroule que dans sa tête… Joli mais ennuyeux.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, John Hurt, Stellan Skarsgård, Udo Kier
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Melancholia

25 juin 2012

Stalker (1979) de Andreï Tarkovski

StalkerA la suite d’un min-cataclysme créé, pense-t-on, par la chute d’un météorite, une région est déclarée zone interdite, gardée par les autorités. Seuls quelques passeurs, les stalkers, parviennent à entrer. L’un deux accepte d’emmener un écrivain et un physicien à la recherche d’un lieu mythique, la Chambre, où chacun peut voir ses désirs exaucés… Adaptation assez libre d’un roman des frères Strougatski, écrivains russes de science-fiction assez kafkaïenne, Stalker est un film à nul autre pareil. Dans cette longue et austère quête, Tarkovski oppose constamment la Foi et la Raison. Le stalker représente la Foi, le physicien la Raison, l’écrivain se situant un peu entre les deux dans une démarche de recherche artistique. Tarkovski oppose aussi la Russie (et non l’U.R.S.S.) et l’Occident. La Zone est un endroit de recherche spirituelle, où la nature et les humbles reprennent leurs droits. Bien qu’assez dépouillée, l’image est très travaillée. Avec peu de moyens, Tarkovski parvient à créer des lieux assez uniques, comme cette vaste salle aux petits monticules de sable. Stalker est un film assez marquant, il possède une dimension métaphysique qui le rend atemporel.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Alisa Freyndlikh, Aleksandr Kaydanovskiy, Anatoliy Solonitsyn, Nikolay Grinko
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Stalker

11 avril 2012

Zardoz (1974) de John Boorman

Titre original : « Zardoz »

ZardozDans un futur lointain, après un holocauste nucléaire, la terre est partagée en deux zones : les Terres extérieures (Outlands) et le Vortex, séparés par un champ de force. Dans le Vortex vivent un petit nombre d’immortels qui maintiennent la population des Terres extérieures à un bas niveau en armant un petit groupe de tueurs, les Exterminateurs. Ceux-ci sont persuadés d’œuvrer pour la divinité Zardoz, un gigantesque masque humain flottant dans l’air. L’un d’entre eux, Zed, réussit à pénétrer dans ce masque et à s’introduire dans le Vortex, chez les Immortels… Après l’abandon de son projet d’adaptation du Seigneur des Anneaux, John Boorman met sur pied Zardoz dont il a écrit le scénario. A mi-chemin entre le film de science-fiction et le conte philosophique, Zardoz est un film assez unique en son genre. L’histoire est assez élaborée, même si les points fondamentaux soulevés ne sont pas nouveaux, mais, hélas, elle comporte aussi de grandes zones un peu brumeuses. Boorman ajoute une dose de mysticisme qui, si elle colle bien à son époque, parait un peu désuète aujourd’hui. Il reste un certain onirisme plaisant et l’ensemble sait éveiller notre intérêt. L’image est assez belle, le film fut tourné en Irlande, et de nombreuses scènes font l’objet d’effets visuels psychédéliques, eux aussi tout à fait dans l’époque des années soixante dix. Le film n’est pas dénué d’humour, ne serait-ce que ce clin d’œil au livre de Frank Baum The Wizard of Oz (Le magicien d’Oz) pour expliquer le titre. Original et unique, Zardoz a un certain charme qui lui permet de résister au temps.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sean Connery, Charlotte Rampling, Sara Kestelman, John Alderton
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18 février 2012

Les premiers hommes dans la lune (1964) de Nathan Juran

Titre original : « First men in the moon »

Les premiers hommes dans la luneUne expédition internationale parvient à atterrir sur la lune en 1964. Elle découvre avec stupéfaction un petit drapeau anglais planté là en 1899. Un document permet de retrouver l’un des survivants de cette lointaine expédition. Il raconte l’aventure… Adaptation du roman homonyme de H.G. Wells écrit en 1901, Les premiers hommes dans la lune est l’un des films issus de la collaboration du producteur Charles H. Schneer avec le génial créateur d’effets spéciaux Ray Harryhausen. Le film a été tourné en Angleterre. Hormis le prologue et l’épilogue qui se situent à l’époque moderne, le film reste assez fidèle au livre, la plus grande différence étant l’ajout (inévitable) d’un personnage féminin. Les préparatifs peuvent paraître un peu longs avec un humour souvent trop appuyé (à noter que cette légèreté de ton au début de l’histoire est présente dans le livre de Wells), mais le déroulement réserve des surprises. Les effets spéciaux sont bien réalisés et surtout bien intégrés à l’histoire, jamais superflus.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Edward Judd, Martha Hyer, Lionel Jeffries
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Précédentes adaptations du roman d’H.G. Wells :
Le voyage dans la lune de Georges Méliès (1902) qui s’est inspiré à la fois du roman de Jules Verne (pour le voyage) et du roman de Wells (rencontres sur la lune)
The First Men in the Moon (1919) des anglais Bruce Gordon et J.L.V. Leigh (film perdu ?)

Lire une présentation plus complète du film sur le site Devildead…

24 octobre 2011

Moon (2009) de Duncan Jones

MoonAvec pour seule compagnie un robot-ordinateur, Sam Bell surveille l’extraction d’hélium de sa base sur la face cachée de la lune. A deux semaines de la fin de son contrat de trois ans, il sent qu’il commence à avoir des hallucinations… Ecrit et réalisé par l’anglais Duncan Jones, Moon renoue avec bonheur avec la science-fiction authentique : pas de spectaculaire ni d’effets spéciaux mais un bon scénario qui induit une certaine réflexion. Moon fait penser à Solaris et fait des clins d’œil à 2001 (l’ordinateur ou encore la musique classique sur les extérieurs) ; même s’il n’a pas la profondeur métaphysique de ces deux films, il ne manque pas d’intérêt et a même une certaine force. La mise en scène de Duncan Jones est simple mais sert bien son sujet. Moon est un huis clos à un seul personnage ; Sam Rockwell est magnifiquement à la hauteur de cette gageure. Le film n’est hélas pas sorti en salles en France mais il a reçu un très bon accueil partout ailleurs. La science-fiction n’est pas morte.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Sam Rockwell, Kevin Spacey, Dominique McElligott
Voir la fiche du film et la filmographie de Duncan Jones sur le site IMDB.

Remarques :
Duncan Jones est le fils de David Bowie. Moon est son premier long métrage.

18 octobre 2011

L’opération diabolique (1966) de John Frankenheimer

Titre original : « Seconds »

L'opération diaboliqueUn quinquagénaire, déçu de son existence dominée par la réussite matérielle, reçoit un appel mystérieux d’un ami mort il y a plusieurs années. Cet ami le met en contact avec une organisation secrète qui propose à ses clients de redémarrer une nouvelle vie sous une autre apparence et une autre identité… L’opération diabolique est basé sur un roman de science-fiction de David Ely. Le film est surtout marqué par l’inventivité du directeur de la photographie James Wong Howe (1) qui a utilisé avec maestria les déformations d’images et les objectifs grand angle tout en filmant d’assez près. Dès le générique, le film nous plonge ainsi dans une ambiance assez angoissante et les vingt premières minutes sont les plus réussies : on perçoit le malaise du personnage, on ressent son mal-être, son dilemme. Hélas, le film est plus inconsistant ensuite avec notamment une scène de bacchanales hippies aussi longue qu’inutile. La présence de Rock Hudson n’arrange rien, certes, mais le film souffre en son milieu d’un flagrant manque de développement de son scénario. La fin, en revanche, est saisissante et même hallucinante. L’opération diabolique fut très mal reçu par la critique et le public (2). Cet insuccès lui a valu le statut de film maudit et un petit culte s’est peu à peu développé autour du film. La forme est en tous cas assez originale et remarquable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rock Hudson, John Randolph, Salome Jens, Wesley Addy, Will Geer
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Remarques :
(1) James Wong Howe est l’un des plus célèbres directeurs de la photographie américains. Il apparaît au générique de plus de 140 films (sous le nom de James Howe avant 1934). Il a débuté sa carrière comme assistant dans l’équipe de Cecil B. DeMille à la fin des années 1910. Grace à son inventivité, il est devenu, dès les années trente, pratiquement le caméraman le plus célèbre d’Hollywood. Quand il tourne L’opération diabolique, il est âgé de 67 ans. Voir sa filmographie sur le site IMDB
(2) Au festival de Cannes 1966, le film fut si mal reçu que John Frankenheimer refusa de se rendre à la conférence de presse alors qu’il était tout près, à Monte Carlo exactement, pour le tournage de Grand Prix.