19 décembre 2015

Mean Streets (1973) de Martin Scorsese

Titre français parfois utilisé : « Les Rues chaudes »

Mean StreetsDans le quartier de Little Italy à New York, Charlie (Harvey Keitel) tente de protéger son ami Johnny Boy (Robert De Niro) qui a emprunté de l’argent à un petit parrain de la Mafia sans intention de le rembourser. Mais Johnny Boy est un jeune chien fou, totalement incontrôlable… Premier film important de Scorsese, Mean Streets nous montre de l’intérieur le quartier qu’il connait bien, semblant presque hésiter entre fiction et documentaire. Assez étrangement, le personnage principal (joué par Harvey Keitel) balance entre gangstérisme et religion mais « on ne rachète pas ses fautes à l’église, c’est dans la rue qu’on peut le faire » nous assène le cinéaste. L’histoire n’est pas vraiment passionnante mais le film est surtout remarquable par son style : s’écartant nettement des codes hollywoodiens, Scorsese montre déjà tous les éléments qui feront sa marque, avec une musique résolument rock, des poussées soudaines de violence et des scènes montrées comme des rites. Harvey Keitel partage la tête d’affiche avec Robert De Niro, son premier grand rôle, le premier d’une longue collaboration avec Scorsese.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Robert De Niro, Harvey Keitel, David Proval
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Scénario et étude de Mean Streets de l’Avant-Scène Cinéma (octobre 2015)

Mean Streets
Harvey Keitel dans Mean Streets de Martin Scorsese

18 novembre 2015

New York, New York (1977) de Martin Scorsese

New York, New York1945. Le jour de la reddition du Japon, un saxophoniste aborde avec insistance une jeune chanteuse qui finit par céder partiellement à ses avances. C’est le début d’une histoire d’amour impossible, marquée par la carrière musicale de chacun des deux… Martin Scorsese renoue avec la grande tradition des comédies musicales des années quarante et cinquante. La reconstitution des clubs du début de l’ère du jazz bebop est assez splendide, tous sont assez différents. Scorsese rend hommage à Vincente Minnelli et fait marcher Liza Minnelli sur les traces de sa mère Judy Garland, tournant dans les mêmes studios, sur les mêmes scènes. Nul doute que cela devait être émouvant pour l’actrice. De son côté, De Niro va très loin pour donner vie à son personnage, l’acteur ayant même appris à jouer du saxophone pour le rôle. Les références sont nombreuses, des plus évidentes (le magnifique ballet final Happy Endings rappelle bien entendu celui de Band Wagon de Minnelli et le ballet lui-même est truffé de références) à celles qui le sont moins (comme cette chanson de Maurice Chevalier qui est une référence à une scène hilarante Monkey Business des Marx Brothers). L’histoire en elle-même n’est hélas pas très passionnante, le personnage joué par De Niro étant assez détestable, et de ce fait, le film paraît un peu long (2h30, mais il durait 4h30 dans le premier montage !) Les morceaux musicaux et les ballets sont heureusement là. La chanson-titre est devenue plus célèbre que le film lui-même.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Liza Minnelli, Robert De Niro, Lionel Stander
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New York New York
Robert De Niro et Liza Minnelli dans New York, New York de Martin Scorsese

New York New York

Remarque :
* Dans la très belle scène (sans musique) des danseurs anonymes du métro (vue de haut par De Niro), la danseuse est Liza Minnelli affublée d’une perruque (à noter que cette scène est certainement un hommage à On the Town de Stanley Donen).

20 septembre 2014

Voyage au bout de l’enfer (1978) de Michael Cimino

Titre original : « The Deer Hunter »

Voyage au bout de l'enferDans une petite ville industrielle de Pennsylvanie, trois jeunes ouvriers sidérurgistes se préparent à partir au Vietnam. L’un d’entre eux se marie alors que les deux autres partent à la chasse…
Si le film a été diversement accueilli par la critique française à sa sortie (1), Voyage au bout de l’enfer apparaît avec le recul comme un film majeur. Tout comme Apocalypse Now deux ans plus tard, le film présente un autre regard sur la guerre du Vietnam, une vision plus directe, plus dure. Le propos de Michael Cimino est de montrer l’impact de la guerre sur les hommes et comment ce passage en enfer va perturber et modifier profondément leur vie. Il a structuré sa longue fresque en trois parties d’une heure environ : l’avant, le pendant et l’après. Le prologue avant leur départ peut paraître un peu long, notamment la scène du mariage, mais la suite est particulièrement puissante et intense. L’approche de Michael Cimino est tout sauf conventionnelle ; il s’écarte de la dramaturgie traditionnelle et construit son film sur un ensemble d’éléments qui forment un tout finalement très cohérent.   Voyage au bout de l’enfer fait partie de ces films qui nous marquent durablement.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Robert De Niro, Christopher Walken, John Savage, Meryl Streep, John Cazale
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Remarques :
* Au milieu des années soixante-dix, le thème du Vietnam restait un sujet tabou. Ce n’est donc pas étonnant que les producteurs de ce film furent anglais.
* La roulette russe a été interprétée par certains critiques comme une métaphore sur le suicide d’une nation. Michael Cimino a précisé dans ses interviews que son intention était surtout de « dramatiser l’élément de hasard qui existe dans toute guerre. Il n’y a pas de raison qu’un homme meure plutôt qu’un autre. »

(1) Les réticences de certains critiques étaient alimentées par cette scène finale où la petite bande entonne un timide God Bless America. Cimino a défendu cette scène en précisant qu’il ne fallait pas y voir un ancrage patriotique mais plutôt une sorte de bouée de sauvetage, le groupe se raccrochant à une chose connue et profonde pour continuer à vivre. On pourrait même ajouter que c’est un mécanisme de défense : cela leur permet de justifier le fait que leur vie soit fichue en l’air… On ne peut pas vraiment affirmer que Cimino fasse l’apologie de ce patriotisme, ni celle de la violence d’ailleurs (comme cela lui a également été reproché à l’époque). Voyage au bout de l’enfer n’est pas un film idéologique, ses personnages n’ont pas (apparemment) de conscience politique, ils ne sont ni pour ni contre la guerre.

Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter)Robert De Niro dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino.

Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter)Christopher Walken dans Voyage au bout de l’enfer (The Deer Hunter) de Michael Cimino.

9 juin 2013

Brazil (1985) de Terry Gilliam

BrazilDans une société dominée par une administration oppressante, un jeune employé tente de s’évader de la grisaille de son quotidien par ses rêves où il vole au secours d’une jeune fille. Un jour, il l’aperçoit en chair et en os et cherche à la rencontrer… Brazil est un film hors-normes comme on en voit peu. Terry Gilliam a imaginé et brillamment mis en images un monde kafkaïen où l’administration a enflé de façon démesurée. Bien que le qualificatif ait souvent été donné au film, ce n’est en aucun cas un monde futuriste, il n’y a d’ailleurs aucun objet ou élément futuriste dans le film. En revanche, on peut dire que Brazil brasse les époques ce qui renforce son côté atemporel : que ce soit dans les objets, les décors ou les costumes, il y a un savant mélange des cinquante dernières années. Mention particulière doit être faite des conduits et tuyaux qui, figure allégorique de l’administration, ont enflés pour devenir aussi envahissant que sources de dysfonctionnement. Sam Lowry est un personnage sans ambition qui tente vainement de s’échapper de ce monde : dans ses rêves, la jeune femme représente l’espoir et le samouraï le système. Terry Gilliam ne cherche pas à adoucir son propos avec un happy end, Brazil est un film plutôt sombre. C’est aussi un film extrêmement riche, qu’il faut voir plusieurs fois ; Terry Gilliam donne libre cours à toute sa créativité. L’humour est très présent mais il peut apparaître très soudainement pour s’effacer aussitôt. Brazil est à classer parmi les 5 ou 10 films les plus créatifs de toute l’histoire du cinéma.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jonathan Pryce, Robert De Niro, Katherine Helmond, Ian Holm, Bob Hoskins, Michael Palin, Kim Greist
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Remarques :
Brazil* A la sortie du film aux Etats-Unis, Terry Gilliam se heurta à Sid Sheinberg, alors à la tête des Studios Universal. Pour ce dernier, le film était trop long, trop compliqué et avait le défaut de mal se terminer. Il fit refaire un montage, une version de 94 minutes (au lieu de 142) désignée sous le nom « Love Conquers all ». Terry Gilliam fut toutefois habile en médiatisant l’affaire et, finalement, Sheinberg renoncera à sortir cette version courte en salles. Elle ne sera montrée qu’à la télévision. Cette version réduite est présente en bonus de l’édition en LaserDisc (coffret) et de certains DVD. Jack Mathews raconte cette bataille dans son livre « The Battle of Brazil » (Crown, 1987)

* Terry Gilliam a choisi le titre Brazil pour son film après avoir vu un homme seul sur une plage, par mauvais temps dans un environnement industriel et poussiéreux, qui écoutait cette chanson. C’était, à ses yeux, le symbole du fort besoin d’évasion de l’homme malgré l’adversité, son désir de rendre son environnement moins gris.

Brazil* A la sortie du film Les Aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam a parlé d’une « trilogie du rêve » formée par Time Bandits (1981), Brazil (1985) et Munchausen (1988). Il est vrai que les trois films utilisent le rêve comme moyen d’évasion et le personnage principal avance en âge. Terry Gilliam a toutefois déclaré par la suite que parler de trilogie était peut-être un peu prétentieux de sa part…

* Lors du premier rêve de Sam, au début du film, la chanson Brazil est interprétée par Kate Bush.

* La scène où Sam découvre le visage du samouraï qu’il vient de tuer et voit son propre visage peut être interprétée de deux manières :
1. Sam est lui-même un membre de l’administration qu’il combat.
2. Gilliam a lancé lors d’une interview qu’il s’agissait d’une simple boutade car « samouraï » en anglais est proche de « Sam or I » ou encore proche en écriture de « Sam-U-R-I » (= Sam, you are I ).

* La voiture conduite par Sam est une Messerschmitt KR 175 (automobile produite entre 1953 et 1964).

* Le scénario a été écrit par Terry Gilliam, Tom Stoppard et Charles McKeown.

* Avec son humour habituel, Terry Gilliam dit s’être inspiré du livre de George Orwell 1984 tout en précisant aussitôt qu’il n’a jamais lu le livre. Le réalisateur dit avoir pendant longtemps désigné son film sous le titre 1984 ½ (clin d’oeil au 8 ½ de Fellini) mais il peut s’agir d’une boutade car les premiers scripts se nomment The Ministry. D’ailleurs, il n’est pas si proche de l’univers de 1984 : Orwell a imaginé (en 1945) une société où une technologie évoluée était au service d’un pouvoir fasciste. Dans Brazil, la technologie n’est en rien évoluée, elle est poussive et la question du régime politique n’est pas directement abordée. C’est l’administration qui a enflé de façon démesurée et, avec elle, ses dysfonctionnements…


Versions principales :
– Version sortie en Europe de 142 mn
– Version sortie aux Etats-Unis de 132 mn
– Version TV « Love Conquers all » de 94 mn.

Regarder la version Love Conquers all  est intéressant car cela permet de mesurer comment le montage peut créer un film assez différent et également de voir le formatage du cinéma hollywoodien en pleine action. Globalement, cette version met au centre du film l’idylle entre Sam et Jill, supprime toutes les scènes de rêve sauf la première et la dernière (qui devient la fin réelle), simplifie beaucoup de choses, enlève tout ce qui est trop subtil. Sam devient un super-héros qui a vaincu l’administration et gagné le coeur de la belle… Happy end.

25 mai 2011

Il était une fois en Amérique (1984) de Sergio Leone

Titre original : « Once upon a time in America »

Il était une fois en AmériqueLui :
A la fin des années soixante, l’ex-gangster Noodles revient à New York après 35 ans d’éloignement. Il se remémore son passé… Il était une fois en Amérique est librement inspiré du livre autobiographique de Harry Gray. Le projet de Sergio Leone a mis plus de dix ans à éclore et le tournage fut interminable. Après la conquête de l’Ouest et la révolution mexicaine, il s’attaque à une autre grande mythologie américaine, le gangster. Cette vaste fresque est construite en flashbacks allant des années vingt au milieu des années trente, fin de la Prohibition. Le film de Leone est à la fois l’histoire de deux gangsters juifs liés par une forte amitié et une variation sur la représentation/idéalisation du cinéma. Toute cette histoire est d’ailleurs issue d’un cerveau en pleine divagation sous l’emprise de l’opium. Leone use (et abuse parfois) de ses effets, créant la tension par de longs plans d’attente. Son cinéma témoigne ici d’une belle vitalité.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Robert De Niro, James Woods, Elizabeth McGovern, Joe Pesci, Burt Young, Tuesday Weld, Treat Williams
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Remarques :
Il était une fois en Amérique dure 3h40. La version commerciale sortie aux Etats-Unis avait été ramenée à 2h20. Du fait des coupes, elle était, parait-il, très dure à comprendre.