27 novembre 2019

Naïs (1945) de Raymond Leboursier

NaïsDans un petit village près de Cassis, Toine est ouvrier et valet de ferme. Il est bossu et cette infirmité lui pèse car il aime en secret la belle Naïs, la fille du métayer de la ferme. Naïs est amoureuse de Frédéric Rostaing, le fils des propriétaires, qui vient justement passer les vacances d’été dans leur propriété…
Marcel Pagnol a écrit le scénario de Naïs, adaptation d’une nouvelle peu connue d’Emile Zola Naïs Micoulin. Si l’univers et les personnages sont très proches de ceux des récits de Pagnol, le ton est ici plus sombre. Les dialogues sont remarquablement bien écrits. Fernandel trouve là un rôle magnifique, l’un de ses plus beaux, où il peut exprimer toute une palette de sentiments. Son personnage a beau être presque caricatural, il a une capacité étonnante à nous toucher, à nous émouvoir. Face à lui, le jeu de Jacqueline Bouvier (l’actrice épousera Pagnol à la fin du tournage) parait inévitablement plus simple, tout comme celui de Raymond Pellegrin, ici au tout début de sa carrière.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Fernandel, Jacqueline Pagnol, Raymond Pellegrin, Henri Poupon
Voir la fiche du film et la filmographie de Raymond Leboursier sur le site IMDB.

Voir les livres sur Marcel Pagnol

Remarques :
* Le film est officiellement réalisé par Raymond Leboursier mais, en pratique, Marcel Pagnol a tout dirigé, depuis le choix des acteurs jusqu’au tournage : « Il voulait tout contrôler, et il ne cessait de houspiller Leboursier. Je l’ai vu très dur avec lui, acerbe, exigeant » rapporte Jacqueline Pagnol.

* La fin diffère largement de celle la nouvelle d’Emile Zola.

* Pour en savoir plus, lire un bel article d’Olivier Bitoun sur Naïs, sur le site DVDClassik

NaïsJacqueline Bouvier (future Jacqueline Pagnol) et Fernandel dans Naïs de Raymond Leboursier.

12 janvier 2019

Le Val d’enfer (1943) de Maurice Tourneur

Le Val d'enferNoël Bienvenu, patron d’une carrière en Haute-Provence, est veuf et vit avec ses parents. Un ami mourant lui demande de s’occuper de sa fille Marthe, installée à Marseille. Noël découvre qu’elle est sans ressources et lui propose alors de venir vivre chez lui…
Ecrit par Carlo Rim, Le Val d’enfer est un film peu connu de la filmographie de Maurice Tourneur. Il est produit sous l’Occupation par la Continental, société de production aux capitaux allemands. C’est un drame réaliste qui met en scène un homme rude et simple. La description de ses rapports avec sa famille donne presque au film des qualités documentaires : on y voit, par exemple, la mère est très effacée, allant jusqu’à manger sur une chaise en retrait de la table où mangent les hommes. Les rapports entre les personnages sont marqués par une certaine rudesse, la communication étant réduite au minimum. Le fond de l’histoire est assez classique, sur le thème de la femme fatale, et met en valeur les notions du bien et du mal avec, comme lueur, la rédemption, toujours possible. On peut bien entendu voir l’idéologie de Vichy présente, c’est inévitable qu’elle le soit, mais ce serait réducteur de réduire le film qu’à cela. Le Val d’enfer est un film français de qualité, sans doute pas franchement remarquable mais tout de même digne d’intérêt. L’interprétation des quatre rôles principaux est excellente.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ginette Leclerc, Gabriel Gabrio, Gabrielle Fontan, Édouard Delmont
Voir la fiche du film et la filmographie de Maurice Tourneur sur le site IMDB.

Voir les autres films de Maurice Tourneur chroniqués sur ce blog…

Voir les livres sur Maurice Tourneur

Le val d'enfer
Gabriel Gabrio et Ginette Leclerc dans Le Val d’enfer de Maurice Tourneur.

Remarque :
Le Val d’Enfer est le nom donné à un lieu bien réel, une vallée de calcaire située en contrebas du village des Baux-de-Provence où des carrières ont été ouvertes.

Le Val d'enfer
Gabrielle Fontan, Édouard Delmont et Ginette Leclerc dans Le Val d’enfer de Maurice Tourneur.

4 mai 2018

Manon des sources (1952) de Marcel Pagnol

Manon des sourcesDans un petit village de Provence, les gendarmes recherchent Manon, accusée d’avoir frappé un jeune du village. À la terrasse du café, les commérages vont bon train. Les hommes parlent de cette sauvageonne : elle est la fille du « Bossu des sources », qui s’est tué à la tâche car il devait s’approvisionner en eau pour son domaine chaque jour à plusieurs kilomètres…
Marcel Pagnol a écrit et réalisé Manon des sources pour le cinéma et pour sa jeune femme, Jacqueline Pagnol. Ce n’est que dix ans plus tard qu’il l’enrichira pour en faire un grand roman en deux parties, L’eau des collines : Jean de Florette et Manon des sources. Le film démarre alors que le Bossu est déjà mort, son histoire n’est que racontée par les hommes du village. D’une durée de 200 minutes, le film fut divisé en deux pour l’exploitation : Manon des sources et Ugolin. Marcel Pagnol aime cette région de l’arrière-pays de Provence et leurs habitants, en dépit de leurs mentalités archaïques et de leurs bassesses. C’est cette tendresse et cet amour qui nourrit son film et en fait tout son attrait : on retrouve avec plaisir la musique chantante des dialogues et les réparties truculentes servies par le petit groupe d’acteurs du cru dont il a su s’entourer. De façon symptomatique, « l’étranger » Raymond Pellegrin fait une bien piètre prestation. La mise en scène de Marcel Pagnol est des plus simples, sans relief, sans aucune recherche, venant confirmer que ce n’est pas sur le plan technique qu’il est le plus remarquable. Marcel Pagnol est un merveilleux conteur.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jacqueline Pagnol, Raymond Pellegrin, Rellys, Charles Blavette, Fernand Sardou, André Bervil
Voir la fiche du film et la filmographie de Marcel Pagnol sur le site IMDB.

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Lire sur DVDClassik une présentation bien plus enthousiaste du film…
Lire Wikipedia pour se remémorer l’histoire…
Voir aussi les livres sur Marcel Pagnol… avec une mention particulière pour le livre d’entretiens avec Jacqueline Pagnol.

Version plus récente  :
1. Jean de Florette de Claude Berri (1986) avec Yves Montand, Gérard Depardieu et Daniel Auteuil
2. Manon des sources de Claude Berri (1986) avec Yves Montand, Emmanuelle Béart et Daniel Auteuil

Manon des sources
Jacqueline Pagnol dans Manon des sources de Marcel Pagnol.

Manon des sources
(de g. à dr.) Raymond Pellegrin, Charles Blavette, Robert Vattier, Fernand Sardou, André Bervil, Henri Poupon et Henri Arius dans Manon des sources de Marcel Pagnol.

Manon des sources
Rellys dans Manon des sources de Marcel Pagnol.

18 décembre 2017

Toni (1935) de Jean Renoir

ToniAntonio est un immigré italien venu travailler dans une carrière à Martigues près de Marseille. Il vit chez Marie mais n’a d’yeux que pour Josépha, une belle espagnole qui se marie avec son contremaître, un parisien qui convoite la propriété de son oncle…
Toni est le premier film de Jean Renoir qui n’a pas d’origine littéraire. L’histoire s’inspire d’un fait divers que lui a raconté son ami Jacques Levert, commissaire à Martigues. Comme nous l’indique le carton qui ouvre le film (1), le but du cinéaste est d’œuvrer contre la xénophobie qui est alors dans tous les esprits du fait de la crise économique (y compris parmi ses amis du parti communiste). Il nous montre comment vivent ces travailleurs immigrés, avec leurs difficultés et aussi leurs passions. Renoir se veut proche du documentaire. Il adopte un style très réaliste, étonnamment précurseur de ce que sera le néoréalisme italien dans la décennie suivante. Tout est filmé sur place, en extérieurs, avec l’aide de Marcel Pagnol qui met à disposition toute une équipe de comédiens et qui assurera la distribution du film. L’interprétation est hélas très inégale, pas toujours aussi naturelle qu’il le faudrait. Cette impression est sans doute renforcée aujourd’hui, à nos yeux modernes qui trouvent l’ensemble un peu rude (2). En revanche, son caractère assez unique dans le cinéma français de l’époque est indéniable.
Elle: 3 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Charles Blavette, Celia Montalván, Édouard Delmont, Max Dalban, Andrex
Voir la fiche du film et la filmographie de Jean Renoir sur le site IMDB.

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Toni
Charles Blavette et Celia Montalván dans Toni de Jean Renoir.

Remarques :
* Luchino Visconti (28 ans) est l’un des assistants-réalisateurs.
* Le pont est le viaduc ferroviaire de Candote. Cet ouvrage traverse le Canal de Caronte qui relie l’étang de Berre à la mer Méditerranée : 972 mètres de longueur, doté d’une section pivotante de 114 mètres, construit en 1908 et toujours actif aujourd’hui.

(1) « L’action se situe en pays latin, là où la nature, détruisant l’esprit de Babel, sait si bien opérer la fusion des races. »
(2) L’historien Jacques Lourcelles, très enthousiaste à propos de Toni, le décrit ainsi : « Faussement primitif, le film est à la recherche d’une certaine rugosité cosmique, sensible dans les personnages comme dans la nature. (…) Au terme de l’alchimie renoirienne, cette rugosité équivaut à un suprême raffinement. » C’est une approche certainement intéressante pour mieux apprécier le film.

Toni - Jean Renoir
Jean Renoir sur le tournage de Toni, à l’oeilleton de la caméra T Debrie avec le directeur de la photographie Claude Renoir (debout à gauche), fils de son frère Pierre Renoir. (Pour d’autres photos de tournage de Jean Renoir, voir le livre Tournages : Paris-Berlin-Hollywood)

17 août 2014

Le mouton à cinq pattes (1954) de Henri Verneuil

Le mouton à cinq pattesPour attirer les touristes, le maire d’une petite ville du midi décide de réunir les quintuplés Saint-Forget qui avait autrefois fait la gloire du village il y a quarante ans. C’est l’ancien docteur qui les a mis au monde qui est chargé de les retrouver… Le mouton à cinq pattes est un festival Fernandel puisque l’acteur n’y interprète pas moins de six rôles (le père et les cinq fils). Inutile de dire qu’il s’en donne à coeur-joie tout comme les scénaristes (parmi lesquels on remarque Raoul Ploquin et Henry Troyat, les dialogues étant écrits par René Barjavel) qui ont imaginé des situations très différentes pour les cinq frères. Le film prend la forme d’un film à sketches. Tout cela est amusant, bon enfant, un divertissement tous publics et très français avec une réalisation de qualité d’Henri Verneuil. Fernandel était alors au sommet de sa gloire et l’un des sketches joue d’ailleurs avec la popularité de Don Camillo.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Fernandel, Édouard Delmont, Françoise Arnoul, Louis de Funès, Paulette Dubost, Andrex, Noël Roquevert
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Remarque :
On peut faire le parallèle avec Noblesse Oblige (1949) de l’anglais Robert Hamer dans lequel Alec Guinness interprétait huit rôles différents mais l’utilisation du principe est assez différente ici car Fernandel est instantanément reconnaissable. Ce n’était pas le cas d’Alec Guinness.

19 mars 2012

La maison des Bories (1970) de Jacques Doniol-Valcroze

La maison des BoriesEminent géologue, Julien Durras vit avec sa femme Isabelle et ses deux enfants dans une petite bastide héritée de ses parents, « La maison des Bories ». Plus âgé que sa femme et très ancré sur ses principes, il paraît bien rigide dans la vie de tous les jours et plutôt sévère sur l’éducation des enfants. L’arrivée d’un jeune assistant allemand venu traduire ses écrits va apporter un surcroît de vie… On ne peut pas accuser Jacques Doniol-Valcroze d’avoir cherché la facilité en surfant sur les idées de son temps. Au lendemain de Mai 68, alors que fleurit une certaine liberté des mœurs, il adapte un roman de Simonne Ratel (écrit en 1932), une histoire où les personnages montrent beaucoup de retenue dans leurs comportements et leurs sentiments. Mieux encore, il harmonise certaines de ses scènes avec la musique de Mozart, tout en gardant de la place pour les dialogues comme dans cette scène de promenade au bord de la rivière. Grâce à cette beauté délicate et son côté très civilisé, La maison des Bories traverse très bien le temps et montre beaucoup de charme aujourd’hui.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Marie Dubois, Maurice Garrel, Mathieu Carrière
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Remarques :
* A noter, une belle scène d’amour simulée par une habile juxtaposition de plans.
* Jacques Doniol-Valcroze est l’un des fondateurs de la revue Les Cahiers du Cinéma.