30 août 2023

Tempura (2020) de Akiko Ôku

Titre original : « Watashi wo kuitomete »

Tempura (Watashi wo kuitomete)Depuis toujours, Mitsuko vit dans sa bulle. Au cœur d’un Tokyo trop grand pour elle, elle se consacre avec passion à des recettes de cuisine qu’elle peaufine de son petit appartement. En célibataire épanouie, elle se fixe chaque jour de nouveaux défis jusqu’à celui, inédit, d’inviter un garçon à dîner…
Tempura est un film écrit et réalisé par la japonaise Akiko Ôku d’après le roman homonyme de Risa Wataya. La réalisatrice a déjà plusieurs films à son actif dont les héroïnes sont souvent des jeunes femmes. Ici, elle dresse le portrait d’une trentenaire qui ne cherche pas à se mettre en couple, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’un choix ou d’une facilité. Le personnage de Mitsuko a une voix intérieure, qu’elle appelle « A », qui lui permet d’affronter ses peurs et de prendre, ou garder, confiance en elle. Elle a besoin de mieux se connaitre elle-même avant de pouvoir partager sa vie avec un autre. La réalisatrice filme son personnage avec beaucoup de délicatesse et l’actrice Rena Nōnen (créditée sous le nom de Non) montre une belle présence à l’écran. Tout cela serait parfait si le film n’était pas si long (2h10). Certaines scènes paraissent inutiles.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Non, Kento Hayashi, Asami Usuda, Takuya Wakabayashi
Voir la fiche du film et la filmographie de Akiko Ôku sur le site IMDB.
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Remarque :
Le (ou la) tempura est un plat de friture japonais, originaire du Portugal. Ces beignets consistent en une pâte à frire, à base de farine, d’œuf et d’eau, dans laquelle on trempe du poisson ou des legumes.

Tempura (Watashi wo kuitomete)Non (Rena Nōnen) confectionne un tempura lors d’un cours de cuisine
dans Tempura (Watashi wo kuitomete) de Akiko Ôku.

20 août 2023

Plan 75 (2022) de Chie Hayakawa

Plan 75Pour faire face au vieillissement de sa population, le Japon met en place le « Plan 75 », un programme pour inciter les personnes âgées de plus de 75 ans à se faire euthanasier…
Plan 75 est un film de science-fiction écrit et réalisé par la japonaise Chie Hayakawa. Il s’agit du premier long métrage de cette quarantenaire. Elle en avait déjà réalisé une version courte en 2017 dans le film Anticipation Japon, qui regroupe cinq courts-métrages de cinq réalisateurs différents. Le propos n’est pas de se montrer pour ou contre l’euthanasie : la réalisatrice est inquiète du climat d’intolérance au Japon envers les personnes âgées et les personnes socialement faibles. « Éliminer ceux que certains appellent « les improductifs » est un concept très proche du fascisme. Bien que nous n’ayons pas de dictateur, une telle atmosphère peut émerger spontanément parmi les gens. C’est ce qui me fait peur » explique la réalisatrice. Son film est construit sur un récit de type choral, nous suivons cinq personnes dans des situations très différentes. Il assez terrifiant par sa froideur, décrivant l’organisation mise en place. La résignation se montre plus forte que les interrogations. La cinéaste joue beaucoup avec la profondeur de champ, avec les zones de flou et de netteté, pour créer une atmosphère. Récompensé d’une mention à la Caméra d’or à Cannes 2022.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Chieko Baishô, Hayato Isomura, Stefanie Arianne
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Plan 75
Chieko Baishô (en plein karaôké) dans Plan 75 de Chie Hayakawa.

25 avril 2023

Jin-Roh: La Brigade des loups (1999) de Hiroyuki Okiura

Titre original : « Jin-Rô »

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Japon, fin des années 1950. Pour répondre à des émeutes de plus en plus violentes, le gouvernement a créé une police paramilitaire composée d’hommes en armure ; lourdement armés et dotés de lunettes spéciales, ils n’ont presque rien d’humain. Une nuit, lors d’une opération dans les égouts, le brigadier Kazuki Fuse, hésite à tuer une jeune fille porteuse d’une bombe qu’elle fait exploser devant lui…
Jin-Roh, la brigade des loups est un film d’animation japonais de science-fiction réalisé par Hiroyuki Okiura, scénarisé par Mamoru Oshii (le réalisateur de Ghost in the Shell). Il s’appuie sur l’univers de son Kerberos Panzer Cop, une série de mangas publiés entre 1988 et 2006 illustrés par plusieurs artistes. Mamoru Oshii l’avait déjà porté à l’écran par deux fois en personnages réels (1). Il s’agit d’un univers uchronique où le Japon vient d’être occupé par une armée dont les uniformes rappellent fortement ceux des soldats de l’Allemagne nazie. L’atmosphère est très noire. L’histoire est plutôt compliquée avec une symbolique un peu lourde, inspirée du Petit Chaperon rouge. Le réalisateur Okiura étant allergique aux ordinateurs, le film a entièrement été fait à la main de façon traditionnelle. L’animation est saccadée et imprécise. Mon avis, plutôt mitigé, n’est pas majoritaire : le film est généralement bien considéré.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs:
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Voir les livres sur Mamoru Oshii

(1) The Red Spectacles de Mamoru Oshii (1987) et Stray Dogs de Mamoru Oshii (1991).

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô) de Hiroyuki Okiura.

Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô)Jin-Roh: La Brigade des loups (Jin-Rô) de Hiroyuki Okiura.

21 avril 2023

Suis-moi, je te fuis (2020) de Kôji Fukada

Autre titre : « Fuis-moi, je te suis »
Titre original : « Honki no shirushi: Gekijō ban »

Suis-moi, je te fuisEntre ses deux collègues de bureau, le cœur de Tsuji balance. Jusqu’à cette nuit où il rencontre Ukiyo, en lui sauvant la vie sur un passage à niveau. Malgré les mises en garde de son entourage, il est irrémédiablement attiré par la jeune femme… qui n’a de cesse de disparaître.
Suis-moi, je te fuis est un film japonais réalisé par Kōji Fukada. Il s’agit de l’adaptation d’un manga de Mochiru Hoshisato que le réalisateur a d’abord adapté en une série de dix épisodes de 23 minutes, diffusée au Japon en 2019. Le succès a été tel que la chaîne a demandé à Fukada de remonter la série pour l’exploiter en un long-métrage de près de 4 heures. Il est sorti en France en deux parties : Suis-moi, je te fuis et Fuis-moi, je te suis mais il s’agit bien d’un seul et unique film : il n’est pas envisageable le voir le second sans avoir vu le premier et ne voir que le premier serait dommage car les personnages acquièrent vraiment de l’épaisseur dans la seconde partie. L’histoire n’est pas banale. Les personnages des films de Fukada ont toujours quelque chose d’étrange et c’est encore le cas ici. La première partie nous laisse plutôt insatisfait mais la seconde nous permet de mieux les cerner et de comprendre leur comportement. L’ensemble est beaucoup trop long (il me semble qu’il aurait très possible d’en faire un film de 2 heures) mais les spectateurs les plus motivés ne seront pas déçus : les films de Kōji Fukada sont semblables à nul autre.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Win Morisaki, Kaho Tsuchimura, Shôhei Uno, Kei Ishibashi, Akari Fukunaga
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Remarque :
* La version complète du film, sous le titre The Real Thing, a été sélectionnée en compétition lors du festival de Cannes 2020 (festival annulé).
* Le cinéaste découvrit le manga The Mark of Truth (Honki no Shirushi) de Mochiru Hoshisato lorsqu’il était étudiant de cinéma au début des années 2000.

Suis-moi, je te fuisKaho Tsuchimura et Win Morisaki dans Suis-moi, je te fuis de Kôji Fukada.

8 février 2023

Mademoiselle Ogin (1962) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ogin-sama »

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)À la fin du XVIe siècle, alors que le Christianisme venu d’Occident est proscrit, Ogin, la fille du célèbre maître de thé Rikyu, tombe amoureuse du samouraï Ukon Takayama, qui est chrétien. Le guerrier refuse ses avances, préférant se consacrer à sa foi, et Ogin prend pour époux un homme qu’elle n’aime pas. Mais quelques années plus tard, Ukon revient et lui avoue son amour. Ogin veut reprendre sa liberté mais le redoutable Hideyoshi, qui règne sur le pays, a entamé des persécutions anti-chrétiennes…
Mademoiselle Ogin est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, sa sixième et ultime réalisation. Le scénario est l’œuvre de Masashige Narusawa, d’après un roman de Tōkō Kon paru en 1956. Comme pour ses réalisations précédentes, Kinuyo Tanaka s’empare du sujet pour en faire un récit de femme vue par une femme. Le mélodrame est certes un peu appuyé, une histoire d’un amour fou et destructeur, mais le film enchante par la qualité de sa réalisation et la beauté de ses images en couleurs. Certains cadrages sont absolument superbes. Kinuyo Tanaka a cette fois profité d’un budget important qu’elle utilise à merveille. Elle dirige Ineko Arima, actrice qui a joué avec les plus grands (Naruse, Ozu, Kobayashi,…) Les raisons pour lesquelles Kinuyo Tanaka n’a pas continué à réaliser ne semblent pas connues avec certitude. C’est un grand dommage car il ne fait nul doute qu’elle aurait continué à signer de grands films.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Ineko Arima, Tatsuya Nakadai, Ganjirô Nakamura, Mieko Takamine, Osamu Takizawa, Kôji Nanbara
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Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Mieko Takamine et Ineko Arima dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

Mademoiselle Ogin (Ogin-sama)Ineko Arima et Hisaya Itô dans Mademoiselle Ogin (Ogin-sama) de Kinuyo Tanaka.

7 février 2023

La Nuit des femmes (1961) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Onna bakari no yoru »

La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)À la fin des années 1950 au Japon, les lois anti-prostitution entrainent la fermeture des maisons closes. Des centres de réinsertion pour anciennes prostituées sont créés. La jeune Kuniko est particulièrement motivée pour retrouver une nouvelle place dans la société japonaise. Avec l’aide de la responsable du centre, elle déniche un emploi dans une épicerie à Tokyo…
La Nuit des femmes est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka. Le scénario est signé Sumie Tanaka (pas de relation familiale), il est basé sur un roman de Masako Yana. Après une grosse production en couleurs (La Princesse errante), la réalisatrice se lance dans un projet plus modeste en moyens où elle nous parle de nouveau de femmes vues par des femmes. L’histoire met en relief les difficultés de réinsertion de ces anciennes prostituées : si certaines n’en ont aucune envie, d’autres désirent repartir sur de nouvelles bases mais le passé revient toujours en force. Kinuyo Tanaka a toutefois tenu à donner une fin positive à son récit, ce n’était pas le cas dans le roman. Le récit met en avant les rapports des femmes entre elles, il n’y a que peu d’hommes. La réalisatrice a choisi une actrice très peu connue pour le rôle principal, Chisako Hara. Elle fait une belle prestation : elle exprime à la fois de la fragilité et une grande détermination. Le film possède une indéniable force. Certains analystes ont rapproché La Nuit des femmes des films de la Nouvelle Vague japonaise, tel Contes cruels de la jeunesse de Nagisa Ôshima par sa façon d’aborder les personnages.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Chisako Hara, Akemi Kita, Kyôko Kagawa, Chikage Awashima, Yôsuke Natsuki
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La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)Chisako Hara dans La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru) de Kinuyo Tanaka.

La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru)Yôsuke Natsuki et Chisako Hara dans La Nuit des femmes (Onna bakari no yoru) de Kinuyo Tanaka.

6 février 2023

La Princesse errante (1960) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Ruten no ôhi »

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Tokyo, 1937. Ryūkō est une jeune fille insouciante d’origine noble qui se rêve en artiste peintre et vit auprès de ses parents et de sa grand-mère. Elle accepte d’épouser le frère de l’empereur de Maundchourie. Ce mariage est destiné à renforcer les relations entre les deux nations et introduire le sang japonais dans la famille impériale mandchoue…
La Princesse errante est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka, son quatrième long métrage, son premier en couleurs. Il s’agit de l’adaptation de la biographie homonyme de Hiro Saga, publiée quelques mois plus tôt. Cette princesse a connu un destin peu commun, mouvementé et tragique. La société de production Daiei a voulu ouvertement en faire un film pour les femmes et fait par des femmes : la présentation du film à l’époque en témoigne. Le budget fut assez important. La mise en place est assez longue, s’attardant sur les protocoles des familles impériales. La suite est plus tragique, lorsque survient la guerre, avec la difficile position mandchoue dans un conflit qui déchire le pays. Pour le premier rôle, Kinuyo Tanaka a choisi Machiko Kyô, l’actrice qui l’a remplacée comme égérie de Mizoguchi. L’actrice est de tous les plans ou presque, elle fait une très belle prestation.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Machiko Kyô, Eiji Funakoshi, Chieko Higashiyama, Kuniko Miyake, Mitsuko Mito, Chishû Ryû, Tatsuya Ishiguro
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Remarque :
• La fin est un peu abrupte car l’histoire était encore en cours : en 1961, soit un an après la sortie du film, le couple fut enfin réuni grâce à la permission du Premier ministre chinois et s’installe à Pékin. Hiro Saga y vivra jusqu’à sa mort en 1987, à l’âge de 73 ans. Son mari lui survivra quelques années. Leur deuxième fille (totalement absente du film), née en 1940 deux ans après l’aînée, est toujours en vie.

La Princesse errante (Ruten no ôhi)Machiko Kyô dans La Princesse errante (Ruten no ôhi) de Kinuyo Tanaka.

5 février 2023

Maternité éternelle (1955) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Chibusa yo eien nare »

Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare)Fumiko Shimojō a deux enfants et son mariage avec un homme qui la trompe est malheureux. Ses meilleurs moments sont ceux qu’elle passe à son club de poésie : elle compose des tanka (1) et y rencontre deux amis d’enfances, Kuniko et son mari Takashi Hori dont elle est secrètement amoureuse…
Après deux longs métrages reposant sur des scénarios qui lui avaient été proposés par d’autres personnes, Maternité éternelle est la première réalisation vraiment personnelle de Kinuyo Tanaka. Elle en a choisi le sujet : elle avait été profondément touchée par l’histoire de Fumiko Nakajô, jeune et brillante poétesse, morte foudroyée par un cancer du sein à 31 ans (le titre français n’est pas très bien trouvé, le sens du titre original est proche de « seins éternels »). C’est un portrait de femme possédant une grande force de caractère et dont l’émancipation sera stoppée nette par la maladie. Le film possède une liberté de ton à l’image de son héroïne qui aspire à une liberté interdite aux femmes. Résolument du côté du point de vue des femmes, le film nous montre des choses qu’un cinéaste homme ne filmera jamais, il aborde en tous cas des thèmes pas ou très peu évoqués dans les années cinquante (que ce soit au Japon ou ailleurs). Le drame est puissant, extrêmement fort. L’interprétation de Yumeji Tsukioka est parfaite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Yumeji Tsukioka, Ryôji Hayama, Hiroko Kawasaki, Shirô Ôsaka, Masayuki Mori
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(1) Le tanka (traduction littérale  « chant court ») est un poème japonais sans rimes, de 31 mores (sons élémentaires émis lors de la phonation) sur cinq lignes.

Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare)Yumeji Tsukioka dans Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare) de Kinuyo Tanaka.

4 février 2023

La Lune s’est levée (1955) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Tsuki wa noborinu »

La Lune s'est levée (Tsuki wa noborinu)Mokichi Asai vit à Nara auprès de ses trois filles : l’aînée Chizuru, revenue au domicile familial après la mort de son mari ; la cadette Ayako, en âge de se marier mais peu pressée de quitter les siens ; et la benjamine Setsuko, la plus exubérante, qui rêve de partir s’installer à la capitale. Cette dernière est très proche de Shoji, le jeune beau-frère de Chizuru qui loge provisoirement dans un temple à proximité…
La Lune s’est levée est un film japonais réalisé par Kinuyo Tanaka. C’est le deuxième long métrage de cette actrice-star passée à la réalisation (1). Le scénario a été écrit en 1947 par Yasujirō Ozu qui pensait le tourner lui-même mais le projet n’a pu voir le jour. Kinuyo Tanaka connait Ozu de longue date, elle a tourné dans ses tous premiers films dans les années 20 : de plus Ozu l’a activement soutenue dans les difficultés qu’elle rencontrait pour devenir réalisatrice (contrairement à Mizoguchi, dont elle fut l’égérie, qui chercha à la dissuader). De ce fait, le cinéma de Kinuyo Tanaka montre une influence marquée, on retrouve l’atmosphère des films d’Ozu et ses thèmes de prédilection : la famille, le mariage. Cela explique aussi que la réalisatrice n’a pas cherché à modifier le scénario, elle avait un grand respect pour le travail d’Ozu. Certaines phrases notamment dans l’épilogue sont ainsi inattendues de la part d’une femme-réalisatrice. Elle a su toutefois ici et là apporter une touche féminine dans les détails sur le quotidien des femmes. La Lune s’est levée parle de l’éveil à l’amour, de la difficulté à exprimer ses sentiments dans un cadre social assez rigide.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Chishû Ryû, Shûji Sano, Yôko Sugi, Mie Kitahara, Kô Mishima, Shôji Yasui, Kinuyo Tanaka
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Remarque :
• Le scénario a été amendé à la demande d’un sponsor, la Nippon Telegraph and Telephone Public Corporation (ce qui explique ce passage si étrange sur les télécommunications!)
• La réalisatrice Kinuyo Tanaka tient le rôle d’une servante (Yoneya).

(1) Immense star dans son pays, Kinuyo Tanaka avait plus de 100 films à son actif quand elle est passée à la réalisation. Le désamour de son public suite à une campagne de dénigrement (elle était accusée de s’être trop américanisée lors d’une tournée aux Etats-Unis) la poussa à passer derrière la caméra. Elle fut ainsi la première femme réalisatrice japonaise après la guerre.

La Lune s'est levée (Tsuki wa noborinu)Hisako Yamane, Yôko Sugi et Mie Kitahara dans La Lune s’est levée (Tsuki wa noborinu) de Kinuyo Tanaka.
La Lune s'est levée (Tsuki wa noborinu)Chishû Ryû, Hisako Yamane et Yôko Sugi dans La Lune s’est levée (Tsuki wa noborinu) de Kinuyo Tanaka.

3 février 2023

Lettre d’amour (1953) de Kinuyo Tanaka

Titre original : « Koibumi »

Lettre d'amour (Koibumi)Reikichi vit chez son frère à Tokyo. C’est un homme taciturne marqué par la guerre au contraire de son jeune frère plein de vie et d’énergie. Reikichi passe ses journées à rechercher parmi la foule des badauds son amour d’enfance, Michiko. Pendant la guerre, les parents de Michiko l’ont forcée à se marier et elle lui a envoyé une lettre d’adieu dans laquelle elle lui avouait son amour et son désespoir de devoir se marier à un autre. À son retour de la guerre, Reikichi a appris la mort du mari de Michiko mais il a perdu sa trace et, depuis, il la recherche…
Lettre d’amour est un film japonais, premier long métrage réalisé par Kinuyo Tanaka, grande star en tant qu’actrice depuis deux décennies. Le scénario est l’œuvre de Keisuke Kinoshita, par ailleurs réalisateur, d’après un roman de Fumio Niwa. Il s’agit d’une histoire d’amour empêché par la guerre et qui se retrouve dans une impasse. Le conflit intérieur des deux protagonistes ne semble pas trouver d’issue. Avec cette histoire, Kinuyo Tanaka nous parle de la vie ordinaire des japonais au lendemain de la guerre, des difficultés à revivre, à retrouver un travail notamment pour les femmes. Elle montre comment cette guerre a plus marqué ceux qui y ont participé : le jeune frère ne l’a pas faite et il déborde d’optimisme et de vitalité. Le récit est empreint de pudeur. L’ensemble peut évoquer les films de Naruse. Pour un premier film, la mise en scène paraît bien maitrisée mais, assez logiquement, Lettre d’amour est moins personnel que ses réalisations ultérieures.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Masayuki Mori, Yoshiko Kuga, Jûkichi Uno, Jûzô Dôsan
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Remarque :
• Évoquant les scènes durant lesquelles Reikichi cherche à retrouver Michiko à Shibuya (place et station de métro), le critique Enrique Seknadje écrit : « Kinuyo Tanaka a la merveilleuse idée de filmer plusieurs fois le protagoniste à côté de la statue de bronze érigée en 1934 en l’honneur du chien Hachikō réputé pour avoir accompagné et attendu son maître quotidiennement à la gare, y compris après la mort de celui-ci, en 1925 ». (Lu sur Wikipédia, voir l’image ci-dessous)

Lettre d'amour (Koibumi)Masayuki Mori et Yoshiko Kuga dans Lettre d’amour (Koibumi) de Kinuyo Tanaka.