18 septembre 2024

Police sans armes (1950) de Basil Dearden

Titre original : « The Blue Lamp »
Autre titre français : « La Lampe bleue »

Police sans armes (The Blue Lamp)Londres, 1949. Dans le quartier populaire de Paddington, le policier vétéran George Dixon apprend le métier à une jeune recrue, Andy Mitchell. Ailleurs dans la ville, deux jeunes désœuvrés préparent le hold-up d’une bijouterie…
The Blue Lamp est un film britannique réalisé par Basil Dearden et produit par Ealing Studios. Le scénario est signé par l’excellent T.E.B. Clarke (Thomas Ernest Bennett Clarke) qui a été lui-même policier volontaire pendant la guerre. L’histoire dresse un portrait du travail des policiers anglais, un portrait qui s’aligne sur l’image traditionnelle du bobby bienveillant. Petit à petit, le rythme s’accélère et la seconde moitié montre une traque des braqueurs de plus en plus haletante. La longue séquence finale sur un champ de courses de lévriers est assez remarquable. La construction est très bien faite. On peut trouver l’ensemble assez classique mais il a un cachet très britannique qui change agréablement des films américains. L’un des deux délinquants est interprété par Dick Bogarde dans l’un de ses tous premiers rôles, il montre une belle présence à l’écran. The Blue Lamp connu un très grand succès au Royaume-Uni : c’est le film qui réalisa le plus d’entrées de l’année 1950. Le personnage du bobby George Dixon sera repris dans une série télévisée, Dixon of Dock Green, qui dura plus de vingt ans sur BBC1 !
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Warner, Jimmy Hanley, Dirk Bogarde, Robert Flemyng, Bernard Lee, Peggy Evans, Patric Doonan, Bruce Seton
Voir la fiche du film et la filmographie de Basil Dearden sur le site IMDB.

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Remarque :
• Le film étant en noir et blanc, le sens du titre original peut échapper au spectateur non britannique : il fait référence à lanterne bleue qui traditionnellement orne le fronton des commissariats de quartier (et que l’on voit en gros plan au début et à la fin du film).

Dora Bryan et Jack Warner dans Police sans armes (The Blue Lamp) de Basil Dearden.
Dirk Bogarde, Patric Doonan, and Peggy Evans
dans Police sans armes (The Blue Lamp) de Basil Dearden.

2 juin 2024

La Victime (1961) de Basil Dearden

Titre original : « Victim »

La Victime (Victim)Grand avocat londonien et père de famille, Melville Farr est sur le point d’embrasser une carrière de juge. Lorsque Jack « Boy » Barrett, son ancien amant victime de chantage, l’appelle à l’aide, Farr refuse de l’écouter, craignant pour sa carrière. Peu de temps après, Barrett est retrouvé pendu dans sa cellule. Bouleversé par cette nouvelle, l’avocat décide alors de retrouver la trace des maîtres-chanteurs…
La Victime est un film britannique réalisé et coproduit par Basil Dearden. Le film a une indéniable valeur sociologique car il dresse un portrait de la situation de la pénalisation de l’homosexualité en Angleterre au début des années soixante : si après 1957, les homosexuels (alors passibles d’une peine de 10 ans de prison) étaient un peu moins poursuivis par la police, ils étaient couramment à la merci de maîtres-chanteurs sans scrupule. Le plus remarquable dans ce film est la façon dont il traite ce sujet très délicat à l’époque : le récit est très équilibré, sans militantisme, il met l’accent sur l’amour et sur l’attachement. Son succès relatif aurait joué un rôle déterminant dans la libéralisation des mentalités et de la loi britannique (1). C’est le premier film britannique qui utilise le terme « homosexualité ». Beaucoup d’acteurs ont refusé le rôle mais Dick Bogarde n’a pas hésité à prendre de gros risques : à l’instar de son personnage, il risquait d’y sacrifier sa carrière. Il était alors un acteur très connu, mais dans des rôles plutôt légers. Il montre ici une belle intensité. Ce film (et bien entendu, peu après, The Servant de Losey) sera finalement pour lui un tournant. L’accueil de la critique anglaise sera plutôt bonne… alors que, bizarrement, la critique française a méprisé le film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Sylvia Syms, Dennis Price, Anthony Nicholls, Peter McEnery, Donald Churchill, Derren Nesbitt
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(1) La dépénalisation des relations homosexuelles pour les plus de 21 ans se fera en 1967 (Angleterre et Pays de Galles), en 1980 (Ecosse) et en 1982 (Irlande du Nord). En 2000, la limite d’âge sera minorée à 16 ans.

Sylvia Syms et Dirk Bogarde dans La Victime (Victim) de Basil Dearden.

24 avril 2023

Les Damnés (1969) de Luchino Visconti

Titre original : « La caduta degli dei »

Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-)Allemagne, 1933. Au sein de la puissante famille d’industriels von Essenbeck, l’arrivée au pouvoir du national-socialisme engendre une lutte qui précipitera sa désintégration…
Les Damnés est un film italien réalisé par Luchino Visconti. C’est le premier film d’une trilogie allemande, avant les futurs Mort à Venise (1971) et Ludwig (1972). L’histoire s’inspire de celle de la famille Krupp et de son implication dans le nazisme. Selon ses propres paroles, Visconti a « voulu créer un Macbeth moderne » et s’inspire de Wagner pour hisser ses personnages en demi-dieux païens dominés par l’argent. Il met en relief la perversité de la montée du fascisme et sa façon d’attiser les luttes internes pour mieux détruire. En outre, le réalisateur instille un sentiment de dépravation. Sa reconstitution très brutale de La Nuit des longs couteaux est la scène la plus célèbre du film, une scène qui a suscité des polémiques sur son esthétisation, jugée malsaine. Car si Les Damnés est un puissant drame shakespearien doté d’une grande signification politique, c’est aussi un film d’une grande perfection esthétique dont la mise en scène est totalement orchestrée. L’utilisation de la lumière et des couleurs est remarquable. L’interprétation est parfaite. Le film a révélé l’acteur autrichien Helmut Berger, que Visconti avait pris sous son aile. Les Damnés  est un film remarquable, un de ces films qui restent durablement dans nos mémoires.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Ingrid Thulin, Helmut Griem, Helmut Berger, Umberto Orsini, Reinhard Kolldehoff, Albrecht Schoenhals, Charlotte Rampling
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Remarque :
• Le titre italien, La caduta degli dei (= La Chute des dieux), fait référence à l’opéra de Richard Wagner Le Crépuscule des dieux ; le sous-titre Götterdämmerung  est d’ailleurs utilisé en complément du titre italien original. Les producteurs ont refusé la référence wagnérienne pour les titres à l’international (y compris en Allemagne), tout comme ils ont refusé que Visconti utilise la musique de Wagner.
• Outre Macbeth, Visconti cite Richard III comme influence shakespearienne. Selon Helmut Berger, Visconti avait l’intention de réaliser « une transposition moderne des Buddenbrook » (le livre de Thomas Mann paru en 1901). Par ailleurs, la scène avec la petite fille juive évoque un passage de Les Démons de Dostoïevski.
• Pour un récit plus historique de la Nuit des longs couteaux, lire la page Wikipédia

Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-)Herlmut Berger, Dirk Bogarde et Ingrid Thulin
dans Les damnés (La caduta degli dei -Götterdämmerung-) de Luchino Visconti.

24 mai 2022

Portier de nuit (1974) de Liliana Cavani

Titre original : « Il portiere di notte »

Portier de nuit (Il portiere di notte)Vienne, 1957. Max (Dick Bogarde), un ancien officier SS, est portier de nuit dans un palace hébergeant d’anciens nazis. Lorsque Lucia Atherton (Charlotte Rampling) vient loger avec son mari chef d’orchestre dans cet hôtel, Max reconnaît immédiatement en elle une ancienne déportée avec qui il eut une ardente passion sadomasochiste…
Portier de nuit est un film italien coécrit et réalisé par Liliana Cavani. A sa sortie, le film suscita de nombreuses polémiques tant dans le milieu du cinéma que chez les intellectuels. Il fut critiqué pour son « esthétique nazie » et la mise en scène malsaine et théâtrale à caractère sexuel d’une victime et de son bourreau (1). Aujourd’hui, l’argument reste recevable mais l’attrait de la nudité est bien moindre que dans les années soixante-dix. Le film a donc perdu tout (éventuel) pouvoir attractif sur ce plan (« attractif » dans le sens « capable d’attirer l’attention et de frapper les esprits »). En revanche, il reste très perturbant. Le sujet n’est pas en soi le nazisme mais plutôt une passion sadomasochiste extrême placée dans un environnement monstrueux, le nazisme. Les flashbacks sont assez glaçants, peu démonstratifs ; Liliana Cavani suggère plus qu’elle ne montre et il paraît difficile de l’accuser d’une fascination envers ces SS statufiés, dénués d’humanité. Elle n’a aucune indulgence non plus pour son personnage principal, Max, qui est clairement défini comme un monstre. Si l’ensemble est dérangeant, il est aussi doté d’une grande force. La comparaison a été souvent faite avec Les Damnés de Visconti (1969) mais il n’atteint pas son équilibre et il n’a pas son style remarquable.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Giuseppe Addobbati, Isa Miranda
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(1) En particulier, Michel Foucault critiqua sévèrement cette vision sexualisée du nazisme : si pour lui, « le pouvoir a une charge érotique », il s’étonne que tout un « imaginaire érotique de pacotille [soit] placé maintenant sous le signe du nazisme ».

Portier de nuit (Il portiere di notte)Dirk Bogarde et Charlotte Rampling dans Portier de nuit (Il portiere di notte) de Liliana Cavani.

12 décembre 2020

La bête s’éveille (1954) de Joseph Losey

Titre original : « The Sleeping Tiger »

La Bête s'éveille (The Sleeping Tiger)À Londres, un psychiatre décide, avec l’accord de la police, d’héberger chez lui pour une durée de six mois un jeune voyou qui avait tenté de l’agresser dans la rue, afin de l’étudier. L’épouse du docteur, d’abord réticente, est par la suite attirée par le jeune homme…
En 1952, alors qu’il était sur un tournage en Italie, l’américain Joseph Losey apprend qu’il est accusé d’être communiste et se retrouve sur la liste noire sans mettre avoir comparu devant la commission dirigée par McCarthy. Le cinéaste choisit alors de se réfugier en Angleterre mais les producteurs anglais hésitent à lui confier un projet. Il parviendrait finalement à tourner The Sleeping Tiger sous un nom d’emprunt, Victor Hanbury (un réalisateur britannique qui n’avait rien tourné depuis 1944), ce qui permettra au film d’être distribué aux Etats-Unis. Basée sur un roman de Maurice Moiseiwitsch, l’histoire met en avant la psychanalyse en tant que méthode. Le film a été tourné très rapidement, avec peu de moyens. Sans être un grand film, il montre une certaine intensité et on y reconnaît le style d’approche des personnages spécifique à Joseph Losey. C’est surtout net pour Dirk Bogarde, ici dirigé par Losey pour la première fois, mais aussi pour l’actrice américaine Alexis Smith. La mise en scène est assez élégante et stylée. Le film est considéré comme mineur mais il se révèle très prenant par son atmosphère et ses personnages. Il ne dépare pas avec le reste de la filmographie de Joseph Losey.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Dirk Bogarde, Alexis Smith, Alexander Knox
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La Bête s'éveille (The Sleeping Tiger)Alexander Knox et Alexis Smith et Dirk Bogarde dans La Bête s’éveille (The Sleeping Tiger) de Joseph Losey.

La Bête s'éveille (The Sleeping Tiger)Dirk Bogarde dans La Bête s’éveille (The Sleeping Tiger) de Joseph Losey.

23 octobre 2018

Modesty Blaise (1966) de Joseph Losey

Modesty BlaiseLes services secrets britanniques font appel à l’aventurière Modesty Blaise pour s’assurer qu’une petite cargaison de diamants envoyée à un cheikh arabe ne sera pas volée en chemin. Pendant ce temps, le séduisant criminel français Gabriel peaufine ses plans pour s’emparer des diamants…
Modesty Blaise est au départ une bande dessinée créée en 1963 par l’anglais Peter O’Donnell. Le personnage peut être rapidement décrit comme une variante féminine de James Bond (dont la popularité explosait alors au cinéma). L’adaptation au cinéma prend de grandes libertés puisqu’elle se place nettement dans le registre de la comédie et de la satire. Pour être indulgent, on peut parler de démythification du personnage de héros. L’histoire est totalement farfelue, servant uniquement de prétexte à enchaîner des situations les plus inattendues qui soient. Le film est assez plaisant dans sa première moitié par ce mélange de nonsense et de pop’art. Il y a de belles trouvailles. Une fois l’effet de surprise émoussé, on finit hélas par s’ennuyer quelque peu et le film paraît alors bien long. Dick Bogarde campe son personnage d’élégant criminel avec sérieux ; Monica Vitti est une héroïne sexy pleine de ressources. Que tout cela soit signé Joseph Losey est finalement le plus étonnant, car le film est vraiment très léger, dans tous les sens du terme. Le film n’eut que peu de succès.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Monica Vitti, Terence Stamp, Dirk Bogarde, Harry Andrews, Clive Revill, Alexander Knox
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Modesty BlaiseMonica Vitti et Terence Stamp dans Modesty Blaise de Joseph Losey.

Modesty Blaise
Modesty BlaiseLa blonde Monica Vitti peut devenir brune d’un simple claquement de doigt dans Modesty Blaise de Joseph Losey.

14 janvier 2013

Despair (1978) de Rainer Fassbinder

DespairA Berlin en 1930, un dandy d’origine russe dirige une petite entreprise de fabrication de chocolats. Il développe un dédoublement de la personnalité : il s’imagine par exemple assis dans un fauteuil se regardant faire l’amour à sa femme. Ce syndrome va l’entrainer à mettre sur pied une surprenante machination… En 1978, Fassbinder a surpris le monde du cinéma avec Despair : pour son 34e film, le réalisateur a accepté une production internationale, avec un budget conséquent et une tête d’affiche connue. Il tourne un film assez déroutant qui tranche avec ses films précédents. Le scénario de cette adaptation du roman La Méprise de Nabokov est signé Tom Stoppard, écrivain de théâtre anglais d’origine tchèque qui avait notamment écrit pour Losey. Le film déroute car il paraît alourdi par un symbolisme trop appuyé de symboles et une diction des acteurs presque pédante (1). Il reste assez nébuleux dans son développement. Sur le plan de la forme, c’est le jeu avec les vitres et les reflets qui est le plus réussi bien qu’il soit, lui aussi, souvent trop appuyé, semblant se transformer alors en course à la virtuosité. Les références à l’Histoire de l’Allemagne, toujours très fortes chez Fassbinder, sont ici réduites à de la pure figuration. Assez rapidement, on se désintéresse de cette lente glissade vers la folie. Despair est un film bien surprenant de la part de Fassbinder.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Dirk Bogarde, Andréa Ferréol, Klaus Löwitsch, Volker Spengler
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(1) A noter que le film a de plus été tourné en anglais et donc les accents sont assez marqués. Même Dirk Bogarde semble avoir un accent.