23 mars 2007

La Nuit américaine (1973) de François Truffaut

La nuit américaineElle :
Quel plaisir de voir et revoir ce film ! Avec un film dans le film, Truffaut nous dépeint le microcosme d’un plateau de cinéma avec son lot d’intrigues, d’amours réussis ou déçus, de rencontres, de difficultés qui sont le reflet de la vraie vie. Les rapports humains sont compliqués semble vouloir nous dire Truffaut. Un plateau de cinéma est une grande famille à cette époque où même le producteur est présent et participe au tournage. On sent aisément toute la passion de Truffaut pour le cinéma.
Note : 5 étoiles

Lui :
Truffaut nous offre une fenêtre sur le monde du cinéma. Par delà le côté « envers du décor », les trucs et astuces utilisés pour créer l’illusion, il s’attarde sur les personnes, acteurs et techniciens, qui peuplent ce « petit monde à lui tout seul » qu’est une production de cinéma. Etats d’âmes, tourments, interrogations, il nous décrit des esprits déroutés, manquant de repères : « La vie est-elle plus importante que le cinéma? » se demande Alphonse.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Jean-Pierre Léaud, François Truffaut, Jacqueline Bisset, Valentina Cortese, Dani, Alexandra Stewart, Jean-Pierre Aumont
Voir la fiche du film et la filmographie de François Truffaut sur le site imdb.com.

Voir les autres films de François Truffaut chroniqués sur ce blog…

4 réflexions sur « La Nuit américaine (1973) de François Truffaut »

  1. Beau film de Truffaut d’autant plus qu’il insère des séquences de films précédents. De mémoire, « Les 400 Coups » évidemment, mais aussi « L’amour en fuite » puis… ma mémoire me fait lamentablement défaut.
    Enfin, Jean-Pierre Léaud a une diction presque aussi parfaite que Jean-Louis Trintignant – réflexion soit dit en passant. A quand d’autres critiques de François Truffaut?
    (Beau site, je découvre)

  2. La Nuit américaine est certainement le premier  » Making off  » cinématographique de longue durée de tous les temps.

    Toute la machinerie nécessaire au fonctionnement d’un film est présente sur cet immense plateau ou l’on côtoie une véritable pyramide hiérarchique partant d’un essaim de petits boulots (Accessoiristes et assistants) qui très jeunes pour la plupart font leurs premiers pas dans les métiers du cinéma.

    Cette spirale nous transporte vers le caïd du plateau le réalisateur Ferrand essayant en maîtrisant son stress de faire avancer le tournage de son film « Je vous présente Paméla » compromis quotidiennement par les humeurs des comédiens qui ne sont que des humains fragiles devant contenir les trépidations capricieuses d’une vie quotidienne agitée par une concentration à toute épreuve que nécessite l’interprétation de personnages rigoureux.

    Ferrand se débat entre journées épiques et nuits cauchemardesques. Le tout sur pression quasi permanente de son producteur.

    Des interactions interviennent entre comédiens et personnages qui ne se contrôlant plus vivent les mêmes passions que leurs rôles. Le virtuel devient réalité.

    Séverine actrice grignotée par l’alcool s’avère incapable de réciter un texte à la perfection, toute l’équipe n’étant pas dupe de ses maladresses l’encourage malgré tout à persévérer qu’importe les aléas l’entreprise doit réussir même si il faut employer la flatterie hypocrite qui bypasse le constat d’une actrice déclinante.

    Alphonse comédien jeune et fougueux à l’image de Julien Sorel ne sait pas gérer ses soudaines passions éphémères qu’il ressent pour Paméla (Jacqueline Bisset) qui en véritable mère plutôt que femme accepte de noyer dans l’étreinte ses démesures.

    Alexandre par un événement tragique apporte ce que chaque metteur en scène redoute le plus pendant le tournage d’un film.

    Toute la ruche des assistants avec les jeunes comédiens débutants que sont à l’époque : Nathalie Baye, Dani, Bernard Menez et Jean François Stévenin sont par leurs fraîcheurs les emblèmes de ces métiers du cinéma stressants et conviviaux. La scène du chaton refusant d’exécuter ce qu’on lui demande est symbolique d’une équipe soudée persévèrante.

    A fur et à mesure que le temps passe l’inquiétude se lit sur leurs visages : Que feront-ils après ? Le dernier jour de tournage avec le traditionnel pot de départ malgré son coté festif désintègre toute une chaîne d’esprits.

    La Nuit américaine est une œuvre culte qui porte le nom le plus fabuleux « Vie ». Cette fonction fabrique de bas en haut un groupe ou chacun motivé par son travail active une énergie ou tout n’est qu’un.

    Vive le cinéma.

  3. Quel singulier cinéaste, ce Truffaut, qui a passé sa vie de cinéaste à filmer sa vraie vie …Une forme d’égocinéphilie assez unique, je trouve.

  4. Bigger than life
    On avance dans la filmo de François – lui aussi – le cinéaste a 40 ans lorsqu’il produit cette déclaration d’amour du/au cinéma, son métier, et comme l’écrit justement Tietle, il continue à enrichir sa propre autobiographie par fictions et acteurs/doubles interposés. Sauf qu’ici il joue lui-même le metteur en scène du film dans le film sur qui tout se cristallise et repose. Là où son ex camarade Godard quelques années plus tôt jouait le simple assistant de Fritz Lang dans « Le mépris », Truffaut s’arroge la place de maître à son bord. Ce n’est pas la première fois qu’un film évoque le monde du cinéma par ses cotés pile et face, son envers du décor, ses coulisses, ses magouilles, ses procédés, ses intrigues de toutes sortes : Vincente Minnelli avec « Les ensorcelés » et Godard avec « Le mépris » parmi les plus célèbres et réussis. Mais Truffaut s’y prend différemment en construisant son film comme un journal de tournage, comme jadis Cocteau l’avait fait – écrit – en pionnier pour « La Belle et la Bête ». La nuit américaine est un film consensuel fait pour plaire au plus grand nombre, ce qu’il n’a pas manqué d’obtenir, sa sélection au festival de Cannes hors concours l’a même probablement empêché de rafler la palme d’or. Mais à y regarder de plus près on relève quelques points intéressants d’ouverture à discussions. La forme d’abord qui est celle d’un film ultra classique qui ne doit plus rien à la nouvelle vague des débuts. On dirait même que l’auteur prône le cinéma qu’il avait jadis pourfendu : le film dans le film « Je vous présente Pamela » semble le prototype du film « ancienne vague », comédie bourgeoise tournée dans les décors de studios par une équipe traditionnelle. Et comme l’a souligné Godard le frère ennemi, alors que tout le monde couche avec tout le monde dans ce milieu d’acteurs, techniciens, conjoints, comparses, le metteur en scène Ferrand/Truffaut est le seul à ne pas baiser, ce qui, lorsqu’on connait la bio de Truffaut qui tombait très souvent amoureux de ses actrices, aurait du conduire (pour un peu plus de vérité et un peu moins de simplisme) Ferrand/Truffaut à coucher avec sa star Jacqueline Bisset. C’est là que beaucoup de films du cinéaste prennent un tour intéressant : jusqu’où sa biographie épouse t’elle ses fictions, la part du vrai et du faux ? Le cinéma plus grand que la vie disait-il souvent, « bigger than life ». Truffaut, l’homme cinéma du XX° siècle. « La nuit américaine », expression de jargon technique de cinéma pour signifier une scène de nuit tournée en plein jour – donc une scène truquée, fait partie des films « ligne claire » de son auteur. Il sera couronné d’un oscar sous le titre américain équivalent « Day for night ». On retrouvera la même formule appliquée au théâtre quelque temps plus tard avec un autre succès populaire « Le dernier métro », plus judicieusement situé dans une époque passablement troublée

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