24 janvier 2014

Wrong (2012) de Quentin Dupieux

WrongUn matin, Dolph Springer se réveille et ne retrouve plus son chien. Un mystérieux Master Chang entre peu après en contact avec lui… Quentin Dupieux a écrit et réalisé Wrong, une co-production franco-américaine qui porte bien son titre car il pousse assez loin l’absurde et l’incohérence. Ce style d’humour est toujours assez délicat car il est si facile d’aller trop loin mais Quentin Dupieux trouve un équilibre parfait, n’appuyant jamais trop fort ses effets. Pourtant les situations sont parmi les plus farfelues et les plus inattendues qui soient, rarement le non-sens aura été poussé si loin (sauf chez les Monty Python peut-être) avec de superbes trouvailles. L’interprétation est tout en retenue avec d’excellentes compositions. Inutile de chercher, il n’y a pas de message sous-jacent, Wrong est essentiellement une très belle pièce d’humour absurde. Une réussite.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jack Plotnick, William Fichtner, Eric Judor, Alexis Dziena, Steve Little
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Conseil : éviter de trop lire de commentaires sur ce film avant de le visionner pour bien profiter des effets de surprise.

22 janvier 2014

4h44 Dernier jour sur terre (2011) de Abel Ferrara

Titre original : « 4:44 Last Day on Earth »

4h44 Dernier jour sur terreQue peut-on faire lorsque que la fin du monde est annoncée pour la nuit prochaine à 4h44 ? Dans un loft new-yorkais, un acteur sexagénaire et une jeune femme peintre vivent leur dernier jour… Après Lars von Trier, Abel Ferrara aborde le sujet à la mode de la fin du monde (1). Mais son film est parfaitement à l’opposé d’une grosse production : un petit budget, un lieu presque unique (le loft), deux acteurs principaux. Abel Ferrara évite tous les clichés faciles liés à ce genre de catastrophe. C’est surtout l’occasion pour le cinéaste d’une variation sur ses convictions bouddhistes (2) et ses questionnements. Ses deux personnages vivent sans sortir. Le monde extérieur, il vient chez eux par de multiples écrans, de toutes tailles : une véritable overdose de technologie. Mais quelle est l’existence de ces représentations ? Les communications sur Skype ressemblent à des conversations avec des personnages d’outre-tombe. Sommes-nous déjà morts ? Qu’est devenue la communication ? On sent bien qu’Abel Ferrara a voulu donner une dimension philosophique à cette fable, ou au moins un regard sur notre société, mais le film manque tout de même un peu de substance. Il a toutefois le grand mérite de proposer un regard différent.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Shanyn Leigh, Willem Dafoe
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Voir les autres films de Abel Ferrara chroniqués sur ce blog…

(1) Achevé en 2011, le film sortira sur les écrans fin 2012. En France, il est ainsi sorti le 19 décembre 2012 soit deux jours avant « la fin du monde » prétendue annoncée par le calendrier des Mayas.
(2) Abel Ferrara s’est récemment converti au bouddhisme sous l’influence de sa jeune épouse, l’actrice Shanyn Leigh, qui interprète ici la jeune femme peintre.

19 janvier 2014

Le Gamin au vélo (2011) de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Le gamin au véloCyril est un jeune garçon de 12 ans qui n’a qu’une idée en tête : retrouver son père qui l’a placé dans un foyer. Il rencontre Samantha qui tient un salon de coiffure et accepte de le prendre avec elle, le week-end… Trois ans après Le Silence de Lorna, les frères Dardenne poursuivent dans la voie d’un cinéma moins marqué par une forme brute et percutante tout en restant puissant. L’histoire est assez forte à l’image de l’obstination de ce garçon qui refuse de croire les explications qu’on lui a données, qui refuse même les faits. Le déroulement ne laisse aucun temps mort, avalant parfois quelques ellipses habiles. La force de l’ensemble vient aussi de l’interprétation, y compris et surtout dans les moments avec pas ou peu de paroles. La musique vient souligner quelques scènes, ce qui assez habituel chez les frères Dardenne. Le gamin au vélo est indéniablement émouvant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Thomas Doret, Cécile De France, Jérémie Renier
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9 janvier 2014

Drive (2011) de Nicolas Winding Refn

DriveLe jour, il est un brillant cascadeur pour le cinéma. La nuit, il conduit avec grande expertise gangsters et autres cambrioleurs. Mais après avoir fait connaissance avec sa jolie voisine, il va être entrainé dans une histoire qui risque de mal se terminer… Les cinq premières minutes de Drive sont particulièrement réussies, un magistral jeu du chat et de la souris, pratiquement sans une parole ce qui renforce son impact. Le reste du film est loin d’être aussi prenant mais il est indéniable que le danois Nicolas Winding Refn possède un style qui lui est propre qui repose sur une mise en scène et un montage particulièrement maitrisés. Sous une apparence extérieure très stylisée et faite pour plaire, le fond de l’histoire est hélas d’un intérêt bien moindre. Nicolas Winding Refn exploite largement le charme et le charisme de son acteur principal, taciturne à l’excès, créant ainsi de très forts contrastes lors de poussées de violence sauvage inattendues. Le film a été très largement louangé par le public et par la presse…
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston, Albert Brooks, Oscar Isaac
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Remarque :
* Le prix de la mise en scène à Cannes a été décerné à Nicolas Winding Refn pour ce film.

3 janvier 2014

Argo (2012) de Ben Affleck

ArgoEn 1979, l’ambassade américaine de Téhéran est envahie par les étudiants islamiques qui demandent l’extradition du shah d’Iran protégé par les Etats-Unis. Ils prennent en otage leurs 52 occupants, ignorant que 6 autres membres de l’ambassade ont réussi à s’échapper par une porte dérobée et trouvé refuge à l’ambassade canadienne. La CIA met sur pied une opération pour faire sortir du pays ces 6 personnes, simulant une équipe venue en repérages pour le tournage d’un film… Inspiré d’une opération qui est restée top-secret jusqu’en 1997, Argo est un solide thriller politique qui comporte une note de comédie. En effet, la première partie du film est plutôt une satire du milieu hollywoodien, détaillant le montage de toutes pièces d’une fausse production de film. C’est dans la seconde partie que le suspense reprend ses droits avec une tension constamment entretenue. Au tout début du film, Ben Affleck a pris soin de donner les circonstances de cette prise d’otages, décrivant bien le rôle trouble des Etats-Unis en Iran. Ces explications sont très rapides et, surtout, elles sont balayées par la fureur des images qui suivent. Car Ben Affleck a particulièrement su bien gérer les scènes de foule qui sont vraiment impressionnantes. Argo est efficacement mis en scène et bien monté mais l’ensemble reste tout de même assez classique dans ses ressorts. Dès lors, on peut se demander si le succès (et les trois Oscars !) du film ne sont pas aussi dus au fait qu’il touche une corde actuellement particulièrement sensible, une corde qu’il fait vibrer joliment, il est vrai.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Ben Affleck, Bryan Cranston, Alan Arkin, John Goodman
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Remarques :
* Le film est produit par Ben Affleck, Grant Heslov et George Clooney.
* Ne pas confondre cette opération (réussie) avec celle (ratée) de sauvetage par les airs qui n’eut lieu que six mois plus tard et qui concernait, cette fois, les otages eux-mêmes. Ce n’est qu’après la mort du shah Mohammad Reza Pahlavi qui s’était réfugié entre temps en Egypte que les otages seront finalement libérés par les iraniens, après plus de 14 mois de détention, le jour même de l’investiture du président Reagan. Cette concomitance a bien entendu alimenté l’hypothèse de tractations secrètes entre Ronald Reagan et les iraniens (retarder la libération pour assurer son élection) mais aucun élément tangible ne vient confirmer aujourd’hui cette thèse qui a fait l’objet de deux commissions d’enquête. Il n’en reste pas moins que cette affaire des otages est sans aucun doute l’un des principaux éléments qui ont empêché la réélection de Jimmy Carter.

30 décembre 2013

Sugar Man (2012) de Malik Bendjelloul

Titre original : « Searching for Sugar Man »

Sugar ManSearching for Sugar Man raconte une histoire incroyable. Ce documentaire du suédois Malik Bendjelloul nous fait suivre l’enquête de deux fans sud-africains pour retrouver la trace du chanteur américain Sixto Rodriguez (d’un style proche de Bob Dylan) dont les deux seuls disques furent extrêmement populaires en Afrique du Sud dans les années soixante dix, en pleine époque de la lutte contre l’Apartheid. Le chanteur ignorait tout de ce succès et personne n’avait d’information sur lui. Le documentaire a été tourné avec très peu de moyens, le réalisateur utilisant même son Iphone pour tourner les scènes « vintage ». Bien monté, le film nous étonne sans arrêt, parvenant à créer un véritable mythe. Alors qu’il avait tout pour être confidentiel, Searching for Sugar Man a connu un certain succès après avoir été primé à Sundance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs:
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Remarques :
* Les deux disques de Sixto Rodriguez furent réédités en 2008 mais ce n’est qu’après la sortie du documentaire qu’ils commencèrent à se vendre très bien. Ils le méritent d’ailleurs. Depuis, le chanteur donne de nombreux concerts partout dans le monde.
* Le film oublie de dire que Sixto Rodriguez connut également un grand succès en Australie, succès qui n’était pas inconnu du chanteur puisque qu’il y fit deux grandes tournées en 1979 et 1981. Il est vrai que dire cela casse le mythe… C’est le seul reproche, somme toute assez mineur, que l’on puisse faire à ce documentaire.

> Lire l’article : La vie après Sugar Man sur Rolling Stone…

29 décembre 2013

À perdre la raison (2012) de Joachim Lafosse

À perdre la raisonA perdre la raison s’inspire d’un fait divers particulièrement tragique survenu en Belgique en 2007, un quadruple infanticide commis par une jeune mère de famille. Joachim Lafosse a pris le parti de nous dévoiler l’issue de ce drame dès les premières minutes, tout le film étant ensuite un flashback. La mise en place est alors assez longue malgré de très grandes ellipses. Il nous fait ensuite suivre la lente descente de cette jeune femme sans excès de sentimentaliste, nous dévoilant plus un faisceau d’indices, de petits éléments qui pris isolément peuvent être considérés inoffensifs et anodins mais qui, ensemble, vont conduire à une issue tragique. Toutefois, il ne parvient pas à fournir réellement d’explication, se refugiant derrière la « perte de raison ». Son film est toutefois assez remarquable par sa façon de montrer comment une tragédie peut avoir été engendrée par ce qui lui est normalement antinomique : la douceur, la sécurité, l’empathie. Sur ce point, le personnage du docteur/père/protecteur tenu par Niels Arestrup est remarquablement bien écrit, avec beaucoup de finesse. Le réalisateur belge fait donc, une fois de plus, preuve d’une grande sensibilité.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Niels Arestrup, Tahar Rahim, Émilie Dequenne
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27 décembre 2013

The Grandmaster (2013) de Wong Kar-wai

Titre original : « Yi dai zong shi »

The GrandmasterDans la Chine de 1936, Ip Man est un maitre de kung-fu qui reste invaincu. Lors d’un affrontement avec des maîtres du nord, il fait la connaissance de Gong Er, fille de grand maitre et experte dans l’art des 64 mains… The Grandmaster est librement adapté de la vie de Ip Man, ce maitre chinois des arts martiaux qui est connu pour avoir été le professeur de Bruce Lee et dont la vie semble beaucoup inspirer les cinéastes ces derniers temps. Hormis Ip Man, les autres personnages sont fictifs. Wong Kar-wai a tenu à réaliser un grand film sur le kung-fu, très authentique dans ses combats et sa philosophie. Hélas, l’ensemble est un peu confus et peine à nous captiver vraiment. Le cinéaste a surtout soigné l’esthétisme avec des images façonnées à l’extrême, ciselées, avec une grande utilisation de très gros plans et de ralentis à vitesse variable. Les teintes ocres sont omniprésentes et les intempéries (pluie, neige) viennent rajouter une touche esthétique supplémentaire. Techniquement parlant, l’image est parfaite, sans le moindre défaut (si ce n’est une image parfois saccadée). The Grandmaster est surtout un spectacle, un ensemble sans doute raffiné mais un peu ennuyeux tout de même. Tony Leung fait montre d’une belle présence à l’écran.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Tony Leung Chiu Wai, Ziyi Zhang, Chang Chen
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Autres films sur la vie de Ip Man :
Ip Man (Yip Man) de Wilson Yip (2008)
Ip Man 2 (Yip Man) de Wilson Yip (2010)
Ip Man, la legende est née (Yip Man chinchyun) de Harman Yau (2010)

22 décembre 2013

God Bless America (2011) de Bobcat Goldthwait

God Bless AmericaIrrité par son entourage immédiat et atterré devant la bêtise de la télévision, un quarantenaire prend son arme pour éliminer physiquement certaines personnes, symboles à ses yeux de l’abrutissement général. Il est rejoint par une adolescente de seize ans avec laquelle il fait équipe… Bob Goldthwait, qui a écrit et réalisé God Bless America, vient du stand-up où il excellait dans l’humour noir. Il n’est donc pas surprenant que son film soit particulièrement irrévérencieux. C’est souvent une bonne chose mais cela ne suffit pas. Si l’intention de l’auteur est de provoquer une réflexion sur la direction que prend notre société, les pistes qu’il nous propose sont tout de même assez limitées. D’une part, il se focalise essentiellement sur l’impact de la télévision-poubelle et, d’autre part, il part dans un peu tous les sens : à la manière de l’humour stand-up, il tire sur tout ce qui bouge (au propre comme au figuré), s’en prenant à tous ceux qui ne pensent pas comme lui, que ce soit sur des sujets importants ou très anodins. Autre probable héritage du stand-up, son film repose plus sur des monologues joliment tournés avec des phrases-choc que sur de vrais dialogues suivis. Certains passages sont vraiment amusants mais, au final, avec ses héros qui règlent les problèmes en sortant leurs flingues, God Bless America est plutôt une simple comédie défouloir qui surfe sur la fascination des armes.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Joel Murray, Tara Lynne Barr
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21 décembre 2013

Dans la maison (2012) de François Ozon

Dans la maisonAu milieu de copies uniformément navrantes, un professeur de français remarque une dissertation étonnante par la qualité de son écriture et qui se termine par les mots « à suivre ». Il va aider son jeune auteur à poursuivre … Librement adapté de la pièce espagnole de Juan Mayorga, Le Garçon du dernier rang, Dans la maison est une belle variation sur le processus de création. Au travers de l’apprentissage d’un jeune élève par son professeur, François Ozon en décrit habilement le processus, les tâtonnements, les tentations. Il souligne aussi, bien entendu, cette frontière mouvante entre réalité et invention qui ballote selon les désirs, cette tentation de fantasmer le réel. Il joue aussi avec la notion de normalité et de son image par le regard porté par l’adolescent sur la famille d’un de ses amis. C’est également, dans une certaine mesure, une réflexion sur le cinéma. Un peu moins intéressante, car finalement assez commune, est sa vision très critique de l’art conceptuel qu’il place en à-côté, pour apporter une note d’humour. L’interprétation est parfaite. Pour une fois, Luchini ne fait pas du Luchini et joue avec une retenue qui lui va bien. La prestation du jeune Ernst Umhauer est, elle aussi, assez remarquable. Dans la maison est un film élégamment tourné, très satisfaisant.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas, Emmanuelle Seigner, Denis Ménochet, Bastien Ughetto
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