17 mars 2013

Un chien andalou (1929) de Luis Buñuel

Un chien andalouCe court métrage muet de 20 minutes, premier film de Luis Buñuel, est unique dans l’histoire du cinéma. Alors âgé de 28 ans, Buñuel en a écrit le scénario avec son ami Salvador Dali et l’a tourné avec très peu de moyens, en empruntant de l’argent à sa mère. Un chien andalou est fortement influencé par les surréalistes et c’est grâce à eux que le film sera vu très largement, plus précisément grâce à Man Ray et Aragon. En écrivant Un chien andalou, Buñuel et Dali se sont affranchis de toute règle narrative et ont même évité le sens direct pour se concentrer sur la création instinctive d’images fortes, qui perturbent et qui interpellent. Il ne faut pas pour autant le voir comme dénué de sens : le film est l’expression de la révolte d’une génération qui veut bousculer l’ordre établi et aspire à une certaine pureté des sentiments. Les images prennent alors un sens : l’homme qui peine à traîner son passé, les insectes dans le corps, etc. La force du film est telle qu’il est toujours aussi dérangeant aujourd’hui qu’un siècle auparavant : non seulement par certaines de ses images (l’oeil tranché par une lame de rasoir reste l’une des scènes les plus difficiles à supporter de toute l’histoire du cinéma) mais aussi par sa liberté totale, par sa forme qui s’écarte de toutes les règles et par la puissance des images ainsi créées.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Simone Mareuil, Pierre Batcheff
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Remarque :
Dans son autobiographie, Mon dernier soupir, Luis Buñuel raconte ainsi l’écriture d’Un chien andalou : « Le scénario fut écrit en moins d’une semaine selon une règle très simple adoptée d’un commun accord : n’accepter aucune idée, aucune image qui pût donner lieu à une explication rationnelle, psychologique ou culturelle. Ouvrir les portes à l’irrationnel. N’accueillir que les images qui nous frappaient, sans chercher à savoir pourquoi. »

4 février 2013

The Manxman (1929) de Alfred Hitchcock

The Manxman(Film muet) Sur l’île de Man, Pete est amoureux de la jeune Kate sans se rendre compte que Philip, son ami d’enfance, en est aussi très épris. Pete décide de partir faire fortune à l’étranger pour pouvoir l’épouser et demande à son loyal ami Philip de veiller sur elle en son absence…
The Manxman (= « l’homme de l’île de Man ») est le dernier film muet d’Hitchcock. Adaptation d’un roman à succès de Sir Hall Caine, il s’agit d’un mélodrame certes très classique mais fort bien mis en scène par le réalisateur anglais, bien qu’il l’ait plus tard jugé comme étant un film « très ordinaire », et ajoute-t-il « sans humour ». L’atmosphère des îles anglaises est bien transcrite à l’écran avec ce mélange d’isolement et d’autarcie (1). C’est le second film d’Hitchcock avec l’acteur danois Carl Brisson qui montre ici une belle présence à l’écran. Ses plans en « regard caméra » sont étonnants d’intensité. Mais c’est la belle Anny Ondra qui attire les regards : c’est la toute première « blonde hitchcockienne » (elle tournera également dans le célèbre Blackmail, le film suivant du réalisateur). The Manxman est un film fort bien réalisé ; ses faiblesses se trouvent plutôt du côté du scénario, vraiment très conventionnel. Moins connu que The Lodger, le film est à classer parmi les meilleurs films muets d’Hitchcock.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Carl Brisson, Malcolm Keen, Anny Ondra
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Remarques :
* The Manxman est l’un des rares films où Hitchcock ne fait pas sa traditionnelle apparition en figurant.
* Serait-ce une facétie du réalisateur ? La phrase la plus importante du film prononcée par Anny Ondra, à un des moments les plus tragiques, n’a pas d’intertitre. On doit donc la deviner (ou la lire sur les lèvres : « Philip, I am going to have a baby ») et nous n’en n’avons confirmation que quelques minutes plus tard grâce à un intertitre d’un autre personnage !

(1) En réalité, le film a été tourné dans le village de Polperro dans les Cornouailles.

23 décembre 2012

Mighty like a moose (1926) de Leo McCarey

Titre français : « Le mari à double face »

Le mari à double face(Muet, 22 minutes) Monsieur Moose a une dentition de cheval qui le rend ridicule, Madame Moose a un nez bossu et énorme qui la rend disgracieuse. Sans le savoir, ils vont se faire opérer le même jour et en sont tellement changés qu’ils ne se reconnaissent même pas dans la rue à la sortie et tombent amoureux l’un de l’autre… Produit par Hal Roach,  Mighty like a moose est une petite merveille, un joyau de l’humour du burlesque des années vingt qui excelle dans l’invention et la précision. Comique inspiré entre autres par Max Linder (1), Charley Chase nous régale par ces chassés-croisés réglés au quart de seconde près. C’est un humour légèrement absurde, l’histoire est bien entendu difficile à croire mais elle fonctionne parfaitement. On ne s’ennuie pas une seconde.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Charley Chase, Vivien Oakland, Gale Henry
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Remarque :
Mighty like a moose peut se traduire par « puissant comme un élan ». Est-ce un jeu de mots… ou est-ce une simple référence à la généreuse dentition du héros ?

(1) Plusieurs scènes évoquent le merveilleux Be my wife (Soyez ma femme) de Max Linder (1921).

10 décembre 2012

Amis de combat (1929) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Wasei kenka tomodachi »

Amis de combat(Muet, 14 minutes) Deux amis vivent ensemble et travaillent ensemble en faisant des livraisons avec leur camion. Un jour, ils renversent une jeune femme qui leur avoue n’avoir aucun endroit pour vivre. Ils la recueillent. Cherchant tous deux à se faire valoir à ses yeux, leur amitié se détériore et ils en viennent aux mains. Finalement, la jeune femme rencontrera un étudiant qui l’emmènera au loin, laissant nos deux amis finalement attendris par ce bonheur naissant… Ozu a réalisé 54 films dont 35 muets ; beaucoup sont aujourd’hui perdus. Amis de combat est son 9e film. Seule subsiste une version incomplète (version raccourcie à partir d’une copie de 9,5mm), on pourra remarquer des trous dans le déroulement de l’histoire. Il s’agit d’un mélange de comédie et de drame social, en ce sens Ozu montre là une certaine influence des films de Chaplin. Sous l’apparente légèreté, le thème de la séparation est ici abordé : les deux amis doivent se résigner à voir partir la jeune fille recueillie. Cela préfigure ce thème qui reviendra dans de très nombreux films ultérieurs d’Ozu : le père qui doit se résigner à voir partir la fille qu’il a élevée, emportée par un autre homme. On remarquera qu’alors, Ozu se livrait à quelques expérimentations de prises de vue audacieuses avec une caméra en mouvement.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Atsushi Watanabe, Hisao Yoshitani, Eiko Takamatsu
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10 décembre 2012

J’ai été diplômé, mais… (1929) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Daigaku wa detakeredo »

J'ai été diplômé, mais...(Muet, 12 minutes) Un jeune diplômé se voir proposer un emploi subalterne qu’il refuse. Il reste sans emploi. A sa mère venue en visite, il fait croire qu’il a trouvé un travail en s’absentant durant la journée. Quand il voit que sa femme est obligée de travailler dans un bar pour les faire vivre, il décide d’accepter le travail peu gratifiant qui lui était proposé…
J’ai été diplômé, mais…
fait partie de toute une série de longs métrages qu’Ozu a réalisés au tout début de sa carrière sur le thème de l’université et des étudiants. C’est l’un des films les plus emblématiques de ses débuts. J’ai été diplômé, mais… est un film perdu dans sa version intégrale : seule subsiste une version courte de douze minutes qui recrée un ensemble plutôt cohérent. On remarque déjà, sous-jacent, le thème de l’opposition entre la tradition et la modernité  J'ai été diplômé, mais... et aussi certains plans vides de transition. On peut donc voir ici les prémices d’un style. Quelques belles trouvailles comme cette façon faire comprendre à sa femme qu’il n’a pas de travail : il lui montre un quotidien qui s’appelle Sunday et lui dit « Pour moi, c’est tous les jours dimanche ». Petit détail très apparent : Ozu a placé un gigantesque poster du film d’Harold Lloyd Speedy au mur de la pièce occupée par le jeune couple, montrant ainsi son intérêt pour le cinéma américain.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Minoru Takada, Kinuyo Tanaka
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10 décembre 2012

Un garçon honnête (1929) de Yasujirô Ozu

Titre original : « Tokkan kozô »
Autre titre français : « Le galopin »

Le galopin(Muet, 14 minutes) Un kidnappeur attire un enfant en l’amusant avec des grimaces et en lui achetant des jouets. Il le ramène à son boss. L’enfant se révèle vite être intenable et joue des mauvais tours au chef des kidnappeurs qui décide de s’en débarrasser. Mais il n’est pas sûr que ce soit si facile que cela… Un garçon honnête est un film burlesque qui n’est visible aujourd’hui que dans une version incomplète mais qui forme toutefois un ensemble cohérent. Ozu montre ici une certaine influence du cinéma burlesque américain tout en y apportant une touche japonaise, notamment dans les postures et le jeu des acteurs. Ozu montre également ses talents à faire jouer les enfants, talents dont il fera preuve à nouveau dans plusieurs de ses films ultérieurs.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tatsuo Saitô, Tomio Aoki, Takeshi Sakamoto
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18 novembre 2012

The Kid Brother (1927) de Ted Wilde, Lewis Milestone et J.A. Howe

Titre français parfois utilisé : « Le petit frère »

The Kid Brother (Film muet) Chez les Hickory, Harold est le petit dernier. Son père est le shérif du village, un force de la nature tout comme ses deux grands frères. Dans ce monde rural, le frêle Harold est bien peu considéré et on ne lui donne à faire que des tâches ménagères. L’arrivée d’un spectacle ambulant et de la belle Mary va peut-être changer les choses… The Kid Brother est un film bien peu connu aujourd’hui. Pourtant c’est très certainement le film le plus réussi d’Harold Lloyd. Bien plus que Safety Last! qui, avec sa scène de l’horloge, est son film le plus connu de nos jours, The Kid Brother est incontestablement au niveau des meilleurs Chaplin et Keaton. Les gags foisonnent, tous très bons, Harold Lloyd fait preuve ici d’une inventivité étonnante, une inventivité qui semble intarissable. The Kid Brother Son personnage a d’incroyables ressources pour se sortir de toutes les situations (et de manière élégante) et à chaque fois qu’on le croit tiré d’affaire, tout s’écroule et il doit à nouveau redoubler d’ingéniosité. Il n’y a pas que les gags qui sont novateurs, certains plans sont inédits, telle cette ascension dans un arbre où il a fallu construire un ascenseur spécial pour placer la caméra. On remarquera aussi la belle utilisation des animaux, ceux de la ferme mais aussi d’un petit singe dans un gag admirable. Comme toujours, Harold Lloyd ne se ménage pas dans les scènes d’action, ni dans son combat avec le vilain de l’histoire, joué par Constantine Romanoff un ex-lutteur professionnel. The Kid Brothers connut un grand succès à l’époque mais c’est une grande injustice qu’il soit presque oublié aujourd’hui.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Harold Lloyd, Jobyna Ralston, Walter James, Constantine Romanoff
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Remarque :
L’histoire est assez proche de celle de Tol’able David d’Henry King (1921) avec Richard Barthelmess, à ceci près que le traitement est bien entendu ici humoristique. Harold Lloyd aimait beaucoup ce beau film d’Henry King. Il a même été jusqu’à embaucher un acteur qui y avait joué : Ralph Yearsley.
The Kid BrotherThe Kid Brother
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20 septembre 2012

Danger Ahead (1926) de Scott Pembroke

Danger Ahead(muet, 20 minutes) La série des Hairbreadth Harry compte une douzaine de courts métrages comiques produits par les Weiss Brothers, entre 1926 et 1928. Danger Ahead est le deuxième d’entre eux. C’est une simple histoire de course poursuite (Hairbreadth Harry protège la jeune Belinda qui est poursuivie par le vilain Relentless Rudolph et sa bande) mais le résultat est beaucoup moins banal qu’on pourrait le croire. Les gags sont très inventifs (formidable effet où la bande *et* leur voiture se cachent derrière un simple poteau télégraphique), l’humour est particulièrement loufoque, le rythme est très enlevé, les cascades sont audacieuses, il y a beaucoup de jeux de mots dans les textes. Le vilain, interprété par Jack Cooper, est très réussi : rire sardonique, longues moustaches et une expression qui revient quand il rate son coup : « Curses! » (Malédiction!). Assez peu connu, Danger Ahead vaut la peine d’être découvert. Il déborde d’humour.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Earl McCarthy, Charlotte Merriam, Jack Cooper
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Remarque :
La série des Hairbreadth Harry est basée une bande dessinée (un comic strip paraissant dans un journal) de C.W. Kahles qui a débuté en 1906 et qui a continué jusqu’en 1939 (soit 8 ans après la mort de son créateur).

17 septembre 2012

Upstream (1927) de John Ford

Upstream(Film muet) Une pension de famille héberge des artistes de show business et des acteurs qui ont bien du mal à trouver des contrats. L’un d’entre eux a une occasion de rêve : aller jouer Hamlet à Londres… Alors qu’il était considéré comme définitivement perdu, Upstream a été retrouvé en 2009 en Nouvelle Zélande et restauré. C’est en soi un petit évènement. Upstream est un film plutôt inhabituel pour John Ford. C’est une comédie qui fustige la vanité. John Ford décrit de près cette petite communauté disparate et haute en couleur, il nous immerge dans cette pension de famille où l’essentiel du film se déroule ; il montre une tendresse certaine pour ses personnages. Certes, Upstream n’est pas un film majeur de John Ford mais c’est une comédie plaisante avec une belle caractérisation des personnages.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Nancy Nash, Earle Foxe, Grant Withers, Raymond Hitchcock
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Remarque :
Le titre Upstream peut paraître étrange, même si Mandare dit à Brashingham : “Go upstream to your success!” avec le mot upstream mis en italique dans l’intertitre pour bien qu’on le remarque. L’expression est bien étrange… En réalité, la Fox avait prévu de sortir un film avec Dolores Del Rio appelé Upstream et avait déjà commencé à annoncer sa sortie aux distributeurs et au public. Or le projet fut abandonné. Quand le film de John Ford fut terminé, la Fox décida de changer son titre initialement prévu The Public Idol en Upstream et l’intertitre fut alors rajouté !

28 août 2012

Cagliostro (1929) de Richard Oswald

Titre allemand : « Cagliostro – Liebe und Leben eines großen Abenteurers »

Cagliostro - Liebe und Leben eines großen Abenteurers(Film muet) L’aventurier italien Cagliostro s’introduit au sein de la noblesse française et même à la Cour du roi Louis XIV grâce à ses tours de magie. Disgracié, il met sur pied l’escroquerie du collier de la reine pour se venger… Cagliostro est un film perdu qui a été partiellement reconstitué récemment par la Cinémathèque Française. Des 2 heures initiales, il ne reste que 58 minutes reconstruites à partir d’une version Pathé Baby amputée pour projections familiales et de chutes (passages censurés pour leur nudité). Le film que nous pouvons voir est donc très déséquilibré, aucun personnage n’est correctement développé. Les scènes à la Cour de Versailles ont certes une belle ampleur mais l’ensemble apparaît plutôt mineur comparé aux autres films de son époque. Cagliostro est l’une des dernières productions Albatros.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Hans Stüwe, Renée Héribel, Illa Meery, Alfred Abel
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Remarque :
Les jeunes Jean Dréville et Marcel Carné sont assistants.
>> Lire un compte-rendu intéressant écrit par Carné lui-même sur le site Marcel Carné…  Le futur réalisateur mentionne trois scènes fortes à ses yeux : la Cour de Versailles, l’arrestation  de Cagliostro (qui a effectivement un rythme très curieux mais dont le résultat n’est hélas guère convainquant) et enfin la fête au village (scène hélas perdue, le « clou » du film d’après lui).

Homonymes :
Cagliostro (Black Magic) de Gregory Ratoff (1949) avec Orson Welles
Cagliostro de Daniele Pettinari (1975) avec Bekim Fehmiu et Curd Jürgens
et sur l’affaire du collier de la reine :
L’affaire du collier de la reine de Marcel L’Herbier (1946) avec Viviane Romance
Si versailles m’était conté de Sacha Guitry (1954)
The Affair of the Necklace de Charles Shyer (2001) avec Christopher Walken et Hilary Swank