20 juin 2013

L’Élégie de Naniwa (1936) de Kenji Mizoguchi

Autre titre français : « L’Élégie d’Osaka »
Titre original : « Naniwa erejî »

L'élégie d'OsakaAyako est une jeune standardiste. Son père est criblé de dettes. Pour sauver sa famille de la disgrâce et permettre à son frère d’achever ses études, Ayako accepte les avances de son patron… L’Élégie de Naniwa est la première collaboration de Kenji Mizoguchi avec Yoshikata Yoda qui deviendra son scénariste attitré. Le film met en relief les travers machiste de la société japonaise de cette époque où la femme est utilisée comme une marchandise aussi bien par ses proches que par ses employeurs. Loin de pouvoir en tirer avantage, la femme ne récolte que blâme et rejet. Le constat est assez dur, sans appel : de tous les personnages, seule l’héroïne attire la sympathie, les autres personnages, surtout les hommes, sont vils ou lâches ou hypocrites. L’image du père y est malmenée. Comme l’historien Charles Tesson le souligne, on peut aussi voir une certaine influence du cinéma américain, de Lubitsch notamment, dans la mise en place de certaines scènes, en particulier celles montrant les rapports entre le patron et sa femme. Ces petits moments de légèreté ne détonnent nullement dans ce drame réaliste d’une grande force. L’Élégie de Naniwa fait partie des tous premiers films parlants de Mizoguchi.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Isuzu Yamada, Benkei Shiganoya, Yôko Umemura
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Remarque :
Naniwa était l’ancien nom d’Osaka.

10 mai 2013

Violence sans raison (1969) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Gendai sei hanzai zekkyo hen: riyu naki boko »

Gendai sei hanzai zekkyo hen: riyu naki bokoTrois jeunes garçons de vingt ans habitent ensemble dans un minuscule appartement. L’un travaille, les deux autres se prétendent étudiants. Leur désoeuvrement n’a d’égal que leur frustration de ne pouvoir vivre des moments plus intenses… Dans ce Violence sans raison, Wakamatsu dépeint avant tout la frustration de ces trois grands adolescents, frustration sociale, sentimentale et sexuelle, frustration face à la vie qu’ils ne savent aborder. Le film a été tourné rapidement (Wakamatsu a sorti onze films en 1969), dans un style très Nouvelle Vague mais sans prendre le soin de développer les personnages ce qui génère un certain sentiment de vide. Wakamatsu a réservé sa traditionnelle séquence en couleurs à une expérimentation audacieuse : les garçons épient le couple de l’appartement voisin par un trou dans la cloison et l’on voit ce qu’ils voient, c’est-à-dire de minuscules bribes d’images mouvantes sur un écran noir. C’est étonnant (mais un peu monotone…) En dehors de quelques passages inventifs, ce Violence sans raison semble un peu trop marqué par la précipitation.
Elle:
Lui : 1 étoile

Acteurs: Yuko Ejima
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21 avril 2013

Oncle Boonmee (2010) de Apichatpong Weerasethakul

Titre original : « Loong Boonmee raleuk chat »
Titre complet : « Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) »

Oncle BoonmeeBoonmee, un apiculteur thaïlandais d’une soixantaine d’années, sent la mort approcher. Un soir, sa femme défunte et son fils disparu depuis des années font une apparition à la table du dîner. Le fils a pris l’apparence d’un grand singe aux yeux rouges brillants. Boonmee a la faculté de se souvenir de ses vies antérieures. Accompagné de sa famille, il va traverser la jungle jusqu’à une grotte au sommet d’une colline, lieu de naissance de sa première vie… Inspiré du livre « A Man Who Can Recall Past Lives » du moine thaïlandais Phra Sripariyattiweti, livre qui serait basé sur une histoire vraie, Oncle Boonmee a pour thème central la réincarnation et c’est un film que l’on peut ressentir différemment selon ses attirances vers une certaine spiritualité de l’existence. Il n’est pas ici question que de vies antérieures mais aussi d’une certaine superposition (ou entrelacement) de différents degrés de réalités, dans lesquels des créatures fantastiques (et/ou imaginaires) peuvent apparaître. Le film est particulièrement lent mais certaines scènes sont très belles et pleines de douceur. C’est en tous cas un film qui a le mérite d’être différent. Oncle Boonmee a été primé à Cannes en 2010, l’année où Tim Burton était président du jury.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Thanapat Saisaymar, Jenjira Pongpas
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14 avril 2013

Naked Bullet (1969) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Otoko goroshi onna goroshi: hadaka no zyudan »

Otoko goroshi onna goroshi: hadaka no zyudanUn jeune gangster, ancien yakusa, s’interpose dans une transaction entre deux gangs. Avec ses deux complices, ils s’enfuient avec le butin et une jeune femme qu’ils ont pris en otage dans l’espoir de lui faire avouer où est caché le reste de l’argent… Naked Bullet est un film de yakusa, genre cher à Kôji Wakamatsu. En cette fin des années soixante, le cinéaste tournait une dizaine de films par an. La rapidité de tournage ne sent pas tant dans la qualité de réalisation mais plutôt au niveau du scénario qui est extrêmement simple. Plus qu’une histoire, c’est un univers qu’il dépeint, celui de ces petits gangsters coincés entre le crime organisé et l’aspiration à une vie plus tranquille. On remarquera quelques cadrages ambitieux et franchement réussis, utilisant toute la largeur de l’image. Les scènes de rue sont en situation réelle. Le film est en noir et blanc et, comme souvent, Wakamatsu tourne un passage en couleurs en début de film, le passage le plus sanguinolent, avec un rouge bien éclatant.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Yuichi Minato, Ken Yoshizawa
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7 avril 2013

Mother (2009) de Bong Joon-ho

Titre original : « Madeo »

MadeoEn Corée, une mère vit seule avec son fils, un garçon de 25 ans environ un peu attardé. Ce dernier se retrouve accusé du meurtre d’une jeune fille. La mère remue ciel et terre pour innocenter son fils, faisant face à l’apathie de la police qui veut classer rapidement l’affaire et à la vénalité d’un avocat bien peu motivé. Elle se met elle-même à la recherche du meurtrier… Mother est un film qui mêle habilement plusieurs genres : la chronique sociale, le policier, le mélodrame familial et même, par moments, la comédie. Il est centré autour du personnage de cette mère très possessive et prête à tout pour sauver son fils. Bong Joon-ho parvient la rendre attachante, sans bien entendu nous faire totalement adhérer à sa conduite. C’est un personnage complexe, une femme à la fois forte et fragile, d’une grande énergie, parfaitement personnifiée par l’actrice Kim Hye-ja. Mother est un film particulièrement riche et marquant.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Kim Hye-ja, Won Bin, Jin Ku, Yun Je-mun, Jun Mi-sun
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29 mars 2013

Shinjuku Mad (1970) de Kôji Wakamatsu

Titre original : « Shinjuku maddo »

Fou de ShinjukuSuite à l’assassinat de son fils dans le quartier de Shinjuku à Tokyo, un homme va rechercher ses meurtriers, autant pour comprendre pourquoi il est mort que pour se venger. On lui dit qu’il aurait été tué par un certain Shinjuku Mad…
Koji Wakamatsu, cinéaste underground des années soixante et soixante-dix, met ici en relief l’opposition entre deux générations. Il le fait sans se priver d’une certaine exagération : les points de références du père sont vraiment très anciennes (la Révolution Meiji, la milice d’Edo) et la jeune génération est totalement amorphe et hallucinée, entre drogue et amour libre. Mais cette exagération permet de mieux montrer la grandeur du fossé qui les sépare et l’incompréhension qui en découle. La jeune bande de Shinjuku Mad aspire fortement (et même violemment) à quelque chose de différent, sans vraiment savoir quoi, sorte de révolutionnaires convulsifs sans idéal. Il est assez surprenant, connaissant les sympathies de Wakamatsu et de son scénariste (1), de voir que c’est le père, travailleur patient, qui est le plus respecté dans cette histoire. Comme souvent, le cinéaste place une séquence en couleurs, passablement sanguinolente, au début du film et l’on peut craindre alors que le registre soit un peu trop gore mais ce n’est pas le cas par la suite. Excellente bande sonore.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Toshiyuki Tanigawa
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(1) Le scénario est signé Masao Adachi qui s’engagera dans un groupe armé de l’extrême gauche japonaise peu après.

16 mars 2013

Evasion du Japon (1964) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Nihon dasshutsu »

Evasion du JaponLe jeune Tatsuo ne rêve que d’une chose : devenir chanteur et aller aux Etats-Unis. Un ancien batteur qu’il admire lui demande de participer à un cambriolage. Cette proposition ne l’enchante guère mais il n’ose refuser… Kijû Yoshida a écrit lui-même le scénario d’Evasion du Japon. C’est un film policier qui s’affranchit des règles classiques du genre, Yoshida préférant se concentrer sur son personnage principal, un anti-héros par excellence qui subit les évènements, qui les a toujours subis. Bousculant ainsi le genre, il s’inscrit pleinement dans la Nouvelle Vague japonaise. Si on le compare avec les films de Godard (par exemple), Evasion du Japon est toutefois beaucoup plus noir et pessimiste, son personnage principal n’a pas d’idéal, même diffus, il tente seulement de surnager alors que tout l’enfonce. Sa cavale n’a rien de joyeuse. Yoshida expérimente quelque peu dans ses plans, usant de beaucoup (trop peut-être) de plongées. Il joue avec les formes pour obtenir des cadrages originaux et utilise fort bien la couleur. Alors que le Japon accueille les jeux olympiques en montrant son meilleur jour, Evasion du Japon offre une vision plus noire et met en scène les frustrations de sa jeunesse face à l’Occident.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Yasushi Suzuki, Miyuki Kuwano, Kyôsuke Machida, Ryôhei Uchida, Sumiko Sakamoto
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15 mars 2013

18 jeunes gens à l’appel de l’orage (1963) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Arashi o yobu juhachi-nin »

18 jeunes gens à l'appel de l'orageSur un chantier naval, un sous-traitant assure les soudures avec une petite équipe de travailleurs. L’un d’entre eux, Shimazaki, se retrouve chargé de régenter un groupe de 18 jeunes un peu « difficiles » hébergés sommairement dans un ancien baraquement de l’armée américaine…
18 jeunes gens à l’appel de l’orage a été écrit par Yoshida et montre un caractère politique marqué. C’est un sous-prolétariat que forment ces travailleurs précaires, bien mal considérés qu’un rabatteur recrute selon les besoins. Yoshida choisit de ne pas individualiser les personnages des jeunes et c’est donc le groupe qui devient un personnage à part entière, face à Shimazaki qui est lui aussi un personnage en marge, itinérant et sans attache. Le propos montre de la subtilité et expose comment peut se gagner un soupçon de dignité et de maitrise de ses instincts, premier pas vers plus d’humanité. Du fait de son engagement politique, 18 jeunes gens à l’appel de l’orage ne serait resté que quatre jours en salles au Japon. Ce film méritait bien mieux que cela.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Tamotsu Hayakawa, Yoshiko Kayama, Eiji Matsui, Takenobu Wakamoto, Katsuyoshi Nishimura
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14 mars 2013

La fin d’une douce nuit (1961) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Amai yoru no hate »

La fin d'une douce nuitHumilié de devoir rompre avec sa fiancée qui a choisi un meilleur parti, le jeune Jirô n’a dès lors qu’une idée en tête : épouser une femme riche et gravir ainsi l’échelle sociale. Il utilise une jeune fille pour mieux s’introduire auprès de la fille de son patron qui tient un club… La fin d’une douce nuit est le troisième film réalisé par Yoshida. Pour en écrire le scénario, il dit s’être inspiré du Le Rouge et le Noir de Stendhal et son personnage est donc, dans son esprit, un Julien Sorel moderne. On pourrait ajouter qu’il évoque aussi le Valmont des Liaison Dangereuses, quoiqu’en moins élégant. Arriviste et cruel, Jirô n’a pour lui qu’une grande soif de vivre mais il est attiré par ce qui brille et rêve de vie facile. C’est un pur produit de la société où l’argent domine les rapports humains. Cet argent ne semble pas pourtant  apporter de bien-être pour autant car les personnages riches de cette histoire sont bien seuls ;  notons que ce sont les personnages féminins qui tirent le mieux leur épingle du jeu, même si la fin qu’a choisie Yoshida pour la jeune fille est quelque peu surprenante. Le film de Yoshida montre une belle énergie, nourrie de la vitalité des deux jeunes personnages. La fin d’une douce nuit est un très beau film.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Masahiko Tsugawa, Michiko Saga, Teruyo Yamagami, Sumiko Hidaka
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10 mars 2013

Le Sang séché (1960) de Yoshishige Yoshida

Titre original : « Chi wa kawaiteru »

Le sang séchéPour sauver ses collègues d’un plan de licenciement soudain, Takashi Kiguchi tente de se suicider avec un pistolet. La médiatisation autour de cette tentative donne l’idée à une jeune publicitaire d’utiliser Takashi pour faire la promotion d’une assurance-vie…
Le Sang séché est le deuxième long métrage de Kijû Yoshida, tourné peu après son excellent premier film Bon à rien. Le réalisateur dresse un portrait peu flatteur de la société japonaise de ce début des années soixante : tout est bon pour gagner de l’audience ou pour accroitre le chiffre d’affaires de sa compagnie. La noblesse du geste de Takashi est exploitée sans scrupule. Le journaliste qui cherche à se mettre en travers n’est guère plus recommandable : c’est un paparazzi aux méthodes odieuses. De cet océan de cynisme n’émerge aucun humanisme et la sincérité a bien du mal à trouver une petite place. Yoshida signe là une satire vraiment mordante de la société moderne.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Keiji Sada, Kaneko Iwasaki, Shin’ichirô Mikami, Mari Yoshimura
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