19 juin 2024

L’Homme de marbre (1977) de Andrzej Wajda

Titre original : « Czlowiek z marmuru »

L'homme de marbre (Czlowiek z marmuru)Le film retrace l’ascension puis la disgrâce d’un maçon stakhanoviste des années cinquante, Mateusz Birkut, à travers l’enquête d’une jeune réalisatrice de la télévision, Agnieszka, qui souhaite connaître la vérité sur cet ancien héros. Contre l’avis de ses directeurs d’étude, elle persiste à rechercher les traces de Mateusz Birkut…
L’Homme de marbre est un film polonais réalisé par Andrzej Wajda. On se demande encore aujourd’hui comment le réalisateur a pu réaliser un tel film qui s’attaque à la fois au « réalisme socialiste » et à la corruption politique. Wajda donne l’impression de préfigurer le relâchement de la mainmise soviétique qui sera visible trois ans tard avec Solidarnosc. Il faut toutefois préciser que son projet croupissait depuis 1965 dans les tiroirs et qu’il lui a fallu attendre dix ans l’autorisation de le tourner. La construction narrative rappelle celle de Citizen Kane. Avec l’inexpérimentée Krystyna Janda, il crée un personnage fort de jeune femme désinhibée, décidée à prendre son destin en main, utilisant sa silhouette longiligne pour en accroitre l’impact. L’esthétisme des films précédents de Wajda laisse toutefois place à un style direct. Si l’ensemble est assez touffu, Wajda apporte ici un précieux témoignage de l’intérieur, d’une indéniable puissance.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jerzy Radziwilowicz, Krystyna Janda
Voir la fiche du film et la filmographie de Andrzej Wajda sur le site IMDB.

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Jerzy Radziwilowicz dans L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.
Krystyna Janda dans L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.
Krystyna Janda et Andrzej Wajda sur le tournage de
L’homme de marbre (Czlowiek z marmuru) de Andrzej Wajda.

15 janvier 2020

Grâce à Dieu (2019) de François Ozon

Grâce à DieuCatholique pratiquant, Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il décider d’alerter les autorités de l’Eglise qui recueille son témoignage…
Voir un film sortir sur les écrans sur une affaire pénale non encore jugée soulève un problème : le cinéma peut-il influencer, ou pire encore, se substituer à la justice ? François Ozon a su traiter l’affaire Preynat (dont le procès est en cours au moment où j’écris ces lignes) en écartant ce risque : d’une part, il se borne à relater des faits avérés et connus et, d’autre part, il se concentre sur la libération de la parole. Son film a ainsi une portée qui dépasse l’affaire de ce prêtre pédophile car le propos aurait la même pertinence dans le cadre du mouvement metoo : il montre pourquoi la parole a attendu tant d’années pour se libérer alors que les victimes restent marquées, souvent très durablement. Sur le plan cinématographique, sa mise en scène est parfaite, d’une grande fluidité, simple tout en étant travaillée, ne cherchant jamais à passer pour un documentaire. Il ne recherche pas les effets et Grâce à Dieu n’a rien d’un film-polémique. Il traite son sujet de façon sereine.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, Éric Caravaca, François Marthouret, Bernard Verley, Josiane Balasko
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Remarques :
* Les noms des protagonistes du diocèse de Lyon ont été conservés mais ceux des victimes ont été changés.
* La phrase (qui a donné son titre au film) de Mgr Barbarin en conférence de presse est bien réelle, aussi incroyable qu’elle puisse paraître.

Grâce à DieuDenis Ménochet, Eric Caravaca, Swann Arlaud et Melvil Poupaud dans Grâce à Dieu de François Ozon.

2 juin 2016

Serpico (1973) de Sidney Lumet

SerpicoUn homme est conduit à l’hôpital en urgence après avoir pris une balle dans la tête. C’est un policier mais, curieusement, lorsque ses supérieurs apprennent la nouvelle, ils demandent si la balle qu’il a reçue venait d’un policier ou pas. Nous revenons onze ans plus tôt, au moment où Frank Serpico entrait dans la police… Basé sur une histoire vraie et adapté d’un livre de Peter Maas, le film de Sidney Lumet retrace le parcours solitaire et semé d’embûches d’un policier qui a dénoncé la corruption de la police de New-York. Très justement, le cinéaste adopte une mise en scène sobre, classique, quasi documentaire qui sert le sujet. La réussite du film doit aussi beaucoup à la performance d’Al Pacino qui s’est investi entièrement dans la composition de son personnage avec un look aussi changeant qu’inhabituel pour un policier (l’inspecteur avait obtenu de ses supérieurs qu’il adopte une tenue qui lui permette de passer inaperçu dans la rue). Pacino est étonnamment crédible dans son interprétation pleine d’énergie, c’est l’un des ses plus grands rôles au cinéma.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Al Pacino, John Randolph, Tony Roberts
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Remarques :
* Le véritable Frank Serpico a démissionné de la police en 1972 et a préféré quitter son pays. Il est allé vivre en Suisse (comme annoncé à la fin du film). Il a ensuite vécu aux Pays-Bas avant de rentrer aux Etats-Unis.
* Sydney Lumet a de nouveau décrit le parcours d’un policier dénonçant la corruption de la police dans Le Prince de New York (Prince of the City, 1981).

Serpico
Al Pacino dans Serpico de Sidney Lumet.

Serpico
Al Pacino dans Serpico de Sidney Lumet. Serpico n’a pas que des amis parmi ses collègues…

Serpico
Al Pacino et Tony Roberts dans Serpico de Sidney Lumet.

Serpico
Le vrai Frank Serpico lors de sa déposition face à une commission d’enquête en 1971.

20 février 2013

Les Forçats de la gloire (1945) de William A. Wellman

Titre original : « Story of G.I. Joe »

Les forçats de la gloireCorrespondant de guerre, Ernie Pyle suit une compagnie de l’armée américaine en 1944, depuis l’Afrique du Nord jusqu’en Italie. Il partage la vie des soldats et les combats, notamment à Monte Cassino… Tourné et sorti avant même la fin de la guerre, ce film de William Wellman est basé sur deux livres d’Ernie Pyle (1). Le journaliste, lauréat du Prix Pulitzer en 1944, ne pourra voir le film sur les écrans puisqu’il sera tué l’année suivante, deux mois avant la sortie du film, sur une île japonaise du Pacifique. Comme l’indique le titre original, Story of G.I. Joe (littéralement « histoire de soldats ordinaires »), le film nous montre la guerre non pas sous l’angle des grands mouvements stratégiques mais telle qu’elle est vécue au quotidien par les soldats de l’infanterie, ceux dont on ne parle pas et qui progressent dans des conditions très souvent épouvantables (2). Il montre le danger mais aussi la fatigue, l’anxiété et l’épuisement que les rares sources de joie ne peuvent compenser. Story of G.I. Joe est ainsi l’un des films les plus authentiques sur la guerre. La mise en scène de Wellman est très sobre, tout comme le jeu des acteurs. Le style est presque celui d’un documentaire, aucun effet de scénario n’a visiblement été recherché. Le réalisateur a utilisé le moins possible d’acteurs professionnels pour faire jouer de réels soldats qui avaient combattu en Europe (3). Le film connut assez justement un grand succès.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Burgess Meredith, Robert Mitchum, Freddie Steele
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Remarques :
* Story of G.I. Joe est le premier grand rôle de Robert Mitchum. Il fut même nominé aux Oscars dans la catégorie du meilleur second rôle.
* William Wellman est un vétéran de la Première Guerre mondiale… mais il était dans l’aviation et, de ce fait, n’avait pas du tout la même attirance que Pyle pour l’infanterie qu’il méprisait plutôt. Il a fallu une certaine persévérance au producteur Lester Cowan pour convaincre Wellman de réaliser le film.
* Si le film a principalement été tourné en studios, certains plans sont des images authentiques issues du documentaire de John Huston, La Bataille de San Pietro (San Pietro) (1945).

(1) Les deux livres d’Ernie Pyle qui ont servi de base directe au scénario sont « Brave Men » et « Here is Your War ».
(2) Le cœoeur d’Ernie Pyle restera avec ces soldats. En 1945, lorsque le journaliste suivra la Navy dans le Pacifique, il fera remarquer le niveau de confort des soldats de la Marine comparé aux conditions de vie des fantassins et sera critiqué sur ce point.
(3) Ils s’agissaient de soldats en cours de transfert d’Europe vers le front du Pacifique où beaucoup d’entre eux trouvèrent la mort.