17 mars 2014

Ma soeur est capricieuse (1942) de Alexander Hall

Titre original : « My Sister Eileen »

Ma soeur est capricieuseRuth et Eileen quitte leur Ohio natal pour aller tenter leurs chances à New York. Ruth a bien la tête sur les épaules et sait ce qu’elle veut : devenir écrivain. Eileen est plus jolie et plus naïve, elle attire les hommes ; elle aspire à devenir actrice. Elles échouent dans un appartement en sous-sol à Greenwich Village… Au départ, Ruth McKenney avait écrit pour un quotidien une série d’histoires semi-autobiographiques qui étaient devenues un livre puis une pièce jouée avec succès à Broadway, My Sister Eileen. Le film est l’adaptation fidèle de la pièce, les deux étant produit par la même personne, Max Gordon. Cette origine explique pourquoi l’essentiel de l’action se déroule dans un seul et même lieu, l’appartement des deux soeurs, ce qui donne une petite impression de manque d’ampleur à cette comédie screwball. On y voit toutefois défiler un nombre impressionnant de personnages hauts en couleur et plus inattendus les uns que les autres. Ce côté loufoque est l’attrait majeur de cette comédie qui se déroule à un rythme assez endiablé. My Sister Eileen sera reprise en comédie musicale quelque dix ans plus tard, d’abord à Broadway puis en film dirigé par Richard Quine qui a ici un petit rôle (l’homme du drugstore).
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Rosalind Russell, Brian Aherne, Janet Blair, George Tobias, Grant Mitchell
Voir la fiche du film et la filmographie de Alexander Hall sur le site IMDB.

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Remarques :
* Dans la vraie vie, Eileen McKenney, la soeur de Ruth McKenney, n’a pas fait une grande carrière en tant qu’actrice mais a fini par épouser Nathanael West, fils d’un riche entrepreneur newyorkais qui a écrit quelques scénarios pour Hollywood (il a également écrit le roman The Day of the Locust qui sera adapté en 1975 par John Schlesinger). Ils se sont tués tous les deux en décembre 1940, quelques mois après leur mariage, dans un accident automobile. Ils devaient assister quatre jours plus tard à la première de My Sister Eileen à Broadway.
* Lorsque le film est sorti sur les écrans, la pièce était toujours jouée à Broadway, ce qui est plutôt inhabituel.
* Lors du gag final, ce sont les Trois Stooges que l’on voit apparaitre, trio comique qui était alors extrêmement populaire.

Remake :
Ma soeur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine (1955), une comédie musicale avec Janet Leigh et Jack Lemmon.

28 janvier 2014

Gloria (1980) de John Cassavetes

GloriaAlors que les tueurs de la Mafia sont au pied de son immeuble pour le tuer, un comptable de la Mafia qui a « trahi » confie à une voisine son jeune fils de six ans ainsi qu’un livre compromettant…
Gloria est un film assez à part dans la filmographie de John Cassavetes. S’il a bien écrit lui-même cette histoire de Mafia, c’était originellement pour la vendre à Columbia et c’est lorsque le rôle échût à Gena Rowlands que Cassavetes fut intéressé pour la tourner lui-même (1). La lutte d’une personne seule contre la Mafia n’est pas un thème très nouveau au cinéma mais le traitement de Cassavetes est assez remarquable. Le résultat est en effet très différent des normes habituelles et pourtant le film a son lot de scènes d’action, des poussées assez brutales qui sont d’autant plus inattendues qu’elles viennent d’une femme à l’apparence très classique. Gloria est avant tout le portrait d’une femme et des liens qu’elle noue avec ce garçon de six ans qui l’encombre. Son passé quelque peu tumultueux semble la pousser vers une certaine normalité, à recréer un semblant de famille. C’est aussi un film très réaliste, tourné parfois en décors naturels au milieu de la foule, Cassavetes allant jusqu’à faire jouer de vrais truands. Il semble vouloir nous montrer l’envers du décor. La performance de Gena Rowlands est assez spectaculaire, exprimant une force peu commune. Le jeu du jeune garçon n’est pas toujours à la hauteur mais cela a le mérite d’accentuer le côté monolithique de son personnage. La fin est plutôt énigmatique, il est même assez difficile de deviner les intentions de Cassavetes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Gena Rowlands, John Adames
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Remarque :
* L’héroïne se prénomme Gloria Swenson, c’est à dire le nom à une lettre près le nom de la célèbre actrice du cinéma muet Gloria Swanson.
* Le jeune John Adames n’a joué dans aucun autre film après Gloria.

Remake (raté) :
Gloria de Sidney Lumet (1999) avec Sharon Stone

(1) Il faut rappeler que Gena Rowlands et John Cassavetes étaient mari et femme.

9 août 2012

La joyeuse suicidée (1937) de William A. Wellman

Titre original : « Nothing sacred »

La joyeuse suicidéeEn quête de sujet émotionnel, un journaliste se rend dans le Vermont pour rencontrer une jeune femme qui est vouée à une mort prochaine après un empoisonnement au radium. Il lui propose de lui faire visiter New York avant de mourir. La jeune femme accepte bien qu’elle ait appris entre-temps que le funeste diagnostic était une erreur… Ecrit par le talentueux Ben Hecht, La joyeuse suicidée est une comédie en Technicolor (1) qui porte un regard plutôt acerbe sur les travers de la presse à sensation. Si l’on peut trouver que l’ensemble manque un peu de naturel et d’authenticité, le film ne manque pas d’humour. La séquence dans la petite ville du Vermont (où tout le monde s’exprime comme dans le Sud) La joyeuse suicidée en est truffée, avec notamment un gag qui a de quoi estomaquer (le journaliste se fait mordre par… un petit chien assez particulier). L’ensemble est bien enlevé, très amusant. Carole Lombard est, ici comme toujours, pleine de charme et ce film nous fait regretter, une fois de plus, que sa carrière ait été si courte (2). La joyeuse suicidée est une bonne screwball comédie. Ce fut un grand succès à l’époque.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Carole Lombard, Fredric March, Charles Winninger, Walter Connolly, Sig Ruman
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Remarques :
* La joyeuse suicidée offre la vision peu courante du survol de Manhattan en avion.
* Le publicité de La joyeuse suicidée a largement utilisé la scène où Carole Lombard et Fredric March se battent. Montrer un homme frappant ainsi une femme est extrêmement rare (précisons que la raison du combat est amusante).
* Il semble que certaines copies utilisées pour les DVD soient de très mauvaise qualité.

(1) La joyeuse suicidée fait partie des tous premiers films en Technicolor.
(2) La carrière de Carole Lombard s’est brutalement interrompue en 1942, l’actrice ayant trouvé la mort dans un accident d’avion. Elle n’avait que 33 ans.

Remake :
C’est pas une vie, Jerry! (Living it up) de Norman Taurog (1954) avec Jerry Lewis et Dean Martin.

16 février 2012

Coeur d’apache (1912) de David W. Griffith

Titre original : « The musketeers of Pig Alley »

Coeur d'apache(muet, 17 minutes) Une jeune femme et son mari musicien vivent chichement dans un quartier de New York. Le mari, parti quelques jours, se fait dérober l’argent qu’il vient de gagner alors qu’il rentre chez lui. Pendant ce temps, deux gangs s’affrontent… The Musketeers of Pig Alley est reconnu comme étant le premier film de gangster. Précédemment, on avait vu opérer des voleurs et autres petits malfrats mais pas des gangsters opérant en bande avec description de leur mode de fonctionnement. Nous les voyons ainsi voler, faire la guerre à une bande rivale et surtout obtenir la complicité de la population qui se tait face à la police ou pire encore fait de faux témoignages pour les innocenter : « le début de l’engrenage » dit Griffith. L’intrigue est un peu confuse, les intertitres explicatifs peu nombreux, mais le film renferme beaucoup de scènes d’action. The Musketeers of Pig Alley Un autre point marquant de The Musketeers of Pig Alley est cette façon de laisser les personnages approcher très près de la caméra lors des scènes de la guerre de gangs pour créer suspense et tension. Griffith crée aussi la tension par un montage parallèle habile, montrant tour à tour le comportement de chacun des deux gangs. Elmer Booth a une belle dégaine de petit caïd, jouant dans un style où James Cagney excellera plus tard. Lilian Gish, alors débutante, fait montre d’une belle présence à l’écran.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Elmer Booth, Lillian Gish, Alfred Paget, John T. Dillon
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Remarques :
Lilian Gish et Dorothy GishPetit amusement de Griffith : dans la scène où Lilian Gish sort dans la rue, elle croise un personnage joué par sa jeune sœur Dorothy Gish (alors âgée de 14 ans). Les deux sœurs se regardent et semblent s’observer pendant une fraction de seconde. On remarquera aussi dans cette scène, une voire deux figurantes qui regardent directement la caméra. Ce n’est pas une erreur mais au contraire volontaire : Griffith avait remarqué que lors des scènes de rue, beaucoup de gens regardaient la caméra et il a donc demandé à certains acteurs de faire de même pour ajouter à l’authenticité.

A noter également, les apparitions de Lionel Barrymore (dans Pig Alley) et de Robert Harron (au dancing).

1 décembre 2011

Macadam cowboy (1969) de John Schlesinger

Titre original : « Midnight cowboy »

Macadam cowboyJoe Buck quitte son Texas natal pour aller à New York, persuadé de pouvoir vendre ses charmes comme gigolo auprès de femmes riches. Il doit vite déchanter et fait la rencontre de Ratso, un paumé boiteux et tuberculeux qui vit d’expédients… Macadam cowboy est le premier film que le réalisateur anglais John Schlesinger a tourné aux Etats-Unis. Adapté d’un roman de James Leo Herlihy, le film montre avec une certaine empathie le destin de deux personnages échoués dans les quartiers pauvres de New York, deux êtres très différents en apparence mais qui ont chacun un rêve inaccessible. Leur dégradation commune fera naître une amitié profonde entre eux. John Schlesinger a choisi un duo d’acteurs qui semble parfait : Dustin Hoffman fait une performance incroyable dans un rôle difficile, son talent explose vraiment au grand jour avec ce film. Jon Voight donne beaucoup de crédibilité à son personnage de texan naïf. Macadam cowboy est un film impressionnant par la force de ses personnages qui, malgré leur déchéance, conservent leurs rêves et leur dignité. A sa sortie, le film a choqué certains esprits et l’indignation  redoubla lorsqu’il fut nominé pour l’Oscar du meilleur film (qu’il remporta).  La chanson Everybody’s talking interprétée par Nilsson eut un immense succès.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Dustin Hoffman, Jon Voight
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Remarques :
* Bob Dylan a écrit la chanson Lay Lady Lay pour être incluse dans Macadam cowboy mais il ne la termina pas à temps.
* Macadam cowboy a été classé X aux Etats Unis, classement normalement réservé aux films pornographiques. Le film est ainsi devenu le seul film classé X à remporter un Oscar! Deux ans plus tard, le classement a été légèrement revu pour le ramener à R (= interdit aux moins de 17 ans non accompagnés). En France, il fut seulement interdit aux moins de 12 ans.

19 novembre 2011

After hours – Quelle nuit de galère (1985) de Martin Scorsese

Titre original : « After hours »

After Hours - quelle nuit de galèrePaul, informaticien sans histoire, rencontre Marcy un soir dans un snack. Il la rappelle peu après et elle l’invite à venir dans son loft à Soho qu’elle partage avec une artiste. Paul ne sait pas encore qu’il s’apprête à passer la nuit la plus mouvementée de sa vie… Avec After Hours, Scorsese dresse un certain portrait de New York dans ce qu’il a de plus imprévisible et même dérangeant. Dans ce sens, on peut faire un certain parallèle avec Taxi Driver, sauf que le registre est totalement différent : c’est ici plutôt une comédie… d’humour noir, bien entendu. C’est presque une descente aux enfers pour ce garçon bien rangé de l’Upper West Side qui descend à Soho, opposition de deux quartiers, de deux mondes différents. After Hours est remarquable par son montage et sa mise en scène, avec une caméra très mobile, mettant en relief beaucoup de détails qui alimentent l’étrange et le saugrenu. Scorsese fait preuve de virtuosité sur certaines scènes. Belle composition de Griffin Dunne.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Griffin Dunne, Rosanna Arquette, Verna Bloom, Linda Fiorentino, Teri Garr, John Heard
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After Hours - quelle nuit de galère Remarques :
* After Hours est également le titre d’un standard du jazz et aussi le titre d’une chanson chantée par Nico (sur le troisième album du Velvet Underground).
* Dans la boîte Club Berlin, la personne qui manie le projecteur n’est autre que Martin Scorsese lui-même.
* Scorsese eut du mal à trouver une fin satisfaisante. Une autre fin fut tournée avec Paul restant prisonnier de sa statue. Cette fin fut rejetée par le public lors des projections-tests.

6 décembre 2008

Baby Boy Frankie (1961) de Allen Baron

Titre original : « Blast of silence »

Baby Boy FrankieFrankie Bono est un homme solitaire. Frankie Bono est un tueur à gages. Il arrive à New York la veille de Noël pour prendre commande d’un contrat… Blast of Silence est (du moins, était) une rareté, un film noir écrit, réalisé et interprété par Allen Baron dont c’est la première réalisation (1). Il aura fallu attendre 45 ans pour que le film sorte en France. Le film n’est pas sans défaut mais se révèle assez étonnant, héritier des films noirs des années 50 et préfigurant ceux des années 60 et même 70. C’est Allen Baron qui joue lui-même le rôle principal d’un tueur à gages qui vient exécuter un contrat à New York. La grosse originalité de Baby Boy Frankie est d’avoir une voix-off tout au long du film, sorte de voix intérieure du tueur qui se parle à lui-même. Cette voix, grave et chaleureuse (bien qu’il ne soit pas au générique, on sait maintenant qu’il s’agit de Lionel Stander), donne une certaine humanité à ce tueur à gages alors qu’il prépare son mauvais coup. Le climat est assez lourd mais sans excès, fataliste et mélancolique surtout,  filmé en décors réels dans le New York nocturne ou en plein jour dans des rues désertes et froides (nous sommes à la veille de Noël). Vu avec le recul, Baby Boy Frankie apparaît comme un précurseur, il semble préfigurer de nombreux films, Le Samouraï de Melville s’il n’y en avait qu’un à citer.
Note : 3 eacute;toiles

Acteurs: Allen Baron, Molly McCarthy, Larry Tucker
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Baby Boy FrankieRobert De Niro dans un film de Scorsese ? Non, Allen Baron dans son propre film : Baby Boy Frankie (1961)

Remarques :
* La voix-off est celle de Lionel Stander (le gangster de Cul-de-sac). Il ne figure pas au générique.
* Merrill S. Brody est à la fois directeur de la photographie, caméraman et producteur.
* Martin Scorsese, qui a vu Blast of Silence à sortie alors qu’il était étudiant, en a souvent parlé comme un film qui l’a marqué.

(1) Allen Baron tournera ensuite essentiellement des séries TV.