22 juillet 2013

The Farmer’s Wife (1928) de Alfred Hitchcock

Titre français : « Laquelle des trois ? »

Laquelle des trois?Samuel Sweetland, propriétaire terrien, se retrouve seul dans sa ferme après le décès de sa femme et le mariage de sa fille. Mitra, sa jeune et fidèle servante, veille à la bonne marche de la maison. Lorsqu’il décide de se remarier, Mitra l’aide à faire la liste des candidates… The Farmer’s Wife est l’adaptation d’une pièce de théâtre d’Eden Phillpotts qui fut très populaire à Londres. Il s’agit d’une comédie qui comportait beaucoup de textes et le challenge pour Hitchcock fut de réduire au maximum le nombre d’intertitres. Il y parvint parfaitement en accentuant les effets comiques avec les personnages secondaires, notamment le commis de ferme. La scène de la réception chez la vieille fille regorge de petits détails comiques, elle est d’une grande densité. Pour la photographie, Hitchcock est toujours inspiré par le style des expressionnistes allemands ce qui nous vaut de belles scènes (lorsque que son chef opérateur, Jack Cox, est tombé malade, c’est Hitchcock lui-même qui a dû le remplacer). En réalité, le seul point faible de The Farmer’s Wife est l’histoire en elle-même, gentiment simplette, mais le traitement qu’en fait Hitchcock rend le film assez plaisant. (Film muet)
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jameson Thomas, Lillian Hall-Davis, Gordon Harker
Voir la fiche du film et la filmographie de Alfred Hitchcock sur le site IMDB.

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Remarque :
Le film a une durée de 97 minutes. Assez étrangement, la version américaine dure 129 minutes, la différence n’étant due qu’à la vitesse de défilement : 18 images/sec au lieu de 24. Tout y est donc plus lent… très très lent…

Remake :
The Farmer’s Wife de Leslie Arliss et Norman Lee (UK, 1941) avec Basil Sydney (film perdu, semble t-il)

14 juillet 2013

Les Moissons du ciel (1978) de Terrence Malick

Titre original : « Days of Heaven »

Les moissons du ciel1916 : Bill quitte Chicago avec sa jeune soeur et sa petite amie Abby, qu’il fait passer pour sa soeur, pour aller faire les moissons dans un vaste domaine isolé du Texas. Le jeune propriétaire s’éprend d’Abby et Bill encourage cette liaison car il a appris incidemment que le fermier n’aurait plus qu’un an à vivre… Les Moissons du ciel est le deuxième film de Terrence Malick. Il nous plonge dans l’univers des grandes propriétés agricoles du tout début du XXe siècle. C’est un film très abouti, tout particulièrement sur le plan visuel. La photographie est superbe. Une bonne partie du film a été tourné pendant l’heure dorée et même pendant l’heure bleue (1) et les lumières naturelles sont vraiment très belles. Les scènes de moisson sont de véritables peintures. Le rythme est assez lent, nous sommes dans un mode contemplatif. Terrence Malick utilise merveilleusement les grands espaces dans ses plans larges, majestueux et infinis. Il sait aussi aller près de ses personnages et même les suivre (2). Malick est un perfectionniste : il lui a fallu deux années pour finaliser le montage. Le résultat en valait la peine. Il nous faudra ensuite attendre vingt ans pour voir le troisième film de Terence Malick.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Richard Gere, Brooke Adams, Sam Shepard, Linda Manz
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Edward Hopper - House by the railroad, 1925Remarques :
* La maison de Les Moissons du ciel est directement inspirée de la toile d’Edward Hopper La Maison près de la voie ferrée (House by the railroad, 1925). Cette toile est connue pour avoir également inspiré Hitchcock pour la maison de Psychose (Psycho) et George Stevens pour Géant (Giant).

* Une autre peinture a également été une source d’inspiration : il s’agit de Christina’s World d’Andrew Wyeth (1948). Andrew Wyeth - Christina's World L’influence de ces deux peintures sur l’affiche originale du film (voir ci-dessus) est particulièrement nette.

* Le directeur de la photographie Néstor Almendros a reçu un oscar pour ce film. La musique du film est d’Ennio Morricone.

* Le film projeté par le Cirque Volant est L’Emigrant de Charlie Chaplin.

* Les étonnants plans d’envol des nuées de sauterelles ont été filmés à l’envers avec un hélicoptère jetant des milliers d’écorces de cacahuètes ! Les acteurs devaient marcher à l’envers.

(1) L’heure dorée, Golden hour en anglais, est l’heure qui précède le coucher du soleil. L’heure bleue, Blue hour en anglais, est le moment qui suit le coucher du soleil avant le noir complet (« entre chien et loup »). Le même raisonnement s’applique symétriquement au lever du soleil. Terrence Malick a utilisé une pellicule ultra-sensible.
(2) Les moissons du ciel fait partie des premiers films à utiliser une steadycam (en l’occurrence, une Panaglide qui était en réalité la copie Panavision du premier modèle de la marque Steadycam).

11 novembre 2012

L’obsédé en plein jour (1966) de Nagisa Ôshima

Titre original : « Hakuchû no tôrima »

L'obsédé en plein jourShino est femme de ménage voit arriver Eisuke qu’elle a connu quelques années auparavant dans son village. Il l’agresse et la poursuit pour finalement violer et tuer la maîtresse de maison. Face à la police, Shino tait l’identité de l’agresseur et préfère écrire à sa femme Matsuko pour la prévenir que son mari est le violeur qui terrorise la région… Adapté d’un roman de Takeshi Tamura, lui-même basé sur un fait divers réel des années cinquante, L’obsédé en plein jour retrace la personnalité de ce violeur et nous fait remonter, par un subtil jeu de flashbacks, à la source de sa furie criminelle. L’histoire est assez extraordinaire et, si ce n’était basé sur une histoire vraie, on la trouverait certainement assez invraisemblable. C’est aussi une réflexion sur l’amour et l’absence de retour. Nagisa Ôshima développe les relations (complexes) entre les deux femmes, avec un certain partage de la culpabilité. On peut voir aussi une certaine allégorie de l’échec du socialisme au Japon (la ferme, le désespoir, l’absence de repères). Dans sa forme, le film est assez remarquable : par la structure du récit, par sa très belle photographie, par son montage très vif et rapide, par l’audace de certains plans (par exemple les champs contre-champs lors des dialogues entre Shino et Matsuko). L’obsédé en plein jour n’est sans doute pas un film facile, il déroute même par moments, il fait partie de ces films que l’on a envie de revoir à peine la dernière image projetée. C’est l’un des films très intéressants de Nagisa Ôshima, réalisateur plus connu pour L’empire des sens.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Saeda Kawaguchi, Akiko Koyama, Kei Satô, Rokko Toura
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3 août 2012

L’arbre aux sabots (1978) de Ermanno Olmi

Titre original : « L’albero degli zoccoli »

L'arbre aux sabotsLa vie d’une ferme lombarde à la fin du XIXe siècle, où vivent cinq familles de paysans sur des terres appartenant à un notable… L’arbre aux sabots est un film unique en son genre. Avec pour acteurs de simples paysans de la région de Bergame (1), filmant en 16 mm entièrement en lumière naturelle, Ermanno Olmi nous immerge dans un monde presque oublié. Les trois heures passent très rapidement. Sur l’espace de quatre saisons, nous assistons et partageons les évènements mais aussi le quotidien de cette vie très rurale. Le travail accompli par Ermanno Olmi est remarquable, la vérité de son regard force l’admiration. Il a su éviter tout spectaculaire et toute facilité pour rester dans la simplicité. Contrairement au 1900 de Bertolucci, L’arbre aux sabots ne porte pas de message politique. Beaucoup ont voulu en trouver un, déceler sous le récit quelque poison idéologique pernicieusement entrelacé… mais il n’en est rien. Le propos d’Ermanno Olmi est plus philosophique (2), il questionne sur le sens profond de la vie : en nous montrant les ancrages de cette société rurale (nature, famille, religion), il nous propose une réflexion sur les ancrages de la nôtre mais sans pour cela prôner un retour à d’anciennes valeurs. L’arbre aux sabots est ainsi un film d’une très grande portée.
Elle: 4 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs:
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L'arbre aux sabots(1) Bergame est situé en Lombardie à environ 50 km au nord-est de Milan. Ermanno Olmi est originaire de cette région. Le dialecte parlé dans le film, le bergamesque, est celui de ses grands-parents.  

(2) Dans un interview pour le journal Il Tempo, Olmi décrit ainsi le but de son film L’arbre aux sabots : « Certainement pas par nostalgie d’un monde désormais impossible à proposer, mais par besoin de nous confronter à nouveau avec une réalité que nous avons mise de côté trop hâtivement, sans rien décider de ce qu’il fallait conserver en vue d’une réalité différente mais qui n’est pas sans présenter des exigences semblables au plan spirituel et humain. »