3 septembre 2022

A la recherche de Garbo (1984) de Sidney Lumet

Titre original : « Garbo Talks »

À la recherche de Garbo (Garbo Talks)Estelle est une femme énergique toujours prête à se battre avec vigueur contre les injustices et les abus. Son fils Gilbert est tout à l’opposé : dans la société où il est employé, il est l’objet de brimades et il ne contrarie jamais ses supérieurs. Apprenant qu’elle a une tumeur au cerveau, Estelle demande à son fils de rencontrer son idole de toujours, Greta Garbo…
À la recherche de Garbo est un film américain écrit par Larry Grusin et réalisé par Sidney Lumet. Le réalisateur se lance dans un genre qu’il a peu ou pas exploré au cours des quelque 25 années de carrière qu’il a derrière lui : la comédie. Le récit a le mérite de l’originalité. Tout n’est pas réussi mais Anne Bancroft montre des talents surprenants pour la comédie. Certains moments sont savoureux comme la scène où elle grimpe sur un immeuble en construction pour aller réprimander un groupe d’ouvriers qui avaient lancé des paroles obscènes envers une passante. L’actrice se montre tout aussi parfaite dans les scènes émouvantes, son récit de ses émois cinématographies sur son lit d’hôpital en est le meilleur exemple. Le film est aussi, et surtout, un hommage au cinéma et à l’un de ses plus grands mythes, Greta Garbo. C’est toutefois un film en demi-teinte, mais inattendu de la part de Sidney Lumet.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Ron Silver, Carrie Fisher, Catherine Hicks, Steven Hill, Howard Da Silva
Voir la fiche du film et la filmographie de Sidney Lumet sur le site IMDB.

Voir les autres films de Sidney Lumet chroniqués sur ce blog…
Voir les livres sur Sidney Lumet

Remarques :
* Les producteurs n’ont pas réussi à trouver Greta Garbo pour lui demander d’apparaître dans le film (ce qu’elle aurait, bien entendu, très certainement refusé). A noter que Greta Garbo avait alors 79 ans. L’actrice est décédée en 1990. Son dernier film date de 1941.
* Le titre original fait référence au premier film parlant tourné par Greta Garbo, Anna Christie (1930). La MGM avait utilisé comme accroche publicitaire « Garbo Talks ».

À la recherche de Garbo (Garbo Talks)Ron Silver et Carrie Fisher dans À la recherche de Garbo (Garbo Talks) de Sidney Lumet.

À la recherche de Garbo (Garbo Talks)Anne Bancroft dans À la recherche de Garbo (Garbo Talks) de Sidney Lumet.

9 février 2022

30 minutes de sursis (1965) de Sydney Pollack

Titre original : « The Slender Thread »

30 minutes de sursis (The Slender Thread)Etudiant en psychologie à Seattle, Alan est bénévole dans un centre d’appels d’urgence pour personnes en détresse. Il reçoit l’appel d’une femme qui lui dit vouloir parler à quelqu’un avant de mourir des comprimés qu’elle vient d’avaler…
Trente minutes de sursis est le premier long métrage réalisé par Sydney Pollack. Il s’agit d’un suspense psychologique où le personnage principal doit garder le contact avec une personne pour parvenir à la localiser et la sauver. Le tour de force du réalisateur est de parvenir à nous tenir en haleine pendant plus d’1h30 sur cette base de scénario. Sydney Pollack a expliqué qu’il était alors encore très marqué par son expérience à la télévision et son film paraît structuré en tranches avec un flashback dans chacune (les téléfilms à la télévision américaine sont conçus pour faciliter l’insertion des publicités à intervalles réguliers au moment des pics de tension). Malgré cela, le récit se révèle être très prenant. Le film bénéficie d’une bonne interprétation et de la présence de deux stars, Anne Bancroft et Sidney Poitier (qui, à 38 ans, est tout de même un peu âgé pour être étudiant). La musique est signée Quincy Jones. Le film connut un petit succès, largement suffisant pour attirer l’attention des producteurs sur ce nouveau réalisateur.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sidney Poitier, Anne Bancroft, Telly Savalas, Steven Hill, Ed Asner
Voir la fiche du film et la filmographie de Sydney Pollack sur le site IMDB.

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Remarque :
* Sydney Pollack était très fier de ses vues aériennes de Seattle du générique de début de film, avec des mouvements de caméra très délicats à réaliser. Effectivement, ces images sont superbes.

30 minutes de sursis (The Slender Thread)Sidney Poitier dans 30 minutes de sursis (The Slender Thread) de Sydney Pollack.

30 minutes de sursis (The Slender Thread)Anne Bancroft dans 30 minutes de sursis (The Slender Thread) de Sydney Pollack.

17 janvier 2018

Le Roi du racket (1955) de Maxwell Shane

Titre original : « The Naked Street »

Le Roi du racketLe journaliste raconte l’histoire du gangster Phil Regal (Anthony Quinn), qui fait la loi dans son quartier de New York…
Ex-journaliste et scénariste, Maxwell Shane a écrit et réalisé ce film noir à petit budget (et assez rare) d’après une histoire écrite par Léo Katcher. L’histoire est très classique, celle d’un truand très attaché à sa famille mais qui n’est pas, pour une fois, d’origine italienne : il est d’origine slave. Hormis cette originalité, Maxwell Shane ne se montre pas vraiment remarquable, que ce soit sur le plan de l’écriture ou de la réalisation. Le film est néanmoins sauvé par la bonne interprétation du trio d’acteurs principaux. La fin est particulièrement fade. On pourra toutefois remarquer qu’elle s’inscrit dans l’évolution du film noir en ce milieu des années cinquante qui présente souvent les « mauvais garçons » avec compassion : par un étonnant virage final dans le propos, le jeune personnage joué par Farley Granger est ainsi soudainement présenté comme une victime.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Farley Granger, Anthony Quinn, Anne Bancroft, Peter Graves
Voir la fiche du film et la filmographie de Maxwell Shane sur le site IMDB.

Naked street
Anthony Quinn et Farley Granger dans Le Roi du racket de Maxwell Shane.

The Naked Street
Anthony Quinn et Anne Bancroft dans Le Roi du racket de Maxwell Shane.

27 avril 2015

New York Confidential (1955) de Russell Rouse

New York confidentielCharlie Lupo est à la tête de la branche new-yorkaise du syndicat du crime. Il fait venir le tueur Nick Magellan de Chicago pour une mission et, impressionné par sa classe et son efficacité, décide de la garder à ses côtés… Après qu’une commission d’enquête (Kefauver hearings, 1950-51) eut révélé à des millions de spectateurs médusés l’omniprésence de la Mafia dans tous les rouages de la société américaine, un certain nombre de films virent le jour sur ce sujet (1). New York Confidential est l’un des plus remarquables d’entre eux. Il est librement inspiré d’un best-seller du même nom signé Jack Lait et Lee Mortimer. Il nous montre le fonctionnement de l’organisation criminelle avec ses règles et ses processus de décision. Contrairement au cinéma des années trente, les hommes qui la dirigent ne sont pas montrés comme des caïds risque-tout mais comme des hommes d’affaires, qui ont un bureau, une secrétaire et même une famille qui cause des soucis. Mais le personnage central de New York Confidential n’est l’un de ces patrons du crime mais son bras droit remarquablement interprété par Richard Conte, stylé et séduisant en apparence mais implacable tueur quand il s’agit de régler les problèmes. Finalement, New York Confidential est un étonnant précurseur, vingt ans auparavant, du Parrain de Coppola.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Broderick Crawford, Richard Conte, Marilyn Maxwell, Anne Bancroft, Mike Mazurki
Voir la fiche du film et la filmographie de Russell Rouse sur le site IMDB.

New York Confidential
Richard Conte  est un tueur stylé dans New York confidentiel de Russell Rouse

New York Confidential
Broderick Crawford  est l’un des chefs de la Mafia dans New York confidentiel de Russell Rouse, 20 ans avant Marlon Brando…

Remarque :
* Le terme « Mafia » n’est à aucun moment prononcé dans le film qui utilise le terme « Syndicat » ou « l’Organisation ».

(1) On pourrait citer The Captive City (1952) de Robert Wise, Hoodlum Empire (1952) de Joseph Kane ou encore The Turning Point (1952) de William Dieterle pour se limiter à ceux qui s’attachent à montrer le fonctionnement de la Mafia.
Il y en a beaucoup d’autres sur le thème du crime organisé  qui est l’un des sujets principaux de la décennie des années cinquante : The Enforcer de Raoul Walsh (1951), The Mob de Robert Parrish (1951), The Racket de John Cromwell (1952), The Narrow Margin de Richard Fleisher (1952), The Big Combo de Joseph H. Lewis (1955), etc.

20 décembre 2013

Nightfall (1957) de Jacques Tourneur

NightfallJames Vanning entre dans un bar et y fait la rencontre de Marie Gardner mais, à la sortie, deux hommes le recherchent et le conduisent dans un lieu isolé pour le faire parler… Nightfall est adapté d’un roman policier de David Goodis. L’histoire, finalement assez simple, est très bien amenée car elle ne se dévoile que peu à peu. On peut faire le parallèle avec Out of the Past que Tourneur a réalisé presque dix ans plus tôt car le héros est lui aussi victime de son passé et la construction comporte plusieurs flashbacks. Aldo Ray n’est toutefois pas Robert Mitchum mais, si son interprétation est plus simple, elle est aussi plus naturelle et apporte une forte authenticité à l’ensemble. Le film est tourné en noir et blanc et, de manière assez inhabituelle pour un film noir, comporte de nombreuses scènes en extérieurs, dans la neige qui plus est. Certains plans sont assez remarquables, le plus beau étant indéniablement le face à face des deux malfrats par la fenêtre de la cabane, l’un des plus beaux exemples de « cadre dans le cadre » qui soient. Nightfall est un film certes peu spectaculaire mais joliment tourné, sans temps mort, assez prenant. Nightfall n’est jamais sorti dans les salles en France. Il est, assez injustement, l’un des films les moins connus de Jacques Tourneur.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Aldo Ray, Brian Keith, Anne Bancroft, James Gregory, Frank Albertson, Rudy Bond, Jocelyn Brando
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Tourneur sur le site IMDB.

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Voir l’analyse du film par François-Olivier Lefèvre sur le site DVD Classik

Remarques :
* Avant de tourner Pulp Fiction, Quentin Tarantino a montré Nightfall à Bruce Willis en lui recommandant de s’inspirer d’Aldo Ray pour interpréter son personnage.
* Les scènes dans la neige peuvent nous faire penser à Fargo. Les Frères Coen ont certainement vu Nightfall avant de tourner leur film.
* Jocelyn Brando (qui interprète la femme de l’enquêteur) est la sœur aînée de Marlon Bando.

15 septembre 2012

Le lauréat (1967) de Mike Nichols

Titre original : « The graduate »

Le lauréatDiplômé de fraîche date, le jeune Benjamin revient pour les vacances chez ses parents qui ont organisé une réception qui le met mal à l’aise. Il accepte de raccompagner chez elle Mrs Robinson qui lui fait alors des avances… Il est des films qui arrivent juste au bon moment. Sorti cinq ans plus tôt, Le lauréat serait peut-être passé inaperçu, catalogué comme une gentille bleuette. Mais fin 1967, c’est une bonne fraction de toute une génération qui se reconnaît dans cet étudiant bien sage qui hésite à se fondre dans le moule social de ses parents. Le fossé des générations est creusé. Les adultes cherchent soit à imposer leur propre schéma, soit à profiter de leur désarroi comme le fait Mrs Robinson ; ils n’apportent pas de réponses. Le lauréat démystifie le modèle de réussite sociale de la classe moyenne américaine et, quand on gratte, l’envers du décor n’est pas reluisant (cf. la discussion dans le lit sur la rencontre des parents Robinson). Mike Nichols réussit à mêler beaucoup d’humour à son film, distillé par petites touches pratiquement dans toutes les scènes, ce qui le rend le film très abordable. L’épilogue, très gentillet, reste ainsi jubilatoire et donc efficace. C’est le premier grand rôle au cinéma pour Dustin Hoffman qui, à 29 ans, n’a aucun problème pour paraître en avoir 21. Sa légère gaucherie colle parfaitement au personnage auquel il donne une certaine profondeur. Et il y a la musique de Simon & Garfunkel, superbe, qui enrobe et apporte douceur et candeur. Le film connut un très grand succès qui dépasse largement, il faut bien le reconnaître, ses qualités intrinsèques. Il a marqué une génération.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Dustin Hoffman, Katharine Ross, William Daniels
Voir la fiche du film et la filmographie de Mike Nichols sur le site IMDB.
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Remarques :
* Le film Le lauréat est basé sur un roman de Charles Webb, paru en 1963. Il était alors lui aussi un jeune diplômé de 23 ans. Les droits furent achetés pour une bouchée de pain. Charles Webb n’a pas profité du succès du film, ce succès l’a même gêné dans sa carrière d’écrivain « sérieux ».
* « Plastics ! », le conseil que donne l’ami de la famille au jeune Benjamin, est devenu une réplique très célèbre aux Etats-Unis. L’industrie du plastique a connu un boom peu après la sortie du film et, d’après certains, la popularité du film (et de cette réplique) n’y serait pas étranger (ce qui paraît peu probable tout de même!)
* Mike Nichols voulait confier le rôle de Mrs Robinson à Jeanne Moreau, pensant que l’image de la permissivité française sur l’amour allait rendre l’ensemble plus crédible. Les producteurs étaient fermement opposés à ce choix. Ils étaient aussi opposés à l’idée de confier la musique à Simon & Garfunkel. Mike Nichols conclut un marché avec eux : Jeanne Moreau est écartée si on garde Simon & Garfunkel.
* 20 ans après Le lauréat, Mike Nichols tournera un film totalement contraire, Working Girl avec Melanie Griffith et Sigourney Weaver (1988), une histoire où les personnages principaux recherchent par dessus tout la réussite matérielle. Une génération chasse l’autre…

The GraduateDustin Hoffman et Anne Bancroft, photo publicitaire pour Le Lauréat de Mike Nichols

16 janvier 2012

Frontière chinoise (1966) de John Ford

Titre original : « 7 Women »

Frontière chinoiseDans le nord de la Chine de 1935, une mission isolée et menée par des femmes attend l’arrivée d’un nouveau docteur. Elles voient arriver une femme à l’esprit libre qui va rapidement s’opposer à la directrice rigide. Pendant ce temps, une troupe de bandits pille et saccage la région… Pour son dernier film, John Ford signe un film assez atypique. Frontière chinoise est atypique dans sa filmographie car on a l’habitude de le voir mettre en scène des histoires d’hommes et on le dit même incapable de diriger des femmes. A 72 ans, il lui prend l’envie de faire un pied de nez à ses détracteurs et filme une histoire ne comportant pratiquement que des femmes. Il les place dans une situation de crise aigue qui va révéler leur nature profonde, ce qui est certes plus habituel pour le réalisateur. Atypique, le film l’est aussi par rapport au cinéma des années soixante : il s’agit d’un huis clos, tourné en studio, à l’ancienne. John Ford réussit là un beau film, assez passionnant. Anne Bancroft fait une très belle prestation. A noter que le réalisateur semble régler ses comptes avec la religion, qu’il montre incapable d’apporter une aide quelconque et sclérosant les comportements. Frontière chinoise est sorti au début de la Révolution Culturelle en Chine et le film fut, un peu hâtivement, jugé comme étant réactionnaire, raciste et antichinois. En réalité, c’est un beau film qui clôt joliment sa carrière de 145 films.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Anne Bancroft, Sue Lyon, Margaret Leighton, Flora Robson, Mildred Dunnock, Betty Field
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

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Remarques :
* Anne Bancroft a remplacé Patricia Neal qui dut être hospitalisée après une série d’attaques qui faillirent lui coûter la vie. Patricia Neal ne décédera heureusement que beaucoup plus tard, en 2010.
* Après Frontière chinoise, John Ford réalisera encore un documentaire pour la télévision sur un soldat américain : Chesty: A Tribute to a Legend.