8 janvier 2021

Le Professeur (1972) de Valerio Zurlini

Titre original : « La prima notte di quiete »

Le Professeur (La prima notte di quiete)Daniele Dominici arrive dans la ville de Rimini pour un poste de professeur remplaçant de poésie dans un lycée classique. Il a aussi la passion du jeu et délaisse sa femme pour aller jouer tous les soirs avec un petit groupe de flambeurs. Il est attiré par l’une de ses élèves, Vanina…
L’idée de départ de Valério Zurlini de réaliser une fresque en plusieurs films sur la déchéance d’une famille coloniale italienne n’a finalement abouti qu’à ce seul La prima notte di quiete (= la première nuit de quiétude, titre emprunté à Goethe). L’ambitieuse chronique de l’Italie sur près d’un siècle s’est transformée en variation sur la pureté du sentiment amoureux en proie aux conventions sociales, à l’ennui et modifié par la libération sexuelle. Cette réduction du sujet serait due à l’influence d’Alain Delon, acteur et coproducteur du film. L’acteur est de presque tous les plans, il donne de la superbe à ce perdant, toujours morose, désabusé, un peu vouté mais doté d’une grande présence et donnant l’impression d’avoir vécu beaucoup. La photographie est superbe. Zurlini affectionne les ambiances de station balnéaires hors saison, lorsque la brume adoucit des paysages urbains et se confond avec la mer. Un film beau, mélancolique et sombre.
Elle: 4 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Alain Delon, Sonia Petrovna, Lea Massari, Giancarlo Giannini, Renato Salvatori
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Remarque :
* Alain Delon a profondément modifié la version sortie en France en 1972 : il a fait des coupes, ramenant la durée de 132 à 105 minutes et changé le titre pour le simple Le Professeur. Valerio Zurlini l’a menacé de procès. Il a fallu attendre 2019 pour que le film ressorte en version intégrale. Il fut présenté par Alain Delon lui-même au Festival de Cannes 2019.

Le Professeur (La prima notte di quiete)Sonia Petrovna et Alain Delon dans Le Professeur (La prima notte di quiete) de Valerio Zurlini.

24 avril 2020

Les Camarades (1963) de Mario Monicelli

Titre original : « I compagni »

Les camarades (I compagni)Turin, 1900. Dans une usine textile, les ouvriers travaillent 14 heures par jour, de 6 heures à 20 heures 30, avec un seul arrêt d’une demi-heure le midi. A la suite d’un accident, dû à la fatigue en fin de journée, un comité est formé pour réclamer une journée plus courte. Un ex-professeur, militant socialiste recherché venu se réfugier chez un ami, va les convaincre d’aller plus loin…
Mario Monicelli est un cinéaste plutôt réputé pour ses comédies. On lui doit aussi ce premier grand film politique italien sur la condition ouvrière, basé sur des faits réels. Il en a écrit le scénario avec l’aide de l’excellent duo Age & Scarpelli. Le film débute de façon descriptive des conditions de travail au sein de l’usine et des conditions de vie des familles à cette époque qu’il a reconstituée avec beaucoup d’attention. Ensuite dans le récit, Monicelli introduit des éléments d’humour dans la tragédie, sans altérer la puissance du propos. Le film a beaucoup été comparé aux grands films soviétiques avec lesquels il présente une nette différence d’approche : point de lyrisme, ni d’envolées épiques exaltantes, mais de petits éléments de comédie qui renforcent le caractère humaniste du récit. En revanche, Monicelli est plus proche des grand maîtres russes dans ses travellings et grands mouvements de caméra. On remarque la présence de trois acteurs français, Annie Girardot, Bernard Blier et François Périer, le film étant une coproduction franco-italienne.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Gabriella Giorgelli, Folco Lulli, Bernard Blier, Annie Girardot
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Remarques :
* Monicelli a raconté que le schéma de la harangue de Marcello Mastroianni face aux ouvriers est emprunté au discours de Marc Antoine dans le Jules César de Shakespeare : il semble d’abord donner raison à ses adversaires avant retourner leur raisonnement en sa faveur.

* Dans son Dictionnaire du cinéma italien, Dominique Sabourdin nous fait remarquer que les trois grands responsables de la direction artistique (costumes, décors, photo) sont des collaborateurs habituels de Visconti, qui ont travaillé sur Rocco et ses frères, ce qui peut expliquer « une telle magnificence réaliste, dont on ne retrouve aucune trace dans aucun autre film de Monicelli ».

 Les camarades (I compagni)Bernard Blier, Renato Salvatori et Marcello Mastroianni dans Les camarades (I compagni) de Mario Monicelli.

18 janvier 2018

Belles mais pauvres (1957) de Dino Risi

Titre original : « Belle ma povere »
Autre titre français : « Beaux mais pauvres »

Belles mais pauvresRomolo et Salvatore sont comme fiancés à Marisa et Anna-Maria, tous quatre amis d’enfance. Mais pour se marier, ils doivent gagner leur vie…
Issu de la première période Dino Risi, celle où il cherchait encore son style, Belles mais pauvres est la suite de Pauvres mais beaux qui avait connu un grand succès quelques mois plus tôt. Par rapport à son prédécesseur, ce deuxième volet se révèle beaucoup moins complet : la peinture sociale est mise en retrait pour se focaliser sur la comédie pure et sur l’immaturité des deux jeunes garçons. On pourra toutefois y voir un portrait du mâle italien, montré particulièrement machiste et conservateur, et aussi les difficultés d’une modernisation économique au travers de l’exemple d’une formation professionnelle accélérée assez pittoresque. Le film traîne en longueur dans sa seconde moitié et l’ensemble est bien en deçà du premier volet.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Marisa Allasio, Maurizio Arena, Renato Salvatori, Lorella De Luca, Alessandra Panaro
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Belles mais pauvres
Renato Salvatori, Lorella De Luca et Alessandra Panaro dans Belles mais pauvres de Dino Risi.

Les 3 films sur les déboires de Romolo et Salvatore, réalisés par Dino Risi :
1. Pauvres mais beaux (Poveri ma belli, 1957)
2. Belles mais pauvres (Belle ma povere, 1957)
3. Pauvres millionaires (Poveri milionari, 1959)

22 juin 2017

Pauvres millionnaires (1959) de Dino Risi

Titre original : « Poveri milionari »

Pauvres millionnairesAmis depuis toujours, Romolo et Salvatore se sont mariés le même jour mais le voyage de noces commun tourne court. De retour à Rome, Salvatore se fait renverser par une riche jeune veuve et devient amnésique. Cette dernière s’entiche de lui et le fait nommer directeur du grand magasin où travaille Romolo… Après le succès du réussi Pauvres mais beaux, Dino Risi lui a donné deux suites : Beaux mais pauvres et ce Pauvres millionnaires. Nous retrouvons le même quatuor qui tente de s’établir après que les garçons aient trouvé un travail. L’histoire a perdu son caractère de regard social pour évoluer sur le terrain du burlesque pur. Le scénario est particulièrement improbable, ce qui n’est pas très grave en soi s’il exploitait bien les situations cocasses créées. Mais ce n’est pas vraiment le cas, hélas. Certes, il y a quelques bonnes trouvailles et de bons moments mais l’ensemble nous laisse sur une impression d’insatisfaction. Côté acteur, Renato Salvatori sort une fois de plus du lot : il n’a pas son pareil pour ces rôles de garçon aussi niais et immature qu’attachant. La fin était de toute évidence conçue pour permettre une suite qui ne vit pas le jour. Pauvres millionnaires fait partie de la première période de la filmographie de Dino Risi, avant ses plus belles réussites qui en firent un grand cinéaste.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Maurizio Arena, Renato Salvatori, Lorella De Luca, Alessandra Panaro, Sylva Koscina
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Pauvres millionnaires
Lorella De Luca, Maurizio Arena et Renato Salvatori dans Pauvres millionnaires de Dino Risi.

27 février 2016

Pauvres mais beaux (1957) de Dino Risi

Titre original : Poveri ma belli

Pauvres mais beauxRomolo et Salvatore sont voisins et amis depuis toujours. Ils font tout ensemble, y compris draguer les filles après le travail. Mais après avoir fait la connaissance de Giovanna, leur amitié est mise durement à l’épreuve car ils sont tous deux amoureux d’elle… Parmi les premiers films de Dino Risi (il s’agit de son 6e long métrage), Pauvres mais beaux est l’un des plus personnels. Ecrit par une nouvelle génération de scénaristes (le tandem Pasquale Festa Campanile et Massimo Franciosa), il montre un ton nouveau. Avec le recul, on mesure mieux à quel point cette comédie est le reflet d’un profond changement dans la société italienne et annonce la révolution sociale des années soixante. Même s’ils sont pauvres, et le décor pourrait être celui d’un film néoréaliste, ses personnages ne sont pas des victimes des mutations économiques mais bénéficient d’une modernité où l’insouciance retrouve une place prépondérante (1). L’autre élément marquant est le personnage de jeune fille très émancipée et sûre d’elle-même qui, dans un environnement pourtant très machiste, entend choisir son prétendant et n’hésite pas à les mettre en compétition. C’est un personnage de femme très moderne. Mais Pauvres mais beaux est avant tout une comédie avec une bonne dose d’humour. Les dialogues et situations sont savoureux. L’ensemble est très positif. Le film connut un grand succès, à tel point que Dino Risi lui a donné deux suites : Beaux mais pauvres (Belle ma povere, 1957) et Poveri milionari (1959).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Marisa Allasio, Maurizio Arena, Renato Salvatori
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Remarques :
* Le film a été tourné directement dans les rues de Rome.
* Marisa Allasio, qui montre à la fois beaucoup de charme et beaucoup de présence à l’écran, n’a pas eu une grande carrière au cinéma. Elle n’a que peu tourné après s’être mariée en 1958 à un comte.

(1) On peut ainsi situer ce film dans la lignée de Dimanche d’Août de Luciano Emmer (1950).

Pauvres mais beaux
Renato Salvatori, Marisa Allasio et Maurizio Arena dans Pauvres mais beaux de Dino Risi (photo publicitaire).

16 août 2015

Les évadés de la nuit (1960) de Roberto Rossellini

Titre original : « Era notte a Roma »

Les évadés de la nuit
Italie, 1943. Trois officiers alliés, un britannique, un américain et un russe, sont recueillis par une jeune femme qui les cache dans son grenier à Rome, alors occupée par les allemands… Quinze ans après Rome ville ouverte, Rossellini revient sur cette époque des derniers mois de la guerre, transition entre le fascisme et la libération de l’Italie. En dehors du sujet, tout semble séparer les deux films et on ne croit guère, du moins pas assez, à cette histoire quelque peu alourdie par des éléments mélodramatiques. Il reste toutefois de nombreuses belles scènes, parfois même assez marquantes, avec un rapprochement intéressant entre les convictions humanistes des ecclésiastiques et celles du mécanicien communiste engagé dans la Résistance.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Leo Genn, Giovanna Ralli, Sergey Bondarchuk, Peter Baldwin, Renato Salvatori
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Les évadés de la nuit
George Petrarca et Giovanna Ralli dans Les évadés de la nuit de Roberto Rossellini

Les évadés de la nuit
Leo Genn, Sergey Bondarchuk et Peter Baldwin dans Les évadés de la nuit de Roberto Rossellini

8 juillet 2014

Mogli pericolose (1958) de Luigi Comencini

Traduction du titre : « Femmes dangereuses »

Femmes dangereusesQuatre couples passent un week-end à la campagne. Pendant que les maris sont partis à la chasse, les femmes parlent des hommes. La jeune Ornella n’est pas d’accord pour dire qu’ils sont tous volages : elle sait qu’elle peut faire confiance à son mari. Son amie Tosca lui propose de faire le pari qu’elle parviendra à le séduire. De retour à Rome, elle met son projet à exécution… Ecrit et réalisé par Luigi Comencini, Mogli pericolose est une comédie légère sur les rapports entre hommes et femmes à l’intérieur du couple et plus précisément sur les dangers de la jalousie excessive. Comme beaucoup des comédies italiennes de cette époque, Mogli pericolose dresse un portrait de la classe moyenne, celle qui sort triomphante de la reconstruction italienne, suffisamment aisée pour oublier tout problème matériel et se concentrer sur ses rapports humains. Le fond est un peu moins superficiel qu’il n’en a l’air même si l’étude n’est pas très profonde. Sans trop forcer le trait ni verser dans la caricature, Comencini utilise les quatre couples pour montrer quatre situations très différentes (confiance, déséquilibre, suspicion, conflit ouvert). L’humour est créé à partir des tensions, des drames qui se nouent. L’ensemble est très amusant, servi par un très bon plateau d’acteurs. On se demande pourquoi le film est si rare.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Sylva Koscina, Renato Salvatori, Dorian Gray, Franco Fabrizi, Pupella Maggio, Mario Carotenuto
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Remarques :
* Mogli pericolose n’est jamais sorti en France. Il a été diffusé pour la première fois à la télévision au Cinéma de Minuit de Patrick Brion en mars 2014.

* A propos de l’humour, Comencini précise :
« Une chose est certaine: pour faire un film comique, il faut inventer des histoires vraiment tragiques. (…) Le rire est une manifestation de la méchanceté humaine. Charlot a toujours fait rire seulement avec ses malheurs. Quand finalement les choses s’arrangent pour lui, sur l’écran apparaît le mot « fin ». Beaucoup plus modestement, Mogli pericolose se propose de faire rire en montrant les dangers et les désastres qui plus ou moins pointent le bout du nez dans toutes nos maisons. Dans le film, ces dangers et ces désastres ne pointent pas le bout du nez, ils débordent avec toute leur force, leur insistance aveugle et persistante, et ils font rire. » (interview publié dans Tempo du 25/11/58 cité dans le livre de Jean A. Gili sur Comencini).
C’est une citation très intéressante même si l’on peut penser que Comencini oublie de prendre en compte le recul qu’offre le cinéma et sa fonction de miroir. C’est en tous cas, un beau sujet de réflexion…

3 octobre 2013

Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli

Titre original : « I soliti ignoti »

Le pigeonCosimo est arrêté alors qu’il tentait de voler une voiture. Il aimerait sortir au plus vite car il a eu un tuyau pour un coup infaillible. Il cherche donc un « pigeon » c’est-à-dire quelqu’un pour prendre sa place… Le Pigeon est l’un des plus beaux joyaux de la comédie italienne. Mario Monicelli réussit là un équilibre parfait entre l’humour et le regard bienveillant porté sur ces petits malfrats marginaux. L’humour repose beaucoup sur leur maladresse, leur incapacité à mener quelque chose à bien mais c’est un humour sans méchanceté, empreint au contraire d’une certaine tendresse. C’est aussi un regard sur l’Italie de l’après-guerre. Le scénario est intelligemment écrit, avec de belles trouvailles, très riche en petits détails ; sans aucun temps mort, son développement nous réserve d’amusantes surprises. La fin est hilarante. Les personnages sont typés mais sans excès, les seconds rôles sont savoureux : Carlo Pisacane (et sa dégaine unique) en simplet éternel affamé, Tiberio Murgia en fier sicilien qui séquestre sa soeur (Claudia Cardinale dans son premier vrai rôle à l’écran) et le merveilleux Totò en retraité-instructeur en perçage de coffre (1). Le pigeon est un film qui ne vieillit pas.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Carlo Pisacane, Tiberio Murgia, Claudia Cardinale, Totò
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Suites (moins réussies) :
Hold-up à la milanaise (Audace colpo de I soliti ignoti) de Nanni Loy (1959) avec Vittorio Gassman, Renato Salvatori, Claudia Cardinale, Carlo Pisacane et Tiberio Murgia.
Le Pigeon vingt ans après (I soliti ignoti vent’anni dopo) d’Amanzio Todini (1985) avec toujours Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Carlo Pisacane, Tiberio Murgia.

(1) On remarquera que Totò, bien qu’il n’ait qu’un rôle assez limité, est au centre de l’affiche originale, témoin de sa grande popularité à l’époque.