19 juin 2011

Pandora (1951) de Albert Lewin

Titre original : « Pandora and the Flying Dutchman »

PandoraLe mythe du Hollandais volant a été source d’inspiration pour de nombreux films mais le Pandora d’Albert Lewin reste incontestablement le plus beau. Albert Lewin est un esthète, amoureux des arts et de la peinture, il l’a prouvé dans ses précédents films (1) et Pandora est avant tout un film très beau, d’une élégance presque onirique. Bien que les scènes soient souvent nocturnes, l’image est de toute beauté avec une utilisation harmonieuse et mesurée du Technicolor. L’histoire est tout aussi belle, c’est l’amour qui surpasse le temps. Pandora Le scénario, assez littéraire, a été écrit par Lewin lui-même qui s’est inspiré du mythe du Hollandais volant, condamné à errer sur les mers pour l’éternité, et du mythe de Pandore (2). Ava Gardner est d’une beauté à couper le souffle, d’une élégance infinie dans chacun de ses mouvements ; sa voix est d’une incomparable douceur. Véritable déesse personnifiée, elle contribue, tout comme le très beau jeu placide et énigmatique de James Mason, à donner cette dimension mythologique au film. Pandora est un film magnifique, élégant, envoutant. Toute la magie du cinéma…
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: James Mason, Ava Gardner, Nigel Patrick, Sheila Sim, Harold Warrender, Mario Cabré
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Remarques :
Ava Gardner par Man Ray * Pandora a été tourné en Espagne, à Tossa del Mar au nord de Barcelone. Ava Gardner tomba amoureuse de l’Espagne et quand elle voudra s’écarter d’Hollywood en 1955, elle viendra y vivre 13 ans avant de s’installer à Londres.
* Le jeu d’échecs a été créé par Man Ray qui a aussi peint certaines des toiles visibles dans le film. La photo ci-contre d’Ava Gardner est également signée Man Ray. L’artiste surréaliste et Albert Lewin étaient amis.
* Le film est une production anglaise pour des raisons fiscales. En réalité, le film est américain.
* Ava Gardner raconte dans ses mémoires que l’acteur Mario Cabré, qui interprète le toréador, s’est comporté dans la vie comme son personnage : très machiste, il considérait qu’Ava Gardner devait tomber amoureuse de lui ce qui a occasionné beaucoup de problèmes.

Pandora (1) Le portrait de Dorian Gray (1945) a pour point central une peinture, Bel Ami (1947) montre une série de toiles de grands peintres faites spécialement pour le film, et The Moon and Sixpence (1942) est consacré à la vie de Gauguin.
(2) Dans la mythologie grecque, Pandore est la première femme. Zeus lui a remis une jarre contenant tous les maux de l’humanité (la Maladie, la Vieillesse, la Misère, etc.) avec interdiction de l’ouvrir. Pandore cède à la curiosité et ouvre la jarre, libérant ainsi tous les maux. Elle la referme aussitôt mais ne réussit qu’à garder enfermée l’Espérance.

Pandora a été restauré en 2019 et a bénéficié d’une nouvelle sortie en coffret livre+DVD en 2021. Lire…

17 juin 2011

Soudain l’été dernier (1959) de Joseph L. Mankiewicz

Titre original : « Suddenly, last summer »

Soudain l'été dernierLui :
Une richissime veuve cherche à soudoyer un chirurgien afin qu’il pratique une lobotomie sur sa nièce. Celle-ci est internée depuis la mort mystérieuse du fils de la milliardaire, l’été précédent… La courte pièce de Tennessee Williams (un seul acte) a été largement allongée par Gore Vidal (1). Le tournage de Soudain l’été dernier, fut difficile du fait de tensions entre Katharine Hepburn et Mankiewicz et de la maladie de Montgomery Clift, très faible. L’histoire traite de sujets tabous comme l’homosexualité, l’inceste et le cannibalisme ; la censure a rendu la scène finale moins cohérente (2). Sur le plan de l’interprétation, c’est Katharine Hepburn qui est la plus remarquable ; Montgomery Clift de son côté a un jeu très passif, assez intéressant par sa subtile fragilité. L’interprétation d’Elizabeth Taylor a été largement louangée, mais on peut trouver qu’elle montre par moments ses limites. La mise en scène du flashback dans la scène finale en surimpression est admirable. Malgré la censure, Soudain l’été dernier a su garder toute sa force.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Elizabeth Taylor, Katharine Hepburn, Montgomery Clift
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Remarques :
Contactée en premier par le producteur Sam Spiegel, Elizabeth Taylor a assorti son faramineux contrat d’exigences sur le choix du réalisateur (elle a donné quatre noms dont celui de Mankiewicz) et de son partenaire masculin.

(1) D’après le générique, l’adaptation a été coécrite avec Tennessee Williams mais, d’après Gore Vidal, l’auteur n’a pas écrit un seul mot.
(2) D’après Gore Vidal, environ une dizaine de minutes ont été coupées de la scène finale de Soudain l’été dernier par la censure, essentiellement tout ce qui avait trait à l’homosexualité qui ne devait pas être citée et encore moins montrée. La motivation principale de vengeance dans la scène finale est ainsi moins nette.
(3) Alors que la pièce se déroulait en un seul lieu, le jardin tropical, le film se déroule en plusieurs lieux.

 

10 juin 2011

Du plomb pour l’inspecteur (1954) de Richard Quine

Titre original : « Pushover »

Du plomb pour l'inspecteurLui :
Pour piéger de l’auteur d’un hold-up meurtrier, la police surveille sa maitresse. Un inspecteur est chargé de séduire la jeune femme… Pushover (titre traduit sans grande subtilité par Du plomb pour l’inspecteur) a été conçu par Columbia pour lancer la jeune Kim Novak, alors âgée de 21 ans, comme une nouvelle Marylin (1). Si l’on peut trouver le type d’histoire assez conventionnel, le scénario est en réalité assez subtil car il ne s’agit pas vraiment du schéma classique de la femme fatale. S’il y en a un qui exerce sa fatale attraction, c’est l’argent et la femme n’est finalement qu’une jeune oie blanche, victime elle aussi. Mais Pushover est surtout remarquable par sa construction : peu de scènes d’action (une au début et une à la fin) et une belle importance donnée à la surveillance, des scènes de planque soulignées par une tension habilement distillée tout au long du film. La construction est un modèle du genre, elle s’appuie sur une grande vraisemblance. On notera également une musique assez présente qui contribue à l’atmosphère du film.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Fred MacMurray, Philip Carey, Kim Novak, Dorothy Malone
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Du plomb pour l'inspecteur (1) Columbia avait bêtement laissé passer l’original : Harry Cohn avait choisi de ne pas renouveler le contrat de six mois de Marylin Monroe en 1948… A noter que, par une amusante coïncidence, le vrai prénom de Kim Novak est Marylin.

Remarques:
Le titre original peut être interprété de différentes façons car Pushover signifie ‘faire tomber’ mais c’est aussi un mot d’argot désignant quelque chose de facile, qui tombe tout cuit dans le bec, et aussi une femme qui se laisse facilement pigeonner. Le titre français Du plomb pour l’inspecteur est loin d’offrir cette subtilité et, de plus, dévoile bêtement la fin du film.

Par facilité, le film a été (trop) souvent comparé à Double Indemnity. Ce genre de comparaison ne peut être que négatif. Si on peut remarquer une certaine similitude dans le personnage d’un homme qui se laisse écarter du droit chemin (interprété par Fred MacMurray dans les deux cas), les constructions des deux films n’ont rien en commun. Le fond du propos est assez différent également.

3 juin 2011

L’homme de la plaine (1955) d’ Anthony Mann

Titre original : « The man from Laramie »

L'homme de la plaineLui :
Will Lockhart, un ancien capitaine de l’armée, arrive dans une petite ville du Nouveau-Mexique à la tête d’un convoi de marchandises destinées au magasin local. Mais il vient aussi pour rechercher un trafiquant d’armes, l’assassin indirect de son jeune frère… L’homme de la plaine est tiré d’une histoire parue dans le Saturday Evening Post, adaptée par Philip Yordan. L’histoire est forte avec une belle caractérisation des personnages et une remarquable mise en situation. Anthony Mann a déclaré qu’il avait traité cette histoire comme une libre interprétation du Roi LearL’homme de la plaine est effectivement un drame shakespearien par ce personnage du père et de ses trois fils (1). Anthony Mann tourne pour la première fois en Cinémascope, utilisant parfaitement ce nouveau format. James Stewart apporte beaucoup par son interprétation à la fois sobre et puissante, très authentique. Ce qui est remarquable dans L’homme de la plaine, c’est qu’il n’y a rien de superflu, rien n’est trop appuyé, tout est parfaitement à sa place. On touche là la quintessence du genre.
Note : 5 étoiles

Acteurs: James Stewart, Arthur Kennedy, Donald Crisp, Cathy O’Donnell, Alex Nicol
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Remarques :
L’homme de la plaine est le cinquième et ultime western d’Anthony Mann avec James Stewart. Ces cinq westerns sont parmi les plus beaux du genre.
Winchester ‘73 (1950) Winchester 73
Bend of the river (1952) Les affameurs
The Naked Spur (1953) L’appât
The Far Country (1955) Je suis un aventurier
The Man from Laramie (1955) L’homme de la plaine

(1) Jacques Lourcelles résume admirablement le drame de L’homme de la plaine :
« Dave est le fils réel qu’il regrette d’avoir, Hansbro est le fils de substitution (fils adoptif) dans lequel il place de chimériques espoirs, Lockhart est le fils idéal qu’il aurait souhaité et qu’il n’aura jamais, proche de lui par le caractère et l’obstination. » Tout le film est là…

20 mai 2011

Les grandes manoeuvres (1955) de René Clair

Les grandes manoeuvresLui :
Dans une ville de province, à la veille de la guerre de 14-18, un jeune officier de cavalerie enchaîne les conquêtes féminines tout en regrettant de ne pas connaître l’amour vrai. Avec ses amis, il fait le pari de parvenir à séduire une femme choisie au hasard dans un nombre de jours impartis… Les grandes manoeuvres est l’un des plus beaux films de René Clair, un film très abouti où il parvient à une symbiose parfaite entre comédie et drame. Le film passe du rire à l’émotion avec une subtilité qui trouve sa source dans la très grande maîtrise de la mise en scène. Les grandes manoeuvres est un film d’un grand classicisme, très français dans son esprit. Dans ce marivaudage élégant, tous les personnages, premiers et seconds rôles, sont attachants mais le film est surtout porté par l’un des plus beaux couples du grand écran : Michèle Morgan, fragile et délicate, et le fringuant Gérard Philipe plein de sensibilité et d’une séduction qui semble transpirer de chaque pore de sa peau. Il se dégage d’eux une sorte de grâce, une infinie délicatesse.
Note : 5 étoiles

Acteurs: Michèle Morgan, Gérard Philipe, Jean Desailly, Yves Robert, Brigitte Bardot, Jacques Fabbri, Jacques François, Magali Noël, Lise Delamare
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9 mai 2011

Les nuits blanches (1957) de Luchino Visconti

Titre original : « Le notti bianche »

Les nuits blanchesElle :
Note : 4 étoiles

Lui :
Jeune employé fraichement muté, Mario erre le soir dans les rues de Livourne, en proie à la solitude. Il remarque sur un pont une jeune fille en pleurs. Il parvient à lui parler et à la raccompagner chez elle, mais à peine a-t-il le dos tourné qu’elle retourne sur le pont… Les nuits blanches est l’adaptation du roman homonyme de Dostoïevski sur la passion amoureuse. Luchino Visconti se démarque à la fois du néoréalisme de ses débuts et des fastes colorés de son film précédent, Senso. Il revient ici au noir et blanc (superbe photographie de Giuseppe Rotunno) et recrée entièrement en studio un quartier de Livourne avec ses ruelles et ses canaux. Cela donne une atmosphère irréelle au film, une sensation d’être hors du temps, impression amplifiée par le fait que toutes les scènes sont nocturnes, aucun plan ne montre les personnages dans leur vie diurne, et aussi par la présence de Jean Marais qui nous évoque Cocteau. Les nuits blanches Maria Schell fait une belle interprétation, tourmentée, oscillant entre la joie et le désespoir, presque dévote dans son amour désincarné et Mastroianni montre comme toujours beaucoup de présence, de tendresse et de richesse dans son jeu. Les nuits blanches a parfois été considéré comme mineur dans la filmographie de Visconti. Assez injustement.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Maria Schell, Marcello Mastroianni, Jean Marais
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Remarques :
Les (très belles) scènes de brouillard ont été créées en utilisant des kilomètres de tulle, technique habituellement utilisée au théâtre (et rappelons que Visconti est aussi un metteur en scène de théâtre).

Autre adaptation du roman de Dostoïevski « Nuits blanches » :
Quatre nuits d’un rêveur de Robert Bresson (1971)
En outre, le roman a été une source d’inspiration pour James Gray pour son Two Lovers.

28 avril 2011

Les Girls (1957) de George Cukor

Titre original : « Les Girls »

Les GirlsLui :
Mariée à un lord anglais, une ex-danseuse de la troupe Les Girls vient d’écrire un livre sur son passé. Son ancienne collègue et amie, elle aussi mariée depuis, l’attaque en justice car un chapitre raconte comment elle aurait tenté de se suicider par désespoir d’amour… Les Girls mélange deux genres : la comédie musicale et la satire de mœurs. George Cukor nous dresse le portrait de trois femmes : une française spontanée, une anglaise un peu cynique et une américaine réservée. C’est aussi un film sur le mensonge puisque trois personnes nous racontent la même histoire de façon totalement différente. Cukor semble nous dire qu’un bon mensonge peut être préférable à une vérité gênante. Le scénario est assez élaboré, on l’a dit trop sophistiqué pour que le film soit un grand succès populaire. Les musiques sont signées Cole Porter et la scène chorégraphiée la plus remarquable montre Gene Kelly en blouson de cuir, parodie de Marlon Brando dans L’équipée sauvage ; ce numéro n’est pas non plus sans rappeler le ballet final de Tous en Scène dans sa construction. L’ensemble est plaisant et réussi. Les Girls est l’une des dernières grandes comédies musicales de la MGM.
Note : 3 étoiles

Acteurs: Gene Kelly, Mitzi Gaynor, Kay Kendall, Taina Elg, Jacques Bergerac, Patrick Macnee
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Remarque :
* Le scénario est basé sur une nouvelle de Vera Caspary, auteur de Laura. L’historien et critique de cinéma Jacques Lourcelles nous fait pertinemment remarquer qu’elle est spécialiste des histoires basées sur des trios : Chaînes conjugales (Letter to three wives) de Mankiewicz, Three Husbands d’Irving Reis et La femme au Gardénia de Fritz Lang…
* Le film a fait connaître Kay Kendall à Hollywood. L’actrice (d’origine anglaise) a été alors décrite comme « l’importation anglaise la plus pétillante depuis le Schweppes ». Kay Kendall a ensuite tourné avec Minelli (The reluctant debutante) puis avec Stanley Donen. Talentueuse, elle aurait certainement fait une belle carrière si elle n’avait pas été emportée deux ans plus tard par une leucémie.

25 avril 2011

L’esclave libre (1957) de Raoul Walsh

Titre original : « Band of Angels »

L'esclave libreLui :
Fille d’un grand propriétaire du Kentucky, la jeune Amantha Starr passe une enfance sans histoire et fréquente les meilleures écoles. Lorsque son père meurt subitement, peu avant le début de la Guerre de Sécession, elle apprend que sa mère, qu’elle n’a jamais connue, était en réalité une esclave noire ce qui fait d’elle aussi une esclave. Elle est emmenée de force à La Nouvelle Orléans pour être vendue aux enchères afin de couvrir les dettes de son père. Hamish Bond, un riche planteur, se porte tout de suite acquéreur… L’esclave libre (Band of Angels) est l’adaptation d’un roman de Robert Penn Warren. C’est un grand film romanesque de la fin de carrière de Raoul Walsh. Au-delà de l’histoire d’amour, ou plus exactement, L'esclave libre imbriqués dans cette histoire d’amour, se retrouvent plusieurs thèmes sur la traite des noirs, l’importance du passé, les rapports entre blancs et noirs ; ces thèmes sont abordés sous de multiples facettes, de façon assez subtile. Raoul Walsh a le talent d’éviter tout excès de pathos et toute lourdeur. Il filme même cette histoire de façon assez délicate avec de beaux et lents mouvements de caméra. L’esclave libre a été injustement maltraité par la critique à sa sortie (1). Le film fut un échec commercial. Etait-il trop subtil ?
Note : 4 étoiles

Acteurs: Clark Gable, Yvonne De Carlo, Sidney Poitier, Andrea King, Rex Reason, Patric Knowles
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Remarques :
(1) Band of Angels a dès le début été rapproché ou comparé à Autant en emporte le vent. Il s’est trouvé affublé du surnom peu avantageux de « l’ombre d’Autant en emporte le vent » (« ghost of Gone with the Wind ») ; ce surnom fut certes l’occasion de faire un mot d’esprit pour ceux qui l’ont colporté mais la comparaison est totalement inappropriée : hormis la période qui est la même et la présence de Clark Gable, il n’y a guère de points communs, les propos sont totalement différents.

14 avril 2011

Association criminelle (1955) de Joseph H. Lewis

Titre original : « The big combo »

The big comboLui :
Un policier obstiné enquête depuis de nombreux mois sur un homme à la tête d’une organisation criminelle. Alors qu’il est pressé par son supérieur de lâcher l’affaire, une nouvelle piste s’ouvre enfin à lui… Association criminelle est un film noir assez méconnu et pourtant il ne manque pas d’attraits. Tout d’abord par son ambiance très forte, donnée en grande partie par une superbe photographie noir et blanc signée John Alton : un jeu superbe sur les ombres et sur le champ de vision (1). Ensuite par les rapports entre ses personnages, ambigus, complexes avec toujours une forte notion de dépendance : rapport entre le policier et la maitresse du truand, entre le policier et une danseuse qu’il fréquente, entre le truand et son second, entre les deux tueurs (une homosexualité qui flirte avec les limites de la censure de l’époque). Joseph H. Lewis dépeint le monde du crime organisé, un monde inquiétant, malsain, violent. Association criminelle est un film noir de fort belle facture qui a heureusement pu être redécouvert, 50 ans après sa sortie, grâce à une sortie en DVD sous son titre original The Big Combo.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Cornel Wilde, Richard Conte, Brian Donlevy, Jean Wallace, Robert Middleton, Lee Van Cleef, Helen Walker
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Remarques :
(1) John Alton est l’un des directeurs de la photographie les plus talentueux d’Hollywood. On lui doit cette phrase : « L’important n’est pas ce que vous éclairez mais plutôt ce que vous n’éclairez pas »

24 mars 2011

Le déjeuner sur l’herbe (1959) de Jean Renoir

Le déjeuner sur l'herbeLui :
Un éminent biologiste développe une théorie pour faire adopter l’insémination artificielle afin de faire progresser la race humaine. Nénette, déçue de l’amour après une expérience malheureuse, désire se porter volontaire. La jeune fille descend de son mas isolé de Provence alors que le guindé scientifique organise un déjeuner sur l’herbe pour officialiser ses fiançailles avec sa cousine… Parfois jugé réactionnaire quand il est sorti en 1959, le film de Jean Renoir prend une nouvelle résonnance aujourd’hui : il s’agit d’une fable assez poétique qui fustige le développement scientifique aveugle et prône le rapprochement à la nature. Avec le recul, le film peut paraître étonnamment visionnaire sur certains points. Le déjeuner sur l'herbe d'Edouard Manet Le titre est bien entendu une référence au tableau homonyme de Manet qui mêle, tout comme le film, nature, sexualité et intellectualisme. L’influence ou hommage à l’impressionnisme est d’ailleurs présente dans le film sous plusieurs formes, ne serait-ce que par cette glorification de la nature que son père, Auguste Renoir, a si souvent peinte (1). Catherine Rouvel peut aussi évoquer certains modèles du peintre. Le déjeuner sur l’herbe est un film plein de fraîcheur et de simplicité, avec une certaine naïveté attachante. Les personnages sont admirablement typés, volontairement avec excès pour certains. Paul Meurisse excelle dans ce style de personnage guindé, pompeux et maniéré ; le film regorge de seconds rôles hauts en couleur. Constamment, de petits détails relance l’humour, la satire. Le Déjeuner sur l’herbe est un film qu’il faut regarder avec un certain abandon pour se laisser gagner par sa grande fraîcheur.
Note : 4 étoiles

Acteurs: Paul Meurisse, Catherine Rouvel, Fernand Sardou
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Remarques :
(1) Le film a été tourné dans la propriété familiale des Renoir, « Les Collettes » à Cagnes-sur-Mer, où Auguste Renoir a vécu les vingt dernières années de sa vie. Jean Renoir était alors enfant.
Si les images sont remarquables, Jean Renoir a été probablement handicapé par le nouveau procédé qu’il testait, celui de filmer avec plusieurs caméras (de 3 à 8). Si ce système permettait effectivement de jouer des scènes avec une certaine continuité, évitant les interruptions et les reprises pour changer de plan, il était trop contraignant sur le placement des caméras car il fallait éviter que chacune ne soit dans le champ des autres. Il avait utilisé ce même procédé sur Le testament du Docteur Cordelier.
* Le berger à la flute est une figuration provençale du dieu Pan, le dieu de la nature et de la fécondité. Il peut être vu comme une façon pour Renoir de se représenter lui-même.