12 septembre 2012

La prisonnière du désert (1956) de John Ford

Titre original : « The searchers »

La prisonnière du désertAu Texas en 1868, Ethan revient chez son frère qui vit à la limite du désert. Lors d’une attaque indienne, le frère et sa femme sont tués et leurs filles enlevées. Ethan part à leur recherche avec le jeune Martin… Adapté d’un roman d’Alan Le May, La prisonnière du désert (The Searchers) est l’un des plus beaux westerns qui soient, probablement le plus beau. Cette longue quête est aussi une quête personnelle ; Ethan et Martin sont des personnages que tout oppose. Ethan est un solitaire, qui vit en marge de la société et qui est aveuglé par sa haine et sa soif de vengeance. Martin est plus humain, avec la maladresse de la jeunesse mais une volonté inébranlable et une soif de vie. La prisonnière du désert John Ford approche de la perfection. La maitrise technique est manifeste et la photographie, les mouvements de caméra, les cadrages sont absolument superbes. La scène d’ouverture en est le plus bel exemple. Par son contenu, sa mise en scène, sa beauté graphique, La prisonnière du désert est une pure merveille.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: John Wayne, Jeffrey Hunter, Vera Miles, Ward Bond, Natalie Wood, Henry Brandon, Harry Carey Jr., Antonio Moreno
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.

Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Un petit reportage sur le tournage de The Searchers a été tourné et diffusé à la télévision au moment de la sortie du film. C’est ainsi l’un des premiers films à avoir bénéficié d’un making-of.

La prisonnière du désert de John Ford
« Ethan ? »
Le célèbre plan d’ouverture de La Prisonnière du désert de John Ford.

16 mai 2012

La piste des géants (1930) de Raoul Walsh

Titre original : « The Big Trail »

La piste des géantsDes rives du Mississippi, un convoi de plus de cent chariots de pionniers part vers l’ouest, espérant atteindre les plaines verdoyantes de l’Oregon. Il est dirigé par le rustre Red Flack que le jeune Breck Coleman soupçonne d’avoir tué son ami. Il accepte d’être engagé comme éclaireur… Alors que le cinéma parlant n’a que deux ans, la Fox décide de frapper un grand coup avec un western de grande envergure. Winfield R. Sheehan donne des moyens considérables (1) à Raoul Walsh pour réaliser La piste des géants, presque entièrement tourné en extérieurs (les scènes parlantes furent tournées en très grande partie en studio, en plusieurs langues). Tourné simultanément en 35mm et en 70mm (2), le film frappe par l’ampleur et le réalisme de ses scènes. L’accent n’est pas tant sur les personnages que sur l’odyssée de ce groupe de pionniers qui écrit l’Histoire. Les scènes d’action sont superbes, la plus célèbre d’entre elle, la descente d’une falaise à pic (3), n’a même jamais été refaite depuis (ce qui est tout de même incroyable à propos d’un film datant de 1930). La piste des géantsPour le rôle principal du jeune éclaireur épris de justice, Raoul Walsh a découvert un jeune accessoiriste. Sheehan et Walsh lui trouve même un nom : ce sera John Wayne. Alors que tous les éléments semblaient réunis pour faire un grand succès, La piste des géants n’en eut aucun à l’époque (aussi étonnant que cela puisse paraître) : ce fut un désastre financier pour la Fox et John Wayne devra attendre près de 10 ans pour devenir une star.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: John Wayne, Marguerite Churchill, Tyrone Power Sr., Ian Keith, Charles Stevens
Voir la fiche du film et la filmographie de Raoul Walsh sur le site IMDB.
Voir les autres films de Raoul Walsh chroniqués sur ce blog…

(1) 20.000 figurants, 1.800 bestiaux, 1.400 chevaux, 500 bisons, 725 indiens appartenant à 5 tribus, 185 chariots, une équipe de production de 200 personnes dont 22 cameramen ; l’équipe a voyagé 4.300 miles pendant 5 mois à travers 7 états : Arizona, Californie, Wyoming, Idaho, Montana, Utah et Oregon avec 12 guides indiens.

(2) La version 70mm utilisait un procédé baptisé « Grandeur 70 mm » qui fut rapidement abandonné à cause du coût pour équiper les salles des projections. En 1986, la version 70 mm a été restaurée et transformée en version Cinemascope. On peut la trouver aujourd’hui facilement en DVD (une version en zone 1 comporte les deux versions sur 2 disques). En plus du champ élargi, la version 70mm a une profondeur de champ bien plus grande qui dévoile des détails dans l’arrière plan. En revanche, toujours du fait de la différence de focale, les gros plans sont moins efficaces et plus limités.
Lire une interview très intéressante du directeur de la photographie 70 mm Arthur Edeson (en anglais)…
Seulement 3 films ont été tournés avec le système 70mm « Grandeur ». The Big Trail est le seul qui ait survécu : Fox Movietone Follies of 1929 de David Butler est totalement perdu et Happy Days de Benjamin Stoloff (1929) n’a survécu que dans sa version 35mm.

(3) Raoul Walsh raconte dans ses mémoires que la scène de la falaise n’était pas prévue au scénario. Le hasard aurait fait que l’équipe se soit trouvée au bord d’une haute falaise et Raoul Walsh aurait alors sauté sur l’occasion pour rajouter une scène d’action à son film qui en manquait, selon lui. La corde qui se rompt et le chariot qui se brise aurait été un accident de tournage.

13 février 2012

Rio Grande (1950) de John Ford

Rio GrandeAu lendemain de la Guerre de Sécession, le lieutenant-colonel Kirby Yorke commande un fort tout près du fleuve Rio Grande. Régulièrement, ils essuient des raids des indiens qui vont ensuite se réfugier au-delà de la frontière mexicaine. Un jour, parmi les nouvelles recrues, se trouve son jeune fils qu’il n’a pas vu depuis 15 ans. Peu après, sa mère arrive pour le rechercher… Rio Grande est le troisième film de la fameuse trilogie de John Ford sur la cavalerie (1). C’est aussi le moins fort des trois. Le réalisateur montre ici certains de ses sentiments ou même croyances. Tout le film est basé sur un antagonisme que l’on retrouve souvent dans ses films : la famille contre l’armée, le cœur contre le devoir. Cet antagonisme prolonge celui Nord/Sud, tout aussi récurrent chez John Ford. S’il fait preuve de sensibilité et de limpidité, il n’échappe pas à certains excès sentimentalistes. Il expose aussi ses convictions religieuses comme dans cette scène très symbolique où les soldats retranchés dans une église tirent pour ses défendre à travers une ouverture en forme de croix. Pour la seconde fois, John Ford fait jouer quelques superbes morceaux par le groupe Sons of the Pioneers (2). Si Rio Grande paraît moins fort que les deux autres films sur la cavalerie, il comporte néanmoins plusieurs très belles scènes.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: John Wayne, Maureen O’Hara, Ben Johnson, Harry Carey Jr., Victor McLaglen
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

(1) Trilogie sur la cavalerie par John Ford :
Le Massacre de Fort Apache (Fort Apache) (1948)
La Charge Héroïque (She wore a yellow ribbon) (1949)
Rio Grande (1951)

(2) Sons of the Pioneers est un groupe de musique, très populaire à partir du milieu des années trente, spécialisé dans la musique western que l’on peut aussi appeler « les chansons de cowboys ». L’un des membres a pris le nom de Roy Rogers et tourné sous ce nom une bonne centaine de films de cowboy. Le morceau le plus célèbre de Sons of the Pioneers est probablement Tumbling Tumbleweeds, morceau qui a eu récemment une nouvelle notoriété avec le film des Frères Coen The Big Lebowski. Le groupe est toujours actif aujourd’hui! John Ford les avaient déjà utilisés dans Wagon Master (1950) mais sans les montrer à l’écran comme ici.

9 août 2011

L’homme tranquille (1952) de John Ford

Titre original : « The Quiet Man »

L'homme tranquilleAu retour dans son village natal en Irlande, un américain tombe amoureux de la sœur de son plus grand ennemi… John Ford se penche avec humour et bienveillance sur les traditions irlandaises, avec leurs codes sociaux et leurs pesanteurs. Il y a beaucoup d’humanité et de chaleur dans son film. Ceci dit, L’homme tranquille n’est pas à recommander aux féministes car, même en considérant tout l’humour et la caricature que John Ford a placé dans son film, on ne peut pas dire que l’image de la femme en sorte vraiment grandie… (1) On peut aussi ne pas adhérer pleinement à sa façon de prôner l’acceptation des pires règles sociales pour parvenir à l’intégration. Mais, comme on le sait, le charme des films de John Ford ne réside pas vraiment dans l’idéologie qu’ils véhiculent… et, du charme, L’homme tranquille en a : une construction parfaite, un déroulement limpide, un bel équilibre entre humour et drame, de superbes images et beaucoup, beaucoup de chaleur. Le réalisateur mit de nombreuses années pour trouver un financement pour L’homme tranquille, une histoire jugée trop simple par les producteurs. Le film connut un très grand succès.
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Wayne, Maureen O’Hara, Barry Fitzgerald, Ward Bond, Victor McLaglen
Voir la fiche du film et la filmographie de John Ford sur le site IMDB.
Voir les autres films de John Ford chroniqués sur ce blog…

(1) Sur ce point, L’homme tranquille a souvent été comparé à La Mégère Apprivoisée, même si le propos est assez différent.

Remarques :
* Le monteur Jack Murray a déclaré n’avoir pratiquement rien eu à faire : John Ford avait tourné le film déjà monté, aucun plan ni aucune image n’avait besoin d’être enlevé.
* Anecdote : La phrase que Maureen O’Hara murmure à l’oreille de John Wayne dans le tout dernier plan et qui nous vaut une authentique expression de surprise de celui-ci, n’a jamais été connue. L’actrice n’a accepté de la dire qu’à la condition expresse qu’elle ne soit jamais divulguée…

17 juillet 2011

Les écumeurs (1942) de Ray Enright

Titre original : « The Spoilers »

Les écumeursLui :
Dans l’Alaska du tout début du XXe siècle, de prétendus agents du gouvernement spolient les chercheurs d’or de leur mine… La version de 1942 de Les écumeurs avec Marlène Dietrich et John Wayne est l’adaptation la plus célèbre du roman de Rex Beach. Il a été porté cinq fois à l’écran et on ne sera donc pas étonné que l’histoire soit solide. Nous sommes à la période charnière où la Loi ne s’est pas encore imposée alors que les richesses potentielles attisent les convoitises. Les écumeurs Cette version met en avant Marlène Dietrich qui, malgré des coiffures un  peu… excessives, fait montre de beaucoup de charme et surtout de présence. Elle incarne merveilleusement ce type de femme qui, sous une apparence à la limite de la vulgarité, fait preuve d’une grande force de caractère, de noblesse et de beaucoup de cœur. Dès qu’elle apparaît, on n’a d’yeux que pour elle… Face à Marlene, John Wayne paraît bien falot, son déficit de présence à l’écran est patent. Il est également visible qu’il ne se passe rien entre les deux acteurs. En grand spécialiste du western, Ray Enright recrée parfaitement l’atmosphère si particulière de cette époque. Les écumeurs Avec quelques scènes en début de film (dont un très beau plan du train qui traverse les rues boueuses de la ville), il dresse le cadre général de cette époque sans loi. La bagarre finale entre les deux protagonistes est l’une des plus célèbres du cinéma. Débutant dans une chambre au premier étage du saloon, elle se termine dans la rue après avoir dévasté une grande partie du rez-de-chaussée…
Note : 3 étoiles

Acteurs: Marlene Dietrich, Randolph Scott, John Wayne, Margaret Lindsay, Harry Carey, Richard Barthelmess
Voir la fiche du film et la filmographie de Ray Enright sur le site IMDB.

Remarques :
* Les écumeurs est la dernière apparition à l’écran de Richard Barthelmess, ancienne grand star du muet et ancien flirt de Marlene qui l’a fait engager.
* William Farnum joue ici le rôle du juge. Il interprétait le rôle de Roy Glenister (tenu ici par John Wayne) dans la version de 1914.
* Marlene Dietrich est célèbre pour ses aventures multiples et notamment pour avoir eu une liaison avec tous ses partenaires masculins. Tous ?… non, pas John Wayne qui n’a jamais succombé malgré tous les efforts déployés par l’actrice pendant les trois films qu’ils firent ensemble. Marlene Dietrich en est restée furieuse après lui et a inventé tout un tas d’histoires sur son compte.
Commentaire (ultérieur) de l’intéressé : « Je n’ai jamais aimé faire partie d’une écurie… »
Commentaire (ultérieur) de l’intéressée : « Les cowboys… ces grands échalas comme Cooper et Wayne, ils sont tous pareils… Tout ce qu’ils savent faire c’est faire cliqueter leurs éperons, marmonner  » ‘Jour, m’dame » et se taper leurs chevaux ! »

Adaptations du roman de Rex Beach :
The Spoilers (1914) de Colin Campbell avec William Farnum et Kathlyn Williams. Ce film de 110 minutes fait partie des tous premiers longs métrages américains (lire une critique sur le site Ann Harding’s Treasures)
The Spoilers (1923) de Lambert Hillyer avec Milton Sills (film perdu)
The Spoilers (1930) de Edward Carewe avec Gary Cooper
Les écumeurs (The Spoilers) de Ray Enright (1942) avec Marlene Dietrich et John Wayne
Les forbans (The Spoilers) de Jesse Hibbs (1955) avec Anne Baxter et Jeff Chandler

23 juin 2011

Rio Bravo (1959) de Howard Hawks

Rio BravoDans une petite bourgade du Texas appelée Rio Bravo, le shérif John T. Chance arrête pour meurtre le frère de Nathan Burdette, le plus gros propriétaire de la région. Ce dernier est bien décidé à le tirer de là. Pour protéger la prison, le shérif a pour aide son adjoint Dude, alcoolique qui tente d’arrêter de boire, et Stumpy, âgé et boiteux… Western mythique, Rio Bravo montre un équilibre remarquable entre une histoire assez simple mais qui se déroule solidement et une belle étude de caractères ; plus exactement, ce sont les relations entre les personnages et le groupe qui semblent l’objet principal : Rio Bravo la rédemption de Dude, le refus d’être mis à l’écart pour Stumpy, la socialisation du shérif Chance. Chacun refuse de se laisser enfermer dans un schéma. Howard Hawks parvient à créer une relation très particulière, pleine d’attentes et de sous-entendus, entre le shérif et la jeune Feathers, sans doute aidé par le fait que John Wayne était assez mal à l’aise face au charme et à l’extrême sensualité d’Angie Dickinson, beaucoup plus jeune que lui. Ce jeu de séduction, tout comme les nombreuses touches d’humour, contribue à cet équilibre quasi parfait. Rio Bravo connut un grand succès, très étalé dans le temps et la présence du jeune rocker Ricky Nelson lui permit de toucher un public encore plus large. C’est un film que l’on peut revoir régulièrement avec toujours le même intérêt.
Elle: 5 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: John Wayne, Dean Martin, Ricky Nelson, Angie Dickinson, Walter Brennan, Ward Bond
Voir la fiche du film et la filmographie de Howard Hawks sur le site IMDB.

Voir les autres films de Howard Hawks chroniqués sur ce blog…

Rio Bravo

Remarques :
* Rio Bravo est souvent présenté comme l’inverse de High noon (Le train sifflera dans trois fois) qu’Howard Hawks et John Wayne n’appréciaient guère (pour diverses raisons dont, on peut le penser, le contenu trop libéral). Dans High Noon, le shérif cherche partout de l’aide sans la trouver, dans Rio Bravo le shérif refuse l’aide qu’on lui propose pensant qu’il peut tenir seul la situation.
Rio Bravo * Bien que son nom figure au générique en bonne place, Harry Carey Jr. n’apparaît pas dans le film. Après une mésentente dans les tous  premiers jours de tournage, Howard Hawks a en effet décidé de se passer de lui tout en honorant son contrat (salaire et mention au générique).
* On peut être étonné par l’importance réduite du personnage de Colorado. Cela s’explique par le fait qu’Howard Hawks ne croyait guère en Ricky Nelson qu’il jugeait bien trop frêle et trop jeune (il avait 18 ans). Il a donc réduit son rôle.
* Howard Hawks tournera quelques années plus tard une variation de la même histoire : El Dorado avec John Wayne, Robert Mitchum et James Caan.

Lire une présentation/analyse plus complète sur DVDclassik

Rio Bravo