10 janvier 2023

Gloria Bell (2018) de Sebastián Lelio

Gloria BellLa cinquantaine frémissante, Gloria est une femme farouchement indépendante. Tout en étant seule, elle s’étourdit, la nuit, dans les dancings pour célibataires de Los Angeles, en quête de rencontres de passage. Jusqu’au jour où elle croise la route d’Arnold…
Gloria Bell est un film dramatique américano-chilien écrit et réalisé par Sebastián Lelio. Il s’agit d’un remake du film chilien Gloria du même réalisateur, sorti en 2013. Ne l’ayant pas vu, je ne saurais dire s’il nécessitait un remake mais les déclarations du cinéaste laissent à penser que c’est surtout l’opportunité de tourner avec Julianne Moore qui l’a attiré dans ce projet. L’actrice est de tous les plans (ce n’est pas une formule, je n’arrive pas à me souvenir d’un seul plan, même court, sans elle) et elle fait corps avec son personnage. Julianne Moore s’acquitte aisément, mais sans la brillance attendue, de ce tour de force mais le problème est plutôt du côté du scénario qui manque de profondeur. Le récit paraît étiré et ne présente rien de nouveau après la première moitié du film. La musique est insupportable (à nos oreilles, du moins, le réalisateur dit aimer tous les morceaux). L’ensemble est décevant.
Elle: 2 étoiles
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Julianne Moore, John Turturro
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Gloria BellJohn Turturro et Julianne Moore dans Gloria Bell de Sebastián Lelio.

22 novembre 2021

Exodus: Gods and Kings (2014) de Ridley Scott

Exodus: Gods and KingsDans l’Égypte antique, deux princes, Ramsès et Moïse, sont élevés comme des frères. Tandis que Ramsès devient pharaon d’Égypte, Moïse apprend son appartenance au peuple hébreu, réduit en esclavage depuis plusieurs siècles…
Après avoir dépoussiéré le péplum romain avec Gladiator en 2000, Ridley Scott s’attaque au péplum biblique. Exodus: Gods and Kings est presque un remake du film Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille (1923 et 1956). Comparé à ce dernier, les images sont bien entendu un peu plus spectaculaires : le nombre moindre de figurants est largement compensé par l’utilisation des images de synthèse qui rend les scènes de foule plus vastes encore. L’ordinateur fait aussi des merveilles pour créer des images exceptionnelles dans les survols de la ville égyptienne de Memphis et dans la représentation des dix plaies d’Egypte. L’histoire se concentre sur la lutte entre Ramsès et Moïse et préfère faire l’impasse sur les suites de l’exode (Moïse est un prophète commun à plusieurs religions, les récits divergeant après l’exode). Le choix probablement le plus discutable a été de faire apparaître Dieu à Moïse sous la forme d’un garçon de dix ans (qui ne manque pas de paraître capricieux quand il est en colère). Le film a été très mal reçu par la critique qui l’a même parfois ridiculisé. En outre, il a suscité diverses polémiques. Personnellement, comme tout péplum, je pense qu’il faut le voir avant tout comme un beau et grand spectacle.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Christian Bale, Joel Edgerton, John Turturro, Ben Mendelsohn, María Valverde, Sigourney Weaver, Ben Kingsley, Golshifteh Farahani
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 Exodus: Gods and KingsChristian Bale (Moïse) dans Exodus: Gods and Kings de Ridley Scott.

 Exodus: Gods and KingsGolshifteh Farahani (Nefertari) et Joel Edgerton (Ramsès II) dans Exodus: Gods and Kings de Ridley Scott.

Remarque :
* L’existence d’un esclavage en Égypte antique fait l’objet de débats parmi les égyptologues, aussi bien dans sa définition que dans son application. Les spécialistes s’accordent pour dire que l’esclavage, tel qu’il se pratiqua dans la Grèce antique, n’a pas existé en Égypte avant la période ptolémaïque (soit à partir de 323 av. J.C., un millénaire après Ramsès II), même si des formes de servitude ont pu exister. (Extrait de Wikipédia)

 Exodus: Gods and KingsExodus: Gods and Kings de Ridley Scott.

19 janvier 2020

Mia madre (2015) de Nanni Moretti

Mia madreMargherita est une réalisatrice en plein tournage d’un film politiquement engagé et dont le rôle principal est tenu par un acteur américain. Elle doit aussi faire face à ses problèmes personnels : elle se sépare de son compagnon, s’inquiète pour sa fille adolescente aux mauvais résultats scolaires en latin et, surtout, doit s’occuper de sa mère très affaiblie et actuellement à l’hôpital…
Nous y sommes habitués : les films de Nanni Moretti sont le plus souvent partiellement autobiographiques ou, au moins, reflètent ses propres angoisses. Mia madre évoque le décès de la mère du cinéaste, survenu en 2010 lors du tournage d’Habemus Papam. Cette fois, il ne tient pas le rôle principal mais s’est réservé le rôle du frère, un personnage bizarrement lisse et parfait sous tout rapport. C’est un film étonnamment plat, et même irritant (personnages et situations typées, flashbacks poussifs, scènes de rêves lourdement symboliques), très en deçà de ce que l’on attend du réalisateur. Nous sommes par exemple très loin de La Chambre du fils qui traitait également de l’absence. Cette fois, il ne parvient à créer la moindre émotion. Mon avis semble toutefois être minoritaire puisque la critique a été unanime pour louanger le film.
Elle:
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Margherita Buy, John Turturro, Giulia Lazzarini, Nanni Moretti
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Remarque :
* L’instruction si mystérieuse que la réalisatrice dans le film donne à ses acteurs, « Je veux voir l’acteur à côté du personnage », est bien celle que Nanni Moretti a toujours donné à ses acteurs… A ce propos, il a précisé : « Je ne sais pas si les acteurs la comprennent, mais à la fin, j’arrive à obtenir ce que j’avais en tête ».

Mia madreNanni Moretti, Giulia Lazzarini et Margherita Buy dans Mia madre de Nanni Moretti.

2 septembre 2019

Do the Right Thing (1989) de Spike Lee

Do the Right ThingC’est un jour de canicule à Brooklyn. Mookie (Spike Lee) est livreur dans une pizzeria tenue depuis 25 ans par un italo-américain et ses deux fils. Le quartier est très majoritairement habité par des afro-américains…
Après le succès commercial de Nola Darling n’en fait qu’à sa tête et de School Daze, Spike Lee a pu bénéficier d’un budget confortable pour écrire et réaliser Do the Right Thing. Son film dresse le portrait de son propre quartier de New York ; il met en relief tous les motifs de tensions raciales ou identitaires qui rendent la situation explosive. Ses personnages sont hauts en couleur, pittoresques, amusants parfois mais le fond de son propos tend à montrer que la cohabitation des communautés est impossible, la moindre étincelle pouvant tout embraser. Il n’épargne d’ailleurs pas sa propre communauté puisqu’il nous montre la haine des noirs envers les coréens ou les latinos sans même chercher à la justifier. Le réalisateur est assez ambigu à propos de la violence, à l’image de ses deux citations de fin (de Martin Luther King et de Malcom X) qui se contredisent l’une l’autre. Sur le plan cinématographique, Spike Lee montre un grand talent dans les cadrages et la photographie (à noter qu’il a fait repeindre toute la rue où il a filmé), et aussi dans le montage qui est très énergique et même percutant. Bien entendu, le film a été controversé à sa sortie, certains y voyant une incitation à la violence mais Do the Right Thing a acquis avec le temps des qualités presque documentaires. Il reste en tous cas le film le plus emblématique du réalisateur dont le propos s’est radicalisé par la suite.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Danny Aiello, Ossie Davis, Ruby Dee, Richard Edson, Giancarlo Esposito, John Turturro, Samuel L. Jackson
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Do the Right ThingSpike Lee et Danny Aiello dans Do the Right Thing de Spike Lee.

Do the Right ThingOssie Davis (au centre) dans Do the Right Thing de Spike Lee.

Do the Right ThingRichard Edson, John Turturro et Spike Lee dans Do the Right Thing de Spike Lee.

Do the Right ThingSamuel L. Jackson dans Do the Right Thing (film qui le fera découvrir) de Spike Lee.

17 juillet 2015

The Big Lebowski (1998) de Joel Coen et Ethan Coen

The Big LebowskiJeff Lebowski, qui se fait appeler The Dude ( = « Le mec »)(1), passe le plus clair de son temps à flemmasser, fumer des joints et jouer au bowling avec ses deux copains. Un soir en rentrant chez lui, il est tabassé par deux malfrats qui veulent récupérer une forte somme d’argent due par sa femme. Jeff n’est pas marié. Il est évident qu’il y a erreur sur la personne. Effectivement, Jeff a un homonyme, un millionnaire surnommé The Big Lebowski auquel il va rendre visite : il espère ainsi obtenir un dédommagement pour son tapis sur lequel l’un des malfrats a uriné… Dans la filmographie des frères Coen, The Big Lebowski vient juste après Fargo. Il en reprend un peu l’esprit mais va beaucoup plus loin dans l’humour et la loufoquerie. L’histoire rebondit sans cesse, chaque situation en entraîne une autre, encore plus ubuesque que la précédente. L’humour est omniprésent et il ne fléchit jamais ; les dialogues sont savoureux. A sa sortie, The Big Lebowski n’a pas vraiment conquis le public mais, peu à peu, il est devenu extrêmement populaire et même adulé. On peut penser que le personnage de sympathique loser (figure récurrente chez les Coen) fédère plus dans le monde des années 2010 que quinze ans auparavant. Jeff Bridges et John Goodman sont particulièrement remarquables.
Elle: 3 étoiles
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore, Steve Buscemi, Philip Seymour Hoffman, John Turturro
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The Big Lebowski
Jeff Bridges, Steve Buscemi et John Goodman dans The Big Lebowski des Frères Coen.

Remarques :
* Dans l’une des versions modifiées pour la télévision américaine, la phrase « This is what happens when you fuck a stranger in the ass! » aurait été changée en « This is what happens when you find a stranger in the Alps! »
Si cette anecdote (lue sur IMDB) est vraie (ce dont je doute un peu), je me demande comment ils ont fait pour les 291 autres utilisations du F-word (comme disent les américains) : 3 fois par minute en moyenne, on n’est pas loin des Affranchis de Scorsese!

* Le personnage de Walter (joué par John Goodman) serait inspiré de John Milius, scénariste et réalisateur (de Conan le Barbare notamment) assez réactionnaire, fana des armes et de tout ce qui est militaire, et que les Coen connaissent bien !

* Clin d’oeil à Fargo : Steve Buscemi qui était un véritable moulin à paroles dans Fargo ne peut en placer une car John Goodman n’arrête pas de lui dire « La ferme ! » dès qu’il commence à ouvrir la bouche.

(1) On aurait envie de dire à celui qui a traduit (pour la V.F.) « The Dude » par « Le Duc » qu’il n’a vraiment rien compris au film… Comme il l’explique lui-même, Jeff Lebowski n’aime pas son nom car il le trouve trop distingué, trop particulier. Il veut se fondre dans la masse. Il ne va donc pas se faire appeler « Le Duc ». En fait, il s’est choisi un surnom le plus anonyme possible : « le mec ».  Et c’est là un point assez essentiel de son caractère.

10 juillet 2015

Barton Fink (1991) de Joel Coen et Ethan Coen

Barton Fink1941. Suite au succès de sa dernière pièce à Broadway, le jeune dramaturge Barton Fink reçoit une proposition de contrat bien rémunéré pour venir écrire à Hollywood. Il accepte et on lui assigne l’écriture d’un film sur le catch avec Wallace Beery. Dans sa chambre d’hôtel, en panne d’inspiration, il fait connaissance avec son voisin… Ecrit et dirigé par les frères Coen, Barton Fink est un film assez complexe ouvert à diverses interprétations, les deux frères laissant (ou semblant laisser) de nombreux points en suspens. Le sujet peut paraître un peu narcissique puisqu’il porte sur les affres de l’écriture : fort d’un succès, Barton Fink est courtisé, on le presse d’écrire sur commande. Il est écartelé entre son idéalisme et les demandes assez primaires de ses employeurs. Il est lui-même pétri de contradictions : il voudrait écrire une histoire d’homme simple pour l’homme simple mais se ferme au monde qui l’entoure qu’il préfère ne pas voir. La symbolique est surabondante dans ce récit où les objets tiennent une bonne place. On peut certainement reprocher ce petit côté « exercice de style » qui transforme presque leur récit en jeu de piste… John Turturro est magnifique, il semble habité par son personnage.
Elle: 2 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: John Turturro, John Goodman, Judy Davis, Tony Shalhoub
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Bazrton Fink
John Turturro dans Barton Fink des frères Coen.

Barton Fink
John Goodman dans Barton Fink des frères Coen.

Remarques :
* Si les deux frères ont bien écrit le scénario de Barton Fink alors qu’ils étaient en panne sur l’écriture de Miller’s Crossing, ils écartent toutefois toute ressemblance avec leur cas personnel car leur parcours a été, disent-ils, bien plus facile.

* Le personnage de Barton Fink est basé sur Clifford Odets qui fut l’un des membres du Group Theatre de New York qui se fondent sur les techniques d’interprétation de Constantin Stanislavski, développées ensuite par Lee Strasberg sous le terme la Méthode (« Method Acting », méthode reprise par l’Actors Studio). Clifford Odets a bien été à Hollywood comme scénariste mais, de l’aveu même des frères Coen, il n’était pas fermé au monde extérieur. Après quelques collaborations sur des films assez mineurs, il a écrit et réalisé None But the Lonely Heart (1944) avec Cary Grant et Ethel Barrymore.

* Le personnage de l’alcoolique W.P. Mayhew est basé sur William Faulkner dont le premier contrat à Hollywood fut de travailler sur le scénario de Flesh (Une femme survient) avec Wallace Beery, l’un des très rares films sur le catch. Précisons toutefois que Faulkner n’était pas paralysé par son alcoolisme comme l’est le personnage du film.

* Le personnage du producteur est un amalgame : il a la vulgarité d’Harry Cohn ou de Samuel Goldwyn, mais l’anecdote du costume militaire est directement inspirée de Jack Warner.

* Barton Fink a reçu la Palme d’or à Cannes. Le jury était présidé par Roman Polanski qui aurait pu signer le film…