18 juin 2021

Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020) de Emmanuel Mouret

Les choses qu'on dit, les choses qu'on faitMaxime rend visite à son cousin François à la campagne, mais celui-ci a dû s’absenter et c’est sa compagne, Daphné, enceinte de trois mois, qui l’accueille. Pendant quatre jours, Maxime et Daphné font connaissance en se racontant leurs récentes histoires amoureuses aux multiples rebondissements…
Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait est le dixième long métrage d’Emmanuel Mouret. Une fois de plus, il s’agit d’une « histoire de sentiments » pour reprendre l’expression qu’il met dans la bouche de son personnage principal, expression qu’il préfère aux réductrices « histoires d’amour ». Son scénario est joliment écrit, décrivant avec beaucoup de délicatesse les liaisons qui se font et se défont. Le film cherche à illustrer une thèse du philosophe René Girard sur le caractère mimétique du désir (1), concept qui, il faut bien l’avouer, n’est pas facile à appréhender rapidement et les quelques extraits habilement insérés dans deux ou trois scènes restent un peu obscurs sans que toutefois cela soit gênant. Par beaucoup de points, notamment la direction d’acteurs, Emmanuel Mouret se situe dans la lignée d’Eric Rohmer ou encore d’Alain Resnais. Son cinéma montre plus que jamais une indéniable maturité. A noter, une très belle utilisation de la musique.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne, Émilie Dequenne, Jenna Thiam, Guillaume Gouix, Julia Piaton, Louis-Do de Lencquesaing
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(1) Professeur de littérature à la fin des années cinquante, René Girard (1923-2015) a conçu cette thèse à partir de l’étude des personnages créés par les écrivains. Le philosophe décrit « le caractère mimétique du désir » dans son premier livre, Mensonge romantique et vérité romanesque (1961).
Selon Girard, tout désir est l’imitation du désir d’un autre. Loin d’être autonome (c’est l’illusion romantique), notre désir est toujours suscité par le désir qu’un autre – le modèle – a d’un objet quelconque. Le sujet désirant attribue un prestige particulier au modèle : l’autonomie métaphysique ; il croit que le modèle désire par lui-même. Le rapport n’est pas direct entre le sujet et l’objet : il y a toujours un triangle. À travers l’objet, c’est le modèle, que Girard appelle médiateur, qui attire ; c’est l’être du modèle qui est recherché. (Merci Wikipédia)
Le philosophe a ensuite étendu son analyse au sacré et à la violence collective.

Les choses qu'on dit, les choses qu'on faitJulia Piaton, Niels Schneider et Jenna Thiam dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait de Emmanuel Mouret.

26 avril 2020

Pas son genre (2014) de Lucas Belvaux

Pas son genreClément, spécialiste de la philosophie allemande, est nommé comme professeur dans un lycée à Arras. Il considère cette mutation comme un purgatoire hors de son quartier parisien des universités. Redevenu célibataire après avoir refusé de s’investir dans sa précédente relation, il décide de flirter avec Jennifer, employée dans un salon de coiffure…
Pas son genre est adapté d’un roman de Philippe Vilain. L’amour contrarié par un fossé existant entre deux personnes est un thème récurrent dans le cinéma, mais le plus souvent ces différences sont économiques. Lorsque le fossé est culturel, le sujet devient beaucoup plus délicat à traiter. Lucas Belvaux a su trouver la bonne approche. Alors que le roman était écrit à la première personne, et donc n’offrant que la vision de l’un des deux, le cinéaste rétablit l’équilibre. Il fait même la part belle à la jeune coiffeuse qui, certes, est fan de karaoké et de Jennifer Aniston mais est aussi simple et pleine de vie. De son côté, Clément a des centres d’intérêt plus évolués mais les sentiments n’ont que peu d’emprise sur lui. Il ne se soucie guère des différences culturelles car il ne croit pas au couple. Lucas Belvaux a su donner une certaine profondeur à l’ensemble et éviter les jugements hâtifs. Il s’appuie sur un beau duo d’acteurs : Emilie Dequenne montre beaucoup de présence mais aussi de nuances dans son jeu ; Loïc Corbery, de la Comédie-Française, ici dans son premier grand rôle au cinéma, a toujours le ton juste.
Elle: 4 étoiles
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Émilie Dequenne, Loïc Corbery
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Pas son genreÉmilie Dequenne et Loïc Corbery dans Pas son genre de Lucas Belvaux.

Pas son genreLoïc Corbery et Émilie Dequenne dans Pas son genre de Lucas Belvaux.

21 avril 2019

Maman a tort (2016) de Marc Fitoussi

Maman a tortAnouk passe son stage d’observation de troisième dans la société d’assurance où travaille sa mère. Elle se retrouve cantonnée dans des tâches indélicates mais cela ne va pas l’empêcher de découvrir un monde de compromissions…
Marc Fitoussi a écrit et réalisé Maman a tort, une comédie empreinte d’une réflexion plus sérieuse. C’est avant tout un regard sur le monde du travail à travers les yeux plein de candeur d’une adolescente de treize ans, une façon de mettre en relief les petites mesquineries, celles qui pourrissent les rapports entre les personnes, et surtout les compromissions où nos actes peuvent s’opposer à notre éthique. Marc Fitoussi appuie fort sur ce point, prenant par facilité une cible consensuelle (les assurances et les banques) pour montrer que la course aux objectifs peut mener à la fraude.  Le film est aussi une réflexion sur la transmission : quelle image du monde du travail allons-nous montrer à nos enfants ? Même s’il n’évite pas certains clichés, Marc Fitoussi réussit une bonne symbiose entre réflexion et comédie.
Elle:
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Jeanne Jestin, Émilie Dequenne, Sabrina Ouazani, Jean-François Cayrey, Grégoire Ludig
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Maman a tort
Jeanne Jestin et Émilie Dequenne dans Maman a tort de Marc Fitoussi.

Remarque :
Maman a tort est également le titre d’une mini-série avec Anne Charrier et Pascal Elbé, diffusée sur France 2 en 2018, sans aucun lien avec ce film.

11 février 2019

Au revoir là-haut (2017) de Albert Dupontel

Au revoir là-hautDans les derniers jours de la Première Guerre mondiale, Albert, modeste comptable, a la vie sauve grâce à l’intervention d’un autre soldat, gravement blessé à la mâchoire dans l’opération. Lorsque celui-ci lui annonce qu’il ne veut pas retourner dans sa richissime famille, il l’aide à changer d’identité et reste avec lui…
Au revoir là-haut est l’adaptation du roman de Pierre Lemaitre, prix Goncourt et best-seller en librairies. Albert Dupontel en a repris le style coloré mais de façon outrancière. La mise en scène est extravagante et tonitruante ; finalement, elle est étouffante. Derrière tout ce déballage assez racoleur, l’histoire passe bien entendu au second plan : c’est avant tout un spectacle qui s’appuie sur une atmosphère rétro-fantastique, volontairement un peu dérangeante,  à la manière de Caro et Jeunet. Notre avis est toutefois minoritaire puisque le film connut un grand succès auprès du public et d’une partie de la critique.
Elle: pas d'étoile
Lui : 2 étoiles

Acteurs: Albert Dupontel, Laurent Lafitte, Nahuel Pérez Biscayart, Niels Arestrup, Émilie Dequenne, Mélanie Thierry
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Au revoir là-haut
Albert Dupontel, Héloïse Balster et Nahuel Pérez Biscayart dans Au revoir là-haut de Albert Dupontel.

11 avril 2014

Möbius (2013) de Eric Rochant

MöbiusAlice réalise brillamment placements et autres montages financiers pour le compte d’une banque monégasque. Elle est approchée par une petite équipe russe qui désire la recruter pour obtenir des renseignements sur un oligarque russe… Eric Rochant est un cinéaste qui tourne bien trop peu. Vingt ans après Les Patriotes, il revient au film d’espionnage avec ce Möbius de fort belle facture dont il a écrit lui-même le scénario. Le scénario est bien ficelé, complexe juste ce qu’il faut, utilisant bien le climat actuel de luttes intestines dans les sphères du pouvoir russe et la mise à l’écart des oligarques sous Poutine. Son histoire est assez prenante. Evitant ainsi maniérisme et mimétisme, Eric Rochant fait montre ici d’une approche assez personnelle dans un genre très codifié : Möbius n’a pas cet aspect lisse des films calibrés et c’est très bien ainsi. Au chapitre des défauts : la gestion des langues n’est pas optimale, les américains par exemple sont affreusement doublés ce qui décrédibilise franchement certaines scènes.
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Jean Dujardin, Cécile De France, Tim Roth, Émilie Dequenne
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29 décembre 2013

À perdre la raison (2012) de Joachim Lafosse

À perdre la raisonA perdre la raison s’inspire d’un fait divers particulièrement tragique survenu en Belgique en 2007, un quadruple infanticide commis par une jeune mère de famille. Joachim Lafosse a pris le parti de nous dévoiler l’issue de ce drame dès les premières minutes, tout le film étant ensuite un flashback. La mise en place est alors assez longue malgré de très grandes ellipses. Il nous fait ensuite suivre la lente descente de cette jeune femme sans excès de sentimentaliste, nous dévoilant plus un faisceau d’indices, de petits éléments qui pris isolément peuvent être considérés inoffensifs et anodins mais qui, ensemble, vont conduire à une issue tragique. Toutefois, il ne parvient pas à fournir réellement d’explication, se refugiant derrière la « perte de raison ». Son film est toutefois assez remarquable par sa façon de montrer comment une tragédie peut avoir été engendrée par ce qui lui est normalement antinomique : la douceur, la sécurité, l’empathie. Sur ce point, le personnage du docteur/père/protecteur tenu par Niels Arestrup est remarquablement bien écrit, avec beaucoup de finesse. Le réalisateur belge fait donc, une fois de plus, preuve d’une grande sensibilité.
Elle: 3 étoiles
Lui : 3 étoiles

Acteurs: Niels Arestrup, Tahar Rahim, Émilie Dequenne
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