18 mai 2012

Casque d’or (1952) de Jacques Becker

Casque d'orAu tout début du XXe siècle à Belleville, Marie, une jeune prostituée surnommée Casque d’or à cause de sa chevelure blonde, est avec Roland, un petit malfrat qui fait ses mauvais coups au sein d’une bande dirigée par un petit caïd respectable. Dans une guinguette, Marie rencontre Manda, un ancien voyou devenu honnête. Entre eux, c’est le coup de foudre… Jacques Becker recrée merveilleusement l’atmosphère des faubourgs de Paris des années 1900. Il s’attache surtout à décrire les hommes, les lieux qu’ils fréquentent (où la bonne bourgeoisie vient parfois s’encanailler), la force de l’appartenance à un clan. Simone Signoret et Serge Reggiani sont magnifiques, d’une beauté empreinte de naturel. Leur prestation est d’une grande force. Tous les seconds rôles sont parfaitement tenus, Jacques Becker montrant là une très grande maitrise. Il y a de très belles scènes : la guinguette, le combat et bien entendu ce superbe plan final sur le visage de Simone Signoret. A sa sortie, Casque d’or fut très mal accueilli par la critique française (en Angleterre, il fut en revanche porté aux nues). Devant cet insuccès, Jacques Becker déclara même qu’il trouvait que son film avait trop de temps morts. Les choses ont bien changé depuis puisqu’il est aujourd’hui classé parmi les meilleurs films du cinéma français. A juste titre.
Elle:
Lui : 5 étoiles

Acteurs: Simone Signoret, Serge Reggiani, Claude Dauphin, Raymond Bussières, Loleh Bellon, Dominique Davray
Voir la fiche du film et la filmographie de Jacques Becker sur le site IMDB.
Voir les autres films de Jacques Becker chroniqués sur ce blog…

Remarque :
Le film est librement inspiré d’une affaire réelle datant de janvier 1902 : deux bandes rivales s’affrontent en une véritable bataille rangée dans le 20e arrondissement de Paris. L’objet de la querelle est une prostituée, Amélie Elie surnommée Casque d’or en raison de son abondante chevelure blonde ramenée sur le sommet de la tête. L’affaire est montée en épingle par la presse et c’est à cette occasion qu’un journaliste du Petit Journal crée le mot « apache » pour désigner les voyous qui agissent en bande : « Ce sont là des mœurs d’Apaches, du Far West, indignes de notre civilisation. Pendant une demi-heure, en plein Paris, en plein après-midi, deux bandes rivales se sont battues pour une fille des fortifs, une blonde au haut chignon, coiffée à la chien ! »
(« Fortifs » est un mot familier, tombé aujourd’hui en désuétude, qui désigne les fortifications qui ont entouré Paris jusqu’en 1919.)

15 décembre 2011

L’enfer d’Henri-Georges Clouzot (2009) de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea

L'enfer d'Henri-Georges ClouzotCe documentaire produit par Serge Bromberg raconte le tournage difficile de L’enfer, film inachevé d’Henri-Georges Clouzot. En 1964, le réalisateur de Quai des Orfèvres obtient des moyens quasi-illimités pour réaliser un film très personnel dont il a écrit lui-même le scénario : l’histoire d’un homme marié à une femme resplendissante et qui développe une jalousie pathologique jusqu’à la névrose. Henri-Georges Clouzot désire y introduire des images nouvelles, expérimentales (1) : ce seront les visions hallucinatoires du mari, scènes imaginaires en couleurs (alors que la réalité est en noir et blanc) modifiées par des effets visuels audacieux. L'enfer d'Henri-Georges Clouzot Le lieu est unique : un hôtel au bord d’un lac encaissé et surplombé par un viaduc pour voie ferrée (2). Intelligemment, le documentaire de Serge Bromberg évite tout les aspects superficiels et se concentre sur la démarche du réalisateur, il nous plonge dans les tourments de la création : acculé par un envahissant désir de perfection, Clouzot ne pourra achever le film, le tournage étant interrompu par un accident cardiaque. Il est bien entendu impossible d’imaginer ce qu’ait pu être le film au final, on a notamment l’impression que les hallucinations du mari auraient tenu une très grande place, mais une chose est sûre, Romy Schneider y aurait été merveilleuse : L'enfer d'Henri-Georges Clouzot éblouissante, pleine de vie, elle illumine toutes les scènes où elle apparaît. Même avec les lèvres bleues (3), son sourire nous fait fondre… Le film de Serge Bromberg a le mérite de laisser une trace de ce film inachevé dont il ne restait jusqu’à présent que 185 boîtes de films soit 13 heures de rushes (la bande son est perdue).
Elle:
Lui : 4 étoiles

Acteurs: Romy Schneider, Serge Reggiani, Dany Carrel, Bérénice Bejo, Jacques Gamblin
Voir la fiche du film et la filmographie de Henri-Georges Clouzot sur le site IMDB.
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(1) Le documentaire n’en parle que très peu mais Henri-Georges Clouzot était à cette époque fortement critiqué par la Nouvelle Vague. Ce désir d’explorer des voies expérimentales était certainement aussi une réaction à ces critiques. Et ce besoin de faire taire ses détracteurs a probablement aiguillonné son désir de recherche de la perfection, désir qui a toujours été très fort chez Clouzot.

L'enfer d'Henri-Georges Clouzot(2) C’est le Viaduc de Garabit dans le Massif Central, environ 10 kms au sud de Saint-Flour. On peut d’ailleurs apercevoir l’hôtel depuis l’Aire de Garabit sur l’A75.
Autre vue : Vue depuis le pont (D909) où court Serge Reggiani (Google street)

(3) Les lèvres des actrices étaient bleues dans les scènes hallucinatoires pour permettre l’application d’un effet couleur sur l’image (le bleu devenant rouge, permettant ainsi de teinter le lac en rouge). Cela évoque les techniques du cinéma muet où le rouge passant très mal en noir en blanc avec les pellicules de l’époque, toutes les actrices jouaient avec un rouge à lèvres noir.

Remake :
L’Enfer de Claude Chabrol (1994)